Sanji n'était pas de ceux qui étaient courageux face aux épreuves qu'ils rencontraient. Sanji n'était qu'un de ces personnages secondaires qui ne restent en mémoire que par leur incroyable lâcheté. Il aimait à croire qu'il était fort et qu'il n'était pas si lâche que ça. Il aurait vraiment aimé réussir à s'en convaincre. Mais si il avait une valeur qui était importante pour lui c'était bien l'honnêteté. Il savait se mentir à lui même, lorsque la situation l'exigeait. Pourtant outre ces exceptions, exceptionnelles, il ne se mentait pas à lui-même ou aux autres. Et il détestait qu'on lui mente. S'il était lâche pour beaucoup de choses, il n'aimait pas se conforter dans un beau mensonge plutôt que de faire face à la cruelle vérité.

Aujourd'hui était un jour important pour lui, ayant quitté les études après avoir obtenu, bien trop facilement à ses yeux, son diplôme, il cherchait maintenant un travail. Voulant quitter la maison familiale, il était obligé de percevoir un salaire pour pouvoir payer un loyer. C'était la raison pour laquelle il avait quitté les études même s'il savait pertinemment qu'il ne trouverait donc jamais de poste à responsabilités. Réaliser son rêve n'était donc plus possible. Pas dans un futur proche en tout cas, peut être plus tard, si un jour il pouvait reprendre ses études. Mais s'éloigner de sa famille était en ce moment le plus important pour lui. Pour sa santé mentale. Pourtant il était jeune, il le savait c'était bien tôt pour quitter le confort que ses parents lui offraient. Mais dix-huit ans c'était aussi trop jeune pour mourir. Et c'est ce qu'il allait finir par devenir si il restait ici. Il le savait clairement, c'est la raison pour laquelle il se fiche de quitter ses études pour le moment et donc son rêve, parce que mort, il n'aura plus aucune chance de le réaliser son rêve.

Aujourd'hui, après plusieurs dizaines de refus ou d'absence de réponse, sa candidature avait été acceptée. Il se préparait à aller assister à un entretien avant d'obtenir une réponse, avec un peu de chance positive.

L'endroit qui l'avait accepté était un nouveau café qui venait d'ouvrir, connaissant un succès momentané, il avait rapidement manqué de personnel et avait donc commencé à chercher un serveur ou deux.

Sanji n'avait aucune expérience, c'était d'ailleurs ce qui avait ce qui avait manqué pour la plupart de ses anciennes candidatures. Mais comment obtenir de l'expérience si on ne le laissait pas travailler ? Enfin, il se calma prenant une grande inspiration, il ne devait pas laisser ses émotions le submerger. Il n'avait clairement pas besoin de ça pour mener à bien son tout premier entretien.

Il sortit de sa chambre, descendant silencieusement les escaliers, ses parents n'avaient aucunement besoin de connaître ses prochaines activités. Heureusement pour lui, ses frères et sa sœur étaient en cours ou quelque part d'autres, en tout cas pas chez eux. Sinon sortir de chez lui aurait été clairement plus compliqué.

Enfin il arriva en bas des marches et se dirigea vers la porte d'entrée, qu'il passa après avoir vérifié qu'il n'avait pas oublié ses clés. S'il revenait tard ou à un moment où personne n'était chez lui, il ne voulait pas se retrouver coincé devant la porte.

Refermant derrière lui, il s'engagea sur le trottoir qui longeait un axe routier assez important. Puis, il finit par arriver à l'arrêt de bus qui lui était maintenant familier, étant le même que celui qu'il empruntait lorsqu'il allait en cours.

En attendant que le bus arrive, il finit par se retrouver à penser à ses années de lycée. Elles n'avaient rien eues d'exceptionnelles. Il n'avait pas trouvé durant son adolescence de vrais amis et les personnes avec qui il traînait durant les pauses n'avaient jamais été suffisamment proches de lui pour qu'il puisse les appeler amis. Du côté amoureux, c'était la même chose, il n'était de toute sa courte vie jamais sorti avec quelqu'un que ce soit une fille ou un garçon et il savait que c'était une chose rare mais qu'il ne regrettait pas. Se sachant être un romantique jusqu'au bout des ongles, se faire briser le cœur aurait été bien plus difficile pour lui. Et les études avaient primées sur sa vie personnelle. Pourtant il rêvait toujours d'une relation saine, d'embrasser un bel homme ou une belle femme qui l'aimerait autant que lui. Une relation réciproque, saine et profonde. Une relation qu'il savait n'exister que dans ses rêves. De nos jours il était presque impossible de trouver des gens voulant bien s'investir réellement dans une relation.

Le tirant de ses pensées déprimantes, le bus arriva dans son champs de vision, lui rappelant la raison de sa présence ici. L'entretien. Il s'était préparé pour celui-ci, tout allait bien se passer. Le bus ralentit arrivé à sa hauteur et s'arrêta complètement, les portes commençant à s'ouvrir dans un bruit devenu familier pour Sanji.

Il s'approcha du bus et commença à rentrer, donnant l'argent pour le trajet, montant qu'il connaissait déjà, ce bus il le prenait depuis tant d'années qu'il aurait été surprenant du contraire.

S'asseyant à une place libre, il permit à son train de pensées de reprendre.

Il s'était préparé pour cet entretien. N'ayant aucune expérience d'aucune sorte que ce soit en entretien ou en travail tout court, il était un peu anxieux mais ses mains n'en tremblaient pas. Le café pour lequel il avait postulé lui avait beaucoup plut et il avait tenté sa chance en envoyant son CV et une lettre de motivation sans vraiment y croire. Mais comme on le disait, qui ne tente rien n'a rien. Et c'était avec une joie sincère qu'il avait découvert que sa candidature avait été retenue.

Le café s'appelait le Chapeau de Paille, c'était un café qui venait d'ouvrir, il n'avait pas un an d'ancienneté mais il avait eu beaucoup de succès, ce qui lui avait demandé de recruter du nouveau personnel. Et le seul auquel Sanji avait pu postuler était celui de serveur. Celui de cuisinier lui avait fait de l'œil mais il n'avait aucun diplôme pour prouver ses compétences et avait donc dû abandonner l'espoir de pouvoir travailler à ce poste.

La cuisine, c'était toute sa vie. Mélanger les saveurs pour en obtenir une toute nouvelle, préparer un plat durant des heures pour voir les visages satisfaits de ses goûteurs, souvent sa sœur ou son père de substitution, c'était ce qu'il aimait. Mais ayant tout appris en dehors d'une école, il ne pouvait clairement pas justifier et prouver son talent sur un CV. C'est aussi cela qu'il avait abandonné pour partir de chez lui : aller à une école de cuisine réputée, décrocher un diplôme et ouvrir son propre restaurant.

Peut être un jour aurait-il la possibilité de réaliser son rêve.

En attendant, le bus était arrivé là où il devait descendre. Se mêlant à la foule de gens pressés qui descendaient, Sanji parvint à sortir à l'air libre et put souffler un coup.

Prenant son téléphone en main, il mit en route son GPS avec l'adresse du café entrée dedans. Il n'était jamais allé dans la zone où se trouvait le café et ne connaissait donc pas l'itinéraire le plus rapide pour y accéder. Il ne voulait pas être en retard et avait donc opté pour le GPS, quitte à passer pour un touriste au moins il serait à l'heure pour son entretien. Laissons le maximum de chances de son côté.

Après plusieurs dizaines de minutes à naviguer dans des rues tantôt étroites tantôt larges et bondées de monde, il se retrouva face à un grand bâtiment au pied duquel un café se trouvait.

Le Chapeau de Paille lui faisait face.