Waiting for the time to pass you by
Hope the winds of change will change your mind
I could give a thousand reasons why
And I know you, and you've got to
Make it on your own, but we don't have to grow up
We can stay forever young
Living on my sofa, drinking rum and cola
Underneath the rising sun
I could give a thousand reasons why
But you're going, and you know that
Nana a dit qu'elle voulait retrouver son petit frère, et d'accord, Jason veut bien l'aider à ça, mais franchement, c'est plus facile à dire qu'à faire.
D'abord, elle ne sait pas où il est. L'assistante sociale a casé le môme avant elle, mais elle n'a pas retenu l'adresse – trop sous le choc d'avoir à changer de toit, ou elle avait la gerbe en voiture, il n'a pas bien saisi. Dans tous les cas, elle est paumée.
Sa brillante idée pour corriger ce problème, c'est d'aller cambrioler le bureau des Services Sociaux. Sur le papier, quand on n'y regarde pas de trop près, ça se tient : il faut bien garder une trace des gamins, leurs noms et les endroits où ils sont fourrés histoire de s'en débarrasser, pas vrai ?
Seulement, Jason se méfie. Il sait que la police et les autres organisations à l'air officiel de Gotham sont véreuses – bon, la police, peut-être moins qu'avant depuis que Gordon est passé commissaire, et si c'est pas une surprise qu'il existe un flic avec une conscience – et il n'a pas connu de première main ce qui peut arriver aux gosses passant entre les mailles du filet, tombant dans les failles sombres, mais il en a suffisamment entendu pour deviner.
Il ose pas trop penser à ça devant Nana, parce qu'à la regarder, c'est facile de deviner pourquoi Callum Recel pensait qu'elle ferait une bonne marchandise, avec ses longs cheveux ondulés, son gabarit et son visage qui font un peu poupée à force d'être petits et fins, son mélange de traits Arabes et chinois.
Une fois, il a entendu Willis – pour une fois pas enthousiaste – dire qu'une métisse, ça pouvait rapporter jusqu'à trente-cinq mille dollars, plus si elle était vierge et qu'on trouvait le bon acheteur. Pas de limites sur l'âge.
Il sait pas à quoi ressemble le petit frère de Nana, mais il doit lui ressembler, non ? Et trois ans, c'est trop petit pour servir de main d'œuvre gratuite alors si quelqu'un décide de le mettre sur le marché noir, ce sera forcément pour une autre raison.
Il ose pas dire ça à Nana, mais il pense qu'elle soupçonne un truc qui pue. Autrement, elle aurait pas l'air aussi flippée alors qu'elle dresse ses plans d'apprentie cambrioleuse.
C'est un désastre. Bon, Jason l'a senti finir à trois kilomètres, mais ça ne veut pas dire que c'est plus facile à avaler.
L'immeuble des Services Sociaux, c'est le genre déglingué alors c'était facile de se glisser : pas de caméras de surveillance, pas d'alarmes sur la porte de derrière, un seul vigile au bureau de l'accueil et il s'intéressait plus à son magazine. D'un autre côté, qui voudrait aller braquer les Services Sociaux, alors ça tombe sous le sens que le gouvernement néglige ça.
Les archives sont un peu classées à la va-te-faire-foutre, mais il y a quand même une vague chronologie, alors ça permet de retrouver les dossiers rentrés le jour où Nana et son frère ont été retirés à leur père.
Sauf qu'il n'y a pas de dossier au nom de Nana – enfin, Jason ne connaît pas son nom, mais elle si, et apparemment elle ne le trouve pas. C'est facile à deviner, vu la panique qui l'envahit, au point qu'elle manque faire une crise de nerfs et se reprend de justesse, parce que se faire entendre et attraper alors que tout se passait si bien, ce serait vraiment naze.
Quand ils repartent – toujours par la porte de derrière – la salle des archives a été laissée en vrac, et Nana est en larmes. Enfin, pas vraiment, elle sanglote pas, mais elle a les yeux qui coulent, et c'est presque pire que de la voir chialer en bonne et due forme.
C'est en partie pour ça que sur le chemin du retour à la planque, Jason ne résiste pas à la tentation que représente la splendide voiture noire – le besoin de se changer les idées, de penser à autre chose que le fait que la vie est merdique, ça pousse à des conneries genre fusillade ou drogue.
L'autre partie, c'est la voiture. Il est à peu près certain que c'est un coupé Oldsmobile Delta 88 de 1977, vu ses lignes allongées, rectangulaires, peintes en noir mat, l'air d'une panthère au repos qui ne demande qu'à sauter et rugir si vous la chatouillez.
Garer un bijou pareil dans l'East End, ça dépasse le crime et ça tombe dans l'hérésie. Franchement, le propriétaire ne peut s'en prendre qu'à lui-même, une fois cette beauté démontée et revendue pièce par pièce.
Pour l'instant, les pneus feront l'affaire. Si seulement Jason avait plus d'outils, si seulement il n'était pas un maigrichon assisté par une fille encore plus maigrichonne, il pourrait sans doute piquer aussi le moteur et le tableau de bord, mais le destin a voulu que ses muscles soient situés dans ses jambes pour la fuite et qu'il ait juste un démonte-pneu et un pied-de-biche dans sa planque.
Il poste Nana comme surveillante pendant qu'il court chercher le nécessaire, et une fois revenu chargé de ses outils, en avant la besogne. Les pneus font un peu plus que la moitié de sa taille et pèsent un âne mort chacun, si bien qu'il doit solliciter Nana pour en déplacer un seul. Ça s'annonce chiatique de les emmener chez un mécanicien qui en donnera un bon prix, et trouver un gus de ce genre dans Crime Alley, c'est pas coton.
Cahin-caha, ils en dévissent quand même trois, et sont occupés à déloger le dernier pneu quand une ombre immense leur tombe dessus sans prévenir. Nana se fige, tandis que Jason fait volte-face et – oh, Dios Hijo de la Santisima Trinidad.
C'est Batman.
Jason n'a jamais rencontré Batman en personne – avant maintenant – mais il sait très bien ce que la Chauve-Souris fait aux criminels qui ont le malheur de le croiser, et ça finit en prison avec tous les doigts cassés dans le meilleur des cas. Jason refuse de partir en prison, surtout celle où se trouve Willis, et il réagit sans réfléchir.
Il parvient à coller un coup de pied-de-biche sur la tête de Batman, mais ça n'a pas l'air de marcher vu que le type semble plus stupéfait qu'assommé – bon, il y a sans doute de quoi, Jason sait qu'il fait pas menaçant, d'accord ? Alors il décide de décamper à la place, c'est ce qu'il fait de mieux, seulement pour qu'une large main couverte d'un gant noir le saisisse par son col de chemise et le soulève en l'air.
C'est humiliant, et pendant une seconde, il se demande si son t-shirt ne va pas se déchirer – bien assez vieux et usé pour ça – mais quand ça semble résister, il pense qu'il peut se débattre.
« Lâche-moi, cabron ! »
Batman ne lâche pas, et Jason se demande brièvement où est Nana, si elle s'est barrée ou est juste en train de se pisser de trouille.
Elle est toujours là, mais son visage est en train de faire des trucs bizarres, et il est prêt à jurer qu'il la voit devenir rouge sans sa peau brune, et merde, elle va quand même pas péter un câble au milieu de la rue, c'est pas le moment.
Sauf que Nana éclate de rire. Un grand rire qui la saisit au ventre et gicle de sa gorge, le genre de rire qu'on associe avec le Venin Joker et les hyènes, tandis qu'elle pointe son doigt sur Batman.
« Tu es une chauve-souris ! » s'écrie-t-elle entre deux hoquets.
Batman a l'air aussi paumé que Jason se sent, à l'intérieur – depuis quand le Chevalier Noir est marrant, il aimerait bien le savoir, parce qu'il le voit pas.
« … Oui, en effet » finit par dire Batman, parce qu'il faut bien dire quelque chose en espérant que Nana arrêtera de rigoler comme une bossue.
« Tu as l'air idiot ! Pourquoi tu es sorti comme ça ? » elle continue à s'étrangler, à moitié plié en deux.
« Pour effrayer les criminels. »
Cette réponse ne la calme pas en fait, elle s'étale carrément par terre tellement elle se marre.
« Pour effrayer ! Mais tu fais juste stupide ! Baba ! »
Euh, quoi ? Jason espère vraiment avoir mal entendu. Ou imaginé. Sauf que Batman a l'air complètement coincé, peut-être un peu honteux.
Bien entendu, ça ne dure pas, vu qu'il semble décider que Nana est une cause perdue et reporte son attention sur le môme qu'il tient toujours dans sa pogne – et purée, il est costaud pour tenir en l'air quelqu'un sans vaciller, même une crevette à moitié morte de faim.
« J'aimerais récupérer mes pneus, s'il te plaît. »
Ah, youpi.
All you have to do is stay a minute
Just take your time
The clock is ticking, so stay
All you have to do is wait a second
Your hands on mine
The clock is ticking, so stay
All you have to do is stay
Pour ce chapitre, vous avez droit à Stay par Alessia Cara.
