Chapitre 14 : Le professeur Kangae
Le professeur Kangae était un homme très âgé, aux yeux bridés avec une longue barbe blanche sur le menton, pas plus large qu'un billet de 10 pounds, une fine moustache qui l'encadrait et de longs cheveux blancs aussi, très fins, qui lui tombaient au-dessus de la taille. Il était très grand et se tenait très droit. Sa tenue était à mi-chemin entre les robes de sorciers que Dumbledore avait l'habitude de porter et les kimonos des samouraïs japonais du 19ème siècle.
Cet homme, ami du professeur Flitwick, avait libéré son emploi du temps pour venir les aider. Depuis deux semaines que Harry avait suggéré l'idée de faire intervenir un legilimens, l'état de Jasper regressait. Les souvenirs de Voldemort entrant dans sa tête pour lui montrer des images de sa famille se faisant torturer ou le torturer avec une version modifiée du doloris, tournaient en boucle dans sa tête. Le vampire avait repris le pas sur l'homme qui peinait à refaire surface et même Harry avait du mal à l'approcher. Ses émotions avaient été si violentes qu'il avait détruit le mobilier de la chambre à plusieurs reprises. Il avait confirmé, plusieurs fois, être d'accord pour que le legilimens cherche en lui la clé pour lever la malédiction, mais avoir le choix ne suffisait pas à calmer ses angoisses.
Le voir ainsi blessait Harry qui faisait de son mieux pour l'aider, il lui trouvait de nouveaux livres tous les jours, sur tous les sujets et le vampire les lisait deux à trois fois chacun en moins de vingt-quatre heures. Il lui avait aussi fourni de la peinture. Esmée lui avait un jour confié que Jasper aimait peindre pour extérioriser les émotions des autres. Depuis, les murs étaient repeints chaque jour dans des couleurs sombres qui inspiraient la douleur. Edward ou Carlisle s'assuraient toujours d'observer la dernière fresque et d'en mettre le souvenir dans la pensine qui était dédiée à Jasper. Cependant, ce qui heurtait le plus Harry était que l'empathe refuse sa proximité ou la discussion avec lui à présent. Il se tenait toujours dans le coin le plus éloigné de la pièce et ordonnait au jeune homme de ne pas s'approcher. Harry obéissait, pour leur sécurité à tous les deux, mais ne pouvait pas s'empêcher d'être attristé et d'espérer que le lendemain soit différent.
La première chose faite par le professeur à son arrivée avait été de plonger dans la pensine pendant que Flitwick, Arthur, Percy, Hermione et Harry discutaient autour d'une tasse de thé. Tous avaient été choqués des images qu'ils avaient vu, mais le professeur en ressortit stoïque. Il confirma qu'il pouvait explorer les souvenirs de Jasper, mais douta de sa capacité à ne pas être repéré par l'esprit du vampire, Voldemort y avait probablement laissé des obstacles.
Carlisle signala alors que Jasper risquait de perdre le contrôle s'il souffrait et d'attaquer toute personne présente dans la pièce avec lui.
Ce risque les fit réfléchir un long moment, le maître legilimens ne pouvait pas pratiquer son art à travers la barrière magique érigée par le professeur Flitwick et avait besoin de calme. Plus Jasper s'agiterait, plus ce serait douloureux. Ce qui inquiétait surtout Arthur et Percy était la sécurité du vieux sorcier. Ce dernier ne sembla pas tant concerné par ce risque et décida qu'il se placerait juste devant la porte pour pouvoir être évacué si besoin et que Edward et Carlisle seraient aux côtés de Jasper.
Tous savaient que l'empathe risquait d'être dans de mauvaises dispositions quand ils montèrent, vêtus de leurs tenues de mangemorts, mais aucun d'eux ne s'attendait à la fresque peinte sur les murs.
Tous les murs étaient noirs, mais les nuances de tons permettaient de découvrir un château en ruines fumant et une forêt remplie d'ombres encapuchonnées. Leurs yeux suivirent les nuages de fumée qui montaient jusqu'au plafond pour se perdre dans des nuages noirs. Les sorciers ne purent retenir un frisson d'horreur, au milieu du plafond était peinte la marque des ténèbres, verte et horrifiante.
"Cette vue, ce soir-là, c'est quand Il est venu. La dernière fois que j'ai senti le vent sur ma peau, la dernière fois que j'ai pu respirer de l'air frais."
La voix caverneuse de Jasper les fit encore plus trembler que la marque, elle était bien plus grave et plus rauque que sa voix habituelle. Appuyé contre un des murs, habillé tout de noir, la peau blanche de son cou et de son visage ressortait de façon morbide et rendaient encore plus effrayants ses yeux noirs. Le Major, le vampire, avait pris le dessus sur l'homme et tout en lui inspirait le danger. Cependant, Harry ne put s'empêcher de le trouver beau alors que l'empathe marchait telle une panthère noire vers eux. Il avança jusqu'à la barrière magique, détailla chaque personne revêtue d'une cape noire, eut un sourire narquois en fixant son regard sur Kangae.
"Alors c'est toi qui va fouiller mon esprit.
- Je vais être le plus discret possible.
- Trouve ce que tu cherches le plus vite possible et dégage de ma tête."
Le ton agressif donna une idée du sentiment du Major face à cette opération et fit redouter le pire à Harry, mais lorsqu'il fixa son regard dans le sien, le jeune homme vit quelques paillettes d'or s'allumer. Il espéra que ce soit un signe de la présence de celui pour qui son cœur battait de plus en plus fort et pria pour que tout se passe bien.
Carlisle et Edward passèrent à travers la barrière magique avec deux chaises et avancèrent dans la pièce au ralenti, vigilants aux réactions du vampire entre eux. Guidés par les pensées du legilimens, ils installèrent une des chaises juste contre la barrière et l'autre face à elle, à deux mètres de distance. Carlisle invita Jasper à s'asseoir sur la chaise la plus éloignée de la porte, mais celui-ci ne bougea pas, son regard se fixa à celui de Harry qui sentit sa respiration se couper et comprit qu'il devait entrer dans la salle. Malgré le risque que le vampire représentait ainsi, il passa la barrière et fut plaqué contre le mur.
"Si je te tuais maintenant, personne n'irait fouiller dans ma tête." souffla la voix caverneuse à son oreille.
Harry fit signe aux autres de ne pas bouger et pencha sa tête pour la poser sur la chevelure blonde. Il leva les mains, les laissa caresser le corps en tension jusqu'à ce qu'elles se posent sur sa nuque.
"Tu dirais alors adieu à nous et à ta liberté. Tues-moi si tu le souhaites, j'aurais déjà dû mourir à plusieurs reprises, mais tu sais à quoi tu te condamnes."
Le vampire recula sa tête pour plonger son regard dans celui émeraude, sa terreur à l'idée de ce qui l'attendait dansait dans les iris noires et sortait par tous ses pores, sans pour autant s'imposer à Harry. Sans aucun signe avant-coureur, il rappela toutes ses émotions en lui et ferma son regard, faisant comprendre au sorcier qu'il avait choisi de le laisser lire en lui.
"Où vas-tu être ? souffla Jasper.
- Où veux-tu que je sois ?"
Le cœur d'Harry battait à tout rompre, de peur, d'excitation, d'espoir. Il voulait apporter son soutien à l'empathe terrorisé, mais ne voulait pas être une gêne pour le professeur.
"Sois à mes côtés."
Le ton était autoritaire et la phrase sonna comme un défi. Tous deux savaient que pour sa sécurité, il devrait retourner dans le couloir, mais aucun d'eux ne le souhaitait. Harry fit glisser sa main le long du bras de marbre et entrelaça ses doigts à ceux de Jasper. Sans dire un mot, il avança vers la chaise et y fit s'asseoir l'empathe qui le regardait toujours avec défi. Il libéra sa main, invoqua un tabouret très bas et s'installa dessus avant de poser sa main sur la cuisse du vampire.
La tension était palpable dans la pièce et Harry savait que tous désapprouvaient la décision qu'il venait de prendre, mais il s'était toujours fié à son instinct et celui-ci lui criait que s'il n'était pas en contact avec son âme-sœur ce serait un fiasco. Une petite voix lui rappela qu'il n'empêcherait pas le fiasco d'arriver si quelque chose allait mal et qu'il risquait d'y perdre des plumes, mais il se contenta d'assurer sa prise sur sa baguette dans sa main libre. Edward et Carlisle posèrent chacun une main sur l'épaule de Jasper. Le professeur Kangae entra dans la pièce, sans que le vampire ne cille, il invoqua une table d'appoint et une pensine qu'il scella au sol et informa qu'il allait commencer.
Le regard d'Harry se verrouilla à celui qui était à présent aussi intense qu'un trou noir et la scène sembla se figer autour d'eux.
