Yo,
R.A.R :
Bouh-ahh : Merci pour ton retour. Je suis contente que la complicité entre les trois enfants te plaise, c'est important pour toute cette fiction. Je te souhaite une bonne lecture.
Voici le chapitre 3 de l'acte I. Bonne lecture !
Deux jours passèrent et ce fut bientôt la veille de la rentrée. Grimmjow, Ichigo et Ulquiorra étaient toujours tenus de rester à la maison sans droit de sortie. Ils avaient pour s'occuper toute sorte de tâches ménagères que leur donnait Yumichika le matin avant de partir travailler aux Forges. Les enfants ne pouvaient pas dire qu'ils s'ennuyaient mais auraient vraiment préféré s'amuser dehors pour profiter de l'été avant la rentrée des classes.
Les trois garçons se remettaient peu à peu de la nuit qu'ils avaient vécu. Ils avaient appris par les enfants qui passaient devant la maison que la découverte du corps avait fait pas mal de bruit dans le quartier. On avait enterré le Freak dans la Fosse commune et les Sinners n'avaient rien voulu dire. Au final, comme à chaque événement du genre, le sujet était trop tabou pour oser l'évoquer en public et on n'en parla bientôt plus. Seul Ulquiorra semblait en maintenir un souvenir vivace quand il cauchemardait en pleine nuit.
Zaraki était toujours avec eux mais la plupart du temps il était dans sa chambre à l'étage ou dans le salon à boire le thé avec des invités. L'homme était connu et respecté parmi les Dogs, les enfants ne savaient pas véritablement pour quelle raison mais supposaient que son air dur et sa voix portante faisaient figure d'autorité.
Ce soir-là, à la veille de la rentrée, Grimmjow avait descendu précipitamment les escaliers pour aller chercher un verre d'eau à Ulquiorra. D'habitude, c'était Yumichika qui s'occupait de lui mais, de toute évidence, il était absent cette nuit.
Quand Grimmjow remonta plus lentement les marches en veillant à ne rien renverser, un bruit perturba sa concentration. Dans la chambre de leur tuteur, on pouvait entendre de grands élans sonores clairs et métalliques, comme un couteau que l'on ferait crisser sur une pierre. Trop curieux, le petit garçon décida de jeter un coup d'œil et fit coulisser la porte de quelques millimètres.
Zaraki était de dos, agenouillé sur un coussin. Il se tenait face à une armoire encastrée dans le mur. Les deux pans étaient ouverts. Grimmjow savait ce qui se trouvait à l'intérieur. En règle générale, il n'avait pas le droit d'entrer dans la chambre sans y être invité. Mais ils avaient encore moins l'autorisation d'ouvrir l'armoire pour jouer avec ce qu'il y avait dedans !
Zaraki possédait en effet une arme qu'il rangeait précieusement dans cette armoire. Il s'agissait d'un katana qui avait sans doute beaucoup servi car le fourreau était abîmé et la lame mordue à plusieurs endroits. Il leur avait déjà raconté qu'il tenait cette arme d'un ancien Commandant Sinner. Ce soir-là, Grimmjow vit Zaraki entretenir l'arme avec le plus grand soin, cherchant sans doute à aiguiser la lame. En le voyant ainsi, si silencieux et concentré à sa tâche, à peine éclairé par la lueur d'une bougie, Grimmjow eut soudain l'impression de voir son tuteur pour la toute première fois. Il semblait tout à coup bien différent du vieil homme boiteux et grognon qu'il connaissait d'habitude. En y réfléchissant, il lui apparut qu'il ne connaissait rien de lui. Son imagination s'enflamma soudain, en le figurant clairement dans son esprit de toutes les manières possibles.
Lorsque de l'eau lui tomba sur les pieds, il se rappela soudain le motif de sa course et retourna dans la chambre pour aider Ichigo à rassurer Ulquiorra.
Le lendemain matin, Grimmjow n'avait pas pu s'empêcher de raconter ce qu'il avait vu à ses frères, alors qu'ils rangeaient leurs futons dans leur chambre et s'habillaient :
— Il irait au combat, tu crois ?
— J'ai jamais dit ça, Ichi' !
— Mais ça serait possible ?
— Tu oublies sa jambe, Ichigo ; rajouta Ulquiorra d'une petite voix ; comment pourrait-il se battre ?
— Alors pourquoi aiguiser une lame s'il ne va l'utiliser ? demanda Grimmjow.
— C'est seulement un souvenir ; expliqua Ulquiorra ; cette arme doit avoir une valeur sentimentale.
Grimmjow enfila son pantalon de toile en se demandant ce que cela pouvait bien vouloir dire, la valeur sentimentale de quelque chose. Parfois, Ulquiorra utilisait des mots bien plus élaborés que lui et il avait trop de fierté pour lui demander d'expliquer. C'était évident, Ulquiorra était le seul des trois à lire assez quotidiennement. Les Dogs avaient accès à une bibliothèque tenue par des Pasteurs et les enfants, du haut de leurs dix ans, étaient tout à fait en âge de lire. Mais Grimmjow devait bien avouer que l'exercice le rebutait un peu et qu'en lecture, tout comme en écriture, il était loin d'être le premier de la classe.
Après le petit-déjeuner, ils préparèrent leur besace. Les vacances avaient duré deux mois. Le terme de vacances n'était sans doute pas approprié pour tous les enfants. La plupart passait ce temps à travailler auprès de leurs parents ou d'un patron peu scrupuleux qui leur apprenait un métier. Ichigo, Grimmjow et Ulquiorra n'avaient heureusement pas besoin de travailler car Yumichika et Ikkaku avaient déjà un bon salaire.
En somme, la rentrée était plutôt un jour joyeux et bienvenu. Néanmoins, les enfants prirent un peu de temps à remplir leurs sacs. En deux mois, ils avaient un peu perdu leurs affaires, éparpillés dans la chambre. Après dix bonnes minutes à réunir la trousse, les cahiers d'écriture, de langue et d'algèbre, ils se mirent en route au pas de course.
Heureusement, ils ne vivaient pas loin de la place où trônait fièrement l'École. Construite à la volonté des Pasteurs, l'institution était totalement gratuite. Le professeur enseignant, Urahara Kisuke, était certes un peu débordé avec les quarante élèves de trois cycles différents, mais il demeurait foncièrement gentil. Pour autant, l'école n'était pas obligatoire et beaucoup de parents voyaient cette institution d'un mauvais œil. Ils n'en comprenaient pas l'intérêt et préféraient consacrer ce temps à enseigner le métier à leur progéniture. Malgré tous les efforts des Pasteurs et en particulier d'Urahara pour convaincre les parents, certains refusaient toujours.
Tous les élèves se trouvaient sur la place, attendant la venue du Professeur pour ouvrir l'Ecole. Les plus petits, entre quatre et six ans, qui entraient en premier cycle, étaient accompagnés de leurs parents ou leurs tuteurs. Ichigo, Grimmjow et Ulquiorra entraient en troisième cycle mais n'étaient pas forcément les plus âgés.
Ils aperçurent Renji, toujours aussi fier avec une petite bande d'enfants plus jeunes autour de lui, à l'acclamer.
— Ah Ichigo ! Vous êtes là !
Les trois garçons se retournèrent en reconnaissant la voix familière d'Orihime. La petite fille aux longs cheveux roux vivait avec son grand frère mais il ne semblait pas l'avoir accompagnée pour cette rentrée. Elle était entourée d'autres amis, Tatsuki et Chad. Tatsuki était une fille énergique et ambitieuse. Elle aidait parfois son père dans son restaurant de ramens. Chad n'avait pour seule famille que son grand-père qui était à la direction des Forges et qu'on appelait communément « le vieil Oscar ».
— Salut les amis ! lança joyeusement Ichigo ; vous allez bien ?
— Oui, je te rem…
— On ne peut mieux ! coupa Tatsuki ; et ça ira encore mieux quand j'aurai battu ce diable de Renji à la Poupée-Roi le mois prochain ! Je vais redoubler d'efforts, ça c'est certain ! Et notre équipe gagnera !
Ichigo trouvait en Tatsuki une détermination identique à celle de Grimmjow. Néanmoins, ce dernier ne parut pas plus intéressé par la conversation. Sans doute voulait-il éviter le sujet.
— Hum… Oui, nous aussi on fera mieux la prochaine fois ; renchérit poliment Ichigo.
— Mh ? Je vous ai pas vu à la course ! Moi qui mettais tous mes espoirs en Grimmjow pour en faire un digne rival ! T'étais passé où, le Caïd ?
C'était un surnom qu'on donnait parfois à Grimmjow pour souligner son esprit rebelle. Aujourd'hui, il ne semblait clairement plus vouloir correspondre à ce profil. Il mit les mains dans ses poches et regarda ailleurs :
— Tch. J'en n'ai plus rien à faire de ce jeu débile.
— Ahah ! Tu as subi la défaite de trop c'est ça ? se moqua gentiment Tatuski ; Ressaisis-toi mon vieux, on l'aura ce petit renard ! En tout cas, si tu ne deviens pas Roi, je prends ta place ! On a une aussi bonne équipe avec Orihime pour élaborer une stratégie, Chad pour passer en force contre les ennemis et moi pour courir le plus vite possible !
Alors que Grimmjow haussait les épaules, Ichigo applaudit l'initiative, Orihime sembla légèrement gênée qu'on lui prête tant d'estime et Ulquiorra comme Chad n'eurent pas l'air très convaincus.
Soudain, Urahara apparut, courant maladroitement avec ses getas en bois. Il emportait avec lui différents paniers à hanse et baluchons en toile.
— Bonjours les enfants ! Bonjour à tous ! Bonjours à toutes ! Désolé pour mon retard ! Entrons vite, entrons !
Il sortit de sa poche une grosse clé pour déverrouiller les portes de l'école. Les anciens élèves entrèrent sans se presser et Urahara alla poser l'ensemble de ces paquets avant de réapparaître dehors pour saluer les différents parents et tuteurs qui accompagnaient leurs enfants. La petite bande s'avança lentement de l'entrée. Quand ils furent dans le champ de vision d'Urahara, ce dernier s'exclama de surprise et s'approcha d'eux à grand pas. Sans plus de cérémonie, il se baissa pour prendre Ichigo dans ses bras :
— Mais ce sont mes petits élèves préférés, dîtes-moi ! Que cela faisait longtemps que je n'avais pas vu cette tête rousse ! Oh et la tienne aussi Orihime, tu es toujours aussi ravissante !
La jeune fille rougit et lui offrit un grand sourire.
— Et, Chad, la forme ? poursuivit Urahara en donnant une petite tape sur l'épaule du garçon métis qui ne répondit rien ; Et toi Tatsuki, prête pour cette rentrée ?
— Plus que prête, Professeur !
Sur ce, elle frappa son poing dans celui que lui présenta l'homme blond pour un check mutuel qui lui plut grandement. Les trois entrèrent ensuite dans l'école. Ichigo arriva enfin à s'extirper de la poigne d'Urahara qui le serrait contre lui. Avec un petit sourire, il lui fit comprendre qu'il était tout aussi content de le voir et suivit les autres.
Puis, ce fut le tour de Grimmjow. Il reçut la grande main d'Urahara sur la tête, caressant ses cheveux :
— Et toi Grimmjow, j'ai l'impression que tu as grandi.
Ces paroles résonnèrent étrangement en lui. Il se doutait à présent qu'Urahara ne parlait pas réellement de sa taille.
— Tch. Ouais, p't'être…
— Tu es prêt à reprendre les cours ?
— Mh. Pas comme si j'avais le choix…
Soudain, la main sur les cheveux devint plus ferme et Grimmjow s'obligea à regarder son professeur dans les yeux :
— On a toujours le choix, souviens-toi-en.
Puis, Urahara le lâcha et l'élève entra sans un mot de plus. Ulquiorra voulut suivre le mouvement mais l'homme l'arrêta gentiment d'une main sur l'épaule. Il s'accroupit alors face à lui. La mine du garçon, toujours froide et méfiante, ne changea nullement.
— Ulquiorra. Je suis au courant pour ce qu'il s'est passé il y a quelques nuits, près des Forges. Maintenant, tu es bien entouré et protégé, tu m'entends ? Et ici, c'est moi qui m'occuperai de toi. L'École sera toujours un lieu sûr et sécurisé, d'accord ?
Le garçon sentit son ventre se serrer et sa gorge se nouer. C'était comme si Urahara avait perçu, d'un seul coup d'œil, tout ce qu'il cachait… cette peur constante et ce sentiment d'insécurité qu'il cachait à ses frères de cœur. Il acquiesça prestement et entra dans l'école.
Les derniers élèves un peu en retard entrèrent et Urahara ferma la porte à double battants derrière eux.
Les enfants se cherchaient une place, à deux par tables. La grande et unique salle était divisée en trois colonnes de tables séparées par deux travées, représentants les trois cycles d'enseignements.
Le petit groupe d'amis des trois garçons se fâchaient déjà pour les places. Orihime voulait s'asseoir à côté d'Ichigo, ce dernier ne se permettait pas de refuser malgré l'indignation de Grimmjow qui le voulait à sa table et Tatsuki accompagnait la grogne générale en reprochant à Orihime de ne pas préférer s'asseoir à côté d'elle. Au final, quand Urahara ferma bruyamment la porte d'entrée, il fut l'heure de se décider et de se taire. Ainsi, Ichigo et Orihime restèrent ensemble, Grimmjow et Ulquiorra prirent place juste derrière et Tatsuki rejoignit Chad devant.
— Bien ! dit Urahara en frappant dans ses mains ; tout le monde a trouvé une place ! Nous serons encore une quarantaine pour cette reprise et c'est une joie pour moi de vous revoir ou de vous rencontrer ! Soyons bons amis !
Il avait saisi pendant qu'il parlait l'ensemble de ses différents sacs et paniers pour rapatrier le tout à l'avant de la pièce et le poser sur son bureau.
— La raison de mon léger retard vous fera plaisir ; continua-t-il ; car je revenais du Palais et devinez quoi ? Le Conseil des Lords a préparé pour vous de beaux cadeaux !
Les enfants poussèrent des cris de joie et d'étonnement en découvrant peu à peu ce que sortait Urahara de ses paquets :
— Des plumes, de l'encre, des cahiers d'écriture, du papier, des crayons ! Regardez-moi ce joli trésor ! Allez, chacun, venez chercher ce qu'il manque à vos affaires et seulement ce qu'il manque !
Tous les enfants se relevèrent joyeusement de leurs bureaux pour se diriger vers le bureau d'Urahara qui distribuait joyeusement des affaires scolaires. L'engouement général occasionna un certain bruit de fond et de l'agitation difficile à contenir mais Urahara devait avouer qu'il appréciait grandement cette ambiance détendue et sereine pour travailler avec les enfants.
Ichigo, Grimmjow et Ulquiorra prirent de nouveaux crayons, un peu de papier pour eux trois et un nouveau pot d'encre chacun.
— Allez, allez, les enfants, une fois qu'on a ses affaires, on les range sous son bureau et on s'assoit en silence ! Un peu de calme, maintenant ! Je sais que cela vous fait plaisir mais il nous faut aussi remercier le Conseil des Lords qui a été si généreux pour financer ces fournitures !
Les enfants reprirent peu à peu leur place :
— Bien, bien. On se calme, on joint ses deux mains et on baisse la tête en remerciant bien fort !
Tout le monde s'exécuta. Grimmjow eut moins de zèle mais en voyant Urahara le faire également, il s'exécuta. C'était ça aussi, respecter les castes supérieures.
La journée se passa agréablement. Bien évidemment, Renji se sentit le besoin de répéter encore et encore qu'il était Roi dans la cour de récréation. Néanmoins, Ichigo, Grimmjow, Ulquiorra, Orihime, Tatsuki et Chad restèrent entre eux et apprécièrent de passer du temps ensemble. Urahara testa les connaissances de ses élèves et Grimmjow ne brilla guère en dictée. Ulquiorra l'aida pour éviter la catastrophe. Ichigo se moqua légèrement de lui mais Grimmjow ne sut rien répliquer à son joli sourire.
La journée allait bientôt se terminer quand tout à coup la lourde porte d'entrée en bois s'ouvrit en fracas. Les deux pans valsèrent violemment sur leurs gonds avant de s'éclater brutalement contre les murs. Les derniers rayons du soleil s'engouffrèrent dans la salle principale, aveuglant un peu les enfants qui cherchèrent à identifier la personne qui venait d'entrer.
En fait, il s'agissait d'un groupe d'hommes. Tout le monde les reconnut, avec leur robe blanche ceinturée et leur piercing à l'oreille droite. Des Sinners.
Ulquiorra sursauta alors en voyant le chef de groupe avec ses cheveux longs noirs et son sourire démoniaque. Un petit gémissement de peur passa au travers de ses lèvres et il se mit à trembler. Presque instinctivement, il s'agrippa à l'habit de son voisin.
— G-Grimm… C'est… C'est lui…
Grimmjow prit la main d'Ulquiorra dans la sienne pour le rassurer et ne perdit pas du regard l'homme qui s'avançait maintenant dans une des travées jusqu'au professeur :
— Cet enfoiré… ; murmura-t-il avec colère.
Le chef des Sinners, Nnoitra Jiruga, continua d'avancer sans perdre son sourire, comme fier de son entrée théâtrale. Un autre soldat, plus petit et avec un bandeau sur l'œil gauche, se joignit à ses côtés.
— Que me vaut votre présence, Sinners ? Il est interdit de rentrer armé dans l'École.
— Oh pardon mon Père ; commença Nnoitra en se courbant avec un faux air désolé ; nous avions si hâte de venir dans cette belle demeure. Mais ne craignez rien, je n'aurais aucune raison d'attaquer un Pasteur et ses beaux petits élèves.
Sur ce, le chef tira son katana de son fourreau. Un rayon de soleil fit étinceler la lame blanche. Quelques enfants poussèrent un cri de peur. Nnoitra, tout sourire, leva son bras armé et fit tomber son katana par terre. Sous le poids et l'impulsion donnée, la lame se planta dans le plancher en bois et resta droite.
Urahara croisa les bras sur son torse. Il n'avait nullement envie de paraître intimidé mais le but était bien, il l'avait compris, d'effrayer d'abord les enfants.
— Et alors ? poursuivit le soldat ; je ne pensais pas que vos mioches seraient aussi malpolis ! Qu'est-ce que vous leur apprenez dans cette foutue école ?!
Urahara soupira. Ce n'était pas la peine de contrer ni de se battre. Et puis, Nnoitra avait raison. Aussi insupportable était la Loi, un Sinner était supérieur aux Dogs.
— Les enfants, levez-vous ; demanda le professeur ; Saluez.
Certains hésitèrent, d'autres se précipitèrent, tout tremblants. Le ton si grave et inhabituel du professeur suffisait à les convaincre d'obéir. Tous les élèves se levèrent peu à peu et se courbèrent pour saluer le chef des Sinners. Clairement, Grimmjow n'avait pas envie, Ichigo redoutait les remontrances et s'exécuta et Ulquiorra tremblait trop pour y parvenir. Nnoitra se tourna pour jeter un rapide coup d'œil sur l'exécution du salut et ne tarda pas à trouver les deux garçons restés assis sur leur banc.
— Mais qui voilà…
Nnoitra s'approcha en deux pas de leur table pour observer le pâle garçon brun qui tremblait.
— Tiens mais c'est toi, le gamin de l'autre jour ? Tu as survécu au couvre-feu…
Ulquiorra n'arrivait pas à le quitter du regard, tordant son cou en arrière pour l'apercevoir. Grimmjow, assis à son côté et situé entre son ami et le Sinner, se leva et tendit les bras en croix comme pour le protéger. Son regard était noir de fureur mais Nnoitra ne fit que ricaner en retour :
— C'est p'tê't grâce à ton p'tit pote que tu t'en es sorti, hein, gamin ?
— Laissez-le tranquille.
Grimmjow avait mis tout son cœur dans ses dires et sa plus grande conviction. Mais cela n'eut aucun effet sur le soldat qui s'esclaffa.
— Grimmjow ! héla Urahara comme pour le raisonner.
— Me donne pas d'ordre moucheron ou tu vas mal finir ; reprit Nnoitra ; Maintenant, salue-moi et baisse la tête.
Grimmjow voulut résister encore. Mais Ulquiorra ne le suivit pas et se leva en se courbant très bas. Ichigo, juste devant lui, semblait lui supplier d'obéir. Baisser la tête pour ce lâche qui avait envoyé cinq soldats contre un Freak et l'avait achevé en lui plantant son arme dans son dos ? Ça l'énervait au plus haut point. Les Sinners, de valeureux chevaliers prêts à protéger la population ? La bonne blague.
— Grimmjow ! Ça suffit, maintenant ; dit Urahara en haussant la voix; Obéis, cet homme est ton Supérieur.
L'enfant comprit que son professeur voulait surtout en finir et que son acte pouvait à la fois être dangereux pour lui, mais aussi pour tout le monde dans l'école. Il baissa alors la tête avec dépit.
Nnoitra se mit à nouveau à rire et frotta les cheveux de Grimmjow d'une main :
— Bien, bien, le chiot ! Ça passe pour cette fois, moi aussi j'étais une tête brûlée quand j'avais ton âge !
— Messieurs, vous perturbez mes élèves et le bon déroulement de cette journée. Alors, s'il vous plaît, veuillez sortir et attendre que je renvoie les enfants chez eux.
— Négatif, mon Père ; dit fermement le second de Jiruga qui portait un bandeau à l'œil ; nous avons des ordres.
— Quels ordres ? De qui viennent-ils ?
Ce fut le chef qui reprit la parole en lui faisant face :
— Je crains que cet ordre ne vous dépasse d'un rang, mon Père ; commença-t-il ; cela vient d'en haut. Les Heptas, formant le Conseil des sept Lords, ont décidé de faire un nouveau recensement des Dogs. On commence par les enfants.
— Quoi ? Mais, comment… si soudainement…
— Les Dogs ne manquent jamais de créativité pour être toujours plus mesquins et rusés ; répondit le chef en lançant un regard plein de sous-entendus à Grimmjow ; il semble que certains s'amusent à forger des fausses plaques pour contrer la Loi. Rien de plus excitant pour des Freaks qui voudraient démarrer une nouvelle vie. L'un d'eux est mort près des Forges il y a quelques jours, vous avez dû en entendre parler. Une enquête est ouverte et les Heptas exigent un recensement pour assurer la bonne tenue du Registre.
Urahara comprit immédiatement que Nnoitra mentait pour le Freak. Il avait sans doute prémédité sa mort pour qu'elle puisse s'accorder avec l'enquête en cours et ne paraisse pas suspecte auprès des Lords. Néanmoins, même s'il savait beaucoup de choses, il ne put rien répondre. Chacune de ses paroles à l'encontre de cet ordre serait répétée et peut-être amplifiée pour lui porter préjudice. Contre les Heptas, il était impuissant.
— Je vois. J'espère que cette enquête s'achèvera au plus vite.
— Mais assurément, mon Père ! Comptez sur moi. À présent…
Il claqua dans ses doigts et aussitôt, le second ouvrit la besace qu'il avait emportée avec lui pour y trouver un petit paquet de feuilles.
— Je vais distribuer les convocations de recensement, mon Père ; déclara-t-il froidement.
— Très bien, activez-vous ; fit Urahara ; Les enfants, asseyez-vous et restez tranquilles. Ils ne vous veulent aucun mal, vous n'avez pas à avoir peur.
D'autres hommes vinrent aider le second. Les soldats s'exécutèrent en hélant les prénoms des enfants. Ichigo saisit sa feuille sans discuter et déchiffra ce qui était écrit dessus. Il passerait dans trois jours, le matin. Il ne s'agissait pas seulement d'une identification. Il y aurait aussi un interrogatoire en présence d'un Sinner et un examen médical complet.
Urahara vint vers lui pour lire sa feuille. Il fut encore plus surpris de cette nouvelle. L'examen médical serait fourni par des Pasteurs, de toute évidence. Pourtant, ils n'avaient pas été prévenus plus tôt. C'était clair, maintenant : cette décision avait été prise à la hâte, comme si les Lords craignaient une rébellion. Peut-être même que le recensement n'était qu'un prétexte. On y insérait un examen médical pour montrer aux Dogs que les Supérieurs prenaient soin d'eux. Mais ce n'était qu'une façade : ce qui importait, c'était l'interrogatoire. Est-ce qu'on inciterait les enfants à vendre leurs parents en échange d'une friandise ? Urahara soupira. Il réunirait ce soir quelques Pasteurs qu'il appréciait intimement pour en parler.
OoOoOoOoOoOoOo
— Vous n'avez pas peur de ce recensement ? Moi, ces Sinners, ils m'ont fichu une de ces frousses ! s'exclama Orihime en s'agrippant au bras d'Ichigo pour y trouver quelque réconfort.
Les enfants rentraient chez eux. Après le départ des Sinners, le professeur avait eu du mal à clôturer la journée et semblait même avoir oublié de donner les devoirs. Les Dogs étaient à présent sortis. Certains s'empressaient de rentrer, attendus par leurs parents. D'autres jouaient encore au ballon sur la place. Le petit groupe de six rentrait lentement, empruntant la même avenue principale.
— Ne t'inquiète pas Orihime ! s'écria aussitôt Tatsuki en lui prenait la main ; je passe juste avant toi et s'ils sont méchants, je leur ferai comprendre ce que c'est de parler à une dame, moi ! Ils seront tout gentils avec toi après, c'est sûr ! Et puis, je t'attendrai à la sortie.
Orihime lui sourit tendrement et claqua une bise sonore sur sa joue. Grimmjow, de son côté, avançait la tête basse et les poings fermés dans ses poches. Se prendre pour une dame ? C'était honorable de la part de son amie mais il était plus réaliste : jamais un Supérieur ne la traiterait à son égal ou avec l'entière dignité à laquelle ils avaient pourtant droit.
— Je suis sûr qu'il n'y a pas à s'inquiéter ; poursuivit Ichigo ; on a déjà fait des recensements. Les Sinners ne sont pas forcément très chaleureux mais il n'y a jamais eu de problème avec les enfants. Et puis, pour l'examen médical, la plupart des Pasteurs sont très gentils !
— Ah ça oui ! Unohana m'a dit que je devais être très sage car toutes mes dents de lait étaient tombées ! sourit Orihime en montrant ses nouvelles dents.
— Quel est le lien avec la sagesse ? demande Chad.
— Je ne sais pas mais c'était si gentiment dit…
— Avec toutes les étranges choses que tu manges, c'est même étonnant que tu n'aies rien à tes dents… ; chuchota Chad pour lui-même.
— Je t'ai entendu ! s'écria Tatsuki ; sache que tout ce que fait Orihime est délicieux !
Les enfants rirent un moment, peu persuadés de ce qu'assurait si fièrement la jeune fille aux cheveux courts. Au final, Ulquiorra dit d'une voix plus éteinte :
— Peut-être que le recensement se passera comme d'habitude, mais nous n'avons jamais eu d'interrogatoire avant…
Ichigo observa le tremblement qui fit onduler les épaules d'Ulquiorra. Il était vrai que l'idée d'être seul à seul avec un Sinner n'avait rien d'enthousiasmant.
— Mh… Je me demande bien ce qu'ils veulent… ; ajouta Tatsuki, plus pensive.
— Ils cherchent sans doute à savoir ce qu'il se passe aux Forges ; expliqua Chad.
— C'est vrai ça ! Je les ai entendus parler au prof de Dogs qui fabriquaient de faux marqueurs !
— Ton grand-père a déjà vu les faussaires ? ; demanda soudain Grimmjow à Chad.
Chad haussa les épaules :
— Pas que je sache. En tout cas, il y a déjà eu des voleurs… Mon grand-père avait demandé à des Sinners de monter la garde mais ça lui a toujours été refusé.
— Et il y a déjà eu des rondes de Sinners ?
— Bien sûr mais souvent les gars s'en tirent en se cachant quelque part.
Il y eut un silence dans le groupe. Personne ne savait vraiment ce qu'il se passait quand on était arrêté par un Sinner. La Prison était sans doute un des lieux les plus mystérieux et effrayants de la Cité.
— Et ce Freak qui est mort aux Forges… ça fait froid dans le dos ! s'apeura Orihime.
— C'était un évadé de la Prison ; expliqua Chad ; C'est le chef des Sinners qui l'a tué, Nnoitra Jiruga.
Au nom, Ulquiorra, Ichigo et Grimmjow sursautèrent légèrement. Ils se regardèrent furtivement et gardèrent silence.
— Comment tu sais tout ça, toi ? demanda Tatsuki.
— C'est mon grand-père qui me l'a dit. On habite à côté des Forges. Ce n'est pas la première fois qu'il entend du grabuge dehors la nuit et c'est toujours le Commandant qui mène ce genre de descente. Le lendemain, ils ont emmené le corps à la Fosse et j'ai surpris quelqu'un dire à mon grand-père que le prisonnier était Mayuri Kurotsuchi…
— Courser un Freak dans toute la Cité ; fit Tatsuki en fermant les yeux, les bras croisés derrière sa tête ; ça doit demander de courir sacrément vite.
Chad hocha la tête.
— Selon mon grand-père, ça serait pas vraiment une évasion… il est persuadé qu'il s'agit d'autre chose…
— Autre… chose ? s'inquiéta Ichigo.
Il y eut un nouvel hochement de tête :
— Comme si les Sinners s'amusaient au chat et à la souris.
— Tu veux dire que c'est prémédité ? s'exclama Grimmjow qui trouva un regard entendu auprès d'Ichigo et d'Ulquiorra.
Chad haussa les épaules et s'arrêta de parler. Ils passèrent à côté de deux Sinners en patrouille. Après quelques instants de silence, le plus grand garçon au teint basané baissa la tête et murmura :
— C'est pas nos affaires, n'est-ce pas ?
Ulquiorra hocha la tête, Ichigo se mordit la lèvre, Orihime acquiesça d'un sourire faussement rassuré et Tatsuki se gratta l'arrière du crâne :
— Raah, il a raison ! fit la dernière ; On devrait pas s'occuper de ça, même si ça me démange de mener l'enquête !
Le groupe s'arrêta de marcher devant la demeure de Zaraki.
— On devrait rentrer chez nous ; conclut Chad ; L'important, c'est de se concentrer sur le recensement qui aura bientôt lieu.
Tout le monde fut d'accord mais Grimmjow restait frustré. Il avait tellement envie d'en apprendre plus. Il avait l'impression, en ayant assisté à ce meurtre l'autre soir, d'avoir créé une brèche qui lui permettrait de comprendre un peu mieux le monde dans lequel il vivait.
OoOoOoOoOoOoOo
Le dîner se fit en silence. Depuis que Zaraki avait été prévenu du recensement et qu'il avait vu les convocations des trois garçons, il semblait sourd à toute conversation et se tenait pensif dans le salon, un verre de saké devant lui. Les deux autres locataires étaient revenus des Forges et Yumichika avait préparé le dîner avec les garçons. Quand tout le monde se retrouva autour de la table en bois, un bol de riz et une assiette de poisson devant soi, il fut convenu que le silence était encore la meilleure manière de prendre le repas.
Au bout d'un moment néanmoins, Zaraki se lança :
— Ce recensement. On sait tous ce qu'on en pense, mais je vous interdis d'en dire du mal tout haut. Surtout vous trois.
Il pointa de ses baguettes les enfants. Grimmjow, au milieu, se sentit particulièrement visé.
— On ne sait pas dans quelles oreilles malveillantes ça pourrait tomber.
Yumichika et Ikkaku acquiescèrent.
— Zaraki… ; osa Ichigo d'une voix plus fébrile ; le recensement… C'est vraiment quelque chose de mal ?
L'intéressé claqua sa langue dans sa bouche et but une gorgée d'eau. Yumichika se permit de répondre à sa place avec un sourire réconfortant :
— Non, Ichi', c'est juste une manière de savoir précisément combien nous sommes et comment nous protéger en cas de besoin.
Grimmjow avait vu clair dans son jeu. Il ne pensait pas vraiment ce qu'il disait. Le recensement était organisé par les Supérieurs et c'était une manière comme une autre d'exercer son contrôle sur les Dogs. Les protéger ? Et pourquoi pas les exterminer comme un Freak en pleine nuit ?
— C'est pour cette histoire de marqueur sans doute ; reprit Zaraki ; nous serons interrogé pour les besoins de leur enquête. Ils veulent s'assurer que tout le monde est bien à sa place dans sa caste.
— Mais je ne sais rien sur cette affaire-là, moi ! reprit Ichigo.
— C'est bien évidemment ce que tu vas leur dire ! Ce que vous allez dire tous les trois ! Et je compte sur vous pour vous contrôler ! Pas de pleurs ni de crises de colère, de bégaiement de peur ni de regard fuyant ! Ça pourrait bien encore leur paraître suspect… Parlez d'une voix claire et répondez simplement aux questions sans faire d'histoire, c'est clair ?
Les trois acquiescèrent plus ou moins ardemment. Sur ce, Zaraki finit son repas et but d'une traite la fin de son verre d'alcool.
— Bien, les enfants, au bain, maintenant ! fit Yumichika.
— Grimmjow. Reste une minute ; grogna le plus vieux.
Il y eut un silence dans l'agitation. Grimmjow avait-il fait quelque chose de mal ? Allait-il le punir de nouveau ?
— Allez, hop, Ichigo, Ulquiorra ! reprit Yumichika pour ne pas faire attendre le patriarche ; Prenez la bouilloire, l'eau doit être assez chaude maintenant. À la salle de bain, immédiatement !
Les deux autres garçons partirent donc et ce ne fut que lorsque Yumichika eut fermé la porte de la salle d'eau que Zaraki regarda Grimmjow droit dans les yeux. L'enfant ne voulait pas paraître intimidé et restait debout, bien droit, la tête haute. Cette image amusa le plus vieux :
— Te tend pas comme ça, soldat, tu n'as rien fait de pire que d'habitude ; le rassura-t-il, le sourire en coin.
Ikkaku, qui était resté à table, se mit à rire sèchement pour accompagner la blague et se leva enfin pour sortir dehors fumer une cigarette. Grimmjow, surpris par cette touche d'humour, se détendit un peu plus.
— Tu voulais me dire quoi ?
— L'interrogatoire. Je sais qu'avec toi ça peut très mal finir.
Zaraki tira la chaise à côté de lui pour l'inciter à s'asseoir. Grimmjow obéit. Il regarda un instant son tuteur se masser la cuisse –celle de sa jambe endommagée- en réfléchissant les yeux dans le vide. Au bout d'un moment néanmoins, il reprit :
— T'avises pas de t'énerver ou de manquer de politesse aux Sinners. Ne penses pas que comme t'es qu'un gosse ils te feront rien.
Grimmjow écarquilla les yeux. Heureusement qu'Ichigo et Ulquiorra n'avaient pas entendu cette phrase. Lui-même avait peur de comprendre ce qu'elle signifiait :
— Ils peuvent s'en prendre… aux enfants ?
— J'ai jamais vu ça mais ça pourrait bien arriver. Pour apprendre à certaines têtes brûlées le respect des castes, il faudrait user de la manière forte.
Grimmjow serra son pantalon et sentit ses épaules se raidir.
— Je ferai gaffe ; répondit-il comme pour rassurer son tuteur ; mais… cette histoire d'enquête est bizarre…
— En quoi elle te paraît bizarre ? Ce ne sont pas tes affaires. Contente-toi de vivre ta vie comme tous les autres mômes.
Grimmjow se renfrogna. Étrangement, il n'aimait pas que Zaraki le rappelle à sa condition d'enfant. Depuis quelques jours, il sentait qu'il voulait grandir, sortir de cette innocence, comme si sa naïveté s'était brisée lors de la fameuse nuit.
— Ça me paraît bizarre parce que d'habitude les Freaks ne sont pas assassinés en pleine nuit dans la rue… j'crois pas que ça soit écrit dans la Loi.
— Raah, ne parle pas de la Loi comme ça.
— Mayuri Kurotsuchi n'était pas aux Forges par hasard. Il aurait pu s'enfuir mais il ne l'a pas fait. Il attendait quelqu'un. Cette nuit-là, il m'a dit que son complice était en retard. La personne qu'il attendait, c'était un faux-monnayeur pas vrai ?
— Comment tu sais tout ça, toi ?
— S'il avait été là, il lui aurait fait un faux marqueur de Dog. En le portant, il aurait été protégé par la Loi... Mais Nnoitra savait que ça allait se passer comme ça. Et il a tout préparé pour…
— Stop. Stop ; coupa Zaraki en levant les mains comme pour calmer l'enthousiasme de Grimmjow ; tu peux me dire comme tu as appris tout ça ?!
— Le Commandant a parlé des faux-monnayeurs à l'école et le vieil Oscar a dit tout ce qu'il pensait de cette histoire à Chad qui me l'a dit.
Face au sérieux de Grimmjow, Zaraki ne sut pas répondre, les yeux comme des ronds de flan. Il savait que ce garçon était le plus malin des trois mais il n'avait jamais remarqué cette telle vivacité d'esprit.
— C'était pas dur de faire le lien… ; murmura Grimmjow d'une voix à peine audible en regardant ailleurs.
Zaraki soupira en posant ses coudes sur la table et en passant une main sur son front, glissant ses doigts sur ses paupières fermées pour les masser un instant.
— Dis, est-ce que le Commandant laisse des Prisonniers s'évader pour les tuer ensuite ?
Ce fut la question de trop. Zaraki posa une de ses grandes mains sur la bouche du garçon.
— J'ai dit « stop », Grimmjow. Tu ne sais pas à quel point c'est dangereux ce que tu racontes là. Si on te chopes en train de déblatérer toutes ses belles paroles, tu finiras dans un sale état et ta famille avec. Je t'ai déjà dit que l'insubordination se paye toujours.
Il retira sa main et retourna à sa cuisse pour la masser, plus inquiet, tandis qu'il regardait son pupille d'un air dubitatif. Grimmjow laissa un silence s'installer et replongea ses yeux bleus dans ceux noirs de son tuteur :
— Être un faux-monnayeur, c'est de l'insubordination aussi ?
Zaraki hocha la tête lentement.
— Oui ; dit-il d'une voix presque triste ; et ça va se payer très cher.
Grimmjow comprit ce qu'il voulait dire par-là. Le paiement, c'était le déclassement en Freak et l'emprisonnement. Ou pire encore. Zaraki soupira une nouvelle fois et passa une main dans ses cheveux en cherchant un instant ce qu'il allait dire :
— Écoute, Grimmjow. Tu es loin d'être idiot. Ce que tu as dans les tripes, ça te servira quand tu seras plus grand. Mais pour devenir adulte, il va falloir que tu te contiennes un peu. Je crois pas que tu joues les rebelles à longueur de temps. T'en es un, c'est tout, c'est en toi.
L'enfant écoutait avec attention. Pour la première fois, il sentait que son tuteur le comprenait vraiment, comme un père.
— Mais tu ne peux pas te permettre d'être toi-même. Pas avec ta caste. Pas dans cette Cité. Si l'envie de pester contre le système te prend, pense à ta famille. Pense à Ichigo et Ulquiorra. Pense à nous. Quand je te dis que l'insubordination se paye, c'est vrai. Il y en a qui ose, c'est vrai. Mais ils n'ont sans doute plus rien à protéger. Toi, tu as beaucoup à perdre.
Grimmjow baissa les yeux. Il n'avait pas imaginé un seul instant qu'on puisse faire du mal à ses frères ni à sa famille, pour le punir. En y songeant, c'était bien le plus horrible des châtiments. Qu'on le batte et le fouette, il l'accepterait, même si c'était terrifiant… Mais qu'on blesse les personnes qu'il aimait le plus, c'était intolérable.
— Ce que tu viens de me dire doit rester entre nous. C'est précisément de cette manière que je ne veux pas que tu t'exprimes à la milice. Sois plus obéissant, plus soumis, plus faible… ça te sauvera. Et ne parle jamais de ton opinion sur cette histoire à des copains d'école, même à de bons amis. Tu leur fais confiance à eux, mais s'ils le répètent à leurs parents ? Et leurs parents à d'autres adultes qu'ils connaissent ? Un jour, ça te retombera fatalement dessus et nous avec.
Grimmjow acquiesça. Il avait eu raison de garder le silence plus tôt avec le groupe. Chad l'avait peut-être senti et son grand-père lui avait sans doute aussi rappelé de faire attention. Il avait stoppé la conversation pour qu'ils arrêtent de trop bavarder à ce sujet en pleine rue.
— Es-tu prêt à faire ta première promesse d'homme avec moi ?
Le garçon releva les yeux, la bouche entrouverte comme s'il allait gober une mouche. Il hocha la tête presque timidement, presque par peur de ne pas avoir bien entendu. Zaraki posa son coude droit sur la table, sa main ouverte en évidence devant ses yeux. Instinctivement, le garçon glissa sa main plus petite et frêle au creux de la sienne. Aussitôt, l'adulte serra et Grimmjow fut surpris de la force exercée. Il essaya d'en faire de même, en vain.
— Promets-moi de bien te comporter à ton recensement. Peu importe ce que les Sinners te diront ou voudront te faire dire. Même si tu sens la colère t'envahir, retiens-toi et reste à ta place, sans te rebeller. Tu m'as bien compris ?
Grimmjow sentit toutes ses forces disparaître dans cette poignée de main. La main de Zaraki était si grande qu'il ne voyait plus la sienne. Ses jointures devenaient plus blanches que son teint naturellement halée. De grandes veines surgissaient de son poignet pour couler le long de son avant-bras. À côté de ces muscles et de cette force, lui n'était qu'une brindille se pliant au moindre coup de vent.
— Oui.
— Regarde-moi dans les yeux et jure-le moi, comme un homme.
Grimmjow releva ses yeux pour rencontrer ceux de son tuteur. Son regard était tout aussi dur et sévère que lors de ses mauvais jours mais cette fois le garçon savait que c'était pour la solennité de leur moment.
— Je te le jure, Zaraki.
Merci pour votre lecture. Une review fera toujours plaisir !
