1er Janvier : Eclosion

Boya foudroya QingMing du regard parce que son collègue et ami était là. Par effet de bord, il était le seul à pouvoir subir et supporter son irritation sans se mettre à pleurer ou se jeter par terre pour demander pardon. Non, l'irritation de Boya amusait QingMing plus qu'autre chose.

Derrière eux, des disciples de leurs deux sectes osaient à peine respirer de les voir se bouffer le nez comme des gamins. Il y avait quelque chose de particulièrement effrayant autant que fascinant de voir les membres les plus puissants de leurs deux sectes s'opposer en permanence comme ils le faisaient. De l'extérieur, on aurait pu croire qu'ils se haïssaient et qu'ils allaient en venir aux mains. C'était ce qu'ils avaient tous cru les premiers jours. Maintenant… Maintenant il était évident que les deux hommes étaient non seulement frères d'arme mais plus encore. Chacun avait la vie de l'autre entre les mains, sans trembler et sans crainte. C'était à la fois exaltant et… D'accord, ils étaient tous jaloux. Ils auraient tous voulu avoir quelqu'un à qui faire à ce point confiance.

Le prêtre en blanc leva soudain une main. Immédiatement, celui en noir cessa de lui pester dessus comme une poule inquiète pour se concentrer automatiquement sur lui et sur ce qui avait fait se tendre le nordiste.

Les deux hommes n'avaient même pas besoin de parler pour communiquer. Depuis qu'ils avaient vaincu le Serpent ensemble, ils avaient de plus en plus été synchronisés dans leurs gestes autant que dans leurs paroles ou leurs pensées. Avec le temps, ils en étaient venu à ne même plus avoir besoin de lin'ger pour communiquer à distance.

"- Boya Shixiong ?" Les disciples de l'Est étaient bien plus bourrins que ceux du Nord. Ils n'hésitaient pas à secouer leur ainé pour savoir ce qui se passait.

"- QingMing l'a trouvé."

Les jeunes chasseurs échangèrent un regard entre eux. Comment un nordiste pouvait-il être meilleur chasseur qu'eux ? Ils étaient frustrés. Boya aurait dû l'être aussi. Il était juste fier de son ami.

Le groupe se remis lentement en chemin jusqu'à tomber sur un vieux temple à moitié effondré.

"- Il est à l'intérieur." La voix douce et chaude du nordiste aurait pu être condescendante. Elle était juste vaguement amusée.

Boya renifla, bien plus détendu qu'il ne l'était depuis le début de leur quête.

"- Tu es sûr que c'est vraiment lui ?" La question était plus pour les disciples qui les accompagnaient qu'autre chose.

"- Bien sûr. Je sens son odeur et je l'entends bouger."

Boya fronça les sourcils un instant avant de hocher la tête.

"- Je l'entends aussi." Ses cadets étaient de plus en plus frustrés. Eux n'entendaient rien du tout ! "concentrez votre qi sur vos oreilles."

Les jeunes disciples obéirent. Très vite, ils s'extasièrent sur ce qui leur parvenait.

"- Restez là."

"- mais… Si c'est dangereux !"

Mais les deux Maitres secouèrent la tête.

"- On vous appellera quand ce ne sera plus dangereux. Pour l'instant, le plus gros risque est de le faire fuir ailleurs." Expliqua Boya avant de rompre la discussion.

Les jeunes nordistes faillirent protester auprès de leur supérieur mais le sourire doux de QingMing était trop adamantin pour qu'ils s'y risquent vraiment. Le demi-sang avait toujours été moqué. Avec son retour dans le nord, il était maintenant craint.

Les deux hommes se faufilèrent dans le vieux temple.

"- Boya, attends !" Le chasseur claqua de la langue. Qu'est-ce que fichait son ami ? "Regarde ! Les décoration, les sculptures ! C'est un ancien temple de Zhuque !"

Boya ne put que hocher la tête.

Logique.

Ils s'enfoncèrent plus profondément dans ce qui restait du temple jusqu'à son saint des saints.

Alors que le reste du temple était en relatif bon état, juste abandonné en catastrophe probablement, la nef était, elle, ravagée. Quelqu'un avait arraché chaque tenture, chaque rideau, chaque tapis pour en faire un tas sur l'estrade devant la statue jetée au sol de Zhuque. Et sur le tas…

"- Seigneur Zhuque…."

Les deux prêtres se prosternèrent devant l'énorme créature. Ils avaient eu raison. Envers et contre tous, ils avaient eu raison. La nouvelle statue de Zhuque pour enfermer la créature divine avait volé en éclat au solstice d'été avant que sa présence ne la déserte totalement. Les quatre temples cardinaux avaient été convoqués pour pratiquer les rites nécessaires pour l'entraver à nouveau. Boya comme QingMing avaient dit et répété que Zhuque était partit et avait probablement repris sa liberté et son indépendance. Personne ne les écoutait. Personne ne voulait les écouter. Zhuque vraiment libre aurait été une catastrophe. A force de les entendre rabâcher la même chose, leurs ainés les avait envoyé à la chasse au dahu avec quelques disciples pour qu'ils quittent la capitale et cessent d'ennuyer tout le monde.
Mais les deux Chasseurs de Serpent avaient eu raison.

"- Vous…" La voix du dieu-gardien était amusée. "Vous m'avez retrouvé."

"- Nous sommes surtout les seuls à avoir cru à votre départ."

"- Approchez." Ordonna le dieu-gardien sans quitter son nid.

Les deux prêtres se relevèrent promptement. Zhuque s'écarta juste assez pour leur laisser voir ce qu'il faisait. Sous lui, une masse sombre luisante de chaleur fit reculer QingMing de deux pas.

"- Un œuf ?"

Le dieu-gardien était fier jusqu'au bout des plumes.

"- Mon œuf ! Il commence à éclore. Vous vous en occuperez."

"- Mais… mais on est pas des phénix ! Ni des piafs ! " Protesta Boya, scandalisé

"- Pour toi, c'est tout comme, Boya. Vous ferez de très bon parents pour mon petit." Ordonna Zhuque comme le plus infâme coucou de l'univers.

"- QUOI ?" Rugit Boya. Ca voulait dire quoi ça encore ?

"- Tu vois, tu croasses déjà." Se moquait encore Zhuque sans pitié ni respect.

Des craquements se firent entendre de sous le ventre de l'énorme oiseau de feu qui sauta du nid pour regarder avec révérence naitre son petit.

A l'extérieur, les disciples en avaient rapidement eut marre d'attendre qu'on leur donne l'autorisation de venir. Ils avaient suivi sur la pointe des pieds.

"- Waaaah, il est grand !"

Le phénix releva la tête vers les bébés disciples qui étaient bien trop fascinés par l'éclosion pour faire attention à l'irritation de Zhuque.

QingMing et Boya s'étaient rapprochés.
Penchés au-dessus du nid, ils comptaient machinalement les bouts de coquille qui tombait de l'œuf avant qu'une créature humide aux yeux énormes, très laide il fallait le reconnaitre avec ses moignons d'ailes tous nus ou presque, son cou trop long et sa tête disproportionnée, ne finisse par sortir d'un coup comme un diable de sa boite avec un "PI" outragé.

Zhuque roucoula pour son petit.

"- Il est si beau ! Boya Daren, sans vous, je n'aurais rien pu faire." Remercia Zhuque.

"- Pardon ?"

Le phénix séchait du bec sa progéniture qui ne tarda pas à faire gros poussin ébouriffé rouge et noir. Ses yeux étaient déjà ouverts et apprenaient le visage des deux humains autant que de Zhuque.

"- Oui, c'est ton fils."

"- PARDON ?" Boya était horrifié, QingMing jaloux comme un poux et Zhuque très fier de lui-même.

"- Forcement. A me donner ton sang et ton qi, il a bien fallu que j'en fasse quelque chose. Je n'allais pas les roter jusqu'à la prochaine attaque du Serpent sans dormir." C'était aussi pour ca qu'il n'était plus dans sa statue. Il avait bien trop d'énergie pour ca et pour les siècles à venir.

Le phénix finit de peigner les plumes de son fils avant de le pousser vers Boya qui récupéra le poussin au vol. La petite créature était déjà de la taille d'un enfant humain de six ans.

"- Occupe t'en bien, je repasserai à l'occasion !"

Zhuque s'envola sans plus attendre, laissant les deux hommes et leurs disciples qui consternés, qui amusés, qui horrifiés.

"- PI !"

"- Je crois qu'il a faim, Boya."

"- PIII !"

"- A peine dix minutes de vie et il a déjà ton caractère."

"- PIII-I-IIIIIII !"

"- Heureusement qu'il a tes yeux."

"- QingMing." Gronda Boya qui crispait gentiment.

"- Oui, monsieur le jeune papa ?"

"- La ferme."

"- Bien monsieur le jeune papa." Se marrait tant et plus le nordique.

Le rire du renard était sans pitié. Pourtant, QingMing passa un bras autour des épaules de son ami. Bien sûr qu'il l'aiderait à élever son poussin. Il n'aurait même pas besoin de demander.

Il ouvrit un portail pour eux tous pour sa Maison. Puisqu'on ne voulait pas d'eux à la capitale en ce moment, autant qu'ils prennent tous quelques vacances.

"- PIIIIIIIIII !"

"- Et on va nourrir le Dévorateur, là. Avant qu'il ne cherche à manger les disciples.

Les jeunes gens glapirent. He ! Pas de blague hein !