Elle n'avait sans doute jamais eu aussi mal au cœur de toute sa vie. Son estomac se soulevait et se tordait sans lui laisser de répit alors que ses jambes tremblotantes peinaient à la maintenir correctement debout. Féline s'écroula au sol dans un gémissement pitoyable, réprimant difficilement sa nausée. A côté d'elle, Ron s'effondrait sans grâce sur sa valise. Plus jamais de sa vie elle ne monterait dans cet engin de malheurs, le Magicobus était mille fois pire que la poudre de cheminette, cela ne faisait aucun doute. Alors que Féline et Ron avaient tout d'abord été surexcités à l'idée de monter dans ce bus mythique, Harry avait grimacé en disant qu'ils risquaient d'être déçus. Et effectivement, ils avaient vite déchantés.

Le bus à l'allure pourtant parfaitement lambda vu de l'extérieur, était en réalité loin d'être un véhicule classique. De vieux fauteuils de chintz et des tabourets bancales remplaçaient les habituels sièges qui, s'ils étaient certes moins confortables, avaient au moins le mérite d'être fixés à même la structure du véhicule, contrairement aux fauteuils et aux deux canapés qui avaient glissés sur toute la longueur de l'allée, manquant de peu de faucher Hermione alors qu'elle grimpait dans l'engin. Si le trajet n'avait heureusement pas duré plus d'une vingtaine de minutes entre le Square Grimmaurd et le portail de Poudlard, il avait été suffisamment long pour que Féline, ballottée dans tous les sens entre son oncle et Ginny, en vienne à regretter le transplanage.

La matinée avait été longue. Les vacances de Noël touchaient à leur fin et les étudiants avaient dû reprendre le chemin de l'école. Si Féline était ravie de retrouver ses amis et de quitter l'ambiance parfois trop sinistre du quartier générale de l'Ordre du Phénix, elle appréhendait fortement la reprise des cours. Car cela signifiait assister Rogue dans les cours privé d'occlumancie qu'il dispenserait à Harry et elle n'était pas sur de savoir si elle était fière de pouvoir aider le garçon ou terrorisé de se retrouver seule avec le professeur de potions et l'élève que l'homme détestait le plus. C'était évident qu'ils allaient passer leur temps à se chercher des noises et Féline était loin d'être douée pour apaiser les tensions, essayant le plus souvent de se faire oublier pour ne pas se prendre une balle perdue.

Mais le retour au collège signifiait également la mise en exécution du plan anti-Ombrage. Elle y avait travaillé dur avec les jumeaux, ainsi qu'avec Hermione et Ginny. Si cela réussissait, alors le monde magique se rendrait compte de l'incroyable incompétence et de la profonde méchanceté de la méchante sorcière. C'est en observant les marques affreuses gravées dans la chair d'Harry que Féline et Ginny avaient eu une idée. Puisqu'Ombrage prenait tant de plaisir à charcuter ses élèves en les faisant inscrire à l'aide d'une plume de sang des phrases abjectes telles que « Je ne dois pas dire de mensonges », ou dans le cas des jumeaux, « Je ne dois pas faire honte à la magie », il n'y avait qu'à la prendre en flagrant délit.

Les plumes de sang, reconnues en 1920 comme un objet de torture et interdites depuis lors, signeraient sa perte. Aucun parent ne pourrait tolérer cela et le ministère se verrait dans l'obligation de la renvoyer, voir même de la condamner dans le meilleur des cas, bien que Féline n'osait espérer jusque-là. Le plan était simple, les jumeaux s'arrangeraient pour finir à nouveau en retenue, Ginny et Féline (grâce à l'appareil photo sorcier de cette dernière) se chargeraient de récolter des preuves avant de les confier à Hermione qui leur avait avoué avoir un contact particulièrement redoutable dans le monde de la presse. D'ici quelques jours, il y avait de grandes chances pour que tout Poudlard célèbre le départ de cette maudite harpie.

Ce fut la main de son oncle sur son épaule qui la tira de ses pensées vengeresses. En effet, ils étaient arrivés devant les grilles de l'école, le Magicobus disparaissant dans un crissement de pneu. Les au revoir n'avaient jamais été la tasse de thé de Féline. Elle enfouit son visage contre le torse de son père, tachant d'ignorer le douloureux étau qui resserrait doucement le cœur à l'idée de ne pas le revoir avant plus de six mois. Les élèves avaient le droit de rentrer chez eux aux vacances de Pâque mais Remus seraient trop occupé par son travail et l'Ordre pour pouvoir s'occuper d'elle, il était donc convenu qu'elle reste à Poudlard durant ce temps.

-Bien, dit doucement Remus en s'écartant, il est temps d'y aller. Sois sage d'accord ? Et ne fais rien d'irréfléchi ou de stupide !

-Tu me répètes toujours la même chose, dit Féline en levant les yeux au ciel.

-C'est parce que tu ne m'écoutes jamais. Je suis sérieux Féline, sois prudente.

-Ne t'en fais pas, je serais sage comme une image.

-Si seulement, soupira t'il en l'embrassant sur le front. Aller files maintenant.

Le cœur lourd, Remus regarda sa fille attraper sa valise qu'elle fit léviter avec l'aide d'Hermione et s'éloigner en babillant joyeusement avec Ginny sans un regard en arrière. Bien que légèrement vexé de la voir partir sans même une moue attristée, il ne put s'empêcher de penser que c'était pour le mieux, Féline n'avait pas l'air malheureuse pour un sous de retourner à Poudlard et de le quitter. Avec un sourire mi-figue mi-raisin, il transplana dans un pop sonore, rapidement imité par Tonks.

C'est d'un pas vif et enthousiaste que les quatre Weasley suivit d'Harry, Hermione et Féline s'avançaient vers le château. Ginny avait hâte de retrouver son petit ami, un Serdaigle âgé d'un an de plus que Féline, tandis que les jumeaux étaient surexcités à l'idée d'installer leur nouvelle farce, parfaite pour bien débuter l'année selon eux. Harry, bien que plus réticent, peu motivé à l'idée de retrouver Ombrage et Rogue, semblait apaisé de se savoir entouré et soutenu. Il était en réalité particulièrement impatient d'apprendre à fermer son esprit pour ne plus subir les affreuses visions envoyées par le mage noir, même si cela signifiait qu'il devait se retrouver avec le professeur de potion plus longtemps que nécessaire. Au moins, soupira t'il discrètement en jetant un regard vers Féline, je ne suis pas seul dans ce traquenard.

Les Gryffondors abandonnèrent Féline après le grand escalier, disparaissant au détour d'un couloir après lui avoir souhaité une bonne rentrée. C'est avec empressement que la jeune sorcière regagna sa salle commune, pressée de retrouver ses amis. Mais qu'elle ne fut pas sa déception de découvrir son dortoir entièrement vide. Visiblement, elle était la première arrivée. Décidant alors de remettre à plus tard le déballage de sa valise, elle libéra Cornélius qui disparut sous son lit et redescendit dans la salle commune. Dans un coin de la pièce, elle repéra Cho Chang qui astiquait son balai avec application sous le regard admiratif de quelques premières années. Après réflexion, Féline attrapa sa cape et s'élança vers le parc enneigé, avec un peu de chance, elle y trouverait les jumeaux Weasley et pourrait s'amuser avec eux en attendant l'arrivée de ses amis.

Malheureusement, l'immense parc était désert. Peu d'élèves étaient déjà rentrés de vacances en ce début de matinée et ceux qui étaient présents préféraient largement la chaleur réconfortante d'un bon feu de cheminé au froid glacial et à l'humidité de cette neige de janvier.

-Féline !

La sorcière se retourna juste à temps pour réceptionner une Mona essoufflée dans ses bras. Son nez rougi et son souffle erratique après avoir monté la pente au pas de course, tranchaient avec sa mine rayonnante et son grand sourire.

-Ho Mona, je suis si contente de te voir !

-Moi aussi, par Merlin j'ai l'impression que cela fait une éternité. Jack et Jasper ont été insupportables pendant tout le trajet du retour, je n'en pouvais plus ! Heureusement que maintenant que tu es là, tu vas pouvoir les distraire, je vais enfin avoir la paix.

-Il n'y a pas marqué « diversion » sur ma tête.

-Ho vraiment ? Dommage pour toi parce que crois moi bien qu'ils ne vont pas te lâcher, dit-elle en lançant un regard éloquent derrière elle.

En effet, alors que la foule d'élèves qui arrivaient depuis Pré-au-Lard après avoir empruntés le Poudlard Express remontaient doucement la route menant au château, deux garçons se détachèrent du lot et se mirent à s'avancer rapidement vers elles, l'un des deux agitant les bras en l'air tel l'excité de service qu'il était.

-Eh Mona, tu nous as pris pour tes larbins ou quoi ? Viens immédiatement récupérer ta valise avant que je ne la balance dans le lac, dit Jasper en s'avançant, les sourcils froncés alors que Jack sautait sur Féline pour la prendre dans ses bras à grands renforts de "Je ne pensais pas survire à ton absence un jour de plus" et de "Ma Juliette retrouve enfin et son Roméo, jamais plus je ne te quitterai ma bien aimée" ou de "Mon amour de petit chocolat en sucre d'orge des canaries".

Alors que Mona partait chercher sa valise tristement abandonnée en plein milieu du chemin par un Jasper particulièrement agacé, Féline attendait patiemment que Jack ait fini de se donner en spectacle devant la foule d'élèves perplexes. Lorsque les derniers "spectateurs" rentrèrent enfin dans le château, Jack salua son public avant de demander à Jasper si sa prestation avait été convaincante. Le garçon se contenta d'hausser un sourcil hautain avant de saluer Féline à son tour, empoignant sa valise d'une main ferme et de se diriger vers l'école d'un pas rapide sous le regard perplexe de Féline.

-Qu'est-ce qu'il a ? demanda Féline en se tournant vers ses deux amis silencieux. Je ne l'ai jamais vu d'une humeur aussi irritable.

-Ouais, nous non plus, marmonna Jack en soupirant. Il est comme ça depuis ce matin. D'habitude, il suffise que je fasse un peu le pitre pour qu'il retrouve le sourire mais là c'est diffèrent. Il ne fait que de me foudroyer du regard à chaque fois que j'ose ouvrir la bouche.

-Et c'est à peine s'il a décroché plus de dix mots pendant tout le voyage. J'ai dû supporter un Jack surexcité à moi toute seule, se plaignit Mona en retirant la neige de ses cheveux.

-Arrête de te plaindre, tu m'as explosé à la bataille explosive, ça devrait te suffire.

-Ce n'est qu'une maigre compensation pour t'avoir écouté raconter chaque détail de tes vacances pendant plus de six heures. Honnêtement mon chère, je m'en fiche pas mal que tu ais bu trois fois de la soupe mardi dernier.

-Je suis si mal aimé.

-Si peu intéressant surtout.

Jack prit un air outré et lui tira la langue, décidant d'ignorer son amie jusqu'à ce qu'ils soient arrivés dans la salle commune. Il se concentra alors uniquement sur la pauvre Féline et comme l'avait prédit Mona, il ne la lâcha pas d'une semelle, lui racontant ses vacances de longs, en large et en travers. Et petit bonus, il lui parla même de celles de Jasper et Mona. Le garçon était rentré chez lui, dans une petite ville perdue sur une ile au nord de l'Ecosse et avait passé son temps à lire des traités de métamorphoses, à faire du Quidditch avec sa ribambelle de cousins et à jouer avec Patch, un énorme chien des Pyrénées blanc comme neige et qui était selon lui, capable de rivaliser en duel avec une chimère (Féline en doutait royalement mais n'osa pas le contredire de peur d'entrer dans un débat interminable). Mona quant à elle, avait eu la chance d'aller au sport d'hiver avec ses parents, son père qui était un moldu lui avait appris à tenir sur des skis avant de savoir marcher.

Concernant Jasper, de ce que Jack en savait pour avoir passé des heures à s'échanger des lettres avec lui ("Pourquoi je n'ai rien reçue moi ?" s'écria Mona outrée. "Sois plus gentille et on verra."), il n'avait pas eu autant de chance que ses amis. Son père travaillait au département de la justice magique au Ministère et croulait sous les dossiers et les réceptions ou gala de charité et Jasper avait dû assister à chacun d'entre eux.

Ce que Jack ignorait en revanche, c'était le pourquoi. Car si tout comme son père, Jasper détestait ce type de réunions luxueuses remplis d'hypocrites et d'imbéciles, il avait pourtant tenu à accompagner son père à chacune d'entre elle. Parce qu'il savait qu'il pourrait y apprendre beaucoup. Si son père n'avait malheureusement pas le choix en tant que membre haut placé de la juridiction magique, Jasper était une petite souris qui pouvait se faufiler un peu partout sans que personne ne lui prête la moindre attention.

Ce fut lors de celle de précédant le nouvel an qu'il apprit quelque chose qu'il l'avait fichu en rogne. Alors qu'il se goinfrait de petits fours et de toasts au saumon, il avait remarqué au loin le professeur Ombrage échanger quelques mots avec un homme à l'allure austère et désagréable. Il s'était approché discrètement, curieux, prenant bien garde à ne pas se faire voir, la dernière chose qu'il souhaitait était de se faire repérer et d'être obligé d'aller souhaiter la bonne année à cette horrible sorcière.

-Nous devrions... Cornélius pense que c'est une idée remarquable, je...

Jasper grogna. Il n'entendait que des brides de phrases. Il fallait qu'il se rapproche encore, laissant derrière lui le brouhaha de la fête. Il repéra un petit recoin dissimulé par des rideaux et décida de s'y glisser. Ce fut à ce moment-là que le regard de son père se posa sur lui. Laurent Cooper haussa un sourcil amusé en voyant son fils ramper à quatre pattes sous des chaises. Visiblement, Poudlard lui donnait des ailes. Le jeune sorcier s'était à présent immobilisé, allongé sous une banquette. Il pouvait voir les pieds d'Ombrage de là où il était et la conversation lui parvenait d'une manière bien plus fluide qu'auparavant.

-Il nous faut absolument trouver un moyen de nous débarrasser de ce petit gêneur. Potter est un sale petit rat qu'il nous suffit simplement d'écraser. Il ne peut continuer à semer le trouble et le désordre en tenant tête au Ministère. Il doit apprendre à se taire.

-Mais comment ? demanda l'homme d'une voix gutturale.

-Le renvoyer de Poudlard et le priver de sa magie devraient être amplement suffisant. Sans Albus Dumbledore, Potter n'est rien. Brisez sa baguette et vous le réduirez alors au silence. On dit de lui que s'est un grand sorcier mais la réalité en est très loin, il n'est qu'un petit prétentieux pourris gâté.

-Alors je dois m'assurer de le faire renvoyer de l'école, c'est tout ?

-C'est le minimum que je vous demande. Mais si vous souhaiter lui jeter quelques Doloris, personne ne vous en tiendra rigueur. Il faut le dresser, peu importe la manière qu'il vous faut employer pour y parvenir.

Jasper réprima un haut le cœur horrifié. Ombrage était donc folle au point de convaincre quelqu'un d'utiliser un sort Impardonnable sur un enfant ? Mais que pouvait-il faire ? Il ne pouvait prévenir son père, le faire enquêter là-dessus risquerait de lui couter bien plus cher que sa carrière professionnelle. Le Ministère de la Magie était un vrai nid aux serpents. Il devait en parler à Potter lui-même. Mais cela ne pourra se faire avant minimum cinq jours, lorsqu'il serait de retour à l'école. Féline pourrait peut-être aller lui en parler à sa place ? Non, cela risquerait de les mettre en danger. Cet homme avait l'air dangereux, il ne pouvait se permettre de leur faire courir le moindre risque. Il allait gérer ça tout seul. Il n'était pas un Gryffondor mais il était malin et rusé, il allait bien trouver le moyen de tirer discrètement Potter de ce mauvais pas.

Les pas d'Ombrage s'étaient suffisamment éloignés à présent pour qu'il puisse sortir de sa cachette sans se faire repérer. Mais avant qu'il ne puisse esquisser le moindre mouvement, il entendit du bruit à sa droite juste derrière l'imposant rideau de velours rouges.

- Ho merde, murmura quelqu'un en s'extirpant du tissu, mais dans quoi tu t'es embarqué Potter au juste ?

Le cœur de Jasper eu un raté en découvrant Drago Malefoy qui fixait d'un air agacé l'endroit où Ombrage avait disparu. Ses mèches blondes étaient légèrement en désordre alors que sa peau pale contrastait fortement avec le gris rageur de ses yeux. Retenant son souffle, Jasper resta immobile. Il n'avait pas la moindre idée des intentions du Serpentard, et s'il le découvrait ici, peut être irait il immédiatement le dénoncer à Ombrage ? Peut être allait il s'amuser à lui lancer des mauvais sorts ? Jasper avait déjà entendu quelques rumeurs qui parlaient d'élèves jetant des maléfices particulièrement humiliants dans les couloirs sur des plus jeunes pour leur bon plaisir.

Si Jasper était un excellent sorcier, il perdait souvent ses moyens sous le coup de la pression, ce qui le rendait assez mauvais en duel. A cet instant, il regrettait amèrement d'être seul. Si Jack avait été là, il aurait pu se reposer sur lui. Son ami excellent dans les duels, si vif et spontané que les sorts lui venaient presque instinctivement. Par pitié, pensa t'il en priant intérieurement, faites qu'il ne me trouve pas, je ne veux pas mourir aujourd'hui.

-Sors de ta cachette, si tu crois que tu es discret sous ce banc, sache que même un aveugle aurait pu te voir. Il n'y a bien que cette vieille folle pour ne pas te remarquer.

Jasper faillit s'étouffer de surprise, son ventre se tordant d'angoisse. Il serra sa baguette ferment dans sa main et se releva, se mettant immédiatement dans une position défensive. Malefoy leva les yeux au ciel et leva les mains en l'air en signe de paix.

-Je n'ai pas l'intention de t'attaquer alors si tu pouvais cesser de me menacer avec ton bout de bois bon marché, j'en serais honoré.

Bien que toujours méfiant, Jasper abaissa sa baguette. Il était certes impressionné par le Serpentard, car même avec toute la mauvaise foi du monde, on était obligé de reconnaître qu'il avait toujours fière allure avec sa stature droite et digne et sa démarche assurée. Mais la curiosité de Jasper prenait le dessus sur sa peur, la transformant doucement en une légère nervosité. Qu'est-ce que Malefoy fichait donc là, à espionner leur professeur et surtout, pourquoi avait-il l'air aussi furieux ? Jasper pria pour que cette colère ne soit pas dirigée contre lui.

-Je ne vais pas y aller par quatre chemin, gronda Malefoy en se tournant vers lui. Si tu racontes à qui que ce soit que tu m'as vu ici en train de faire quelque chose d'aussi grotesque que d'écouter aux portes, alors saches que je me ferais un malin plaisir de faire de ta vie un enfer.

Jasper fronça les sourcils. D'accord, il n'avait pas le charisme et le regard enjôleur de Jack, ni le calme apaisant de Mona ou le sourire éclatant de Féline mais par Merlin, il n'était pas non plus un moins que rien. Il était hors de question qu'il se laisse marcher sur les pieds de cette façon. Malefoy semblait l'oublier mais il n'était pas le seul sorcier issu d'une importante lignée. Jasper aussi connaissait les lois et traditions sorcières sur le bout des doigts, tout comme lui, il avait appris les rituels de l'ancienne magie que se doivent de connaître chaque hériter, lui aussi savait comment créer des alliances et avait appris à cerner les enjeux politiques au sein de leur société. Il était un Sang-Pur et il était hors de question qu'il laisse Malefoy avoir l'ascendant sur sa famille aussi facilement.

-Essaie toujours, grinça Jasper en réponse. Tu croix que tu es intouchable sous prétexte que tu es un Malefoy mais tu as la mauvaise tendance à oublier que bien que ta famille sois particulièrement puissante parmi les sorciers, tu n'es pas le seul dont la parole possède un poids important. Ce n'est pas parce que contrairement à toi, je ne fais pas étalage de l'importance de ma famille ou de sa richesse de sang comme tu le dis, que je ne pas te faire face. Alors va y, menaça moi autant que tu le souhaites mais tu ne me fais pas peur.

Il reprit difficilement son souffle. Il n'avait pas l'habitude de parler autant. C'était toujours Jack qui se lançait dans des tirades enflammées, lui acquiesçant simplement derrière. Mais il n'était plus le gamin seul et effrayé qui avait débarqué à Poudlard plus de deux ans auparavant. Il avait grandi, allant à présent sur ses quatorze ans et il était grand temps qu'il cesse de se cacher derrière ses amis. Il était le l'héritier de la famille Cooper, l'un des seuls sorciers de sa génération à connaitre les sorts de l'ancienne magie et à présent, il n'allait plus s'en cacher. Alors Malefoy pouvait bomber le torse autant qu'il le voulait, Jasper ne le craignait plus. Ou du moins, ne se laisserait plus impressionner aussi facilement.

Contrairement à ce que Jasper craignait, Malefoy ne l'attaqua pas. Si les paroles du Serdaigle avaient heurtées l'autre sorcier, celui-ci demeura impassible, le dévisageant silencieusement. Finalement, Malefoy laissa un léger sourire étirer ses lèvres alors qu'il s'affalait dans un fauteuil sans la moindre grâce, tranchant avec sa raideur habituelle.

-Bien, puisque c'est comme ça, laissons tomber les masques. Nous sommes tous les deux des Sang-Purs et tu connais aussi bien que moi l'importance des faux semblants, alors malgré ton petit discours très convaincant, je suis sûr que tu tiendras ta langue.

-Bien sûr que oui, grommela Jasper. Je n'ai pas que ça à faire de causer du tort à ta famille avec des rumeurs stupides. Ca ne fera que causer des problèmes.

-Exactement, ravi de voir que nous sommes sur la même longueur d'ondes. Assied toi.

Jasper plissa les sourcils face à l'ordre donné par le Serpentard. Celui-ci du se rappeler qu'il ne pouvait pas parler à Jasper comme s'il était l'un de ses sujets puisqu'il ajouta un "s'il te plait" à mi-voix qui sembla lui arracher la langue. Jasper opina légèrement et prit face à Malefoy, s'asseyant sur le rebord de son siège, prêt à fuir rapidement si la situation virait au vinaigre. Jasper acceptait de tenter d'être courageux mais pas téméraire, il avait des limites. Et combattre un Serpentard réputé comme l'un des meilleurs duellistes de Poudlard en faisait partie, merci mais non merci, il tenait à la vie.

-J'ai dit que je tiendrais ma langue, alors qu'est-ce que tu veux de plus Malefoy?

- Ah, ricana-t-il. Mais à quoi est-ce que tu t'attendais exactement ? On vient tous les deux d'entendre Ombrage menacer Potter d'un Doloris et tu pensais qu'on allait repartir chacun tranquillement dans notre coin ?

-Qu'est-ce que ça peut te faire que Potter soit renvoyé de l'école et se prenne un Impardonnable ? Je croyais que tu le détestais.

-Évidement que je déteste, cracha Malefoy. Je supporte à peinte d'entendre sa voix de crécelle. Tout le monde l'idolâtre les yeux fermés sans voir à quel point ce type est un crétin fini. Il a simplement eu beaucoup de chance rien de plus, Potter le bébé chéri des sorciers, enfin bon, ça c'était avant, il n'est plus qu'un fou à présent pour eux. Mais, reprit il en voyant l'air perplexe de Jasper, ce n'est pas pour autant que je souhaite que cet imbécile soit renvoyé de Poudlard. Et tu sais pourquoi ? Parce que Potter est la seule chose digne d'intérêt dans cette putain d'école d'abrutis. Tu ne sais pas ce que s'est d'être envoyé à Serpentard. Tu n'as aucune idée de ce que représente la pression sur tes épaules lorsque tu es le porte-parole d'une maison toute entière, lorsque tous tes amis ne sont en réalité que des alliances prêtes à te trahir au premier faux pas que tu feras. Tu ne connais rien de tout Cooper parce que toi, tu as eu la chance de naître dans une famille qui a cessé de vivre comme au siècle dernier et de se servir de leur progéniture comme monnaie d'échange. Tu as des amis qui se fichent comme d'une guigne de ta fortune ou de la pureté de ton sang, tes parents n'attendent rien d'autre de toi que des bonnes notes ou une lettre pour leur dire que tout va bien. Tu n'as jamais eu à menacer pour ta famille, à créer une arène politique dans ta propre salle commune où le moindre de tes gestes sont épiés puis rapportés dans la haute société. Tu ne sais rien du tout Cooper.

Et tout ça sans respirer, pensa Jasper avec une pointe d'admiration. Il s'apprêtait alors à rétorquer que si, bien sûr que si qu'il connaissait la pression familiale mais s'interrompit brusquement. Ses grands parents avaient toujours été très conservateurs, souhaitant fiancer Jasper alors qu'il ne savait même pas encore marcher, exigeant de lui le meilleur sans cesse. Mais il n'avait jamais eu à le subir. Parce que ses parents s'étaient toujours interposés, lui permettant de grandir libre et sans avoir à s'inquiéter du regard des autres. Malefoy disait la vérité, il avait beau être un Sang-Pur, il avait grandi dans une petite bulle dorée, éloignée de la cage aux lions.

-Alors, reprit Malefoy d'une voix plus calme, avoir trouvé quelqu'un comme Potter, c'est la seule chose qui m'empêche de vriller complètement. Je dois toujours être imposant, fière, poli, élégant, peu importe là où je vais, peu importe à qui je m'adresse, je dois faire honneur à ma famille. Mais Potter, par Merlin, avec lui c'est différent. Ce crétin se fiche de mon rang, il se fiche de tout ce pour quoi les autres me courent après. Il me déteste pour ce que je suis, un connard arrogant et tu n'as pas idée à quel point c'est rafraîchissant. Je dois te parait complètement fou d'aimer me faire détester par quelqu'un mais personne, jamais personne auparavant ne m'avait traité de fils de riche méprisant. Par crainte de ma famille, peu importe à quel point je me comporte comme le derniers des salops, personne ne me dis jamais rien, personne ne s'oppose à moi. Je n'ai jamais reçu un seul avis honnête de toute ma vie avant de rencontrer Potter. Alors oui, je le déteste et il me le rend bien mais si jamais il en venait à quitter Poudlard, je me retrouverais à nouveau seul. J'ai horreur de l'admettre mais j'ai besoin de Potter.

-Et il a besoin de toi.

Drago écarquilla les yeux. Par Viviane, comment ce gamin avait il deviné. Il savait que le fils Cooper était intelligent, son père lui en avait vanté les mérites maintes fois en lui intimant de se rapprocher de lui. Il dévisagea Jasper d'un œil attentif, avant de soupirer

-C'est si évident ?

-Non, je viens seulement de faire le lien. Tu as trop besoin de Potter pour prendre le risque de le voir partir. Alors tu as fait en sorte de le revendiquer comme ton ennemi, ta propre Némésis. Il est à toi, c'est ta proie et personne ne vole le cerf de sa majesté, n'est-ce pas ? Une fois que tu avais peint dans son dos cette cible à ton nom, plus personne n'a osé s'en prendre à lui car propriété réservé de son altesse, dit Jasper, dissimulant difficilement son mépris. De cette façon, tu t'assures qu'il soit toujours en état lorsque tu as besoin de te défouler. C'est pitoyable.

-Pitoyable? Ho, Cooper tu n'imagines pas le nombre de fois où la cible que je lui ai tracé dans le dos comme tu dis, lui a sauvé la mise. Nombres d'élèves rêvent de s'en prendre à lui, par vengeance, ennuie, jalousie, qu'est-ce que j'en sais ? Et encore plus maintenant qu'il parle du retour de Tu-Sais-Qui. Ce crétin s'est lui-même désigné comme cible le jour où il a mis les pieds à Poudlard et a montré sa balafre à tout le monde. Faire de lui mon ennemi privé lui a évité des sorts bien pires qu'un pauvre Doloris.

-Alors quoi ? Tu veux protéger Potter très bien, dit Jasper en ignorant la grimace de Malefoy. Mais comment on s'y prend ?

-Le seul moyen d'empêcher Potter de se faire renvoyer de l'école, c'est de le faire redevenir un héros.

-Mais le monde sorcier tout entier est persuadé qu'il a perdu la tête.

L'autre garçon ne répondit pas. Parce qu'il savait que s'il décidait de mettre son plan à exécution, plus rien ne serait comme avant. Ce n'était pas seulement l'avenir de la scolarité de Potter qui était en jeu mais toute l'issue de la guerre. Bien sûr que le terrible mage noir était de retour, il n'y avait que des crétins pour croire que Potter s'amuserait à dire ce genre de choses à la légère. Ce monstre avait assassiné les parents du garçon mais visiblement, ce n'était pas une raison suffisante pour qu'Harry souhaite qu'il ne revienne jamais des ténèbres.

Drago connaissait toute la vérité. Cette nuit-là, son père avait été présent dans ce cimetière, il avait assisté à la renaissance du mage noir. Il était rentré au manoir le visage décomposé et pour la première fois de sa vie, Drago avait vu son père pleurer. Parce que les Malefoy étaient pieds et mains liés, asservit à cette bête assoiffée de pouvoir, prônant une idéologie arriérée. Bien sûr que Drago accordait de l'importance à la pureté du sang, car seuls les anciennes familles pouvaient pratiquer l'ancienne magie, mais cela n'allait pas plus loin que ça. Les Nés-Moldus n'avaient rien des rats d'égouts que certains fanatiques des Sangs-Purs racontaient. Il était bien placé pour le savoir d'ailleurs, Granger était une fille de moldus et était l'une des meilleures sorcières de leur génération. S'il la traitait de Sang-de-Bourbe, c'était uniquement pour avoir le plaisir de voir Weasley péter une durite.

Mais était-il prêt à tout risquer, à mettre en danger sa vie et celle de sa famille ainsi que leur honneur et leur rang, tout ça pour sauver le cul de Potter ? Dargo se pinça les lèvres. Non, il ne faisait pas ça uniquement pour Potter, il devait bien l'avouer, c'était aussi pour lui. Parce que tant qu'il serait enchaîné au Seigneur des Ténèbres, jamais Drago ne serait libre. Pour la première fois de sa vie, il allait devoir faire ses propres choix lourds de conséquences.

-J'ai un plan.

Mona s'étira dans son fauteuil, réprimant difficilement un bâillement. Elle avait lu toute la nuit, ne pouvant fermer l'œil sans avoir le fin mot de l'intrigue du dernier roman en date qu'elle s'était achetée. Elle n'avait jamais été très avide de lecture mais elle adorait tout ce qui touchait de près ou de loin aux histoires d'amour, comblant le vide intersidéral que constituait sa propre vie amoureuse en se plongeait corps et âme dans des romans à l'eau de rose. Cela faisait beaucoup rire Jack qui disait qu'à force de lire ce genre de bêtises, elle allait finir par idéaliser tant et si bien l'amour qu'elle ne pourra jamais en être satisfaite. Et à chaque fois qu'il tenait ce genre de discours, Jasper le contemplait d'un air songeur avant de détourner les yeux, les oreilles rouges malgré son visage impassible. Mais Jack pouvait bien dire ce qu'il voulait, Mona continuait à dévorer des histoires d'amour, unique moyen d'oublier que le seul garçon ayant fait battre son cœur en aimait une autre.

Le jour se levait doucement et les premiers rayons du soleil illuminaient peu à peu la salle commune. D'ici quelques minutes, les élèves les plus matinaux descendront prendre leur petit-déjeuner. La sorcière avait bon espoir de voir Féline apparaître sous peu. Mona n'avait jamais compris comment son amie pouvait dormir si peu et avoir pourtant une aussi bonne mine. Jasper en était d'ailleurs fou de jalousie. Peu importe qu'il dorme deux ou dix heures par nuit, les mêmes cernes sombres restaient éternellement gravées dans sa peau laiteuse.

Elle n'avait pas revu son ami depuis le dîner où il avait prétexté un mal de tête afin de s'éclipser au plus vite. Il n'avait dupé personne avec son excuse, mais sentant son envie pressante de leur fausser compagnie, aucun de ses camarades n'avaient insistés. Jasper avait parfois ce besoin impérieux de solitude et ils avaient appris à faire avec. Mais si Féline n'avait visiblement rien remarqué, trop occupée à dévorer sa tarte aux pommes, Mona et Jack n'étaient pas dupe pour un sous. Leur ami leur cachait quelque chose et semblait bien décidé à ne pas leur en toucher un mot.

Mona soupira, regardant les flammes danser dans la cheminée. Il lui semblait que les secrets étaient monnaie courante de son quotidien à présent, ses journées étaient pleines de non-dits et de silences lourds de mystères que la sorcière peinait de plus en plus à tolérer. Elle se sentait si isolée, regardant ses amis s'enfoncer peu à peu dans leurs pensées, disparaissant parfois le soir sans un mot ou se plongeant dans un mutisme étouffant. Mona n'avait jamais eu de secrets. Ou rien de plus honteux que d'avoir pleuré sur une chanson d'Oriane Piedsdodue ou de plus mystérieux que d'être capable de faire de réciter l'alphabet en dormant. Mais elle n'osait leur poser la moindre question de peur de briser l'équilibre si fragile qui maintenait leur amitié en place. Elle n'était pas prête à sacrifier leurs rires pour quelques secrets, alors si le prix à payer pour que leurs liens perdurent était de tenir sa langue, alors Mona se transformerait volontiers en tombe.

Elle se redressa en voyant Féline apparaitre dans la salle commune en se disputant avec Lucille. Visiblement, cette dernière avait encore donné de la nourriture en cachette à Cornélius "Il va finir obèse si tu continus !", "N'importe quoi, ton chat à la peau sur les os !", "Tu es en train de dire que je le maltraite ?", "Tu le dis toi-même.". Grand seigneur, ce fut Jasper qui les fit taire en leur claquant la tête à l'aide d'un épais bouquin de potions, les suppliant de fermer un peu leur caquet. Boudeuse, Lucille sortit de la salle commune d'un pas vif alors que Féline se frottait la tête en râlant.

-Depuis quand la violence est une solution pour toi ?

-Depuis que tu te mets à crier de ta voix mélodieuse dès le matin. Bonjour Mona.

-Tu t'es levée super tôt aujourd'hui, embraya Féline en l'apercevant. Pour une fois que je ne suis pas la première, ça tient presque du miracle.

-J'avais du mal à dormir alors j'ai terminé mon livre.

-Tu aurais pu lire quelque chose d'un peu plus instructif que les aventures de Miranda la couturière qui décide de s'installer à Snowflakes City pour y retrouver son amour d'enfance, Brandon le bucheron.

-Tu as l'air bien au courant de l'histoire pour quelqu'un qui dit ne pas l'avoir lu.

-J'ai simplement regardé la quatrième de couverture, répondit il malgré ses oreilles qui prenaient une teinte rouge.

-Jasper trésor, il n'y a qu'une rose de dessinée à l'arrière, dit Féline en brandissant le bouquin d'un air moqueur.

-Piètre menteur que voilà, ricana Mona.

-Je l'ai lu pendant le cours d'Ombrage, voilà vous êtes contentes ? Même ce torchon est plus intéressant que le ramassis de bêtise qu'elle nous sert à chaque fois.

-Jasper Cooper qui lit des romans d'amour, rit Féline en le fixant, les yeux brillants.

-Qui lit quoi ? demanda Jack en arrivant, nouant sa cravate à la va vite.

-Rien du tout ! marmonna Jasper le teint rouge. Si on continu à bavarder on va se mettre en retard alors allons y.

-Ça t'arrange bien en plus, dit Mona avec un sourire espiègle. Tiens Jack, ajouta t'elle en tendant le livre au pauvre garçon qui ne comprenait plus rien à rien, je te conseille de lire ça, ça te fera un sujet de conversation avec Jasper.

-Coup de foudre ensorceleur ? Vraiment ? marmonna Jack en fixant la couverture noire et rouge, perplexe.

-Elle raconte n'importe quoi, ne l'écoute pas.

Jack ne répondit rien, fixant les oreilles et la nuque rouge de son ami qui marchait devant lui, les épaules crispées dans une attitude boudeuse. Aurait-il eu un petit caillou devant lui qu'il aurait donné un coup de pied dedans pour faire bonne mesure. Amusé, Jack glissa précautionneusement le livre dans son sac avec la ferme intention de le taquiner avec ça jusque dans son cercueil. Il était d'incroyablement bonne humeur ce matin-là. Lorsqu'il avait ouvert les yeux et jeté un coup d'œil à son réveil, celui-ci indiquait "bien trop tôt pour se lever" et c'était avec délice qu'il avait replongé sous sa couette. La mauvaise humeur de Jasper s'était dissipée hier soir et le garçon avait consenti à jouer aux échecs avec lui jusqu'à une heure avancée. Si Jack n'avait pas cherché à savoir ce qui l'avait mis en rogne, il avait observé avec attention la mine soucieuse de Jasper se dérider peu à peu. Évidemment, il tirait encore la tronche en se levant mais il n'avait jamais été du matin alors ils avaient l'habitude.

Pourtant, il y avait quelque chose de changé chez Jasper et Jack n'arrivait pas à saisir ce que cela pouvait bien être. Il ne pouvait certainement pas dire qu'il le connaissait par cœur, Jasper n'avait jamais été très prompt à parler de lui-même, si bien que Jack n'avait découvert l'héritage familial de Jasper que lorsque celui-ci l'avait invité à venir passer quelques jours dans son manoir en bordure de Godric Hollows. Mais bien qu'ignorant encore beaucoup de choses au sujet de son ami, Jack ne pouvait s'empêcher de se sentir profondément frustré. Jasper lui cachait quelque chose de gros comme une maison et il mourait d'envie de savoir ce que c'était. Mais comment pouvait-il exiger quoique ce soit alors que lui-même leur dissimulait tant de choses ? Réprimant difficilement son envie de lui faire subir un interrogatoire, Jack se contenta de le dévisager en dévorant ses œufs brouillés.

Il avait toujours adoré regarder Jasper. Que cela soit quand il se réveillait le matin avec ses cheveux en batailles ou lorsqu'il dévisageait sa potion ratée sans comprendre pourquoi ni comment il était parvenu à un résultat si déplorable, ou alors qu'il sirotait sa tasse de thé d'une façon si élégante qu'on pourrait le prendre pour un prince charmant ou encore quand il lisait un livre de botanique avec une concentration si intense qu'elle en devenait apaisante. Il aimait compter les légères taches de rousseurs qui constellaient sa peau, il pouvait passer des heures à caresser du regard les lourdes cernes qui encadraient ses yeux verts. Il le trouvait si attendrissant alors qu'il caressait distraitement Cornélius au coin du feu, si doux quand il leur serrait rapidement la main à de rares occasions après une journée particulièrement difficile, si tranquille lorsqu'il se mettait à dessiner dans un silence religieux acceptant parfois de leur montrer ses dessins. Il aimait l'entendre rire à ses bêtises, soupirer en s'affalant sur son lit ou grogner alors qu'il était de corvée de ménage. Jack sentit son cœur se serrer douloureusement.

Parfois, il se demandait s'il était aussi important pour Jasper que lui l'était dans sa vie. Sans doute pas. Jasper était trop intelligent, trop beau, trop... Il était trop lui pour penser à Jack de cette manière. Il devait sans doute préférer quelqu'un de plus calme comme Mona ou plus futée comme Féline. Quelles chances avait-il ? Un doux sourire étira ses lèvres. Peu importe, tant que Jasper était heureux, le reste n'avait pas d'importance, il s'en accommoderait. Il le regarda recracher son thé après avoir écouté une énième bêtise de Féline "Vous pensez que Rogue et Ombrage sont amants ?" et ricana en le voyant mimer une nausée en les imaginant. Et ce fut à ce moment-là, peut être dû à un coup du sort ou à la volonté de Merlin lui-même, que Jack remarqua enfin ce qui clochait.

-Dit moi Jasper, tu pourrais m'expliquer pourquoi est-ce que tu ne fais que fixer Malefoy ? Et surtout, pourquoi est-ce que lui te regarde aussi ?

Féline avala de travers et tourna la tête vers eux si vite qu'elle sentit son cou craquer. Ho par Viviane, Jack n'avait pas menti, c'était bien sur eux que le regard de Drago Malefoy était posé. Ses yeux gris se plantèrent un instant dans ceux de Féline. C'était surement du à son imagination mais elle crut le voir rosir quelque peu. Devenant rouge comme une tomate, elle plongea la tête dans son bol de chocolat chaud, priant Merlin et toutes les autres divinités pour que personne n'ai rien remarqué. Reprend toi ma vieille, se flagella t'elle mentalement, ce n'est qu'un crétin, un crétin arrogant alors n'y pense plus; Drago Malefoy n'était certainement pas en train de rougir et toi non plus d'ailleurs, il fait simplement un peu chaud ici c'est tout, rien de plus.

-Ce n'est rien, dit sobrement Jasper. Nous nous sommes croisés à une réception pendant les vacances et nous avons un peu discutés, il doit être en train de se demander si je suis quelqu'un d'assez fréquentable pour que je vaille la peine ou non de faire alliance avec sa famille.

-Tu as parlé avec Drago Malefoy ? Toi ? s'exclama Mona, les yeux écarquillés. Mais il ne s'intéresse jamais à personne alors pourquoi diable...

-Je suis un Sang-Pur Mona, qu'on le veuille ou non, tous les enfants de familles telles que les nôtres sont obligés de s'échanger quelques mots à un moment ou à un autre.

-De quoi avez-vous parlés ? Je veux dire, on le dit si obnubilé par la pureté du sang et par Potter que j'ai du mal à croire qu'il puisse avoir d'autres sujets de conversations.

-Il n'était pas si affreux que cela. Tous les enfants de Sang-Purs se doivent de se forger une réputation irréprochable, il en va de leur avenir dans le monde. J'ai eu beaucoup de chance de ne pas avoir à subir ce genre de choses, mes parents n'ont jamais été de grands adorateurs de l'aristocratie sorcière et ont tendance à la fuir comme la peste, contrairement aux Malefoy. Il n'est pas si terrible qu'il veut nous le faire croire et..., il s'interrompit un instant, réalisant ce qu'il venait de dire. Surtout, ne le répétez à personne, je ne suis pas censé divulguer ses secrets au grand jour sans même lui en parler.

-On sera muet comme une tombe, promit Mona. N'est-ce pas Féline ?

-Oui, comme des pierres, ajouta t'elle en fixant distraitement le Serpentard avec une expression à mi-chemin entre soulagement et la contemplation.

-Féline par pitié, marmonna J ack, cesse de baver sur Malefoy comme ça. On dirait un poisson hors de son bocal.

-Je ne bavais pas !

-Pardon, ricana t'il ? Depuis que j'ai osé prononcer son nom tout à l'heure, tu n'as pas décollé tes yeux de lui sauf pour fixer ton bol alors que tu étais aussi rouge que l'uniforme des Gryffondor. Est-ce que l'on peut savoir depuis quand est-ce que tu as le béguin pour lui ?

Mona et Jasper les regardaient avec des yeux ronds alors que Féline retenait difficilement un gémissement de dépit. Jack était le genre de garçon si distrait qu'il pouvait ne pas remarquer une armure droit devant lui ou qui pouvait passer des heures à énumérer toutes les nuances de bleu dans le ciel sans sentir le regard furibond du professeur posé sur lui. Il était incapable de faire la différence entre un chou de Bruxelles et un brocoli et il ne se passait pas un seul matin sans que Jasper ne soit obligé de lui rappeler de mettre sa cravate. Mais évidemment ça -ça- il a fallu qu'il le remarque et pire, qu'il le relève à voix haute.

-Je ne vois absolument pas de quoi tu parles, grimaça t'elle.

-La subtilité Jack, la subtilité, marmonna Jasper en contenant son amusement.

Féline enfouie la tête dans ses mains tandis que Mona éclatait de rire et que Jack souriait d'un air moqueur. Celle-ci finit par le foudroyer du regard, le menaçant avec sa cuillère de le faire tomber de son balai au prochain entrainement de Quidditch s'il ne la fermait pas immédiatement. Préférant ne pas encourir de risques inutiles avant son premier match qui aurait lieu d'ici une semaine, il n'ajouta plus rien bien que cela n'empêcha pas Mona de ricaner pendant toute la fin de la matinée.

-Je suis sûr qu'avec un peu de chance, tu as du lui taper dans l'œil aussi, lui dit elle pendant le cours de botanique alors qu'elles étaient occupées à nourrir un snargalouf, une plante carnivore particulièrement vorace à l'apparence d'une vieille souche d'arbre.

-Tapé dans l'œil ? Non mais je lui ai plus que suffisamment tapé dans l'œil ! Entre la fois où je lui ai écrasé à la main à la bibliothèque et celle où je me suis pris un coup de poing à sa place, il doit forcement m'avoir remarqué. Et pas dans le bon sens ! Je dois passer pour une gamine bagarreuse et sans délicatesse.

-C'est pas une si mauvaise description de ta personne, marmonna Jack avant de se recevoir une poigne de terre dans les cheveux suivi d'un regard noir. Ouais c'est bien ce que je disais, une vraie princesse.

-On a dû me jeter un Oubliette parce que je ne me rappelle pas t'avoir demandé ton avis crétin.

-La prochaine fois que je dois vous demander de vous taire, vous finirez en retenu, dit sèchement le professeur Chourave en les regardant depuis le fond de la classe.

-Mais je n'ai rien dis ! protesta Jasper.

-Moi non plus, renchéri Jack, ce sont les filles qui ne font que de nous embêter !

-Pardon ? s'offusqua Féline. Alors ça, c'est la cerise sur la couscoussière. Mona dis quelque chose !

-Elle a raison professeur, ce sont eux qui se mêlent de nos affaires.

-Quoi ? Mais c'est vous qui parlez si fort que toute la classe se retrouve mêlée à vos bavardages !

-Ho comme si ça ne t'intéressais pas, tu nous écoutes depuis tout à heure, c'est même toi qui a lancé le sujet ! Jasper et toi êtes de vraies commères !

-Je répète que je n'ai rien dis et que je me fiche comme d'une guigne de vos histoires, râla Jasper.

-Culoté pour quelqu'un qui lit Sorcière Hebdo, il n'y a que des scandales là-dedans !

-Peut être mais depuis quand est-ce que vous êtes des stars vous exactement ? Sachez que la vie d'Oriane Piedsdodue est cinquante fois plus trépidante que la vôtre.

-Ah parce que tu crois que t'as vie à toi est mieux que la nôtre peut être ? rit Féline.

-Ma vie est super intéressante en tout cas, rajouta Jack en bombant le torse.

Le professeur Chourave se pinça l'arête du nez, la tête douloureuse. Peut être était il grand temps pour elle de prendre sa retraite ? Dire qu'autrefois le petit Cooper était un enfant sage comme une image qui ne pipait jamais un mot dans son cours si ce n'est pour donner les bonnes réponses. La langue bien pendue de Jack Overland avait visiblement influencé son élève préféré, faisant de lui un allié redoutable pour perturber sa classe. Et bien sûr, les deux filles n'étaient pas en reste. Le masque calme de Mlle O'Kelly avait vite disparu pour faire place à une vraie pipelette. Quant à Mlle Lupin, le professeur Chourave avait immédiatement reconnu en elle la bouille d'ange de son oncle mais aussi sa malice et son caractère aussi doux que soupe au lait. Dire qu'une fois que les Maraudeurs avaient quitté Poudlard, elle avait cru pouvoir finir tranquillement sa carrière, elle s'était bien trompée. Entre les jumeaux Weasley, Potter et ses amis et les quatre Serdaigle, c'était une véritable tornade qui était en train de s'abattre sur Poudlard. Merlin, pensa t'elle, ils vont me rendre complètement folle avant que je n'ai reçu ma prime de fin de carrière.

-En retenue demain soir. Tous les quatre.

Seul le silence dépité des jeunes sorciers et le regard narquois de Susan lui répondirent.