Yo,

R.A.R (Réponses aux Reviews) :

Bouh-ahh : Je suis ravie de toutes ces questions et m'excuse pour l'attente entre les chapitres. J'espère que ce chapitre sur le recensement te plaira !

Voici le chapitre 4 de l'acte I. Bonne lecture !


Deux jours passèrent, aussi sombre l'un que l'autre. La joie de la rentrée s'était bien vite dissipée pour une angoisse silencieuse et partagée par tous les enfants de la classe. Renji, le Roi du Jeu, semblait profiter de ce moment pour faire valoir ses droits aux plus jeunes effrayés mais n'en menait pas large quand il s'agissait de lui rappeler le recensement. Le petit groupe d'amis n'avait pas repris leur conversation du premier jour car il semblait que l'interrogatoire, en plus d'intimider tout le monde, était devenu un sujet tabou dans toute la zone.

Il était encore tôt en ce matin du troisième jour. Le soleil n'était pas bien haut dans le ciel et une petite brise faisait parfois voleter la pièce de tissu qui servait de rideau à l'ouverture de la chambre. La brise s'y engouffrait et venait caresser les cheveux des enfants enfoncés dans leur futon.

Grimmjow ne dormait plus. Allongé, les bras pliés sous sa tête, il regardait le plafond d'un air pensif. C'était aujourd'hui le recensement. Dans quelques heures, ils passeraient chacun dans une pièce remplie de Sinners et devraient obéir. Grimmjow appréhendait un peu. Il repensait sans cesse à la promesse qu'il avait faite à Zaraki. Il n'aurait pas le droit de s'énerver ou de répondre impoliment aux Supérieurs.

Tout à coup, il vit des pics orange envahir une partie de son champ de vision et sentit un poids se flanquer contre ses côtes. Il baissa le regard et observa Ichigo qui, dans son sommeil, s'était retourné dans son futon pour finir par se lover contre lui. Ses yeux fermés et sa bouche entrouverte donnait à son visage d'ange une expression bien plus apaisée que la veille. Ichigo avait eu beaucoup de mal à s'endormir. Il n'avait cessé toute la soirée d'imaginer mille et une situations qui pourraient arriver au moment du recensement et demandait alors conseil à Zaraki, Yumichika et Ikkaku. Les deux plus jeunes avaient fini par lui rire au nez tant il inventait des choses ridicules et Zaraki, un peu plus remonté, lui avait ordonné de se taire au lieu de dire des bêtises.

Grimmjow souleva sa tête pour sortir une de ses mains et la dirigea sur la chevelure orangée de son frère de cœur. Il appréciait toujours ces moments : caresser ses cheveux si doux l'aidait systématiquement à l'apaiser. Il resta là quelques minutes avant que la tête orangée ne bouge encore. Un visage apparu, ainsi que deux grands yeux ambrés à moitié ouverts.

— Mh… B'jour… ; dit Ichigo d'une voix cassée.

— Tu as bien dormi ? demanda Grimmjow.

Ichigo bailla sans oublier de mettre la main devant sa bouche et frotta un œil en hochant la tête de haut en bas. Après quelques secondes de silence, laissant à Ichigo le temps de se réveiller, ce dernier reprit :

— C'est… aujourd'hui ?

Grimmjow remit ses bras sous sa tête.

— Ouais, c'est aujourd'hui.

Ichigo s'assit, les genoux relevés sous le menton, le regard perdu dans le vide.

— J'ai vraiment pas envie d'y aller…

— Nous n'avons pas vraiment le choix.

C'était Ulquiorra qui venait de parler. Il s'était apparemment réveillé au même moment. Allongé dans son futon, on ne voyait que sa tête sortir des couvertures, ses cheveux noirs étalés sur l'oreiller. Il regardait le plafond d'un air neutre :

— C'est un ordre des Supérieurs. Si nous n'y allons pas, nous aurons de gros ennuis. Et Zaraki aussi.

— Pas la peine de dire des évidences, on sait ça ; reprit Grimmjow comme piqué à vif.

Il aurait cru un instant qu'Ulquiorra le rappelait à l'ordre comme s'il prévoyait un mauvais coup. Non, jamais il ne désobéirait à ça. C'était comme Zaraki avait dit : si ses fautes retombaient sur sa famille, il préférait encore se soumettre.

Soudain, la porte de leur chambre coulissa. Avec leur conservation, ils n'avaient même pas entendu quelqu'un monter les escaliers. Yumichika apparut. Il avait rabattu les manches larges de son yukata avec des lanières et avait lacé ses cheveux en un rapide chignon. C'était ainsi tous les matins quand il cuisinait le petit-déjeuner.

— Bonjour les garçons. Bien dormi ?

Les garçons acquiescèrent sans grand entrain. La voix de Yumichika était plus douce qu'à l'accoutumée. Le matin, il pouvait se plaire à les réveiller en criant et à les secouer pour qu'ils se lèvent. Il n'était aussi doux et calme que quand il s'inquiétait pour eux :

— Bien. Zaraki veut que vous soyez bien présentables pour le recensement.

Les garçons remarquèrent enfin la bassine fumante qu'il tenait entre les mains. L'eau était trouble et blanchâtre, sans doute savonneuse. Une serviette pendait à son bras.

— Vous allez vous nettoyer le visage et je vais vous aider à vous habiller.

Yumichika leur laissa la bassine et les garçons y plongèrent leurs mains. L'eau chaude était agréable au toucher et une fois sec, leur visage semblait tout doux et brillant. Yumichika leur choisit pendant ce temps les habits les moins troués, tachés ni froissés. Ce ne fut pas simple pour Grimmjow qui avait toujours eu tendance à privilégier les bêtises et cabrioles au soin de ses vêtements. Une fois la tâche faite, ils furent aussi coiffés et inspectés de toute part avant de pouvoir descendre dans la cuisine. Zaraki se trouvait assis à table et massait sa cuisse distraitement. Quand les enfants apparurent et servirent leur thé, il les observa l'un après l'autre à la recherche de la moindre crasse mais fut relativement satisfait. Il lui sembla que les enfants étaient bien silencieux. Pour une fois, ils avaient l'air de comprendre le sérieux de la situation.

— Je vais vous accompagner à la Centrale.

— T'es pas obligé, on peut très bien y aller seuls ; dit Grimmjow.

— Vous êtes des mômes et je suis votre tuteur ! Je vous y emmène, point final.

Il se leva pour aller poser son bol dans la bassine de vaisselle sale. Il grogna en passant à côté de l'enfant :

— Ne discute pas les ordres, Grimmjow.

Le garçon comprit qu'il ne parlait pas tant de sa réplique que du recensement qui allait bientôt arriver. Il se surprit à s'en vouloir. Il voulait vraiment faire des efforts. Quand il avait dit qu'ils pouvaient y aller seuls, c'était pour lui montrer qu'ils pouvaient faire quelque chose sans lui...

Il se retourna sur son tabouret pour regarder Zaraki.

— Excuse-moi.

Un silence suivit ces mots. Les deux autres enfants avaient suspendu leur repas et regardaient Grimmjow d'un air ahuri. Zaraki, visiblement interloqué, ne sut pas vraiment quoi répondre. Il sembla murmurer quelque chose dans sa barbe et finit par reprendre avec le même aplomb :

— Finissez de manger et allez vous brosser les dents.

Dix minutes plus tard, les enfants quittaient la maison accompagnés de Zaraki. Ils partaient assez tôt mais la Centrale n'était pas très proche et il leur faudrait plus de temps pour l'adulte appuyé sur sa canne.

La Cité formait une grande enceinte de pierres, divisée en plusieurs zones. La Centrale se trouvait près de la Prison, au bord de la muraille. Au côté parfaitement opposé du cercle, se dressait l'immense château du Roi et des Lords. Cette zone était très sécurisée et personne ne pouvait y entrer sans autorisation ou invitation, même les Pasteurs. Ces derniers vivaient dans la zone restante avec les Dogs. Certains préféraient rester entre membres de la même caste et s'étaient réunis au nord, au bord de la Plaine, sorte de vaste étendue verte accessible à tous les citoyens. D'autres appréciaient vivre auprès des Dogs, comme Urahara Kisuke.

Ils passèrent par la place de l'école et virent les enfants agglutinés autour des grandes portes ouvertes. Le professeur se tenait à l'entrée pour accueillir ses élèves. Quand il remarqua la haute stature de Zaraki et les trois garçons qui l'accompagnaient, il comprit qu'il s'agissait du recensement. Il salua le tuteur d'un poli hochement de tête que le Dog lui renvoya.

Pendant leur route, Grimmjow remarqua que Zaraki s'était aussi habillé avec plus de soin qu'à l'accoutumée. Il portait un long yukata bleu nuit tacheté de blanc ainsi qu'un couvre-épaule noir dont la corde tressée qui reliait les deux bouts retombait sur son torse. Il marchait toujours avec une main dans un pan de son habit, la reposant comme dans une poche contre son obi, d'un rouge éclatant, qui ceinturait sa taille. Son autre main s'affairait avec la canne à le faire marcher correctement.

Cela semblait faire partie des bonnes pratiques selon Zaraki. Ikkaku disait qu'il était « de la vieille école ». Grimmjow ne savait pas vraiment ce que cela voulait dire car il n'y avait pas eu d'école avant celle d'Urahara. Néanmoins, il avait compris que son tuteur avait certains grands principes et qu'il les suivrait peu importe la situation. Par exemple, lors de journées spéciales, il fallait bien se laver et bien s'habiller.

Ils arrivèrent à la Centrale dix minutes avant l'heure de la convocation. Les trois enfants entreraient en même temps dans trois salles différentes. Pour l'heure, l'édifice en pierre grise tout à fait sinistre paraissait bien clos. Un garde armé tenait la porte de service. La Centrale servait de camp de base aux Sinners. Derrière ce bâtiment, fermé aux Dogs, s'étalait un ensemble de baraquements où la caste vivait et s'entraînait.

Soudain, un homme sortit du bâtiment et fuma une cigarette. Il ne regarda qu'un instant les quatre visiteurs immobiles qui attendaient. Les enfants le reconnurent. De petite taille et avec un bandeau sur l'œil, il s'agissait du second du Commandant qui avait distribué les convocations à l'école.

Quelques secondes plus tard, deux Sinners arrivèrent. Ils semblaient revenir des baraquements des Dogs. En reconnaissant le fumeur, les deux hommes se raidirent poliment. Grimmjow remarqua que leur air moqueur s'envola au moment de saluer le supérieur hiérarchique. Ichigo, plus tremblant, remarqua le sang sur la manche d'un des deux hommes.

— Vous l'avez trouvé ?

— Affirmatif, Adjuvant. Le père ne voulait pas nous ouvrir au début. Il avait caché son fils dans la remise.

— Vous avez réglé le problème ?

Enfin, l'homme qui venait de parler prit conscience des enfants qui étaient là, à tout entendre. Il cacha sa manche en joignant ses mains dans son dos.

— Affirmatif, Adjuvant. Il n'y a plus de problème.

— Bien.

Les enfants se regardèrent entre eux, en silence. Ulquiorra avait du mal à garder son habituel sang-froid et cachait ses tremblements en dissimulant ses mains dans ses manches. Ichigo lui, sentit le besoin d'empoigner la main de Zaraki qui accepta sans rechigner. Il pouvait comprendre que la moindre évocation de violence pouvait les bouleverser, surtout après la fameuse nuit qu'ils avaient passée. Grimmjow, enfin, ne perdait aucune miette de la scène, comme s'il voulait absolument imprimer cette histoire et les visages de ces hommes dans sa tête. Il s'était mis en avant du groupe, comme s'il pouvait intervenir à tout moment pour demander ce qui avait été fait au père et au garçon. Zaraki finit par poser une main ferme sur son épaule pour le dissuader et le fit reculer contre lui. Il ramena aussi Ulquiorra contre ses jambes, comme pour le rassurer. Puis les deux hommes partirent dans la Centrale.

Quelques minutes plus tard, lorsque la cigarette fut entièrement consommée, le second vint vers eux dans une marche lente et confiante.

— C'est pour le recensement de ces enfants ?

— Oui, Monsieur ; répondit Zaraki.

— Vous êtes le tuteur ?

— En effet.

— Bien. Je vous informe tout de même que pour les enfants de plus de cinq ans, les tuteurs ne sont pas autorisés à entrer. Montrez-moi les convocations.

Zaraki hocha la tête puis les enfants sortirent chacun le document de leur poche et le lui tendirent.

— Bien. Suivez-moi.

Les enfants durent quitter non sans quelques regrets leur tuteur qui resta sur place. Grimmjow échangea avec lui un dernier regard, plein de promesses.

— 2310, porte A. 4912, porte B. Et 5206, porte C.

Ichigo se présenta donc à la porte A, Ulquiorra à la porte B et Grimmjow à la porte C. Ils n'avaient pas l'habitude d'entendre leur matricule. Soudain, les portes s'ouvrirent et il fallut entrer.

Porte A.

Ichigo était apeuré. Il sentait son estomac se tordre comme quand ils étaient sortis la nuit à la recherche de la Poupée-Roi. Il ne ferait sans doute pas preuve d'un plus grand courage pendant ce recensement. Certes, il y en avait déjà eu auparavant mais tous étaient très expéditifs. Le contexte de cette convocation était différent.

— Bonjour. Tu es Ichigo, c'est ça ? N°2310.

Ichigo acquiesça en hochant vivement la tête.

— Donne ta plaque, on va te trouver dans le registre.

Il enleva son collier docilement et le remit au Sinner qui le lui avait ordonné. Il était assis près d'un autre collègue à une table en bois. Ichigo ne s'y installa que quand il en fut invité. L'autre homme cherchait le numéro dans le lourd volume du registre. Pendant ce temps, le garçon regarda autour de lui. Le dernier recensement avait été si rapide qu'il s'était fait dehors et tous les Dogs étaient mis en file indienne. Peut-être était-il déjà venu dans l'une de ces salles mais il devait être très jeune et de toute évidence accompagné de Zaraki.

La salle était en béton armé, aussi nue et austère qu'il pourrait être possible d'imaginer. Une petite alcôve apparaissait derrière le bureau. Un fauteuil y avait été installé avec un charriot portant de nombreux outils qui rappelaient à Ichigo les rares fois où il avait dû se rendre chez le médecin. Un Pasteur était de dos, portant une traditionnelle combinaison grise à bouton en toile et des chaussures blanches. Il s'affairait à préparer son matériel. Plus en avant se trouvaient les deux Sinners assis à une table et Ichigo face à eux. Sur le mur de côté, apparaissait une porte fermée qui communiquait de toute évidence avec la Salle B.

— V'là le premier de la journée et ça me désespère déjà ; murmura le Sinner qui semblait avoir du mal à le trouver dans le registre.

Ichigo regarda un peu le livre ouvert. Plusieurs autres volumes s'empilaient sur le côté. Il vit passer de pages en pages des prénoms familiers. Enfin, sa tête apparut.

— Le voilà. Ichigo. N°2310. Né Dog. Orphelin. Tuteur : Zaraki Kenpachi.

Le lecteur rondouillard avait prononcé ses mots avec une telle lassitude qu'Ichigo en fut presque blessé. L'autre Sinner à côté, plus vieux, le regarda néanmoins avec insistance quelques instants. Le rouquin baissa les yeux, gêné. Le Sinner frotta son menton effilé avec ses maigres doigts :

— Mais oui, ce cher Zaraki…

Ichigo ne comprit pas vraiment pourquoi le nom de son tuteur était si important puis il se rappela la fois où Grimmjow l'avait surpris avec son katana. Ce n'était pas qu'un vieil objet de collection, il s'en était sans doute servi à une autre époque. Peut-être que ce Sinner le connaissait. Ils avaient sans doute le même âge.

Le plus épais des deux Sinners tamponna la fiche bruyamment ce qui coupa court à l'observation de son collègue.

— On l'passe au Pasteur ?

Avant que l'autre ne puisse répondre, le dit Pasteur se retourna, les mains sur les hanches :

— J'apprécierais que vous ne parliez pas de moi comme si je n'étais pas là. Et ce garçon n'est pas à « passer » comme un vulgaire sac de riz !

Ichigo eut un sursaut en entendant le ton monter. Le Pasteur avait une voix grave, portante, mais paraissait pourtant si jeune. Ses sourcils froncés lui donnaient, malgré ses traits juvéniles, un air déterminé et mécontent.

— Veuillez l'excuser, mon Père. Il manque cruellement d'éducation en ce qui concerne les castes; fit le plus fin tandis que son collègue profitait d'avoir le Pasteur dans son dos pour rouler les yeux au plafond d'un air dépité.

Le jeune Pasteur soupira et regarda finalement l'enfant de manière bienveillante.

— Tu veux bien venir ici ?

Il ne souriait pas et n'avait pas ce ton aussi chaleureux qu'Urahara mais, de toute évidence, Ichigo se sentait bien plus en confiance avec lui qu'avec les deux autres. Il se précipita donc hors de sa chaise jusqu'à lui.

— Je m'appelle Tôshiro Hitsugaya. C'est moi qui vais t'examiner aujourd'hui.

Dans l'alcôve, il se sentit rassuré que les Sinners ne les regardent pas et se contentent de rester assis à leur tourner le dos.

— Bien, enlève tes chaussures. Je vais te mesurer et te peser.

Le jeune homme avait inscrit sur une feuille l'identité de l'enfant. Ichigo obéit et il monta sur la balance à aiguilles. Puis, il se présenta droit contre le mur où un mètre avait été posé.

— Très bien, ça me semble correct ; fit le Pasteur en inscrivant les données.

Bien sûr, il trouvait en vérité les chiffres plutôt bas. Mais c'était devenu une norme chez les enfants Dogs. Ils étaient tous plus petits et maigres que ce qu'ils ne devraient être à leur âge. Le Pasteur le remarquait à chaque fois mais ne pouvait pas se permettre de le dire. Si les Sinners étaient de dos à attendre, il ne fallait pas pour autant croire qu'ils n'écoutaient pas. Au contraire. Au moindre écart, ils en réfèreraient à leur supérieur. S'il commençait à dire que les enfants étaient tous trop maigres, on le sermonnerait en lui rappelant que le Royaume qui les nourrissait était bien au fait de leurs besoins.

— Monte sur le fauteuil maintenant.

Ichigo s'assit sur le grand fauteuil noir le Pasteur se posta en face de lui. Il le surplombait toujours car il devait bien faire trois fois sa taille mais il put tout de même le voir de plus près. Il l'observa masser son crâne, sa nuque et son front en appréciant son toucher doux et délicat. Ses doigts étaient un peu froids mais sa présence était rassurante. Il devait avoir dans la vingtaine passée. Il avait de beaux yeux verts d'eau. Sa chevelure blanche l'avait trompé au départ. Quand il lui apparaissait encore de dos, Ichigo aurait parié que le Pasteur était un vieil homme. C'était la première fois qu'il voyait un jeune adulte avec des cheveux blancs. Mais ce n'était pas moche. C'était même fascinant.

— Concentre-toi pour suivre mon doigt.

Il passa son doigt de gauche à droite et de haut en bas. Ichigo avait du mal à se concentrer car il voulait regarder ses yeux plutôt mais il fut rappelé gentiment à l'ordre. Il vérifia ensuite s'il entendait bien en frottant ses doigts entre eux devant ses oreilles. Puis il voulut regarder ses dents et Ichigo garda longtemps la bouche grande ouverte en sentant un petit bâton en fer qui tapait sur ses dents.

Porte B.

Il lui avait dit qu'il s'appelait Gin Ichimaru. Il ne l'avait jamais vu mais son nom ne lui était pas inconnu. Il savait qu'il était un grand médecin et, dans ce cas, il se sentait plus en sécurité. Tous les tests s'étaient bien déroulés jusqu'à présent. Il avait été plus inquiet lorsque le médecin avait massé son crâne car, en soulevant les cheveux, il était tombé sur la vilaine plaie qui lui restait de la nuit de l'assassinat du Freak, mais n'avait rien dit pour autant. Mais là, en lui demandant de retirer son haut pour passer avec le stéthoscope sur son dos, il avait vu les bleus qu'il restait des coups de pied du Commandant au niveau des côtes.

— Je peux savoir comment tu t'es fait ça ?

Ulquiorra se sentit gêné. Les Sinners n'étaient pas particulièrement bienveillants à son égard non plus. L'adjuvant qui fumait dehors avait rejoint un autre homme aux cheveux noirs et au sourire mesquin. Les deux le regardaient d'un air grave pour l'un et moqueur pour l'autre.

Il haussa les épaules :

— Je suis tombé.

Gin comprit rapidement qu'il ne se sentait pas de parler librement avec les Sinners présents. Le Pasteur soupira. Il était en effet hiérarchiquement supérieur à ces deux sombres soldats mais, lors d'un recensement, l'examen ne pouvait pas avoir lieu sans eux.

— Sacré chute pour un bleu de cette taille.

— C'est que… Je suis tombé… de haut.

Ulquiorra fuyait son regard en entortillant ses doigts nerveusement. Gin sourit tristement en acquiesçant.

— Oui, évidemment. Ce sont toujours les plus silencieux qui tombent de haut...

Le garçon leva les yeux, la bouche entrouverte, l'air terrifié. Heureusement, le Pasteur avait si bien murmuré la phrase que les Sinners n'avaient rien entendu. Gin le rassura encore d'une caresse sur la tête :

— Laisse-moi regarder ça de plus près, d'accord ?

Ulquiorra dut s'adosser au fauteuil pour qu'il puisse l'examiner de plus près et tâter ses côtes les unes après les autres en silence. Au bout d'un moment, il lui sourit :

— Eh bien… Petit mais robuste ! Rien de cassé, c'est déjà ça…

L'enfant acquiesça, aussi rassuré.

Porte C.

Unohana Retsu était la Pasteur la plus connue des enfants. Elle intervenait à l'école pour donner des cours auprès d'Urahara sur le sauvetage et sur les soins à apporter en cas de maladies. En la voyant, Grimmjow s'était senti chanceux de l'avoir pour l'examen. Elle était toujours gentille avec lui et sa voix si douce lui donnait envie d'avoir une mère.

— Encore une fois, tu es en excellente santé, Grimmjow.

Elle n'avait cessé de noter sa robustesse et avait été rassurée de ne trouver aucune blessure sur son corps. Il était vrai que Grimmjow l'avait souvent croisée après quelques bagarres, le menton écorché et le nez en sang. Elle retira son stéthoscope puis ses gants en lui indiquant de se rhabiller tout en s'éloignant.

C'est alors que Grimmjow revit ce qui l'avait tant énervé en entrant, si bien que même la présence d'Unohana n'avait pas pu entièrement l'apaiser : Nnoitra Jiruga était le Sinner attaché à son recensement. Il était là, assis sur la table, les pieds sur la chaise, à ne rien manquer de la scène avec un sourire malsain dessiné sur le visage. Grimmjow ne sut pas pourquoi mais il sentit de la crainte en plus de la colère en le voyant. Il remit prestement ses habits. Il ne voulait pas avoir peur de lui. D'abord, pourquoi était-il là ? Jamais un Commandant ne libérerait de son temps pour le vulgaire recensement d'un enfant Dog.

— Vous en avez fini, chère Madame ? dit-il d'un ton sarcastique.

— Oui, je vais remplir son dossier ; répondit Unohana d'une voix soudainement plus froide ; Grimmjow, tu peux aller te rasseoir près d'eux.

L'enfant, avec lenteur, descendit du siège et vint se reposer sur la chaise du bureau en ordonnant ses cheveux bruns plus en bataille encore depuis l'inspection de poux de la Pasteur.

— Et bah on dirait qu'on a un véritable dur à cuire en face de nous. Une santé de fer à ce que je vois ! s'exclama théâtralement le Commandant en s'asseyant correctement sur sa chaise, face au bureau.

Grimmjow ne répondit pas et préféra hocher la tête. Depuis qu'il avait aperçu la face hideuse de Nnoitra, il se rappelait sans cesse sa promesse avec Zaraki.

— On va alors passer à l'interrogatoire. Tu sais ce que c'est ça ?

Il sortit une plaque glissée dans un chainon en fer, pareillement identique à celle que Grimmjow portait autour du cou. Un numéro était inscrit grossièrement dessus.

— La plaque d'un Dog ?

— Rectification : la fausse plaque d'un Dog.

— Comment le prouver ?

La question jeta un froid. Grimmjow se maudit en se mordant la langue. Il n'avait presque pas pu s'empêcher, la phrase était sortie toute seule, du tac au tac. Au loin, il vit la Pasteur le regarder de manière inquiète.

— Qu'insinues-tu, morveux ?! héla Nnoitra en haussa le ton.

Il serrait déjà son poing et le médaillon avec.

— Du calme ; vint en aide Unohana ; je pense que vous n'avez pas bien compris, Commandant. Grimmjow demande simplement comment c'est possible de fabriquer ces plaques, n'est-ce pas ?

L'enfant hocha vigoureusement la tête et imita le regard de chiot blessé que pouvait parfois arborer Ichigo. Nnoitra sembla le croire :

— Des foutus contrebandiers. Ça n'a rien de compliqué de créer un faux marqueur. Mais ça finit par se faire remarquer.

Grimmjow hocha la tête comme s'il était d'accord avec ces propos et qu'il comprenait. La situation était tendue. L'interrogatoire était-il comme ça avec tous les enfants ? Qu'en était-il actuellement de ses frères ?

— Je ne pense pas devoir apprendre à un Dog comment on fabrique une plaque, hein ? Les Forges sont évidemment le lieu suspect n°1. Comme par hasard, l'autre nuit, c'est là-bas qu'on retrouve ce foutu Freak qui devait rejoindre son indic. Et voilà ce que je trouve, à la place de son complice de mes deux, ce pauvre gamin aux yeux verts que tu veux tant protéger.

Grimmjow baissait la tête et serrait son pantalon à deux mains pour éviter d'exploser de colère.

— Je l'ai bien remarqué l'autre jour à l'école. Tu te serais jeté sur moi comme une furie si j'avais osé toucher à un seul cheveu de ce gamin. T'es aussi comme ça avec l'autre poil de carotte. Mais dis-moi, cette nuit-là, quand le Freak a pris ton protégé en otage, où étais-tu ? Tu t'étais planqué avec ton autre frère ? Tu l'as écouté crier de peur sans rien faire ?

— NON !

Grimmjow était au bord de l'explosion. Sa respiration était plus haletante et ses muscles raidis. Il avec serré sa langue tout le long mais ce cri lui avait échappé. Unohana Retsu, tout à fait attentive au discours du Sinner, était prête à intervenir à tout moment.

— Non ? s'en amusa le Commandant ; Pourtant je ne t'ai pas vu sortir de ta cachette. Moi qui pensais que tu étais un véritable chevalier servant…

L'enfant se mordait la lèvre. Il n'y avait eu aucune solution. Quelle aide aurait-il pu apporter à Ulquiorra cette nuit-là ? Du haut de ses un mètre trente, sans arme et face à un Freak puis une horde de Sinners, qu'aurait-il pu faire ?

— Peu m'importe à vrai dire ; poursuivit Nnoitra ; Ce que je veux savoir en revanche c'est la raison pour laquelle vous vous trouviez exactement au mauvais endroit au mauvais moment.

— On n'a rien à voir avec cet homme ! On ne le connaît pas !

— Ah oui ? Et tu me ferais croire que vous veniez ici pour vous balader en pleine Heure Sourde ?

— Non… On était… On cherchait… La Poupée-Roi.

Nnoitra sembla retenir l'information pendant quelques instants. Il reposa son dos lentement sur le dossier de sa chaise en mêlant les doigts immenses de ses mains sur son ventre. Il resta pensif quelques secondes :

— Mais oui, ce foutu jeu… Vous êtes vraiment prêts à tout pour avoir cette poupée, hein ? Son inventeur est un idiot qui vous fait miroiter une réalité que vous n'effleurerez pas même du bout des doigts de toute votre vie.

Grimmjow se sentit blessé. Le Commandant lui assurait tout bonnement qu'un Dog ne serait jamais Roi.

— Tu me feras difficilement croire à ce mensonge, gamin…

Le garçon releva la tête, les yeux grandis de stupeur.

— Je vous jure que…

Nnoitra frappa soudain du poing sur la table :

— Qu'est-ce que vous foutiez avec ce putain de Freak ?! Qui attendait-il ?!

Grimmjow sursauta sur sa chaise et sentit sa gorge se serrer et les battements de son cœur s'affoler tandis que le Commandant se relevait, s'appuyant sur la table à deux mains, le surplombant totalement.

— Je… Je… J'en sais rien ! On n'a rien à voir avec lui !

— Tch. Espèce de vaurien…

Il lui attrapa violemment le col de son haut d'une main ferme et le souleva de sa chaise. Jamais il n'aurait été possible de croire qu'un homme si maigre puisse contenir une telle force. Sa facilité à le tirer à lui d'une seule main effraya encore plus Grimmjow qui ne put se débattre et manqua de respirer.

— Non, attendez, Commandant ! alerta Unohana en s'approchant de la table.

Au même instant, une petite voix cria dans la pièce d'à côté et Grimmjow reconnut immédiatement Ulquiorra.

— Il n'a rien dit ! l'entendait-on pleurer ; il n'a rien dit je vous dis !

— Tu mens, sale chien ! hurla la voix d'un homme de l'autre côté du mur.

Le sang de Grimmjow ne fit qu'un tour. Il se débattit comme un diable pour s'extirper de la poigne de Nnoitra en figeant du regard la porte fermée qui donnait sur la salle B où se trouvait Ulquiorra. Le Commandant perdit l'équilibre et dut le lâcher pour ne pas s'affaisser contre la table.

— Ulquiorra ! Ulquiorra, tu m'entends ?! cria Grimmjow avec inquiétude en s'abattant contre la porte.

Malheureusement la porte était fermée à clé. Il n'entendit que les sanglots d'Ulquiorra de l'autre côté et la rage d'un adulte qui frappait du poing sur la table. À nouveau, un sentiment d'impuissance finit de l'envahir. Il était encore incapable de le sauver. Une douleur envahit son estomac dans l'instant et il cogna plusieurs fois la porte de toutes ses forces comme pour dissuader le Sinner de l'autre côté de s'en prendre à Ulquiorra.

La seconde suivante, il sentit sa tête serrée dans un étau de fer. C'était l'immense main du Commandait qui venait de l'attraper fermement. Il lui frappa le front contre la porte, l'assommant légèrement au passage. Grimmjow n'entendit que le cri de surprise d'Unohana avant de se retrouver au sol, ventre contre terre, un bras violemment tordu dans le dos. Le Sinner tenait son poignet et avait planté son genou contre ses reins pour le maintenir immobile.

— Tu vois ce que ça coûte de manigancer vos petites sorties nocturnes ? Tu as encore envie de jouer les rebelles pour finir ainsi, à lécher le sol comme un petit chiot ?!

— Lâchez-moi ! On n'a rien fait !

— Si vous continuez comme ça, je vous louperai pas et vous finirez dans ma jolie prison plus tôt que prévu !

— Non !

— Ça suffit !

Le Commandant fit une grimace mais ne répondit pas. Unohana Retsu, qui venait de hausser la voix comme elle le faisait si rarement, s'était avancée pour se poster devant lui en empoignant son bras pour le sommer de lâcher l'enfant.

— J'ai dit, ça suffit ; répéta-t-elle d'une voix sèche et froide.

Nnoitra, tout Commandant qu'il était, ne pouvait rien faire de plus s'il ne voulait pas attirer plus d'ennuis. Il soupira :

— Bien, Madame.

Il lâcha l'enfant qui se remit debout immédiatement alors que les voix s'étaient stoppées aussi de l'autre côté de la porte. Nnoitra se releva dans le même temps et prit un air plus empathique face au regard plein de haine que lui lançait la Pasteur.

— Vous ne connaissez pas ce gosse, ma Mère. Je vous assure ! Ce vaurien a besoin d'une bonne correction, c'est tout ! dit-il en levant les mains en signe d'innocence.

— Gardez vos morales paternalistes pour vous et laissez vos Supérieurs juger de ce qui doit être fait ou non. J'alerterai les Lords de ce comportement indigne d'un Commandant, Monsieur Jiruga ; reprit-elle en prenant Grimmjow par l'épaule ; en attendant, je mets immédiatement fin à ce recensement. Vous avez rempli le registre, j'ai fait son examen et vous avez eu les réponses à vos questions. Maintenant, c'est terminé.

Unohana reprit la plaque du garçon sur la table tandis que le Commandant soupirait de lassitude. Sans un mot de plus, elle ouvrit la porte et poussa Grimmjow en avant vers l'extérieur avant de le suivre.

Grimmjow, qui se sentait encore sonné par les coups, se fit éblouir par le soleil haut dans le ciel. Après quelques secondes, il reconnut à quelques mètres de lui Zaraki qui tenait Ulquiorra dans ses bras et un Pasteur aux cheveux gris qui lui parlait. Il laissa Unohana lui remettre son collier autour du cou avant de courir jusqu'à son tuteur pour s'assurer que son frère allait bien. Le pauvre calmait ses sanglots contre l'épaule robuste de Zaraki et lui lança un regard triste mais plus confiant et débordant de reconnaissance. Grimmjow se sentit soulagé et réalisa enfin ce qu'il venait de se passer. Jamais un interrogatoire n'aurait dû se passer comme ça. Ils étaient des cas à part, puisqu'ils s'étaient retrouvés dans les Forges la nuit du crime. Nnoitra avait sans doute manigancé le tout pour les interroger les trois sur le Freak, persuadé qu'ils étaient de mèche. Peu importaient les moyens pour les faire parler. Heureusement, les Pasteurs présents étaient parmi les plus puissants. Il reconnut Gin Ichimaru, un Pasteur qui l'avait soigné suite à une bagarre quelques années auparavant. Il savait que, pareil à Unohana, cet homme avait un certain poids sur la hiérarchie. Soudain, il repensa à Ichigo. Alors qu'il se retourna face aux portes de la Centrale, la « A » s'ouvrit pour faire sortir son dernier frère accompagné d'un jeune homme aux cheveux blancs. Ichigo courut aussi jusqu'à eux pour s'assurer que tout allait bien. Il abordait un regard inquiet et s'évertuait de ne pas pleurer. Grimmjow le serra un instant dans ses bras.

— Il ne l'a pas touché ; dit Ichimaru à Zaraki ; j'ai fait stoppé l'interrogatoire avant qu'il ne le fasse.

— Je vous en remercie ; reprit poliment Zaraki.

Grimmjow trouva que la voix de son tuteur était bien plus sentimentale qu'à l'accoutumée. Il lui apparut soudain qu'il s'était peut-être inquiété pour eux en les attendant pendant le recensement, d'autant qu'il n'aurait pas pu entrer dans une des salles au risque de provoquer un scandale. Sa petite voix marquée par les émotions révélait tout le soulagement qu'il éprouvait en cet instant.

— C'est une honte pour la sécurité de nos enfants ; reprit Unohana d'un air outré ; Sois-sûr que je vais en faire un rapport aux Lords, ce n'est pas la première fois qu'il use de violence pour obtenir ce qu'il veut…

Zaraki se pencha à nouveau en avant pour remercier en serrant aussi Grimmjow et Ichigo contre lui.

Soudain, la porte C s'ouvrit et Nnoitra sortit en trombe. Son corps maigre et immense apparut à la lumière du soleil et lui dessina une ombre encore plus grande que lui. Ses longs cheveux noirs pendaient autour de son visage marqué par une grimace de colère.

— Que je ne revois plus ces trois foutus chiots ! Bientôt, les lois changeront ! Gamins ou pas, je ne ferai plus d'exception pour punir l'insubordination !

D'autres enfants et parents, qui attendaient leur tour pour le recensement, virent la scène en silence, effrayés. Certains reculèrent pour plus de sécurité. Tous les regards étaient braqués sur le Sinner. Nnoitra se calma alors en prenant une inspiration et reprit d'une voix ferme :

— Hors de ma vue, le vieux. Obéis à ton Supérieur.

Zaraki ne préféra pas répondre et ne regarda qu'un instant dans les yeux ce Commandant qu'il trouvait fou et dangereux. Il prit la main de Grimmjow qui tenait déjà Ichigo et se retourna pour partir le plus vite possible, Ulquiorra dans ses bras.

Unohana le retint délicatement :

— Nous en parlerons à Urahara, je t'en fais la promesse Zaraki ; murmura-t-elle avec assurance tandis que Gin et Toshiro acquiescèrent en rythme.

— Je vous remercie. Vraiment. Mais il vaut mieux ne pas en faire toute une histoire ; conclut Zaraki avant de s'éloigner avec les enfants.


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