Stiles déposa son sac sur le lit de la chambre du fond avec un dégoût certain. Evidemment, il fallait que cela tombe sur lui, l'humain, l'hyperactif, l'allergique aux loups antipathiques.

- Dépêche-toi, on a des choses à faire ! Entendit-il depuis la pièce voisine.

Ben voyons, se dit-il en serrant la mâchoire. Et rien que pour l'emmerder, Stiles décida de prendre tout son temps. Pourquoi se presser ? Ils étaient arrivés tôt, pas la peine de s'affoler. On lui imposait leur présence : il ne fallait pas s'étonner de sa mauvaise humeur. Ce n'était pas que Stiles détestait Lahey et Whittemore, mais… Si, en fait, c'était exactement ça. Il les haïssait. C'était réciproque. En ce cas précis, ils étaient tous d'accord.

Mais Derek, qui était désormais leur alpha – longue histoire – n'avait rien voulu savoir : ils formeraient une équipe, et puis c'était tout. Avec lui, aucune contestation n'était possible. Il était gentil, adorable même, si l'on savait le brosser dans le sens du poil, ce que Stiles avait réussi à faire après des mois de pratique. Malheureusement pour lui, cette fois-là, il n'avait pas réussi à obtenir gain de cause. Ce qui était d'ailleurs dommage puisqu'il était certain que les deux loustics se seraient sentis redevables envers lui s'il avait convaincu leur alpha de ne pas les mettre ensemble. Honnêtement, l'hyperactif ne comprenait pas l'hypothétique raison qu'aurait Derek de les forcer à faire équipe, tous les trois. La meute était quand même composée d'autres énergumènes tous aussi efficaces que lui, si ce n'est plus. Faire mumuse entre loups – et lézard – ce n'était pas mieux ? Pas qu'être l'unique humain au milieu de tout ça le dérangeait, mais… En fait si, un peu. Parce que c'était chiant d'être différent. Il aimait sa nature et ne la changerait pour rien au monde. Non, le problème, c'était simplement que son humanité était un prétexte pour lui donner les tâches les plus ingrates et ennuyeuses. Avait-on besoin de préciser qu'il s'agissait notamment des fameuses recherches qu'il devait se taper à chaque menace surnaturelle ? Non parce que c'était bien sympa, mais même s'il était excellent dans ce domaine – c'était peu dire – il avait l'impression qu'il s'agissait d'un prétexte pour le même de côté.

Autant dire qu'il savait fort bien quel rôle ses « coéquipiers » allaient lui attribuer, simplement pour ne pas l'avoir dans leurs pattes. Evidemment, à part ouvrir la bouche, il ne pourrait rien faire. Il n'y avait plus qu'à espérer que ses babillages les agace assez pour qu'ils lui donnent quelques droits supplémentaires. Et en même temps… Ils avaient juste à le bâillonner et à le laisser dans un coin. Ils étaient deux et leur nature lupine leur donnait une force considérable.

En somme, Stiles savait d'ores et déjà qu'il allait passer un mauvais séjour. Si seulement Derek ne l'avait pas forcé à faire cette mission avec Isaac et Jackson… Tout mais pas eux, bordel ! Il soupira. Evidemment, il ne pouvait pas se plaindre. Ses « amis » n'étaient pas plus heureux que lui de cette décision et il en était bien conscient. Au moins, ce non-amour était réciproque et aucun d'entre eux n'avait besoin de faire semblant pour sauver les apparences. C'était toujours ça de pris.

- Stilinski ! Entendit-il encore.

- Oh c'est bon la ferme ! S'exclama-t-il, agacé au possible.

Pouvait-on au moins le laisser déballer ses affaires tranquillement ? Ils n'étaient pas aux pièces ! Cela faisait à peine quelques minutes que Stiles – parce qu'évidemment, c'était lui qui conduisait – avait garé la voiture personnelle de son père dans l'allée du chalet. Parce que, bien sûr, sa Jeep était tombée en panne la veille du départ. C'était marrant comment les étoiles s'étaient alignées pour que ni Isaac ni Jackson ne monte à bord de Roscoe, cette vieille carlingue en ruine… Ce qui était encore plus drôle, c'était le soin qu'ils mettaient toujours à la critiquer à fond et à lui conseiller de commencer à chercher une nouvelle voiture. La première fois qu'ils lui avaient sorti cela, c'était il y a trois mois. Avaient-ils prévu leur coup ? Stiles en était persuadé et cela le rendait d'autant plus chafouin. La voiture pouvait tout aussi bien mourir de vieillesse et de rafistolages accumulés, mais l'hyperactif préférait accuser mentalement ses coéquipiers, histoire de se défouler un minimum, de penser ce qu'il ne pouvait dire sous peine de se faire étriper. C'était ça d'être le seul humain du groupe : il n'était libre en rien.

- Stiles.

L'hyperactif releva un regard on ne peut plus agacé vers Isaac, qui se tenait sur le pas de la porte. Il soupira et lâcha d'un ton qui ne cachait nullement son début d'énervement :

- Quoi encore ? Si c'est pour faire comme Jackson et me presser comme un citron pour que je me dépêche, tu perds ton temps, j'irai pas plus vite.

Oh ça non, parole de Stilinski. Stiles était du genre à faire les choses efficacement quand on ne l'emmerdait pas, mais à multiplier ce temps par dix si on le harcelait pour aller vite. Parfois, c'était marrant de faire le contraire de ce qu'on lui demandait, et c'était encore mieux si cela dérangeait réellement les gens. Enfin oui, ça l'était quand il était de bonne humeur. Pour cela, il faudrait revenir un autre jour.

Isaac soupira et croisa les bras sur son torse.

- Ecoute, personne n'est content d'être ici, c'est un fait. Moi non plus, ça ne me plaît pas de faire équipe avec vous, tu sais ? Mais on est là, tous les trois, et on ne peut rien y faire. Si on veut que ce séjour soit le plus supportable possible, on doit y mettre du nôtre. Ça veut dire que toi aussi, tu dois faire des efforts.

Stiles leva les yeux au ciel.

- Et c'est pour ça que je suis le seul à me prendre un discours moralisateur de ta part ? Si je suis un problème, tu peux appeler Derek et insister pour me virer de la mission, ça ne me pose aucun problème.

C'était même tout le contraire. S'il pouvait rentrer chez lui, retrouver le cocon protecteur de sa chambre et sa couette, la joie l'emporterait sur tout le reste. Maigre consolation, il avait emporté son oreiller. Enfin, c'était surtout une question de survie : si ses acolytes voulaient pouvoir dormir et ne pas avoir à se coltiner un hyperactif bavard et irascible au possible, il fallait bien que celui-ci puisse se reposer et s'endormir convenablement. Sans ce coussin, faire autre chose que cauchemarder était quasiment impossible, allez savoir pourquoi.

- Ce que je te dis vaut aussi pour Jackson, qui, je te le rappelle, entend tout aussi bien que moi, lui dit Isaac en essayant de garder un ton neutre.

Le bouclé retint un soupir en voyant Stiles lever une nouvelle fois les yeux au ciel d'un air on ne peut plus exagéré. Dieu que la cohabitation allait être difficile. Et ils devaient réellement faire équipe, tous les trois ? La belle affaire… Autant avec Jackson, ça pouvait le faire parce qu'ils étaient plus ou moins le même genre de personne, mais Stiles… Il fallait être fort pour se le coltiner. Parce qu'il avait tendance non pas à être insupportable, mais à vouloir être insupportable. Disons parfois qu'il en jouait et ça, cela n'allait pas les aider. Il fallait qu'ils coopèrent tous ensemble et qu'ils se facilitent la vie. Ils devaient habiter dans le même chalet pour quelques semaines alors il serait fort bien qu'ils fassent les efforts qu'il fallait pour éviter de s'étriper au cours de la mission qu'ils se devaient d'exécuter. La chose ne semblait pas bien compliquée : il y avait suspicion de présence d'une meute dans cette ville et ils étaient ici pour enquêter. La suite dépendrait de ce qu'ils trouveraient. Dans l'idéal, si l'on venait à prouver l'existence de ladite meute, le mieux serait de créer une alliance. La leur était déjà puissante, mais l'on gagnait toujours à avoir des alliés supplémentaires et ça, Derek l'avait bien compris. Depuis qu'il avait récupéré son statut d'alpha, il multipliait les propositions d'idées, les actions de protections, les réunions avec certaines familles de chasseurs pour collaborer… Et c'était très bien. Il prenait de bonnes décisions et dirigeait sa meute d'une main de maître tout en s'assurant du bien-être de chacun de ses membres. Mais pour cette fois… Il avait dû fumer avant de préparer cette foutue mission, l'inverse n'était pas possible. Comment lui était venue l'idée de rassembler trois des membres qui se supportaient moyennement – pour ne pas dire difficilement – et les envoyer ici, aussi loin de Beacon Hills ? Bon, il n'y avait que trois heures de route de distance, mais aux yeux de Stiles, c'était déjà trop, parce qu'il se sentait d'ores et déjà coincé avec ces deux loups. Enfin, un loup et un loup-lézard. Jackson restait pour lui une bizarrerie qu'il n'arrivait jamais à nommer précisément.

- Peut-être que ce que tu dis vaut aussi pour lui, mais dans le fond, on sait tous très bien qui va devoir plus se plier aux règles que les autres, rétorqua Stiles, inflexible.

Il savait qu'il n'était que l'humain de service, celui qu'on ne voulait pas avoir à se coltiner. Et forcément, il était sans doute le seul à qui l'on imposait réellement les choses. A qui on allait faire plus de remarques. En fait, la vérité, c'était qu'on ne le respectait pas et ça, il en avait plus qu'assez. S'il voulait avoir une chance de ne pas prendre trop cher mentalement et de développer une entente au moins cordiale avec ses « amis », il se devait de dire les termes. A la rigueur, peut-être qu'ils comprendraient les limites à ne pas dépasser, s'il se montrait ferme. Rien n'était certain, mais ça valait le coup d'essayer. Autrement, ces prochaines semaines risquaient d'être un enfer. Pour être honnête, Stiles n'avait pas imaginé passer ses vacances d'été de cette manière… Merci Derek-grumpy-bizarre-inconscient Hale pour cette merde dans laquelle tu m'as mis… Râla-t-il mentalement. Alors oui, s'il pouvait emmerder Isaac tout en lui faisant comprendre qu'il n'était pas dupe, il n'allait pas se priver. Parce qu'il savait qu'au fond, le bouclé n'était pas un mauvais bougre : il était juste un peu… Con, dans un sens. Le genre à faire le chaud parce qu'il était propriétaire de griffes et de crocs. Le cas de Jackson était un tantinet plus compliqué. Disons qu'il avait toujours été imbuvable, mais que ce côté fort peu agréable de sa personnalité ne s'était pas bonifié avec la transformation. Il s'était toujours cru supérieur aux autres parce que son nom de famille était réputé – merci papa Whittemore – et là… Il imaginait sans doute que le petit humain qui lui servait de coéquipier allait écouter gentiment chacun de ses ordres sans émettre la moindre opposition parce qu'il était Jackson Whittemore et lui Stiles juste Stilinski.

- Sauf que je ne ferai pas plus d'efforts que vous. Il va falloir que vous agissiez comme si on était égaux.

Mais ce que l'on oubliait souvent, c'était le côté coriace de Stiles qui, s'il souffrait intérieurement de ce genre de situation, s'entêtait à vouloir montrer qui il était. Jusqu'ici, il avait toujours plus ou moins réussi. Pourquoi les choses ici seraient-elles différentes ? Lançant un regard empli de colère et de défi à Isaac, Stiles croisa ses bras sur sa poitrine. Il l'obtiendrait, son respect, qu'on le veuille ou non. Se laisser faire ne faisait pas partie de son vocabulaire.

- On est égaux, rétorqua Isaac en fronçant les sourcils, comme s'il ne comprenait pas vraiment la raison pour laquelle le fils du shérif disait cela.

Stiles eut un rire amer. Ah oui, vraiment ? Lahey se fichait-il de lui ? Peut-être pas et si tel était réellement le cas, il était dans le déni. Jamais Isaac n'avait considéré Stiles au même niveau que les autres, sans doute à cause de sa nature tout sauf surnaturelle. Tout le monde dans la meute avait ce petit quelque chose en plus, sauf lui. Ça lui allait : il voulait rester humain. L'hyperactif se leva et jeta un bref coup d'œil à ses affaires qui n'attendaient que d'être rangées. Il adopta un air totalement fermé et qui ne cachait rien de son envie d'être ailleurs.

- Mensonge, prononça-t-il simplement.