La porte s'ouvre avec une hésitation manifeste, Hermione franchit le seuil de la maison Weasley, suivie de près par ses pensées tumultueuses. À peine le temps de poser un pied sur le paillasson qu'un cri retentit, perçant l'air comme un éclair de feu.
« Mme Snape ! » La voix de Ron, à la fois choquée et un tantinet trop forte, résonne dans le vestibule.
« Par Merlin ! Tu es au courant aussi ? » Hermione laisse échapper un murmure las, tout en refermant doucement la porte derrière elle, une lueur de résignation dans les yeux.
« On ne peut pas passer à côté d'une telle nouvelle, mes félicitations ! » L'étreinte de Harry vient comme un baume, mais aussi comme un rappel de la nouvelle qui semble avoir dépassé les murs de Poudlard.
« J'ai mal à la tête, les garçons, si vous pouviez éviter de crier, ce serait sympa.
— D'ACCORD HERMIGNONNE ! » Hurle la voix de George, qui descend l'escalier.
« POURQUOI TU AS MAL À LA TÊTE HERMIGNONNE ? » Ron poursuit, incapable de résister à l'occasion de la taquiner.
Cernée par un essaim de Weasley bruyants, Hermione, son manteau à demi retiré par Harry, se demande ce qui l'a poussée à quitter la sécurité de son appartement ou à ne pas opter pour la tranquillité chez ses parents. Elle n'a jamais été aussi sûre de rien.
Heureusement, la providence prend parfois la forme d'épouses autoritaires et efficaces, capables de canaliser cette énergie chaotique vers le salon en un clin d'œil. Dix minutes plus tard, après avoir avalé une potion contre les maux de tête, Hermione trouve refuge dans la cuisine de Padma et Ron. Ici, au moins, elle est à l'abri des exclamations et des théories abracadabrantes des hommes, préférant se perdre dans l'observation du chardonnay dansant dans son verre plutôt que de participer aux discussions sur le Quidditch. Elle ne veut pas d'alcool mais elle n'a pas envie d'avouer qu'elle s'est mise une caisse hier alors elle va faire semblant.
Puis, comme pour compléter le tableau, Pénélope fait son entrée, coupant court au débat actuel : la retraite de Krum, pour devenir entraîneur des Busards de Heidelberg.
« Mesdames, Hermivrogne. » Sa salutation, teintée d'un humour sec, pique Hermione juste là où ça fait mal, mais d'une manière étrangement appréciable, pour l'instant.
« Hermivrogne ? J'aime bien. Ça sort d'où ? » demande Angelina, appuyée sur le comptoir à côté de l'évier.
« De la bouche de Ruby, tu te doutes bien. Il paraîtrait, très chère collègue, » Pénélope prend une pause dans sa phrase pour embrasser la maîtresse de maison perchée sur son tabouret, puis se retourne vers Hermione, « que vous n'êtes pas rentrée très sobre hier ? Me trompe-je ? » Le sourire complice de Pénélope, bien que légèrement moqueur, ne manque pas de faire briller ses yeux bleus.
Hermione reste muette, l'air entre deux eaux. Pénélope, dans ses bons jours, elle apprécie. Mais aujourd'hui, son talent pour foutre le bazar pèse lourd.
« Eh bien ! On est passé de la semaine dernière des verrues de James à aujourd'hui Hermione qui s'envoie en l'air avec Snape et qui carbure à l'alcool. C'est quoi le prochain épisode ? » Ginny lance ça en fourrant des poulets dans le four, l'air de rien.
Hermione souffle, mi-amusée mi-agaçée, grogne. « Prochaine fois, je fais sauter la baraque Weasley, et avec moi dedans. » C'est censé être une blague, mais ça sonne à moitié vrai. Les mots s'effilochent dans l'air alors que son verre de vin trouve sa fin dans l'évier, symbole de ses espoirs dilués.
« Juste parce que t'es sobre depuis ce matin, ça te donne pas le droit de gâcher mon vin. Dès que ce petit est né, » Padma tapote son ventre, « je file me siffler un saké au jap à volonté !
— Du lait maternel aromatisé au saké ? C'est la nouvelle tendance à Soho ? » Ginny, les mains pleines de farine, se marre.
Dans sa tête, Hermione regrette de ne pas être restée au lit. La journée s'annonce aussi longue que les sermons de McGonagall sur le port de jeans pour faire cours.
Les dieux, qu'ils soient de sorciers ou de Moldus, toutes ces petites croyances et superstitions de Grande-Bretagne et du Commonwealth, Hermione les a tous remerciés en son for intérieur. Miracle, à part les blagues incessantes sur sa relation imaginaire avec Severus, personne n'avait sérieusement tenté de creuser le sujet. Demander aux Weasley de stopper ces plaisanteries ? Mission impossible. Mais finalement, elle se sentait presque reconnaissante pour leur retenue. Sauf que, non, rétractation totale de sa gratitude. C'était trop calme pour être honnête. C'était même louche. En fait Hermione retire tout ce qu'elle a dit sur les dieux sorciers ou moldues, toutes les petites divinités croyances, ou autre superstition de Grande-Bretagne et du Commonwealth. C'était beaucoup trop louche pour que ça sente bon cette histoire.
Le déjeuné avait dérivé en apres midi : entre les récits de George et Ron sur les coulisses chaotiques de leur boutique, le blabla incessant de Percy sur son bureau, sans oublier les "c'est confidentiel" de Harry, invoqués quatorze fois, pour éluder toute question sur le bureau des Aurors.
Ginny et Padma avaient entamé une conférence sur la maternité, tandis que James, avec son tigre en plastique, et Albus, versant quelques larmes dans son berceau, ponctuaient les conversations.
Et puis, Pénélope avait dû remettre une pièce dans la machine : « Bon, maintenant qu'on a passé en revue la semaine, Hermione, tu peux nous éclairer sur cette histoire avec Maureen et Tsippora ? »
Hermione avait soupiré, feignant l'indifférence. « Je serais ravie, vraiment, mais Tsippora, c'est qui est-ce ?
— La Serpentard qui a raccompagné Maureen à l'infirmerie mardi, celle qui vous a entendus parler.
— Génial, chaque jour son lot de surprises.
— Allez, raconte !
— Pas question. Mais comment se fait-il que tout Poudlard soit au courant et pas moi ?
— Tu ne connais même pas tes élèves.
— Ils sont en deuxième année, je n'ai aucune obligation de les connaître. J'enseigne l'arithmancie, j'aurai bien le temps de m'intéresser à eux plus tard. Et fais-moi penser à les coller dès le premier cours.
— C'est noté. »
Harry avait tenté de dévier le sujet, offrant une échappatoire à Hermione qui le remerciait du regard, même s'il semblait ne pas capter ses signaux de détresse. Maudit, soit le rhume de Ted qui empêchait Remus de les rejoindre. Ç'aurait été beaucoup plus calme avec Remus en plus.
Dans les appartements de Remus, à Poudlard, le chaleureux chaos règne en maître, confortable mais bordélique. L'heure du thé, sacrée, retentit. Sauf que le thé, c'est comme les morpions, ça se partage. Ted, dans son lit, frissonne de fièvre, boudant le thé. Le gamin tire ça de sa mère, préférant le chocolat chaud. Remus, lui, c'est le chocolat qu'il vénère, mais le chaud ? Trop doux, trop sucré. Il aime l'amertume du chocolat noir.
En parlant de truc amer et tout noir, Severus arrive pile à l'heure.
Remus lance, un brin de provocation dans la voix, curieux comme un chat près d'un bol de crème. « Alors, Severus, tu vas enfin me dire ? J'ai été patient, je n'ai même pas abordé le sujet hier soir, mais tu ne vas tout de même pas me faire languir plus longtemps. Allez, raconte ! »
Severus, dramatique comme toujours, soupire comme s'il portait le poids du monde. « Le projet a été approuvé, mais je reste prudent. Attendons de voir comment les choses évoluent une fois présenté au Magenmagot.
— Ah, tu es déterminé à ne pas aborder le sujet, n'est-ce pas ? » Remus ne peut s'empêcher de le taquiner, un sourire espiègle aux lèvres.
Severus, un peu piqué, lance, « Je pourrais te parler de Biggins, cet abruti qui distribue des pots-de-vin à tout-va pour empêcher le passage de la loi les interdisant. Mais si c'est un expert en critiques que tu cherches, Hermione est ta meilleure candidate pour le concours 'Insultons Biggins'.
— Et le HMS Victory, tu as vu ? Incroyable qu'ils aient enfin retrouvé l'épave avant-hier, tu ne trouves pas ?
— Oui, j'ai vu ça. Si elle est restaurée, j'irai la voir. J'ai rêvé de sa maquette pendant des années, enfant.
— Elle doit être complètement rongée et infestée de vers... Espérons qu'ils la restaurent.
— Avec la crise actuelle, je doute qu'ils aient les moyens de restaurer une épave de 1744...
— On pourrait monter une mission commando secrète pour la restaurer nous-mêmes. » Remus, les yeux brillants d'une malice juvénile, propose l'idée avec un sérieux de façade.
— Ou on pourrait simplement observer les Moldus se débattre avec leur crise économique pendant que nous, nous nous contentons de compter nos Gallions d'or. Les regarder courir en rond comme des poulets sans tête parce qu'ils ont encore fait une bourde, voilà qui est divertissant.
— Ok, Lucius. Et parlons de surprises... Tu as entendu parler de la dernière rumeur à ton sujet ? » Remus, un sourire malicieux aux lèvres, semble presque impatient de voir la réaction de Severus.
Severus, maître de l'indifférence, lève un sourcil. « Les rumeurs, si je devais y prêter attention, je serais vampire jusqu'à 3 heures du matin, puis Batman de 3 à 7, je serais un moine ou un dueliste du XIXe au moment de m'habiller, le Père Fouettard, voir même Scrooge durant mes cours. J'avoue que Scrooge a ma préférence – après tout, au moins il a une rédemption. Et puis, c'est du Dickens.
Remus éclate de rire. « Ah, l'histoire du vampire... une rumeur immortelle lancée par Sirius et James, rien de moins ! Quant à Scrooge, je plaide coupable. Je l'utilise parfois quand les étudiants se plaignent de tes méthodes... disons... Scroogesque ? »
Severus, avec un soupçon de sarcasme mais une pointe d'orgueil, rétorque, « Eh bien, au moins, c'est du Dickens. »
Elle saisit la première opportunité qui se présente : son filleul qui doit aller se coucher. Elle aurait dit plus tôt si ça avait été son choix, mais malheureusement, c'est Ginny et Harry qui le couchent à 20 heures. Par un élan de gratitude, elle suit Harry dans l'escalier, James se débattant dans ses bras. Ceux de Harry, merci Merlin, pas les siens.
Oh, il ne faut pas se tromper. Elle adore les enfants. Elle adore James aussi. Mais pas quand il se met à hurler à 20 heures parce qu'il ne veut pas aller se coucher, car les Looney Tunes sont encore à la télé. Trois ans et déjà scotché à la télé, Hermione trouve ça moyen. Elle a eu une petite enfance dorée, ses parents étant dentiste en cabinet privé. Ils avaient du temps pour s'occuper d'elle, et sinon elle était avec une nounou. Ils n'avaient même pas de télé. En fait, ce qui gêne vraiment Hermione, c'est que sans les Looney Tunes, James serait peut-être couché à 19 heures, et donc elle aurait pu s'échapper à 19 heures. Mais bon, elle aime James, et parfois les Looney Tunes sont plus matures que Georges et Ron réunis. Et puis elle n'a pas envie de donner des leçons, surtout à Ginny, qui a hérité de la moitié des gènes de Molly Weasley.
« Ce ne serait pas plus simple si vous rentriez chez vous plutôt que de rester dans la chambre d'amis, dans un lit parapluie ?» demande Hermione en ouvrant la porte à Harry.
« Bof, non. Je crois que Ginny veut rester encore un peu, et le problème c'est que si on ne le couche pas maintenant, il sera insupportable demain. Donc, il vaut mieux ça que autre chose. Au pire, il se réveillera légèrement pendant le transplanage tout à l'heure.»
En regardant Harry essayer de calmer James, Hermione ne peut s'empêcher de penser à l'ironie de la situation. C'est comme si les gosses avaient un radar pour les moments les moins opportuns. À peine James commence à sombrer dans le sommeil, pouce en bouche et furet en peluche serré dans l'autre main, qu'Albus, dans le lit juste à côté, décide que c'est le moment parfait pour se réveiller. Franchement, ils pourraient pas mieux se synchroniser s'ils essayaient.
Hermione contemple James, avec un mélange d'affection et d'admiration. Il est mignon, avec ses joues rondes et cette moue boudeuse qu'il doit sûrement tenir de Charlie. Elle est convaincue que ce gamin va faire tourner toutes les têtes, avec son petit air de ne pas y toucher. Elle le regarde s'endormir, un tableau paisible, tandis qu'à côté, Harry entame une sorte de ballet nocturne avec Albus, espérant le rendormir.
C'est presque comique de voir Harry, l'homme qui a vaincu le plus grand mage noir de leur époque, se dandiner dans une danse du sommeil improvisée. Genoux pliant à droite, puis à gauche, bras balançant dans une coordination opposée, comme s'il essayait de charmer le sommeil lui-même pour qu'il vienne bercer son fils. Hermione a du mal à concilier l'image de cet homme, le héros de leur monde, avec celui qui, des années auparavant, ne pouvait pas décoller son regard de Cho Chang, aujourd'hui simple secrétaire au bureau des admissions à Sainte-Mangouste, et mariée à Cormac McLaggen, le pot de colle personnifié.
La scène devant elle est touchante, presque surréaliste. Hermione se dit que si quelqu'un avait prédit cette image il y a dix ans – Harry Potter, dansant maladroitement dans la pénombre pour endormir ses enfants – personne ne l'aurait cru. Même pas lui qui croyait mourir. Et pourtant, ici et maintenant, c'est leur réalité. Un quotidien tissé de crachouillis, de bisous gluants, sans aucune nuit tranquille, de couches à changer, des Looney Tunes en boucle, et des tonnes de dessins de pirates. Au final, même les héros doivent s'initier à la danse compliquée d'être parent.
Harry profite du calme forcé pour lancer à Hermione, d'un ton mi-sérieux mi-joueur, « Bon, tant qu'on est coincés ici, sans grande audience, laisse-moi te sermonner, ma chère amie. »
Hermione, amusée par cette inversion des rôles, rétorque, « On marche sur la tête, là.
— Je t'aime, Hermione, et je respecterai toujours tes choix. Je sais que tu réfléchis toujours bien avant d'agir.
— Mais ?
— Snape, c'est pas Ron. Il a plus de capacité émotionnelle qu'une petite cuillère...
— Et encore ?
— Mais ça reste un homme. Même si votre... euh...
— Amitié, Harry. On est amis. Comme Ron et moi.
— Sauf que t'es été avec Ron pendant quatre ans et c'était assez flou, jusqu'à ce que, par chance, il se mette avec Padma.
— Mauvais exemple, je te l'accorde, mais...
— Pas de mais. C'est ambigu. Laisse-moi finir. L'amitié homme-femme, je sais que ça existe, blabla, tu m'as déjà fait le coup, mais on parle de Snape. Sa seule autre 'amie', c'était ma mère. Il a été accro à elle pendant vingt ans.
— Et il l'est probablement toujours. Et il a d'autres amies. » conclut Hermione, anticipant la fin de son argument.
« Snape, il est peut-être malheureux, mais il n'est pas aveugle. Et nous non plus, on n'est pas aveugles. Pour quelqu'un qui est censé être un maître legilimens, il sait pas trop cacher ses émotions.
—Tu parles comme s'il faisait des annonces publiques.
— Ok, je reformule. Pour quiconque a eu le 'plaisir' d'être en cours avec lui, surtout avec Ron, Neville ou Crabbe, on sait reconnaître son regard quand il est blasé, en colère ou dégoûté. Et clairement, ce n'est pas comme ça qu'il te regarde.
—Ah, parce que normalement, en tant qu'amie, je te regarde avec colère et dégoût, c'est ça ?
—La dernière fois que tu m'as regardé comme ça, c'était quand on t'a poussée dans l'étang chez George, y a deux mois. Mais bref. Albus commence à s'endormir là. » Harry, tout en caressant le dos d'Albus, lance, un brin malicieux, « Je peux me tromper, mais après tout, je suis l'Élu. » Hermione, exaspérée, lui donne un petit coup sur la tête. Il éclate de rire.
« Et ça te coûterait quoi de mettre les choses au clair ?
—Et pourquoi je ferais ça ? Ça n'a aucun sens. On est amis, il n'y a jamais rien eu de plus.
—Et vendredi dernier, tu as dormi où ? Pas celui-là, l'autre.
—Sur un canapé. » Harry la fixe, un sourire en coin. « Ok, son canapé, mais je me suis endormie, c'est tout.
—S'il avait été gentleman, il t'aurait laissé son lit.
—Quel goujat, vraiment. Laisse tomber. Je...
—Et Theo ?
—Quoi, Theodore ?
—C'était pas parce que tu pouvais pas t'engager, votre rupture ?
—Ça, et le fait qu'il trouvait stupide que je quitte le Ministère pour Poudlard, qu'il me trouvait pas assez ambitieuse, qu'il était jaloux, que la distance nous tuait... et je parle même pas des trucs intimes. Deux ans ensemble, c'est pas que du bon. J'aime bien Theo, mais notre rupture a rien à voir avec Severus. Lui non plus, d'ailleurs.
—Et n'oublions pas qu'il était carrément jaloux de Snape. » lance Harry, un brin moqueur.
« Il te l'a dit ? » Hermione, un sourcil levé, cherche confirmation.
Harry éclate de rire. « Vu les piques qu'ils s'envoyaient pendant deux ans et demi, pas besoin de mots. Et franchement, à part les détails superficiels comme être tous les deux de grands bruns Serpentard, potionnistes, avec un passé ambigu concernant les Mangemorts, ils n'ont rien en commun, n'est-ce pas ? »
Hermione, malgré elle, sourit. Elle doit admettre que la comparaison n'est pas dénuée de fondement.
« Ce que j'essaie de te dire, Hermione, c'est que même dans ton petit cœur de guerrière, celle qui aurait pu être Ministre de la Magie si elle avait supporté un peu plus longtemps de faire de la lèche à ce crétin de Biggins... Je dis ça en passant, bien sûr. Je sais que tu sauras quoi faire. Ne fais pas l'autruche. Première étape ?
— Prendre la fuite de cette chambre ? » tente Hermione, à demi-sérieuse.
— Non. Après, si tu veux. Mais la vraie première étape, c'est de réfléchir à ce que tu ressens vraiment pour Snape.
—Tu veux nous voir ensemble, c'est ça ? » Hermione ne peut s'empêcher de sourire à l'idée saugrenue.
« Oh, Ginny essaie de te caser avec n'importe qui depuis des lustres, et vu qu'elle me tient au courant, je finis par être impliqué malgré moi. Sois honnête avec toi-même, réfléchis à ce que tu ressens pour Snape. Ensuite, parle-lui. Comme ça, toi, moi et Ron, on pourra aller au parc avec les gosses, reformer le trio d'or.
— Avec un enfant de Severus ? » Hermione ne cache pas son amusement.
« Et pourquoi pas ? Entre un Sang-Pur, un Sang-Mêlé et une Née-Moldue, on a bien de tout. Alors finalement un enfant du bata…
— Ne termine pas cette phrase. »
Harry, vérifiant qu'Albus s'est enfin endormi, soupire de soulagement. « Cette crapule, je te jure, il pleure plus que Malfoy. »
Hermione, doucement, caresse la tête d'Albus, maintenant paisible.
La soirée s'est éternisée en prêches, bien vingt minutes, avant qu'elle ne réussisse à s'échapper, merci au ciel. Elle devait trouver qui avait concocté cette potion anti-douleur médiocre. Même sous l'effet de l'alcool, elle aurait fait mieux. Ginny aurait-elle osé lui refiler un placebo, ces trucs qu'ils réservent aux enfants ? Ginny, sceptique quant à l'idée de médicamenter les petits, pourrait bien en être capable. Mais pourquoi Hermione devrait-elle subir le même sort ? À moins que le fabricant de potions ne soit simplement incompétent. Après tout, l'erreur humaine est bien plus commune qu'un quelconque complot. Elle ne pensait pas que Ginny soit stupide, juste peut-être pas assez subtile pour un tel stratagème.
Traverser Poudlard a été un calvaire. Les pieds meurtris par ses talons, quelle idée catastrophique que de choisir cette paire. À croire qu'être la seule célibataire sans enfants justifie de se torturer ainsi, selon Ginny. "Tuer Ginny. Tuer tout le monde." L'irritation prend le dessus, alimentée par la douleur et la frustration. La prochaine fois, elle optera pour le confort, opinion de Ginny ou non.
À 21h, un dimanche soir, les couloirs des professeurs sont un tableau de silence et d'obscurité. Cette paix, elle pèse sur Hermione. Un calme trop prononcé, ça cache toujours quelque chose. D'habitude, ici, c'est le mouvement perpétuel.
Une fois dans son appartement, elle balance ses chaussures comme on balancerait les animaux pestiférés par-dessus les remparts d'un château ennemi : fort, loin, en espérant ne jamais les revoir. Elle troque ensuite sa tenue de guerre pour le confort : un vieux T-shirt de son père, immense, troué, mais tellement réconfortant.
Dans sa cuisine, c'est l'heure de la tisane. Hermione choisit avec soin ses herbes, chaque geste un pas vers la quiétude. Assise sur son canapé, en pyjama de fortune, elle savoure. La chaleur du breuvage la berce, promesse d'une nuit sereine. Enfin elle espère. Spoiler : mon cul, elle peut toujours rêver.
Elle avale d'abord une potion anti-douleur — une vraie cette fois, espérant l'efficacité. Puis, routine du soir : brossage de dents, nettoyage de la peau. Chaque mouvement nettoie symboliquement son karma, comme s'il était possible d'annuler toutes les insultes qu'elle a proférées envers l'humanité avec du démaquillant biphasé.
Dans son lit, Hermione s'attaque aux devoirs que Harry lui a filés plus tôt. Depuis quand c'est la prof qui fait des devoirs ? On marche sur la tête. Elle repasse en revue les derniers événements et bam, la migraine. Super, elle résiste aux potions maintenant ? Peut-être que Ginny avait un point avec son histoire de jus de chaussette.
Hermione, dans le noir de sa chambre, revit son week-end. Silence autour, mais dans sa tête, c'est l'anarchie. La semaine l'a vidée, et sans Severus, elle flotte dans le vide. D'habitude, leurs échanges après les cours lui servent de soupape, une façon de se délester des tracas quotidiens en râlant un peu sur les cornichons trop zélés. Sauf que là, Severus a été happé par son boulot au Magenmagot, la laissant en plan sans son partenaire de décompression habituel.
Le samedi aux Trois Balais a viré au fiasco. Voulant oublier dans quelques verres, elle a fini par s'emporter, se frottant à ses amis sur cette fichue rumeur. Le lendemain, mal de tête en bonus, mais c'est rien comparé à la tempête intérieure. Découvrir que les Weasley étaient aussi dans le coup, c'était la goutte de trop. Comment ses affaires ont-elles fini sur le grill ?
Chez les Weasley, elle cherchait du réconfort, se dire qu'au moins là, elle pouvait souffler un peu. Mais non, blagues et sous-entendus l'ont juste fait se sentir encore plus isolée, érodant sa résistance face à la rumeur. Elle voulait juste se marrer, relaxer, pas esquiver questions et insinuations sur elle et Severus.
Elle sentait les rênes lui échapper, un sentiment quasi inédit pour Hermione, accro au contrôle. Pour elle, régner sur son monde, ses émotions, c'est vital. Mais voilà, la rumeur, plus sauvage, plus rétive que ses grimoires, bouscule cet ordre. Sa logique, d'ordinaire si fiable, vacille face à la tempête de conjectures, à ce tumulte intérieur
Hermione se trouve à la croisée des chemins, déchirée entre l'urgence de clarifier les choses avec Severus et la peur des vagues que cela pourrait soulever. La précision, son alliée en arithmancie, lui fait défaut dans ce chaos sentimental.
Les mots de Harry résonnent, lourds de sens : « Réfléchis à ce que tu ressens pour Snape ». Venant de lui, ils pèsent double. Impossible de se voiler la face.
Leur relation, d'abord professionnelle, puis amicale, s'est tissée de surprises. Quitter le Ministère pour se plonger dans l'arithmancie a bouleversé son existence. Revenir à Poudlard a également modifié son rapport à Severus.
Au début, il la tenait à distance : une élève brillante, sans plus. Les vieilles moqueries sur ses dents ? Gravées dans sa mémoire. Pourtant, le temps a œuvré pour eux.
Un projet commun en arithmancie les a rapprochés, à travers débats et recherches. Peu à peu, un respect mutuel s'est épanoui. Severus s'est révélé, et Hermione a découvert en lui bien plus que le professeur sévère. Avec le temps, leur lien s'est renforcé. Les discussions du vendredi soir, les samedis aux Trois Balais. Mais est-ce que ça suffit à se croire amoureuse ? Le problème d'Hermione, c'est qu'elle rationalise tout. Les sentiments, ça ne se rationalise pas.
Elle se retourne dans son lit. Il est maintenant une heure du matin. Elle est foutue pour demain.
Elle prend conscience de l'ampleur de la merde dans lequel elle s'est fourrée. Une simple amitié, vraiment ? Les paroles de Harry l'ont plongée dans le doute. Ses sentiments pour Severus, seraient-ils plus qu'amicaux ? Leur entente, preuve d'un lien plus profond ?
Cette possibilité, à la fois électrisante et terrifiante, chamboule son univers. Peut-être que ce qu'elle éprouve pour Severus transcende l'amitié. Elle aime bien le mot transcende.
Leurs échanges, leurs regards échangés, portent-ils en eux une signification cachée ? Oui pauvre truffe. La question posée par Harry a planté une graine de doute.
La jalousie de Théodore sonne comme un réveil sans cloche, les critiques de Théodore sur le temps passé avec Severus, qu'elle balayait d'un "nous sommes juste collègues et amis", résonnent autrement maintenant, dans le silence de sa chambre. Aurait-il perçu ce qu'elle refusait de voir ? Que le monde entier voit, excepté elle ? Quand c'était Theodore qui lui parlait de ça, elle pensait qu'il parlait sous le coup de la colère. Mais et si la rumeur et Theo disaient vrai. Non pas qu'elle essayait d'avoir un enfant avec Sev. Ça, elle le saurait. Et si elle en parlait à Severus ?
L'idée de discuter de cette rumeur avec Severus lui noue l'estomac. Comment aborder une affaire aussi délicate avec celui qui est à la fois la source de son trouble et son refuge ? Hermione est quasi certaine que si elle lui en parle elle est foutue.
2h30.
Dans l'obscurité, face à sa solitude, Hermione saisit qu'elle ne peut plus ignorer la question de Harry. Ses sentiments pour Severus ne sont probablement pas aussi clairs qu'elle le pensait. Admettre cela signifie se rendre compte qu'elle est bien plus aveugle que ce qu'elle ne le pensait.
Elle est bien dans la merde. Comment affronter désormais le regard de Severus ?
