Bonjour,

R.A.R (Réponses Aux Reviews) :

Bouh-ahh : Merci pour ta longue patience et ton soutien à l'arrivée de cette fiction en ligne. J'espère que la suite te plaira tout autant.

Voici le chapitre 2 de l'acte I. Bonne lecture !


7h30

La pluie sur la toiture réveilla Grimmjow. Il était allongé sur le dos, parfaitement immobile dans son futon, la couverture repliée sous le menton. Il devait être encore tôt. Le simple morceau de toile qui servait de rideau clouée à la fenêtre était trop court pour couvrir l'encadrement entier et le garçon distingua les toits mouillés des autres demeures sous les nuages bas et lourds d'orage.

La pluie était encore douce. Les gouttes battaient en rythme sur la toiture et Grimmjow resta quelques instants à l'écouter, le regard perdu au plafond. Les souvenirs de la veille lui revinrent bien vite en tête. Il avait vu sous ses yeux un homme se faire tuer et avait mis en danger ses frères de cœur et sa propre vie.

En tournant la tête, il les aperçut. Ichigo, comme d'habitude, avait défait sa couverture et dormait dans une position improbable et d'un confort douteux. La bouche ouverte et les traits du visage apaisés, il était sans doute dans un profond sommeil. Ulquiorra était dans le futon suivant, plus loin de Grimmjow. Il dormait sur le flanc de sorte que l'enfant ne pouvait voir son visage.

Les remords et la colère n'avaient pas quitté son esprit depuis les remontrances de Zaraki. Il s'en voulait encore beaucoup de cette escapade et en avait le cœur lourd. Ce n'était pas la première fois qu'il discutait les ordres des adultes et agissait à sa manière. Mais c'était la première fois que la réalité l'avait emporté sur ses bêtises.

Il s'assit sur son futon en glissant la couverture sur lui. La pluie sonnait toujours contre le toit. S'il pleuvait plus fort encore, il faudrait penser à installer la trappe en bois à la fenêtre pour éviter de tremper la chambre. D'habitude, il aimait cela car l'obscurité de la pièce lui donnait envie de s'amuser avec ses frères en se racontant des histoires terrifiantes. Maintenant qu'il en avait vécu une, il craignait aujourd'hui de retomber dans ces mêmes ténèbres.

Il se leva et se dirigea vers la fenêtre. Il s'assit sur le coffre à vêtements qui avait été placé juste en dessous. Dans cette position, en décrochant le rideau, il pouvait contempler le quartier des Dogs dans toute son architecture miséreuse de bois et de tôles. Les maisons et baraquements s'enfilaient les uns contre les autres. Les tonnelles en fer installées dans les rues, mouillées par la pluie, avaient depuis longtemps perdu leur flamme qui éclairait la zone dès le soir venu.

— Tu n'es qu'un Dog, Grimm'…

Grimmjow s'était murmuré cette phrase en se rappelant le ton grave et menaçant de Zaraki. Il avait aussi cru entendre une certaine tristesse dans sa voix. Qu'est-ce que cela signifiait, n'être qu'un Dog ? Était-ce une fierté ou une fatalité ?

Il voyait déjà dehors s'agiter, en même temps que la brise matinale, les premiers travailleurs qui quittaient leur domicile ou ouvraient la devanture de leur petit commerce. Tout paraissait si calme. Pourtant, hier soir, au même endroit, un horrible crime avait eu lieu. On ramasserait le corps aujourd'hui et on l'enterrerait à la fosse commune, sans protester, sans se plaindre, sans y penser.

— Tu comptes t'enfuir ?

Grimmjow retourna vivement la tête. Ichigo était assis en tailleur sur son futon, derrière Ulquiorra qui dormait encore dans le sien. Le garçon avait ses cheveux roux en bataille et s'était mis à bâiller.

Le silence lui répondant, il continua :

— Je dois te surveiller.

Le garçon à la fenêtre eut un petit sourire en coin et haussa les épaules. Quand Ichigo était là, à lui parler, il se sentait plus calme. L'angoisse et la fureur qui montaient finissaient par s'apaiser. Il se laissa fermer les yeux pour profiter encore de l'air frais et de la pluie sur les toits. Il entendit Ichigo venir à lui et s'asseoir. Lorsqu' il rouvrit les yeux, le rouquin l'observait avec insistance de ses deux grands orbes marronnés piqués d'ambre.

— Ichi', tu m'fixes là.

— Je dois te surveiller.

— C'est une manière ridicule de me surveiller.

— Je ne dois pas te quitter des yeux !

— Tss… sois pas aussi crétin qu'le vieux, j'ai pas l'intention de partir. Je reste avec toi.

Presque par automatisme, il glissa sur ces derniers mots sa main dans celle de son ami et les deux enfants restèrent ainsi quelques secondes. Puis Grimmjow rencontra le visage souriant d'Ichigo. Immédiatement, il se mit à rougir et reprit la parole pour cacher sa gêne :

— J'suis désolé… Pour hier soir… Je n'aurais pas dû… Je vous ai mis en danger…

Il regarda un instant Ulquiorra, blotti dans son futon.

— Tu m'as sauvé, Grimm'; expliqua Ichigo calmement ; J'ai eu vraiment très peur… je n'aurais pas pu courir si tu ne m'avais pas tenu la main. C'est moi… J'aurais dû attraper Ulquiorra quand on est passé à côté de lui.

Ils gardèrent le silence. La faute à personne, ou la faute à tous les deux, peu importait… Au final, Ulquiorra avait souffert.

Ils continuèrent à regarder le soleil apparaître et la vie prendre peu à peu le pas sur la nuit. Ils s'étaient lâchés la main mais étaient toujours aussi proches. Si bien qu'à un moment, Grimmjow n'eut qu'à chuchoter pour être entendu d'Ichigo :

— On est que des Dogs, hein ? C'est ce qu'a dit le vieux…

Ichigo ne fut pas étonné de l'entendre parler de cela. Le discours de Zaraki la veille avait été on ne peut plus bouleversant. Et pour Grimmjow, le plus avide de libre-arbitre des trois garçons, le rappel de sa caste avait sans doute été douloureux.

— Ça te dérange tant que ça ?

— Ça me dérange d'être aussi contrôlé…

— Yumichika a dit une fois qu'aucune caste ne connait la véritable liberté. On a tous des devoirs et on obéit tous à des règles. C'est comme ça que la Cité fonctionne.

— J'ai pas envie de laisser quelqu'un décider à ma place ce que je veux faire dans ma vie.

— Zaraki a dit que te rebeller serait…

— Il dit ça parce qu'il a peur ! Comme tous les Dogs… C'est la classe la plus faible et lâche que je connaisse…

— On est la caste la plus importante de la Cité ! On construit des tas de choses !

— Sans en avoir le choix ni l'envie !

Le ton était un peu monté et Ichigo soupira, en s'assurant qu'Ulquiorra dormait toujours. Grimmjow, lui, perdit son regard au dehors pour se calmer.

— Ichi'… Les Supérieurs ne sont pas forcément aussi gentils et bienveillants que tu pourrais le croire. Tu as vu comment ils ont tué cet homme hier ?

— C'était un Freak en fuite, Grimm'…

— À cinq contre lui, alors qu'il tenait Ulquiorra dans ses bras ?! Tu ne vas quand même pas les défendre ?!

— Je ne dis pas ça… juste que… j'ai l'impression que tu vois ce Freak comme ton égal. S'il a été mis en Prison et qu'il a perdu sa caste, c'est pour une bonne raison, tu ne crois pas ? Tu ne le connaissais pas, tu ne sais pas ce qu'il a fait. Peut-être qu'il a commis des actes plus horribles encore que celui des Sinners.

— J'ai vu son regard avant de mourir. Ce n'était pas celui d'un meurtrier. Je ne veux pas y croire.

Ichigo soupira une nouvelle fois, laissant à Grimmjow le dernier mot. Même s'il n'avait pas tort, Ichigo craignait qu'il ne soit à jamais rebelle et cela l'inquiétait.

— Grimm', promets-moi qu'on ne retournera pas dehors la nuit.

Grimmjow le regarda et acquiesça.

— Promis.

OoOoOoOoOoOoOo

11h15

La porte d'entrée s'ouvrit peu de temps après que Zaraki eût frappé deux fois. Le visage radieux d'un homme blond apparut alors dans l'entrebâillement :

— Kenpachi ! Quel bonheur de te revoir ! Cela faisait un moment !

— Urahara… Arrête tes grimaces tu veux, j'ai à te parler.

— Mais moi aussi je vais bien, je te remercie ! Je t'en prie, entre, fais comme chez toi !

Zaraki grogna pour la forme et entra en laissant Urahara fermer la porte derrière lui. Il n'enleva pas ses sandales dans le genkan. Il savait bien qu'il était autorisé à marcher avec ses chaussures dans la maison du Pasteur qui connaissait pertinemment l'effort que cela représentait pour le vieux boiteux.

— Quel bon vent t'amène ? Tu aurais pu ramener les enfants quand même. Avec les vacances, cela fait une éternité que je ne les ai pas vus.

— De l'eau d'abord.

Urahara soupira légèrement mais obéit. Il connaissait Zaraki depuis longtemps et, même s'ils s'appelaient encore respectivement par leur nom de famille, il n'y avait aucun mal à ressentir leur proximité en privé. Le simple fait que Zaraki, d'une caste inférieure, lui donne un ordre en disait déjà long.

Il présenta un verre d'eau à l'homme qui s'était assis à la table ronde du salon et massait en profondeur sa cuisse qui réclamait du repos après la traversée à pied du quartier des Dogs.

— Tu aurais pu m'envoyer un gamin venir me chercher au lieu de faire tout ce chemin ; expliqua Urahara en s'asseyant en face de lui.

— Non, j'avais à te parler en privé et comme les enfants sont confinés à la maison et que je n'avais pas envie qu'ils entendent notre conversation, je n'avais pas vraiment le choix.

— Quelque chose me dit que ce que tu as à me dire est en lien avec eux.

— Tout juste ; clarifia Zaraki en buvant un peu ; Ils ont dépassé les bornes, encore une fois…

— Tant que ça ?

— Ils sont sortis pendant l'Heure Sourde pour aller aux Forges… Tout ça pour chercher cette foutue poupée en avance ! Ton jeu ridicule finira par faire des morts, c'est moi qui te le dis !

Urahara parut un peu surpris et légèrement blessé mais montra les paumes en signe de paix :

— Du calme, du calme, ce n'est pas ma faute si les enfants veulent tricher. Ce n'est pas la faute du jeu non plus et je t'ai toujours dit qu'il était important pour eux.

— Tch ! Tu verrais comme ils se chamaillent pour la trouver ! Et le gamin vainqueur devient un Roi insupportable ! Tu parles d'un jeu d'équipe !

— Il faut du temps avant qu'ils ne comprennent réellement la portée du jeu, c'est tout… ; fit Urahara d'un ton songeur ; Mais, dis-moi, ce n'est pas tant le jeu qui te pose problème n'est-ce pas ? Qu'est-il arrivé aux enfants pendant cette nuit ?

— Un Freak s'est évadé et a été tué aux Forges par les autorités. Mayuri Kurotsuchi, un ancien dissident. Il me semble que tu le connaissais. Les gamins étaient là et ont tout vu.

Le visage d'Urahara pâlit soudainement. L'homme perdit son regard ailleurs, accueillant avec douleur la triste nouvelle. Il avait connu Mayuri Kurotsuchi quand ce dernier était encore un enfant et lui avait appris à lire comme tous les autres Dogs à l'École. Le garçon s'était avéré si talentueux et intelligent qu'il lui avait ouvert les portes de sa bibliothèque personnelle. Puis, les années passant, le garçon devenu homme avait eu des avis politiques bien tranchés et réactionnaires. Il s'était peu à peu écarté des livres pour se rapprocher des armes et Urahara l'avait perdu de vue.

— Ikkaku et Yumichika sont arrivés après le départ des Sinners et ont ramené les gosses à la maison.

— Ils vont bien ?

— Ulquiorra était couvert de son sang et complètement à l'ouest. Mayuri l'aurait pris en otage pour tenter de s'échapper mais ça n'a servi à rien. Enfin, ils n'ont pas été blessés.

Urahara acquiesça.

— C'est Nnoitra Jiruga qui a mené la traque et tué Mayuri.

— Tu n'as aucune preuve, je parie.

— C'est évident ! Et le pauvre diable a été embroché dans le dos.

Le blond sentit son cœur se soulever et hocha la tête comme pour faire comprendre à Zaraki qu'il avait raison et n'avait donc pas besoin de donner plus de détail.

— Pourquoi était-il aux Forges ? Il attendait quelqu'un ?

Sur ce, Zaraki détourna le regard et but le reste de son verre cul-sec. Urahara finit par comprendre :

— Les faux-monnayeurs bien sûr… Mayuri avait convenu d'un rendez-vous aux Forges après son évasion pour pouvoir obtenir un nouveau marqueur et commencer une nouvelle vie.

— Les Sinners étaient au courant. Ça ne pouvait pas marcher bien longtemps avant qu'on se rende compte de quelque chose. Il y a eu une descente hier et c'est pour ça que le rendez-vous a été retardé. Au final, Mayuri est mort avant d'avoir pu rencontrer son complice.

Chaque caste avait son propre marqueur sous la forme d'un bijou à porter constamment sur soi. Les Dogs avaient une plaque autour du cou portant un numéro de recensement. Les Sinners portaient un piercing à l'oreille droite en forme de « S ». Les Pasteurs avaient un bracelet en argent autour du poignet. Les Lords s'identifiaient avec une bague frappée d'un « L » autour du majeur droit. Le Roi portait une couronne dorée.

Les faux-monnayeurs étaient apparus dans la clandestinité du quartier des Dogs. Au départ, il frappait de nouveaux marqueurs si l'on cassait ou perdait le sien à un prix bien inférieur à celui demandé par l'Administration. La ressemblance était épatante et rares étaient les personnes qui pouvaient différencier l'original de la copie. De fil en aiguilles, des familles réclamant l'innocence d'un proche emprisonné et devenu Freak, et face à l'absence totale de procès, les faux-monnayeurs avaient fini par frapper des marqueurs pour les sauver de leur condition. Un Freak n'avait plus de marqueur car il était en-dehors de toutes castes, rejeté du système. Une fois qu'il portait une nouvelle plaque de Dog, il était protégé. La Loi disait clairement qu'un Sinner ne pouvait tuer un Dog qu'à la permission du Roi qui devait elle-même provenir d'un jugement impartial décidé à la suite d'un procès.

— Les Sinners n'arrêteront pas tant qu'ils n'auront pas arrêté ces faux-monnayeurs. C'est de l'anarchie à l'état pur. Jamais le Roi ne laissera passer un pareil renversement des lois. Comme si on pouvait changer de marqueur aussi facilement ! s'exclama Urahara.

— Je suis d'accord pour dire qu'il faut que cela cesse. De toute évidence, ça protège de la mort mais pas des coups. Les Sinners se permettent de plus en plus de violence envers les Dogs et s'ils reconnaissent un ancien détenu, ils lui feront vivre un enfer.

— Tu as le respect de ta caste, alors fais-leur comprendre la situation. J'ai peur que l'enquête ne fasse encore des morts sinon.

— Enquête ?

— Oui, cette histoire de faux-monnayeurs a agité le conseil des Lords, les Heptas. Ils ont demandé une enquête approfondie. Cette histoire d'évasion est étrange. Cela fait longtemps qu'il n'y en avait pas eu et, comme par hasard, les Sinners étaient là, aux Forges… J'ai l'impression que Nnoitra avait tout prémédité. Il a promis de libérer Mayuri et l'a clamé un peu partout. Le faux-monnayeur s'est débrouillé pour communiquer un rendez-vous. Nnoitra n'avait plus qu'à le laisser filer et le suivre. Sauf que la descente prévue par son unité a bouleversé les plans du faux-monnayeur et il n'a pas pu se trouver à l'heure prévue aux Forges. Nnoitra a dû être furax de l'avoir manqué.

— Et qu'est-ce qu'il va se passer ensuite ?

— À savoir… Des interrogatoires, de nouvelles descentes en pleine nuit, un renforcement des surveillances pendant le couvre-feu… Tout le monde doit être plus prudent.

Son interlocuteur acquiesça silencieusement.

— Que cela soit bien clair, Kenpachi : les Pasteurs ne pourront rien faire pour sauver des Dogs insoumis. Un écart de comportement passe encore, mais une insubordination volontaire au système des castes, c'est la Prison assurée.

Zaraki hocha à nouveau la tête.

— Concernant les enfants…

— Leur bêtise les endurcira. Ils ne vont pas sortir de la maison avant un petit moment ; expliqua le chef de famille.

— Tu devrais avant tout t'assurer qu'ils ne sortent plus jamais la nuit.

Zaraki leur regarda d'un air interrogateur.

— Les autorités ont signalé beaucoup de soucis avec les enfants Dogs, surtout les orphelins ; expliqua Urahara ; Ça va de la simple mauvaise blague au non-respect des Sinners. Ils se sentent sans doute protégé par la Loi qui interdit tout châtiment et déclassement avant la majorité. Et donc… Ce ne sont que des rumeurs pour l'instant mais… Les Lords songeraient à modifier cette limite d'âge.

Le plus vieux soupira de mécontentement et se massa les tempes, accoudé à la table.

— Et nous aurions des enfants Freaks maintenant ? C'est absolument…

Urahara leva les mains pour suspendre la phrase de Zaraki et lui éviter d'insulter les Supérieurs.

— Ce ne sont que des rumeurs et tu gardes cela pour toi.

— Tch… Bien sûr.

Zaraki se leva en s'appuya sur sa canne, montrant par-là l'imminence de son départ. Urahara le laissa avancer et lui ouvrit la porte :

— Laisseras-tu au moins les enfants venir à l'École pour la rentrée ? C'est dans trois jours, tout de même.

— Tss, jamais compris pourquoi tu t'entêtes à leur apprendre plus qu'il n'en faut… C'est aux Forges qu'ils devraient prendre des cours ! Plus tard, ils se serviront plus de leurs mains que de leur tête. Surtout ce foutu Grimmjow…

— Et s'ils arrivaient à se servir aussi bien de leurs mains que de leur tête, cela ne ferait-il pas des étincelles ?

Urahara lui sourit et Zaraki y vit tant d'espoir pour la jeune génération qu'il ne put se résigner à suspendre son plaisir. Au fond de lui-même, il voulait aussi que les enfants d'aujourd'hui soient de meilleurs adultes qu'eux demain.

— Mes hommages, mon Père… ; fit-il en quittant la maison pour se mêler aux Dogs qui passaient dans la rue.

OoOoOoOoOoOoOo

Un peu plus tôt

Yumichika était venu chercher les enfants dans leur chambre pour leur donner des instructions. À ses dires, ce n'était pas parce qu'ils étaient punis à la maison qu'ils ne pouvaient rien faire. Il avait donc commandé à Ichigo et Grimmjow de nettoyer la salle d'eau et de préparer le déjeuner pour midi. Il avait mentionné qu'Ulquiorra avait droit à plus de repos et était finalement parti au travail.

Grimmjow et Ichigo passaient donc la brosse dans la bassine en bois lorsqu'ils entendirent le son familier de la canne frappant en rythme à mesure que Zaraki descendait les escaliers. Il semblait d'une humeur massacrante et les deux garçons ne purent que l'apercevoir depuis la porte ouverte de la salle de bain. Finalement, ils furent bien contents de ne pas se trouver sur son chemin et l'homme disparut dehors, claquant la porte coulissante en bois de l'entrée derrière lui.

— Où va-t-il, selon toi ? demande Ichigo à Grimmjow.

— Je sais pas et je m'en fiche.

Cela aurait pu couper court à la conversation mais Ichigo tint bon :

— Il ne faut pas lui en vouloir. Zaraki est peut-être un peu dur mais c'est parce qu'il s'est inquiété pour nous.

— Tch. S'ils s'intéressaient vraiment à nous, il nous ferait moins de cachotterie.

— Qu'est-ce que tu veux dire par-là ?

Sur ce, Grimmjow arrêta sa besogne et laissa tomber son éponge dans le fond de la bassine pour planter son regard dans celui d'Ichigo :

— Tu n'as pas l'impression qu'il nous cache des choses ? Il semble toujours sur ses gardes, surtout quand il s'agit des Supérieurs.

— C'est parce qu'il connaît la vie. Tu devrais prendre exemple.

Grimmjow parut songeur un moment et il fallut attendre que l'orangé lui pince le nez pour qu'il revienne sur Terre. Mais, enfin, quand ils se remirent au travail, ils virent tout à coup Ulquiorra à la porte de la salle d'eau. Les deux garçons se stoppèrent tout à coup. Il y eut un silence. Ulquiorra avait toujours une mine plutôt monotone et inexpressive mais c'était devenu beaucoup plus frappant.

— Hey… ; commença timidement Ichigo.

— Yo ; finit par murmurer Grimmjow, pas aussi sûr de lui.

Il avait longtemps réfléchi au comportement qu'allait avoir Ulquiorra suite à cette nuit-là. Toutes ses pensées l'avaient même empêché de dormir.

— Tu… Tu vas bien ? demanda-t-il.

L'intéressé haussa les épaules. Il n'avait mal nulle part et avait dormi profondément cette nuit. Lorsque des flashs ensanglantés de la veille étaient apparus à son réveil, il avait décidé de quitter son futon.

— Tu peux encore te reposer, tu sais ! expliqua Ichigo ; Yumichika voulait qu'on s'occupe au lieu de ne rien faire mais il a dit que pour toi…

— Peu importe ; coupa le brun.

Ichigo stoppa son élan. Le ton monocorde était donné.

— Vous nettoyez la bassine ?

— Une vraie plaie ! lança Grimmjow pour détendre l'atmosphère ; Si on pouvait s'en payer une en fonte, ça serait le luxe !

— Je vais vous aider.

À la surprise des deux garçons, Ulquiorra retroussa les manches larges de son yukata jusqu'aux épaules et noua le bas pour simplifier ses mouvements de jambe. Il trouva une autre éponge dans le sceau et s'en empara avant de monter dans la bassine et de commencer à récurer. Les deux autres le suivirent assez vite.

— Dis Ulquiorra… mh… ; commença Grimmjow.

— Quoi ? Parle.

— Ne fais pas comme si rien ne s'était passé hier, d'accord ? Tu as le droit de me gifler, tu as le droit de me crier dessus et de me détester autant de temps que tu veux. J'ai été vraiment idiot sur ce coup…

— Non, ça ne m'intéresse pas.

Grimmjow faillit perdre son éponge savonneuse. Ichigo aussi avait arrêté son mouvement. Ulquiorra, lui, continuait son travail de manière appliquée et s'expliqua sans un regard :

— Les remontrances, c'est Zaraki qui te les a faites et c'est suffisant. Si je t'en voulais, je devrais m'en vouloir aussi. Hier, c'était peut-être ton plan mais je t'ai suivi. Ce qu'il s'est passé ensuite… C'est arrivé, c'est tout. On n'aurait jamais pu se préparer à ça. Maintenant, j'ai l'impression que pour notre survie, il vaut mieux qu'on reste ensemble et qu'on se soutienne.

Grimmjow aurait pu en avoir les larmes aux yeux s'il n'avait pas déjà pleuré silencieusement cette nuit dans son futon. Savoir qu'Ulquiorra ne lui en voulait pas le rassurait bien plus et apaisait enfin son cœur serré.

Ichigo, par contre, était déjà trop ému :

— Tu… Tu as raison U-Ulquiorra ! pleurnicha le rouquin ; il faut qu'on reste ensemble !

— Oui ; reprit Grimmjow ; c'est vrai. Hier, je ne t'ai pas soutenu alors que tu étais en danger… Je suis désolé…

— Tu ne pouvais rien faire et si tu étais intervenu, tu aurais peut-être empiré les choses, nous aurions pu finir chez les Sinners et causer des ennuis à Zaraki.

Grimmjow acquiesça en essayant de se persuader lui-même. Puis, il posa sa main sur l'épaule d'Ulquiorra :

— Merci. Je te promets d'être moins idiot et de ne plus vous mettre en danger. Si jamais tu trouves que ce n'est pas le cas, tu n'auras qu'à me le dire.

— Compris.

Et les trois garçons se regardèrent avec émotion. Ils avaient toujours été les trois ensemble. Ils avaient leur caractère et se disputaient parfois. Ichigo était naïf, timide et peureux. Grimmjow était impulsif, fonceur et trop rebelle. Ulquiorra était quant à lui calculateur, réservé et froid. Mais ils avaient toujours réussi à avancer ensemble et à se supporter malgré leurs différences.

OoOoOoOoOoOoOo

Vers midi, les enfants avaient préparé à manger quand la porte d'entrée coulissa brutalement pour s'ouvrir jusqu'à frapper les planches aux extrémités.

— Hey, les losers ! Vous avez eu si peur de perdre que vous n'avez pas osé venir participer au Jeu ou quoi ?!

C'était Renji. Il revêtait un yukata gris aux motifs jaunes en forme de soleils, et de vieilles sandales qui ne lui protégeaient aucunement les pieds. La preuve en était que de la boue séchée recouvrait sa peau jusqu'à la moitié des mollets. Ses longs cheveux en pétard, miraculeusement enserrés en queue de cheval dans un petit lacet noir, étaient d'un rouge éclatant. Il tenait dans sa main la fameuse poupée qui le sacrait Roi.

— Dégage de là, Renji ; fit Grimmjow, sèchement en se levant du tabouret sur lequel il était assis, près du fourneau.

La vue du trophée lui rappelait déjà les souvenirs de la veille.

— Ouh, le chat montre les griffes ! Sois pas de mauvais poil, Grimm' ! Pour faire le mauvais joueur, il faut d'abord participer !

— On peut pas sortir, tête de nœud !

— Oh ! Vous êtes punis ? Qu'est-ce que vous avez fait ? Me dîtes pas que vous avez encore renversé la réserve d'eau ?

— Rien à voir, imbécile !

Sur ce, Renji se mit à rire aux éclats et cela énerva encore plus Grimmjow. Il voulut se ruer sur lui pour lui apprendre à se moquer d'eux de cette façon mais Ichigo l'arrêta dans son élan en le ceinturant pour l'éviter de sauter sur lui.

— Grimm', arrête, ça servirait à rien !

— Laisse tomber, Grimmjow ; ajouta Ulquiorra.

Le brun le regardait très sérieusement, les sourcils froncés et la bouche orientée vers le bas.

L'intéressé comprit en un éclair qu'il ne devait pas donner le réel motif de leur punition. Bien sûr, il avait envie de raconter leurs aventures de la veille qui ferait sans doute taire une bonne fois pour toutes ce remué de Renji. Mais s'il parlait, il passerait pour un tricheur jusqu'à la fin des temps. De plus, mentionner le meurtre du Freak n'était sans doute pas une bonne idée.

Mieux valait donc garder tout cela secret et prendre sur soi, même si ce silence signait sa défaite et que Renji en profiterait allègrement :

— Bah alors ? T'as perdu ta langue ?! Tu veux pas me dire pourquoi vous êtes punis ? Trop honte, c'est ça ? En même temps, Grimm', c'est que t'en fait beaucoup, des sales crasses, à Zaraki ! J'me demande comment le Vieux Boiteux fait pour te supporter à longueur de journée !

— Arrête Renji ! T'as pas le droit de dire ça ! défendit Ichigo.

Grimmjow, de son côté, restait planté à l'entrée, les yeux fixés par terre pour ne pas rencontrer le regard satisfait de Renji, les poings serrés.

— Qu'est-ce qu'il y a ? C'est pas de ma faute s'il se fait toujours prendre à son jeu ! Il n'a qu'à être plus habile dans ses petites combines, comme moi !

Sur ce, Grimmjow ne put s'empêcher de lever la tête et il vit le clin d'œil que lui adressa le vainqueur du Jeu. Cela ne dura qu'une seconde mais il comprit en ce laps de temps que Renji trichait pour gagner à chaque fois.

— On verra bien quand tu seras puni, toi aussi ! dit Ichigo qui était déjà à court de répondant ; Tu feras moins le malin !

— Que j'ai peuuur ! En attendant, c'est moi le Roi et c'est moi qui décide ! Et vous, les pauvres taches, vous êtes mes sous-fifres ! Ne vous attendez pas à un traitement de faveur de ma part parce que vous êtes punis !

— T'es qu'un…

Cette fois Grimmjow allait vraiment coller son poing dans la figure de Renji. Quand le garçon aux cheveux rouges s'approcha un peu trop près de lui, il en profita pour le saisir au col de son kimono. Puis il leva bien au son poing, prêt à frapper. Il vit, l'espace d'un instant, le visage de Renji blanchir et ses sourcils se dresser, plein d'effroi. Mais le choc n'arriva jamais. Grimmjow sentit son bras bloquer et une voix familière surgit tout à coup.

— Arrête ça immédiatement, Grimmjow.

C'était Zaraki qui était de retour. Il tenait de sa main immense et ferme le frêle bras de Grimmjow tendu. Le garçon ne put rien faire d'autre qu'abandonner sa prise et Renji se recula à grandes enjambées. Zaraki le lâcha ensuite et se retourna face au vainqueur :

— J'ai l'impression que tu gênes tes camarades en plein travail, Renji. Je te conseille de partir car je tiens à ce que mon déjeuner soit prêt à l'heure. Alors oust, du balai !

— Euh, o-oui M'sieur…

Aussitôt dit, Renji partit en courant, sa poupée contre lui, sans même regarder les garçons une dernière fois.

Il y eut un silence, mêlé d'un grognement insatisfait de la part de l'adulte. Finalement, il soupira en massant sa nuque et dit à l'attention de Grimmjow qui restait immobile à l'entrée :

— Premièrement, on ne se bat pas sur le seuil de ma porte. Deuxièmement, tu n'avais aucune raison de te battre. Un homme qui se bat sans cause ni honneur, juste pour passer sa frustration, c'est un pauvre type. Et il n'y a pas de ça sous mon toit.

Sa cuisse le rappela ensuite à l'ordre et sa fatigue prit le dessus :

— Ichigo, de l'eau ! Et Ulquiorra, met la table. Maintenant, on mange.

Le petit rouquin sursauta avant d'acquiescer et d'exécuter l'ordre pendant qu'Ulquiorra s'adonnait déjà à la tâche.

— Pousse-toi, je rentre ; fit Zaraki en passant le seuil de la porte.

Grimmjow sentit la lourde et rugueuse main de l'homme s'abattre sur son épaule et l'éjecter sur le côté sans plus de cérémonie. Lorsque le corps musclé et haut de deux mètres le frôla, Grimmjow se sentit bien petit et frêle. Zaraki s'assit et but de l'eau. Ulquiorra apporta les petits pois et le riz et s'assit comme Ichigo en face de leur tuteur, côte à côte. Grimmjow entra et fit coulisser la porte d'entrée mais il resta immobile. L'adulte tira la chaise vide restante :

— Deux choses pour gagner un combat: avoir une bonne raison de le mener et être fort. Ce n'est pas aujourd'hui que tu prouveras ta valeur à Renji mais tu peux commencer à prendre du muscle. Ton coup était mou toute à l'heure, alors viens t'asseoir et mange ton bol de riz.

Grimmjow mordit sa lèvre inférieure et ravala sa fierté. L'instant d'après, il prit place près de Zaraki et mangea rageusement à grandes cuillerées.