Chapitre 9 - Pour Weasmoche
L'annonce du bal de Noël plongea Poudlard dans une véritable effervescence qui empira encore, plus le jour fatidique approchait.
Hermione avait repris ses tours de garde dans la salle cachée et passait le reste du temps à la bibliothèque, mettant les bouchées doubles pour rattraper le retard causé par le Vivet doré et l'antidote. Malheureusement, le silence studieux était… troublé. Un énième gloussement s'échappa de derrière un rayonnage et elle fusilla la rangée de livres du regard, puis Victor Krum, installé à une table voisine.
Lui n'avait pas d'examens à passer, alors pourquoi diable élisait-il domicile à la bibliothèque ? N'avait-il pas un seul autre endroit où emmener ses groupies gloussantes ?
En tentant d'épier à travers les livres, l'une d'elles en fit tomber un. Sa couverture s'ouvrit dans sa chute et les pages se froissèrent contre le sol.
Hermione rangea ses affaires, se leva et le ramassa. Elle lissa le livre avec soin et le remit à sa place d'un geste sec, bouchant la vue de la greluche. En sortant de la bibliothèque, elle manqua de heurter un élève. Neville piétina devant elle, les joues roses et le regard fixé vers ses pieds.
— Tout va bien, Neville ?
— Est-ce que tu… tu voudrais venir au bal avec moi ? Si… si tu n'as pas déjà quelqu'un ?
Elle écarquilla les yeux. Il l'invitait au bal ? Avec tous les événements qui s'étaient bousculés dernièrement, elle n'y songeait plus.
« Tu ne vas pas perdre une soirée à batifoler avec Londubat avec tout ce qu'on a à faire. »
Elle se retint de lever les yeux au ciel. Bien entendu que l'antidote restait sa priorité.
— Je suis désolée Neville, ça m'aurait fait plaisir d'y aller avec toi mais j'ai déjà… quelqu'un.
Dire qu'elle avait prévu de travailler le soir de Noël sonnait un peu trop comme un mensonge. Neville s'excusa plusieurs fois avant de s'éloigner.
Elle prit le chemin de la tour d'astronomie : entre les gloussements perpétuels ou le silence tendu de Malfoy, le second avait au moins le mérite de ne pas retarder ses devoirs d'arithmancie. Elle s'apprêtait à tourner dans le couloir qui abritait leur salle, quand deux voix familières l'arrêtèrent net.
— Il monte toujours par là je te dis.
Une porte s'ouvrit puis se referma.
— On a fait toute la tour, il est pas ici. Tu t'es planté c'est tout.
— Finis de vérifier les salles avant de parler.
Le cœur battant, Hermione recula contre le mur, fixant l'angle qu'il formait.
« Malfoy, on a un problème. Crabbe et Goyle te cherchent. Ils sont juste à côté de toi. »
« Je suis au courant figure-toi. Si tu es à côté fais quelque chose ! Je n'ai pas le temps de tout cacher. »
« Je veux bien mais ils risquent de se demander pourquoi je rôde par ici en même temps que toi. »
« Ne sois pas stupide, ils ne sont pas si intelligents. Allez ! »
Elle tourna dans le couloir. Crabbe et Goyle arrivaient dans le coin qui abritait leur porte étroite. De loin, elle ressemblait plus à un placard à balais, ce qui ne les empêcha pas de s'en rapprocher.
— Vous avez l'air perdus, lança-t-elle en poursuivant son chemin, si c'est Malfoy que vous cherchez, il est à la bibliothèque.
Crabbe et Goyle échangèrent un regard, comme pour peser la véracité de cette information. La pesée ne dura pas plus d'une seconde avant qu'ils ne changent de cap. Crabbe ralentit en passant à sa hauteur.
— Ne fais pas trop la maligne.
Une fois les deux Serpentards loin, elle entra dans la pièce oubliée. Le chaudron bouillonnait au milieu d'une table, une balance en cuivre mesurant une pile hachée de feuilles d'aconit.
— Il nous faut un autre endroit, dit Malfoy avant qu'elle n'ait pu ouvrir la bouche.
Il reposa le Vivet sur le bureau. Elle s'installa face à la balance et Malfoy retourna à ses mesures. Alors qu'elle remplissait son parchemin de calculs, le petit oiseau vint sautiller sur l'encre encore humide, déposant des traces de serres sur son passage. Elle le poussa de son parchemin du bout des doigts.
— C'est inquiétant non ? Qu'il ne vole toujours pas je veux dire.
— Tant qu'il nous fournit des plumes, il peut se déplacer en roulant si ça lui chante, répondit Malfoy en étalant des yeux de scarabée sur le bureau.
Le Vivet s'approcha pour vérifier qu'il ne s'agissait pas de son prochain repas. Lorsque la fatigue prit le pas sur son envie de réviser, Hermione sortit ses recherches pour la S.A.L.E., ce qui fit ricaner Malfoy. Il se redressa soudain de son chaudron, ramenant ses mèches humides en arrière d'un geste vif.
— Je sais à qui on peut demander de nous trouver un meilleur endroit.
Hermione haussa un sourcil quand il désigna ses documents sur la S.A.L.E.
— Ah non, certainement pas.
— Si tu n'y vas pas, c'est moi qui m'en charge et crois-moi, je ne serai pas aussi gentil.
À contrecœur, Hermione descendit aux cuisines. Elle commençait à connaître le tableau représentant une coupe de fruits par cœur à force de venir y emprunter du sucre pour le nectar. Elle distinguait aussi peu à peu les différents elfes qui y travaillaient, mais même sans ça, elle s'en serait rappelée si elle en avait croisé un avec une cravate ornée de fer à cheval, des chaussettes dépareillées et un cache-théière en guise de chapeau.
« Pardon ? fit la voix de Malfoy. Poudlard engage des elfes libérés ? »
Prise d'un doute, Hermione dévisagea l'elfe en question et ses énormes yeux verts. Comme ceux que Harry avait vus à travers la haie des Dursley pendant les vacances d'été de sa deuxième année. Elle s'approcha de lui.
— Excuse-moi, serais-tu… Dobby ?
— Oui Miss. Est-ce que Dobby peut vous aider, Miss ?
Son envie de partager cette rencontre improbable avec Harry et Ron fut presque aussitôt douchée. S'il était bien celui qu'elle croyait, alors son ancienne famille était…
— Quelque chose vous contrarie, Miss ? Dobby peut aider ?
Hermione lui sourit.
— À part si tu peux me proposer un vivarium assez près de Poudlard pour que je puisse le visiter tous les jours, mais que personne ne connaisse et ne puisse trouver par hasard, j'ai peur que ce soit sans issue.
Ça, et une potion magique qui la libérerait de Malfoy.
Les elfes les plus proches se firent pensifs.
— Il existe une pièce secrète qui pourrait remplir toutes ces conditions, Miss, répondit une elfe à la voix fluette. Il s'agit de la pièce « va-et-vient », Miss.
Elle lui expliqua comment elle fonctionnait et Hermione s'empressa de partager sa trouvaille avec Draco pour lui faire oublier « l'elfe libéré ». Comme il était tard, ils convinrent d'attendre le lendemain pour déménager et Hermione regagna la tour des Gryffondors en espérant que Neville ne se trouve pas dans la salle commune. Pas qu'elle se sente mal à l'aise, au contraire elle était surprise et flattée qu'il ait pensé à elle, en revanche, lui risquait d'agir maladroitement et Ron…
Et si Ron l'invitait au bal ? Il ne leur restait plus beaucoup de temps pour trouver une cavalière. C'était peut-être ce qui avait décidé Neville à agir.
« Peu importe si le Ministre de la Magie en personne t'invite, on a déjà établi que nous n'avons pas de temps à perdre en batifolages. » lui rappela Malfoy.
— Guirlande, lança-t-elle à la grosse dame, le cœur battant.
Harry et Ginny étaient là, debout autour d'un fauteuil où Ron était enfoncé. Il tenait sa tête entre ses mains, le teint verdâtre.
— Que s'est-il passé ?
Ginny se tourna vers elle avec une moue exaspérée.
— Il a essayé d'inviter Fleur Delacour au bal.
Hermione s'arrêta à mi-chemin entre le portrait et le fauteuil de Ron. Elle n'avait plus envie de faire les pas restants. Qu'est-ce qui l'empêchait de tourner les talons et de retourner étudier ?
Ron en revanche la regardait soudain d'un air qu'elle ne lui connaissait pas.
— Hermione, tu es une fille…
— Quel sens de l'observation ! répliqua-t-elle d'un ton acide. Même Neville s'en est rendu compte avant toi.
Ron écarquilla les yeux puis s'esclaffa. Son visage commençait à reprendre des couleurs.
— Oui enfin Neville… Bref. Je voulais dire que tu n'as qu'à aller au bal avec Harry ou moi.
— C'est si chevaleresque de ta part, dit-elle sèchement.
— Arrête, on a vraiment besoin de cavalières. On va avoir l'air idiots sans.
— Je ne suis pas un prix de consolation !
Ron se leva.
— Oh allez, ce n'est pas ce que je voulais dire, d'accord ? Alors tu acceptes ?
Hermione ouvrit la bouche où les mots rageurs se bousculaient mais aucun son ne sortit. En sentant l'air se bloquer dans sa gorge, elle leva le nez d'un air hautain et quitta la salle commune. Son masque se craquela en passant la grosse dame et elle accéléra le pas.
La bibliothèque ?
Une larme roula sur sa joue. Elle l'essuya du revers de sa manche. Pas la bibliothèque. Il lui fallait un endroit isolé. Mais peu importait au fin fond de quel couloir perdu elle se réfugiait, Malfoy serait là, ressentant tout.
La tapisserie représentant de Barnabas le Follet et ses trolls se brouilla. Elle serra les dents, s'interdisant de céder à la douleur qui se propageait à chaque battement de cœur. Elle voulait être seule.
Seule. Seule.
Des traits apparurent sur le mur, comme dessinés par une main invisible, puis les lignes se joignirent pour former une porte. Elle donnait sur une petite pièce ronde entourée de livres dont les reliures de cuir se perdaient sous un plafond obscur.
En y entrant, un poids disparut de ses épaules.
« Malfoy ? » tenta-t-elle sans trop y croire.
Elle ne voulait pas lui parler. Et ne le sentait plus.
Au centre de la pièce, une petite table semblait l'attendre. Elle y sortit son devoir de métamorphose. Il ne manquait que la conclusion. Sa plume tremblait dans sa main. Au prix d'un immense effort, elle parvint à écrire une phrase, puis une autre. Une goutte s'écrasa sur le parchemin. Elle tenta de la sécher et fit baver l'encre. Hermione froissa le devoir et fondit en larmes.
— Franchement Granger, dit une voix traînante dans son dos.
Elle se tut, étranglée par ses sanglots silencieux.
Après quelques secondes, la chaise voisine grinça sur le parquet et une main lui prit son devoir. Elle entendit Malfoy le lisser, dérouler un nouveau parchemin puis tremper sa plume dans l'encrier.
— Avoir aussi mal pour Weasmoche, c'est ridicule.
Ron est vraiment, vraiment pas doué, le pire c'est que ce n'est pas si loin que ça de ce qui se passe dans l'histoire original entre Hermione et lui. La pauvre.
Joyeuse nouvelle année !
