C'est avec la boule au ventre et la mine presque grise d'inquiétude que Féline se présenta devant le bureau du professeur Rogue ce soir-là. Elle grimaça en repensant à la mine éberluée de ses amis lorsqu'elle leur avait annoncé recevoir des cours particuliers en potions. Même Jasper qui était un désastre en la matière n'avait jamais entendu parler de près ou de loin d'un quelconque cours de soutien dispensé par Rogue. S'ils n'avaient certes pas pipé un mot, Féline n'était pas dupe pour autant, aucun d'eux n'avait cru à sa pitoyable excuse. Ils se doutaient tous de quelque chose mais Féline n'avait ni l'envie ni le courage nécessaire pour leur demander jusqu'où est-ce qu'ils avaient compris de quoi il en retournait. Elle avait promis de garder son don secret mais visiblement, Dumbledore et son oncle avaient sous-estimé la réflexion et la curiosité dévorante des Serdaigle. Il allait falloir qu'elle réfléchisse sérieusement à de nouvelles excuses plus cohérentes pour les prochaines fois.
Son estomac se tordit méchamment alors qu'elle frappait à la porte. Il était six heures précise, Merlin merci au moins était-elle à l'heure, peut-être cela lui épargnerait-il les foudres du professeur. Réprimant difficilement un bâillement, elle attendit patiemment que la porte daigne à s'ouvrir. Elle se sentait fatiguée après la longue journée de cours et elle enviait jalousement ses amis qui devaient être en train de s'empiffrer de pommes de terre et de lard grillé. Elle n'avait pas eu le temps d'avaler quoique ce soit avant de venir et si l'idée de faire demi-tour pour se précipiter dans la grande salle était alléchante, elle ne tenait pas à affronter le maître des potions si elle lui faisait faux bond.
La porte s'ouvrit brutalement, manquant de peu de finir dans la tête de Féline si celle-ci n'avait pas eu la jugeote de faire un bond en arrière, et l'ombre menaçante du professeur Rogue se dressa devant la sorcière. Il s'écarta pour la laisser passer avec un grognement agacé avant de retourner à son bureau. Il était visiblement aussi peu ravi que son élève de se retrouver en sa compagnie et l'ignora sans une once de remord alors que Féline allait s'asseoir à son pupitre habituel, se trouvant plus que stupide à rester debout sans rien faire au milieu de la pièce.
Lorsque Féline comprit que Rogue ne comptait pas se préoccuper d'elle plus que ça, elle entreprit alors de compter minutieusement le nombre de fissures que comportait le plafond, évitant consciemment de croiser le regard de son professeur. Rogue la terrifiait toujours autant et elle avait encore du mal à comprendre ce qu'elle fichait là. Elle n'avait jamais enseigné l'occlumancie à qui que ce soit et elle avait beau y avoir réfléchi pendant des heures, elle ne parvenait pas à mettre des mots sur la façon dont il fallait s'y prendre pour dresser des barrières mentales, son don rendant tout cela bien trop instinctif pour qu'elle puisse faire une bonne enseignante. Bien qu'elle n'était pas sûre que Rogue s'en sortirait mieux vu sa patience et sa tolérance particulièrement faible à l'égard d'Harry, au moins avait-il le mérite d'avoir appris à maîtriser cet aspect de la magie d'une façon plus conventionnelle et adaptée pour le futur apprentissage du garçon.
Féline lança un coup d'œil discret à l'horloge suspendue au mur, pile au-dessus du professeur Rogue occupé à corriger des copies. La sorcière grimaça en voyant l'heure, il était bientôt six heures dix et Harry n'était toujours pas là. Non seulement il allait mettre Rogue dans une mauvaise humeur bien pire qu'il ne l'était quotidiennement mais en plus, il la laissait en tête à tête avec lui, la rendant témoin de ses nombreux sifflement agacés. Elle le soupçonnait presque d'en faire exprès afin de la mettre d'avantage mal à l'aise, si possible. Sentant Rogue s'agiter dans son coin, elle se mit à fixer la porte avec la force du désespoir, attendant que celle-ci veuille bien laisser apparaître Harry tel un miracle divin. Elle en était à voir presque floue à force de la contempler avec tant d'insistance qu'elle réagit à peine lorsqu'elle s'ouvrit brusquement, laissant apparaître dans un halo de lumière, un Harry essoufflé et couvert de sueur.
-Je m'excuse pour le retard monsieur, parvient-il à dire en aspirant de grandes goulées d'air.
Rogue ne prononça pas un mot et se contenta de le toiser d'un air mauvais avant de lui indiquer sèchement de prendre place sur le banc près de Féline.
-Salut, souffla Harry en se laissant tomber aux côtés de son amie.
-Tu es en retard, chuchota Féline.
-J'avais remarqué, pas la peine de me faire les gros yeux. Ombrage m'a encore collé en retenue.
-Tu as relancé le débat sur Tu-Sais-Qui ? Tu sais pourtant que c'est une cause perdue d'en discuter avec elle.
-Même pas, grogna Harry en rajustant sa cravate. J'ai simplement eu le malheur de soutenir son regard un peu trop longtemps à son goût. Elle a jugé ça, attends qu'est-ce qu'elle a employé comme terme déjà ? Ah oui, impertinent.
-Cette sale harpie, je te promets qu'elle ne va pas continuer à se pavaner encore longtemps celle-là.
-Mais qu'est-ce que vous comptez faire au juste ? Je n'ai jamais vu les jumeaux Weasley aussi ravis d'avoir écopés d'une retenue de toute leur vie.
-Crois-moi, moins tu en sais, mieux tu te portes Tu as déjà assez de problèmes comme ça. Rogue est furieux.
-Il est toujours furieux Féline, j'ai l'habitude. Ho, tu ne voudrais pas débarrasser l'école de sa vieille tête de chauve-souris pendant que tu y es ?
-Se mesurer à Ombrage est une chose, se mesurer à lui en est une autre. Tu l'as déjà vu faire un sortilège de Chauve-furie ? Parce que moi oui, il en a lancé un contre Peeves ce matin avant notre heure de classe et crois-moi, celui de Ginny fait pâle figure à coté, c'était terrifiant et je n'ai pas envie d'être la prochaine.
Harry ne répondit pas et Féline se retourna pour se retrouver face au rictus moqueur de Rogue. S'il adressa à peine un coup d'œil à Féline, la dévisageant avec le même désintérêt que l'on a pour un insecte insignifiant, il posa en revanche un regard glacé sur Harry avant de sortir sa baguette qu'il fit tournoyer entre ses doigts, savourant silencieusement le regard inquiet des deux sorciers posé sur lui. L'expression anxieuse de Féline et celle dépitée d'Harry à l'idée de se retrouver coincés avec lui dans les cachots jusqu'à tard dans la nuit l'amusait grandement. Il avait passé une journée particulièrement exécrable et s'il devait supporter ces deux cornichons toute la soirée, il comptait bien rentabiliser son temps en se servant d'eux comme défouloir.
-Bien, veuillez avoir l'obligeance d'ouvrir vos oreilles et de me prêter la plus grande attention car je ne compte pas perdre une seule seconde de mon temps avec des incapables. Sachez que l'occlumancie est la branche la plus nébuleuse de la sorcellerie car elle implique l'esprit, à savoir la partie la plus changeante et plus complexe de l'être humain, en particulier lorsque la magie y est mêlée comme c'est le cas chez les sorciers. Et bien que je me doute que deux ignares tels que vous soient incapables de saisir l'importance de ces propos, je vais faire de mon mieux pour faire entrer dans vos cervelles de moineau cet apprentissage capital. Pour commencer, vous serez aimables de noter que l'occlumancie est une discipline magique qui consiste à bloquer son esprit contre les tentatives de pénétration extérieure. Une personne qui la pratique est appelée un occlumens, et comme vous le savez, du moins j'ose l'espérer, le contraire de l'occlumancie est la legilimancie. À présent, sortez vos baguettes.
Harry déglutit. Le regard noir de Rogue n'était qu'un avant goût de la rude et interminable soirée qui se profilait à l'horizon. Et au vu de sa mine crispée, Féline devait être en train d'en penser de même.
Susan Brown n'avait jamais réellement aimé ses camarades de classe. Elle les trouvait trop bruyants, souvent ennuyants, voir particulièrement stupides dans certains cas et leur présence l'agaçait particulièrement.
Elle ne supportait tout simplement pas Jack Overland, ayant plus souvent que raison des envies de violence à son encontre. Ce crétin avait le don de la mettre en rogne et elle rêvait de façon régulière de lui éclater une chaise sur le crane. Vu le peu de neurone que ce dernier possédait, elle était persuadée que cela ne serait pas une grande perte pour l'humanité. Elle tolérait plus ou moins Jasper Cooper, car si le ton parfois trop sérieux du garçon et sa tête de déterré la mettaient mal à l'aise, il avait au moins le mérite de se coltiner l'autre imbécile de service sans interruption, sept jours sur sept, non-stop. Elle n'appréciait guère Mona O'Kelly qu'elle considérait, à tort ou à raison, comme une rivale, trouvant son sourire particulièrement hypocrite et sa manie de donner son avis sur à peu près tout et n'importe quoi absolument horripilante.
Il y avait également les jumeaux Barnes mais honnêtement, ils pourraient disparaître du jour au lendemain que Susan ne le remarquerait même pas. Ces deux-là ne se mélangeaient jamais aux autres, préférant les observer silencieusement avec de grands yeux que Jack avait rebaptisé de "carrément flippant !" ; ou dévorant avec une avidité presque maladive chaque bouquin qui leur tombait sous la main. Quant à la petite nouvelle, Susan s'en fichait comme d'une guigne. Elle était devenue amie avec la bande de guignol de sa maison et ça lui convenait très bien comme ça. Mona arrêtait ainsi de lui faire la conversation le soir, ce concentrant uniquement sur Féline, et Jack et Jasper avaient enfin cessé de lui demander de l'aide en sortilèges.
Mais s'il y avait une personne à qui Susan avait entrouvert la porte de son cœur d'ours mal léché, c'était bien à Lucille Hill. Susan avait toujours été très solitaire, préférant de loin sa propre compagnie à celle des gens de son âge qu'elle considérait comme particulièrement immatures et profondément débiles. Mais lorsqu'elle était montée la première fois dans le Poudlard Express, rentrant dans un compartiment au hasard et tombant alors nez à nez avec une petite fille aux cheveux roux en pétards qui lui souriait comme si elle était la huitième merveille du monde, Susan se rendit compte que peut-être, sur cette Terre, se trouvait quelqu'un qui lui était destiné. Elle avait offert à Lucille toute son affection, faisant d'elle le centre de son propre monde, apprenant à la connaître avec tant d'intérêt et de passion que son amie n'avait plus aucun secret pour elle.
C'est ce pourquoi elle comprit en ce mercredi de début de janvier que quelque chose était en train de se tramer. Contrairement à elle, Lucille avait noué une entente cordiale avec ses camarades de maison et ne centrait pas toute son attention en permanence sur son amie. Elle aimait observer les pitreries de Jack, appréciait regarder les jumeaux travailler dans un calme olympien, s'amusait de voir Mona et Féline divaguer à propos d'histoires d'amour et adorait voir Jasper se lancer dans quelques dessins.
Lorsqu'elle les avait vus pour la première fois revenir d'une réunion de l'Armée Dumbledore, bien que n'ayant absolument pas la moindre idée de ce dont il pouvait bien s'agir, elle avait eu un sourire appréciateur à l'idée que ce qu'ils étaient en train de préparer, peu importe ce que cela pouvait bien être, allait à l'encontre d'Ombrage. Elle avait regardé silencieusement le manège continuer à s'organiser et depuis quelques jours, l'état d'effervescence dans laquelle étaient plongés Jasper et Féline l'avait mis sur la voie que bientôt, tout Poudlard se retrouverait sens dessus dessous.
C'est en observant Lucille sautiller sur sa chaise comme une enfant lors du déjeuner que Susan haussa un sourcil curieux et lui demanda ce qui pouvait bien se passer pour la mettre dans cet état. Alors que Lucille lui expliquait tout de long et en large, elle tourna son regard vers Jasper. Qui aurait cru que ce garçon aux lourdes cernes et aux cheveux déjà grisonnants, si calme et si malin, se retrouverait à comploter contre Ombrage ? Il fallait être bien bête pour croire qu'un simple étudiant pouvait changer quoi que ce soit à sa tyrannie.
Comme tout le monde, elle ne supportait pas cette bonne femme, car en plus de dispenser des cours ennuyants au possible, elle avait lancé un regard méprisant aux cheveux flamboyants de Lucille, accompagné d'un petit hum hum que Susan aurait été ravie de lui faire ravaler. Si Lucille n'avait même pas pris la peine de lui accorder un regard, Susan avait senti son ventre se tordre de colère. Elle rêvait que quelque chose lui tombe sur la tête et que le destin la rattrape pour lui faire payer son arrogance, mais si Jasper pensait pouvoir être la personne désignée pour cela, il se fourrait le doigt dans l'œil jusqu'au cerveau. Il ne pouvait absolument rien contre cette méprisable et grossière sorcière. Susan le savait pertinemment, Ombrage avait le ministère derrière elle et était toute puissante ici. Jasper n'allait s'attirer que des ennuis, alors mieux valait rester loin de lui. Décidée à s'en tenir à cette nouvelle résolution, Susan se décala discrètement du côté opposé au garçon, avant de retourner à son petit déjeuner sans s'en occuper davantage.
Féline soupira et se détourna d'elle, légèrement déçue. Elle avait pensé que la colère que nourrissait Susan à l'encontre de leur professeur de défense contre les forces du mal serait suffisante pour attiser suffisamment sa curiosité et la faire rejoindre l'AD. Mais de toute évidence, elle s'était trompée. Ni Susan ni Lucille n'avaient la moindre intention de risquer d'avoir quelques ennuis, préférant se tenir éloignées de tout risque, ce que la sorcière pouvait comprendre. Elle aussi aurait préféré voir sa scolarité se dérouler sans accrocs, mais il fallait bien reconnaître que Féline avait la fâcheuse tendance à nouer de fortes relations avec des aimants à problèmes. Jack avait été élu champion de Serdaigle pour ce qui constituait de finir en retenue, entraînant ses amis à sa suite. Elle n'osait imaginer la tête de Remus lorsqu'il allait apprendre qu'elle avait réussi à décrocher une retenue le premier jour de la rentrée des vacances de Noël.
La retenue avait eu lieu la veille et Féline en subissait les frais avec de lourdes cernes qui encadraient ses yeux vairons, faisant concurrence à celles de Jasper. Entre le lundi soir où le cours d'occlumancie s'était éternisé jusqu'à tard dans la soirée et la veille où leur détention s'était vu rallonger d'une heure après que Jack ai déclenché une bataille d'eau dans les toilettes qu'ils étaient censés récurer, aucun d'eux n'avaient eu leur quota habituel de sommeil, et même Féline qui dormait d'ordinaire peu en faisant les frais.
Elle réprima un grognement en lançant un regard mauvais à son emploi du temps. Le cours d'astronomie qui avait toujours lieu tard dans la soirée et se déroulait d'ordinaire le mardi, avait été décalé deux jours plus tard pour permettre à Saturne d'accéder à sa forme astral et pour compenser ce retard, le professeur Sinistra leur avait demandé deux rouleaux de parchemins pour le cours suivant. Ce n'était donc pas aujourd'hui qu'elle allait pouvoir rattraper ses heures de sommeil perdues et visiblement, Mona était parvenue à la même conclusion que son amie puisqu'elle s'effondra sur la table dans un gémissement pitoyable.
-Ho c'est bon, ne faites pas cette tête les filles, vous n'aurez qu'à dormir pendant le cours de divination.
-Dormir ? C'est quoi ça ? Ça se mange ? dit Mona avec désolation.
-Aucune de nous deux ne fait divination, idiot ! feula Féline d'un air agacé. Et d'ailleurs pourquoi est-ce que toi, tu t'es embarqué là-dedans d'abord ? Tout le monde dit que Trelawney est complètement perchée.
-Ça ma chère, c'est parce que tu n'as pas eu l'immense joie d'assister à l'un de ses cours. Cette branche nébuleuse de la magie est si mystique et procure un tel sentiment de satisfaction lorsque tu parviens à lever les brumes éternelles du futur que je n'ai pu y résister. Vois-tu, le professeur Trelawney dit que mon troisième œil est tout bonnement un miracle et que je suis sans aucun doute un illustre descendant de la grande Viviane, promis à faire de grandes choses et...
-Menteur, le coupa Jasper. Tu n'y vas que pour boire le thé des tasses de divination et t'amuser à prédire une mort funeste à toute la classe. C'est pour ça que le professeur t'apprécie autant, tu es aussi perché qu'elle.
-Tu es simplement jaloux de mon don.
-Très cher, la seule prédiction que tu as été capable de me faire avec sérieux, c'est que j'allais foirer ma potion au cours suivant.
-Et ?
-Et quoi, soupira Jasper en levant finalement les yeux de son livre.
-Ta potion, tu l'as bien raté il me semble non ?
-Oui mais...
-Je suis un vrai devin ! s'extasia Jack.
-Jack, cela n'a rien d'étonnant que Jasper échoue lamentablement dans le cours de Rogue, arrête un peu de t'exciter (« Eh ! Je fais des efforts, d'accord ? »). Féline, peux-tu me prêter tes notes en sortilèges, j'ai dû me tromper quelque part, ajouta Mona en fronçant les sourcils en relisant son parchemin.
-Tiens, dit Féline. Mais alors quand vous faites vos devoirs de divination...
-C'est du baratin, rien n'est vrai, rit Jack. Tant que tu prédis des horreurs, Trelawney sera contente et te mettra minimum un Effort exceptionnel.
-On est devenu super fort pour prédire des catastrophes, ajouta Jasper, ça devient presque dur d'être originaux à force. Selon mes dernières prédictions, une apocalypse devra bientôt se produire et anéantir toute source de vie, réduisant les derniers survivants à l'état de bêtes sauvages mutantes qui finiront par mourir à leur tour dans d'atroces souffrances.
-Tu n'avais pas dit que les moldus allaient découvrir notre existence et tous nous foutre sur un bûcher ?
-Non, ça s'était la semaine dernière, conclu Jasper après un instant de réflexion.
-Vous aviez de la divination à Beauxbâtons ? demanda Mona en se tournant vers Féline qui buvait sa tasse de thé avec un entrain proche de zéro.
-C'était plus un club qu'une vraie matière à vrai dire. J'avoue ne jamais avoir compris le but d'apprendre à maîtriser son troisième œil si l'on n'en est pas pourvu dès le départ.
-Je crois que Dumbledore voulait seulement se montrer charitable en la prenant sous son aile.
Jack haussa les épaules et n'ajouta rien, préférant observer avec une dévotion presque gênante Jasper qui s'était lancé dans une énième relecture de son cours de botanique; ils avaient une évaluation sur le dernier chapitre dans la matinée et il était hors de question pour le Serdaigle d'obtenir autre chose qu'un Optimal, la note maximal. Si Jasper récoltait sans effort de très bonnes notes, il s'investissait de tout son être dans la matière du professeur Chourave, refusant de viser moins que l'excellence. Il avait toujours trouvé dans les plantes un moyen de canaliser ses pensées trop brouillonnes et d'apaiser son esprit naturellement anxieux. Contrairement à Jack qui rêvait d'aventures, lui souhaitait simplement ouvrir sa boutique de plantes magiques et vivre une vie paisible.
Peu avide de se bourrer à nouveau le crane en vue de leur devoir et trouvant plus qu'agaçante la façon dont Jack contemplait leur ami, elle tourna la tête en direction de Féline, occupée à fixer la table des Gryffondor avec une moue écœurée.
-Qui est-ce que tu regardes comme ça ?
- Cormac McLaggen. Il a une crotte de nez qui pendouille au-dessus de son assiette depuis plus de cinq minutes et j'attends de voir si elle va oui ou non tomber un jour.
-Ho la vache, je la vois. Eurk, mais elle est énorme ! Mais pourquoi personne ne lui dis rien, il faut faire quelque chose, imagine qu'elle tombe dans son porridge ?
-Et qu'il la mange après...
Elles échangèrent un regard avant de mimer des vomissements à grand renfort de bruits tous plus écœurants les uns que les autres sous le regard consterné de Susan. À l'autre bout de la salle, un Gryffondor se penchait vers son camarade avec un sourire de conspirateur.
-Eh Cormac, il y a deux filles de Serdaigle en train de te dévorer du regard là-bas.
-Encore des admiratrices, rien qui ne change de l'ordinaire.
Las de leurs pitreries, Jasper finit par se redresser et foudroyer Féline et Mona.
-Ça suffit, grimaça-t-il. Vous êtes ridicules toutes les deux, c'était trop vous demander de bien vous tenir une minute ?
-Mais ce n'est pas nous, regarde ! protesta Féline.
-Honnêtement, je me fiche royalement des péripéties du mucus de McLaggen. Aller, en route mauvaise troupe ou on va être en retard.
Féline se leva de mauvaise grâce et suivi Jasper en étude des runes pendant que Jack et Mona retournaient d'un pas guilleret dans la salle commune sous le regard envieux de leurs amis. Bien que prenant des notes avec application, l'esprit des deux sorciers était complètement ailleurs, délaissant sans remord l'explication complexe de leur professeur sur l'importance de l'écriture runique des druides.
Depuis plusieurs jours, Jasper ne cessait de guetter avec appréhension l'arrivée du message de Malefoy. Il avait été convenu que ce serait lui qui se chargerait de convaincre Potter de les écouter. Il ne lui serait pas bien difficile d'isoler le Gryffondor dans une salle de classe vide en le provocant un peu. Jasper tiendrait le rôle de médiateur, gardant un œil sur les deux garçons pour éviter qu'ils ne finissent par se taper dessus, ce qui arriverait immanquablement s'il n'était pas présent pour les en empêcher. Malefoy lui avait dit de se tenir prêt à agir dans les jours à venir mais ne lui avait pas fournis plus de précisions, le laissant dans une attente désagréable.
Quant à Féline, ses mains tremblaient presque d'excitation face à ce qu'elle s'apprêtait à faire. La retenue des jumeaux Weasley était prévue pour le lendemain et Féline peinait à réaliser ce qui allait se passer. Jamais elle n'aurait cru s'attaquer directement à un enseignant, car peu importe à quel point elle haïssait Ombrage, Féline prenait peu à peu conscience des conséquences qu'aillaient engendrer ses actes et sentait son courage disparaître peu à peu, n'entachant cependant en rien sa détermination.
Quelque part, elle ne pouvait s'empêcher d'admirer Harry. Il parvenait toujours à obtenir les réponses qu'il souhaitait et ce peut importe le nombre de fois où il lui fallait transgresser le règlement pour les obtenir. Jamais n'hésitait-il à s'élever lorsque quelque chose lui semblait injuste, et pas une seule fois ne s'était-il défilé face à plus fort que lui. Elle avait eu l'occasion de s'en rendre compte lorsqu'elle avait, malgré elle, été submergée par les souvenirs d'Harry lors que la création de l'AD durant sa première sortie à Pré-au-Lard, à la taverne miteuse de la Tête-de-Sanglier.
Mais elle avait pu de nouveau le constater en le voyant fermement tenir tête au professeur Rogue lors de leur premier cours d'occlumancie. Alors qu'elle était presque tétanisée par le regard dur de l'enseignant, Harry n'avait même pas cillé, le défiant autant qu'il le jugeait nécessaire afin de lui soutirer les réponses à ses questions. Malheureusement pour lui, Rogue était un farouche adversaire et Harry n'avait pas réussi à le faire parler aussi bien qu'il ne l'aurait souhaité.
La séance d'occlumancie avait été encore plus dure et tendue que Féline l'avait présagé. Mais si Harry et Rogue n'avaient certes pas cessé de se lancer des piques, au moins avaient-ils progressé. Féline avait été béate de la facilité désarmante avec laquelle Rogue parvenait à expliquer de façon concise la base de l'occlumancie, et bien que Harry n'avait pas eu l'air de tout saisir, Féline était plus que soulagé de ne pas avoir dû à s'en occuper elle-même. Nul doute qu'elle se serait pitoyablement emmêlée les pinceaux. Les choses s'étaient cependant corsées lorsqu'ils étaient passés à la pratique.
Alors que Rogue s'immisçait dans la tête d'Harry et que ce dernier devait le repousser, Féline devait rentrer dans l'esprit du garçon avec légèreté pour le guider dans sa riposte. Si Rogue se devait d'être brutale et agressif afin que l'esprit d'Harry le ressente comme une menace afin de lui faire face, il était impératif que Féline soit aussi délicate et rassurante que possible de façon à l'aider au mieux. Mais si l'exercice était horriblement compliqué, voire même douloureux pour Harry qui revivait des épisodes rarement plaisants de sa vie, il n'était pas particulièrement agréable pour Féline non plus. Elle n'avait jamais assisté qui que ce soit dans l'élévation de ses propres barrières mentales et avait du mal à être aussi soigneuse et douce que Rogue le lui avait recommandé.
La séance avait touché à son terme après qu'Harry ai expressément demandé à parler à leur professeur en tête à tête. Si Féline s'était sentie quelque peu blessée d'être écartée de la conversation, elle en avait été davantage soulagée de pouvoir quitter les cachots au plus vite. Les remarques blessantes de Rogue sur son incapacité à exploiter correctement son propre potentiel et la vue difficile des souvenirs d'Harry, l'avaient mis sur les nerfs et elle ne rêvait plus que de se réfugier sous ses draps et d'y hiberner jusqu'au printemps. Se fut sans ménagement que Rogue claqua sèchement la porte derrière elle, après l'avoir convoqué à la même heure la semaine suivante.
Sans un regard en arrière, Féline s'éloigna, les laissant seuls. Mais ce n'est qu'une fois de retour dans la tour de Serdaigle, alors qu'elle caressait distraitement un Cornélius assoupi, qu'elle réalisa que quelque chose avait dû lui échapper. Harry avait vu une porte. Mais d'où venait-elle ? Et surtout, pourquoi est-ce que Féline ne pouvait-elle pas s'empêcher de penser au Département des mystères ?
Ce fut le claquement de doigts réprobateur de leur professeur qui tira les deux Serdaigle de leurs pensées, les faisant sursauter avant qu'ils ne se concentrent d'un air honteux sur leur parchemin.
Jamais depuis le début de l'année Bathsheda Babbling n'avait vu son meilleur élève se désintéresser totalement de son cours. Si elle avait plus que l'habitude de voir les mines rêveuses ou endormies des jeunes sorciers qu'elle tentait vainement d'intéresser à sa matière, le regard vide de Jasper Cooper l'alarma quelque peu. Le garçon d'ordinaire si attentif et si avide de connaissances contemplait le tableau sans montrer le moindre intérêt. Bien que n'ayant pas l'habitude de se mêler de la vie privée de ses élèves, elle ne put s'empêcher de se demander si cela avait un lien avec l'air perdu de Mlle Lupin qui la fixait d'un air absent. Ces deux-là étaient ses meilleurs éléments et voilà qu'elle se retrouvait à faire cours à une classe de concombres de mer totalement amorphes.
Bathsheda Babbling soupira et lança un regard envieux à son calendrier. La fin des vacances lui semblait dater d'une éternité et les prochaines se faisaient déjà désirer avec ferveur. Ce fut sans motivation que la sorcière termina ses explications, laissant ses élèves s'échapper dix minutes en avance alors qu'elle se précipitait vers les cuisines pour aller chercher un café bien mérité.
De rage, Mona balança plume, encre et manuel à l'autre bout de la table. Cela faisait bientôt une heure qu'elle essayait désespérément de comprendre les trois lois de Viviane sur la capacité de détention magique d'un corps. C'était l'une des formes les plus complexes de la métamorphose et le professeur McGonagall avait exigé trente centimètres de parchemins pour le lendemain matin, obligeant ses élèves à y dédier une bonne partie de leur mercredi après-midi, voire même de leur soirée, en plus du devoir d'astronomie. Malgré toute sa bonne volonté, Mona avait eu beau relire et analyser ses notes de cours et étudier son manuel, rien n'y faisait, elle n'arrivait toujours pas à y comprendre quoi que ce soit.
Elle releva la tête avec la ferme intention de supplier ses amis de lui apporter un peu d'aide mais s'interrompit en voyant le visage déconfit de Féline et les sourcils froncés de Jasper, visiblement, ils n'étaient pas beaucoup plus avancés qu'elle même. Elle grommela en regardant la chaise vide de Jack qui les avait lâchement abandonné pour aller gambader on ne savait où. Jack était bien le seul à avoir saisi le principe du sujet du premier coup et avait achevé son devoir en un temps record sous le regard atterré de ses amis avant de leur souhaiter bonne chance et de prendre ses jambes à son cou.
-Où est-ce que tu vas ? demanda Jasper en la voyant se lever et enfiler sa cape, froissée d'avoir été roulée en boule dans son sac toute la journée.
-Chercher Jack. Je n'arriverai à rien sans lui, ça fait une éternité que mon cerveau tente d'assimiler quelque chose mais rendons nous à l'évidence, ni vous ni moi ni personne n'allons rien y comprendre sans lui. Ça me fait mal au cœur de l'admettre mais sur ce coup là, Jack est le seul à pouvoir m'aider. Et en plus, j'ai besoin de me dégourdir les jambes ou elles risquent de tomber d'elles-mêmes.
-Si tu passes le château au peigne fin, ajouta distraitement Féline sans décoller les yeux de son cours, regarde si Cornélius se balade dans les couloirs, je dois lui donner un bain.
-Tu ne l'as pas déjà fait il y a trois jours ?
-Malheureusement si. Mais cette satanée bestiole a dû aller traîner dans les catacombes ou que sais-je encore puisque j'ai retrouvé ses traces de pattes pleines de suies et de poussières sur mes draps. Des draps tout propres en plus. Et aucun de nous n'a encore appris à lancer les sorts de nettoyage, j'ai dû aller supplier une cinquième année de m'aider et elle a exigé tout mon stock de chocogrenouille en échange.
-C'est un peu du racket ça, non ? dit Jasper.
-Je préfère perdre trois friandises et ne pas dormir dans la saleté, merci bien. Tu m'as pris pour un elfe de maison ou quoi ?
-Avec ta taille de gnome, ça peut induire en erreur.
Sentant le ton monter, Mona haussa les épaules et prit la poudre d'escampette. Elle flâna au hasard dans les couloirs, s'arrêta dans une salle d'étude pour saluer une Gryffondor de leur année, passa devant la grande salle qui était étonnamment silencieuse, remonta le grand escalier, évita les boules puantes de Peeves, fit le tour de la bibliothèque sous le regard suspicieuses de Mrs. Pince, la surveillante, puis croisa un Rusard d'humeur particulièrement massacrante dû aux taches de boues dans le hall d'entrée et s'amusa à saluer à peu près tous les tableaux qu'elle rencontrait sur sa route. Si cela l'occupa un temps, elle commençait quelque peu à désespérer de mettre la main sur Jack. Son ami était introuvable. Dire que d'ordinaire, il était si bruyant qu'il était difficile de le louper, il fallait qu'il choisisse pile le moment où Mona avait réellement besoin de lui pour ce faire discret.
Dépitée, elle décida de faire une pause et s'adossa contre une fenêtre en jetant quelques coups d'œil au travers en espérant voir Jack apparaître dans le parc en contre bas. Un mouvement au bout d'un couloir attira son attention, la faisant se redresser avec espoir.
-Ho, dit elle en s'approchant, réprimant la frustration qui commençait à s'emparer peu à peu d'elle. Ce n'est qu'un chat. Dis-moi mon petit, qu'est-ce que tu fais par-là ? Crois-moi, tu devrais prendre tes jambes à ton coup si tu ne veux pas tomber sur Mrs. Teigne, c'est une vraie terreur parmi tes congénères.
Le chat miaula et se pressa contre ses jambes, mendiant quelques caresses que la sorcière lui offrit de bonne grâce. Mona, bien que s'y connaissant peu car bien plus intéressée par les oiseaux que par les animaux à quatre pattes, reconnut sans mal la corpulence fine et souple d'un chat de gouttière. Elle plongea la main dans les poils bruns ébouriffés, le faisant miauler de satisfaction. La jeune fille ne put s'empêcher de rire en le voyant se tortiller autour ses doigts, refusant de la laisser partir.
C'est en jetant un coup d'œil à sa montre qu'elle glapit de surprise et se redressa brusquement. Elle savait qu'elle avait perdu du temps à traîner dans les couloirs mais jamais n'aurait-elle imaginé avoir été si lente. Bon sang, il était déjà bientôt vingt heures et elle n'avait ni trouvé Jack, ni avancé d'un iota sur son devoir de métamorphose. Légèrement paniquée, elle bondit sur ses jambes et s'éloigna rapidement, bien décidé à ramener Jack par la peau des fesses s'il le fallait.
Alors qu'elle s'engageait dans le couloir adjacent, des miaulements horrifiés la firent s'arrêter net. Revenant sur ses pas, elle jeta un regard navré au petit chat qui se faisait emmener par Ombrage dans son bureau d'une poigne de fer. Pauvre bête, pensa t'elle en reprenant discrètement sa route, c'est vraiment pas de chance d'appartenir à cette mégère; il tire la même tête que Jack lorsqu'il s'était retrouvé nez à nez avec son épouvantard en première année.
Le cœur de Mona rata un battement. Impossible. Alors que tout s'emboîtait à une vitesse faramineuse dans sa tête, des voix indignées commencèrent à s'élever de derrière elle. Curieuse, elle pencha la tête pour découvrir le professeur McGonagall se tenir devant Ombrage, la surplombant de toute sa splendeur avec dignité.
-Puis-je savoir où vous emmenez cet animal, Dolorès ?
-Et en quoi cela vous concerne t'il, Minerva ? répondit-elle de sa voix de petite fille faussement aimable.
-Vous n'êtes pas sans savoir très chère, que chaque élève est en droit de posséder un animal issu du folklore magique et qu'il est plus que probable que le chat que vous vous apprêtiez à emmener dans votre bureau est à l'un d'entre eux. J'imagine que vous ne souhaiteriez certainement pas priver un enfant de son compagnon, n'est-ce pas ?
-Bien sûr que non voyons. Mais ce petit ange à l'air tout bonnement abandonné et il serait plus que cruel de le laisser seul dans ce couloir glacé.
-Et qu'est-ce qui vous fait donc croire qu'il n'appartient à personne ? grinça le professeur de métamorphose, les lèvres pincées.
-Jusqu'à la preuve du contraire, aucun élève ne semblait s'inquiéter de son sort, sourit Ombrage d'une façon si insupportable que Mona ne put s'empêcher d'admirer le sang froid de l'autre sorcière. Tant que personne ne viendra le réclamer, je me chargerais personnellement de prendre soins de lui, ajouta t'elle en caressant avec force la tête de l'animal qui cherchait vainement à lui échapper. Si vous voulez bien m'excuser à présent Minerva, j'ai du courrier à rédiger pour le ministère.
Peut être était ce dû à sa répugnance envers la sorcière au cardigan rose, ou aux yeux bruns écarquillés de peur du chat ou encore au visage outré du professeur McGonagall mais avant qu'elle ne réalise pleinement ce qu'elle était en train de faire, Mona avait quitté sa cachette et se dirigeait en courant vers ses enseignantes, se composant une fausse mine affolée.
-Pietro ! Tu étais là ! Ho mille fois merci de l'avoir retrouvé professeur Ombrage, dit elle en se saisissant vivement du chat qui se lova immédiatement contre elle. Ce petit chenapan passe son temps à partir en exploration dans le château et est ensuite incapable de retrouver son chemin.
-Êtes-vous bien certaine que ce chat vous appartiens Mlle O'Kelly ? siffla Ombrage. J'ai cru pourtant comprendre que vous aviez une chouette.
-Ho en réalité, il s'agit du chat de mon ami Jasper. On a passé la journée entière à le chercher dans tous les coins. Heureusement que vous étiez là, dit Mona d'un ton mielleux.
-Mais Mr. Cooper n'est-il pas allergique au chat ? Il me semble l'avoir vu dans sa fiche de renseignements en début d'année. Comment cela se fait-il qu'il en ait adopté un ?
Le cœur de Mona rata un battement sous la panique alors que le yeux du chat se réduisaient à deux fentes, foudroyant Ombrage du regard.
-Allons Dolorès, vous avez sauvé un pauvre petit animal, ne soyez pas si humble et acceptez les remerciements de Mlle O'Kelly, intervient sèchement le professeur McGonagall.
-Bien sur que je l'ai sauvé. Je suis ravie d'avoir pu vous aider Mlle, répondit Ombrage en la fixant avec un agacement mêlé à une pointe de colère. Sur ce, bonne soirée Minerva.
Le professeur McGonagall leva les yeux au ciel devant tant de mauvaise foi de la part de sa collègue et tourna les talons, s'éloignant dans le couloir avec raideur, sa cape bleue marine tourbillonnant élégamment autour d'elle.
-Veuillez me suivre Mlle O'Kelly. Et prenez ce pauvre animal avec vous, je pense qu'il est plus que nécessaire que nous ayons une petite discussion.
Inquiète, Mona n'osa répliquer et suivit la sorcière dans les couloirs. Elle jeta un regard étonné au chat qui se débattait dans ses bras. Il semblait encore plus affolé que lorsqu'il était prisonnier de l'étreinte d'Ombrage. Vexée à l'idée d'être encore pire que cette dernière, Mona resserra sa prise sur l'animal malgré ses miaulements étouffés. Le professeur McGonagall referma fermement la porte de son bureau derrière eux. À son image, celui-ci ne comportait que peu de fantaisies mais était décoré avec goût et simplicité. Le napperon au motif écossais et le service à thé pourpre tranchaient avec la couleur crème du tapis et les chaises brunes à l'assise capitonnée.
-Bien, dit finalement l'enseignante une fois que Mona se fut assise, regardant avec sévérité le chat se dandiner sur sa chaise d'un air mal à l'aise sous les yeux perplexes de la jeune sorcière. À présent que vous êtes hors de danger, veuillez reprendre votre forme initial jeune homme.
Finalement, le moment tant attendu par Féline arriva bien plus vite qu'elle ne l'aurait souhaité. Elle avait retrouvé les jumeaux et Ginny devant le grand escalier afin de s'assurer que tout était prêt. Avec un sourire machiavélique, les jumeaux s'étaient dirigés vers le bureau d'Ombrage d'un pas bondissant. N'importe qui les ayant vu à ce moment-là aurait trouvé particulièrement suspect de les voir se diriger si joyeusement dans cette direction, couloir menant uniquement chez Ombrage ou au local de Rusard. Merlin merci, ils ne croisèrent pas âme qui vive ce soir-là et s'engouffrèrent dans le bureau avec de fausses mines abattues dignes des plus grands comédiens.
Féline et Ginny s'étaient cachées non loin de là, derrière une épaisse tapisserie et attendaient le moment opportun. Ils avaient convenu qu'elles devraient laisser s'écouler au moins une dizaine de minutes, laissant le temps aux plumes de sang de faire effet, traçant dans la peau des jumeaux leur punition. Ginny avait bien proposé à son amie une partie de Devine-Crapaud pour faire passer le temps mais Féline n'avait pas la tête à rire. Si elle avait déjà fait plusieurs bêtises lors de sa scolarité, elle ne s'était jamais apprêtée à s'introduire illégalement dans le bureau d'un professeur pour le photographier à son insu. La perspective de se faire prendre lui nouait le ventre, et si elle était renvoyée ? Pire, et si elle finissait à Azkaban ? Cela lui paraissait peu probable mais rien n'était certain avec Ombrage.
Au bout de ce qui parut à Féline une éternité, Ginny bondit hors de sa cachette et lança plusieurs sortilèges en direction des armures qui se trouvaient dans le couloir, les faisant s'agiter dans un insupportable concert de ferrailles et de martellements grinçants. La porte du bureau s'ouvrit avec fracas alors que l'horrible tête de leur professeur se tournait d'un air outré vers le lieu du vacarme. Sa bouche s'écarta en un répugnant sourire doucereux lorsqu'elle repéra la chevelure bien reconnaissable de Ginny s'éloigner dans le couloir. Il n'en fallut pas plus pour qu'elle s'élance vers elle en se dandinant du mieux qu'elle pouvait dans une grotesque imitation d'une oie particulièrement grincheuse.
C'était exactement l'opportunité qu'attendait Féline pour se précipiter dans le bureau après s'être lancée un sort de Désillusion, la rendant presque invisible. Elle brandit son appareil photo et mitrailla les plaies sanguinolentes sur les mains des jumeaux avant de se dissimuler dans un recoin de la pièce, attendant le retour d'Ombrage pour obtenir sa preuve ultime. Les jumeaux reprirent leur air de condamné à mort en entendant les pas précipités du professeur revenir vers eux. C'est avec une mine triomphante qu'elle referma la porte, dirigeant un regard mauvais vers Fred et George qui hésitèrent presque à croiser son regard, de peur d'éclater de rire.
-Sachez messieurs que votre sœur vient d'écoper d'une semaine entière de retenues. Visiblement, c'est une véritable vocation chez les Weasley de faire honte à leur sang en transformant le château en un champ de bataille. Mais ne vous en faites pas, je vous remettrais tous dans le droit chemin, murmura t'elle en effleurant affectueusement une pochette en cuire remplie de plumes de sang que Féline s'était fait un plaisir de photographier.
-Vous manquez simplement cruellement d'humour professeur, répondit Fred avec un sourire moqueur.
-Ne lui en veux pas Freddie, les crapauds ne sont pas réputés pour savoir apprécier une bonne blague à sa juste valeur de toute façon.
Féline dû difficilement se retenir de rire, se mordant alors violemment la lèvre. Elle était peut-être invisible mais le moindre bruit de sa part pouvait révéler sa présence et gâcher toute l'opération. Prenant sur elle pour calmer sa respiration, elle leva précautionneusement l'objectif de son appareil et cadra avec prudence. Elle n'avait le droit qu'à une seule chance car le bruit du détonateur alerterait à coup sur la bonne femme qui n'hésitera alors pas à s'en prendre à elle. Ombrage n'était pas stupide et devait parfaitement savoir que des photos d'elle faisant usage de violence sur des élèves signeraient la fin de sa carrière.
Tout reposait donc à présent sur Ginny. Pour qu'Ombrage ne se doute de rien à propos du plan, elle ne devait pas avoir le moindre soupçon quant à la présence de Féline dans cette pièce. Pour cela, il fallait qu'un bruit suffisamment fort recouvre celui du détonateur. Et c'était précisément le rôle de la cadette des Weasley. Guettant le moindre bruit, Féline tentait sans succès de calmer le tremblement de ses mains et les battements affolés de son cœur; bon sang, elle était presque sûr que le boucan qui résonnait dans sa poitrine devait s'entendre jusque dans le Sahara.
-OMBRAGE TÊTE DE CAFARD !
-OMBRAGE MAUVAIS PRÉSAGE !
-Mais qu'est-ce que, grinça leur professeur alors que son visage prenait une inquiétante teinte écrevisse.
-OMBRAGE PUE LE FROMAGE !
Prise de surprise, Féline appuya sur l'appareil, déclenchant un léger bruit sourd dans le bureau. Le visage déformé de colère d'Ombrage se tourna brusquement vers elle et fixa sans la voir l'endroit où elle se trouvait. Saisissant sa baguette, elle s'avançant lentement vers Féline en fronçant les sourcils, ses yeux globuleux roulant dans ses orbites alors qu'un sourire fou relevait ses lèvres en une affreuse grimace. Féline sentit son cœur rater un battement alors qu'elle se figeait de terreur. Les jumeaux s'étaient immobilisés à leur tour et Féline pouvait presque voir leurs neurones tourner à pleine vitesse à la recherche d'une diversion pour la sortir de là. Ho merde, pensa Féline alors que son corps tout entier se liquéfiait sur place, ça y est je suis morte; je suis vivante mais je suis morte.
L'univers dû cependant avoir pitié d'elle puisque au moment où Féline pouvait presque sentir l'haleine d'Ombrage s'écraser sur son visage, les hurlements reprirent de plus belle dans le couloir. Avec un grognement outré, Ombrage se précipita vers la porte pour y découvrir Ginny et Peeves en train de faire une ronde en chantant à tue-tête, lui tirant la langue dans une parfaite symbiose en l'apercevant.
Folle de rage, Ombrage tenta vainement de les attraper, offrant à Féline sur un plateau d'argent l'opportunité de prendre ses jambes à cou, ce qu'elle fit sans prendre la peine de jeter ne serait-ce qu'un seul regard en arrière. Ginny et Peeves avaient eux aussi disparus, laissant une Ombrage rouge et essoufflée plantée en plein milieu du couloir.
Féline courut aussi vite que ses jambes le lui permettaient, ne s'autorisant finalement à ralentir pour reprendre sa respiration qu'une fois devant la salle commune des Gryffondor. Hermione l'y attendait en se rongeant les ongles et sursauta en la voyant lever le charme une fois qu'elle fut devant elle.
-Alors ? Vous avez réussis ? la pressa t'elle immédiatement en lui retirant l'appareil photo des mains alors que Féline se laissait lentement glisser au sol dans un gémissement épuisé.
-L-laisse moi respirer, réussit-elle à bafouiller. P-par Merlin, je n'ai j-jamais eu aussi peur de toute ma courte vie.
Hermione lui tendit une bouteille d'eau qu'elle avait pensé à amener et se retourna brusquement en entendant quelqu'un courir dans leur direction. Brandissant sa baguette d'un air menaçant, elle soupira de soulagement en voyant une Ginny rayonnante apparaître à l'angle du couloir.
-Bah alors Féline ? ricana-t-elle. On n'est pas très sportive à ce que je vois.
-La f-ferme, grinça-t-elle en la fusillant du regard. Comment ça se fait que tu n'aies pas une seule goutte de sueur toi ?
-Qu'est-ce que ça a donné ? les coupa Hermione, avide d'obtenir enfin des réponses.
-De mon côté, tout s'est passé comme sur des roulettes. Peeves n'a pas été difficile à convaincre, il adore rendre tout le monde chèvre, et Ombrage a mordu à l'hameçon deux fois de suite. C'était vraiment trop facile, je ne comprends pas pourquoi personne ne l'avait jamais fait avant nous.
-Peut être parce que c'est contraire au règlement ?
-Pitié Hermione, épargne-nous le discours moralisateur. Est-ce que je dois te rappeler que c'était ton idée de mettre le couloir sens dessus dessous ?
-C'était un cas de force majeur, marmonna Hermione en rougissant. On ne pouvait pas la laisser continuer à terroriser l'école.
-Rogue terrorise tout le monde depuis des années et pourtant tu n'as jamais décidé de monter une rébellion contre lui, ajouta Féline en se relevant.
-Peut être mais Rogue ne mutile personne que je sache. Et ne cherche pas non plus à mettre des bâtons dans les roues de Dumbledore ni de prendre le contrôle de l'école. Si c'est pour dire des bêtises, je préférais quand tu étais trop essoufflée pour parler.
Féline lui tira la langue et Ginny leva les yeux au ciel.
-Bon, et tu vas nous dire si tu as réussi oui ou non, râla Hermione en faisant rire ses cadettes.
-J'ai les photos. J'ai bien cru qu'elle m'avait découvert mais Ginny est arrivée à temps. Une seconde de plus et j'étais cuite.
-J'ai un sens du timing incroyable, dit Ginny en bombant fièrement le torse.
-Arrête de faire ça, tu ressembles à Percy, marmonna Fred en arrivant derrière elles, se frottant douloureusement la main.
-Bien joué petite sœur, c'était une excellent idée de recruter Peeves, ajouta George en hochant la tête d'un air approbateur.
-On devrait te recruter à l'avenir.
-Je vous ai préparé un bol d'essence de murlap, dit Hermione en regardant leurs mains abîmées avec inquiétude. Ça devait vous soulager.
-Est-ce que je t'ai déjà dit que tu étais la meilleur Granger ?
-Oui mais tu peux te répéter si tu veux, sourit-elle en battant des cils alors que les jumeaux disparaissaient en riant dans la salle commune.
-Non mais je rêve, murmura Féline les yeux écarquillés. Tu filtres avec Fred Weasley maintenant ?
-Mon propre frère ! s'étouffa Ginny. J'ai toujours pensé que si ça devait être l'un de mes frangins, tu te tournerais plutôt vers Ron !
-Ron ? Ho pitié, railla Féline. Ils finirait par s'entre-tuer au bout de deux jours !
-Parce que tu penses qu'avec Fred, ça ne serait pas le cas peut-être ?
-Je ne filtre pas, les coupa Hermione. Je me les mets dans la poche. Je ne supporte plus leur trafic de bonbons servant à rendre malade et si je veux mettre un terme à tout ça définitivement, je suis prête à employer tous les moyens possibles et existants. Bien, je m'occupe du reste maintenant, dit-elle en souriant d'un air ravi en regardant l'appareil photo. Faites moi confiance, Ombrage ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir.
Féline médita un instant sur ses paroles en la regardant dignement tourner les talons avant de se tourner vers Ginnny.
-Dis-moi, les bonbons qui rendent malade, c'est encore en phase de test ?
-Pourquoi, notre chère et studieuse Serdaigle souhaiterait-elle sécher les cours ?
-Tu n'imagines même pas à quel point, dit Féline en baillant. Je suis complètement vidée et si j'avais le moyen de faire une grasse matinée, crois moi bien que je n'hésiterai pas un seul instant.
Compréhensive, Ginny lui tapota amicalement l'épaule avant de lui souhaiter une bonne nuit. C'est d'un pas rapide car pressé de retrouver la chaleur de sa salle commune et de se glisser sous ses draps, que Féline rejoignit la tour ouest. Après avoir séché de longues minutes sur l'énigme du heurtoir, elle se jeta enfin avec délectation dans un fauteuil de la pièce, se plaçant si proche de la cheminée qu'elle aurait pu s'embraser si Susan, dans un rare élan de bonté, ne lui avait pas dit de reculer.
Elle jeta un regard autour d'elle, cherchant ses amis du regard. Le couvre-feu n'était pas encore passé alors peut-être étaient-ils partis se promener ? Elle repéra finalement Jasper assit dans une alcôve, occupé à dessiner. Le garçon parut soulagé de la voir et lui demanda immédiatement si elle savait où avait bien pu disparaître Jack et Mona.
-Je pensais qu'ils étaient avec toi, répondit Féline en fronçant les sourcils.
-Mona n'est toujours pas revenue et je ne te parle même pas de Jack qui a disparu de la circulation. Tu ne les as pas vu pendant que tu étais avec les Gryffondor ?
-Non, on a joués toute la soirée à la bataille explosive, lui menti Féline.
Si elle n'était certes pas fière de leur cacher la vérité, elle n'avait pas souhaiter compromettre son plan en le racontant aux autres. Mona avait un mal fou à garder les secrets et elle était particulièrement surprise que cette dernière n'ait pas encore malencontreusement vendu la mèche à propos de l'AD.
Au moment même où Jasper allait répliquer, ils apparurent par la porte de la salle commune. Jasper et Féline se redressèrent immédiatement en apercevant leur visage fermé et austère. Si Mona semblait inquiète et perdue, Jack était pale comme un linge et avait l'air d'être au bord de l'évanouissement. Sans un mot, ils s'assirent tous les deux dans le canapé et laissèrent un silence pensant s'installer, se plongeant dans une contemplation exagérée du tapis et de leurs chaussures.
Prévenante et sentant une conversion houleuse sur le point d'exploser, Féline lança un Assurdito, les isolant dans une bulle, empêchant quiconque de les entendre. Jasper se pinça l'arête du nez avant de poser son carnet à croquis et de prendre place sur un siège face à eux, dévisageant avec gravité.
-Alors, dit-il finalement en les faisant sursauter. Vous comptez vous taire encore longtemps ? Qu'est-ce qui s'est passé pour que vous ayez l'air si coupable ?
-Rien du tout, répondit Mona du bout des lèvres.
-Ho oubliez ça tout de suite, je n'ai pas la patience pour jouer à ce petit jeu maintenant. Vous tirez la même tête que si vous aviez commit un meurtre.
Jack et Mona s'échangèrent un regard si éloquent que Féline s'étrangla.
-Par Merlin vous n'avez quand même pas...
-Non ! Bien sûr que non, souffla difficilement Jack, la voix cassée. Par Viviane je n'arrive pas à croire que tu aies pu imaginer une telle chose. Ça n'a rien à voir. C'est simplement que...
-Alors quoi ? Vous avez lancé un Impardonnable ? siffla Jasper avec agacement.
-...c'est difficile de... Quoi ? Mais non enfin !
Comment est-ce qu'il pouvait dire de telles choses ? Jack n'était peut être pas la personne la plus intègre et la plus raisonnable dans cette pièce mais de là à jeter un sort interdit... Jasper avait-il donc si peu d'estime pour lui qu'il le croyait capable d'une telle abomination ? Les sourcils froncés de Jasper et la mine soucieuse de Féline lui tordirent l'estomac. Mais dans quoi est-ce qu'il s'était fourré ? Ho, comme il donnerait cher pour pouvoir retourner juste quelques heures en arrière et empêcher tout son quotidien de voler en miettes.
-Tu as détruit une partie du château ? enchaîna alors Féline.
-Euh... Non ?! Enfin je ne suis pas un terroriste !
-Mona a attaqué la petite amie d'Edmund Wilson ?
-Bien sûr que non ! répliqua la concerné en relevant la tête avec fougue. Je me fiche pas mal de lui maintenant, jamais je...
-Vous avez ressuscités Vous-Savez-Qui ?
-Féline ! s'écrièrent-ils en chœur.
-Séquestrés un professeur ?
-Écoutez ça n'a rien à voir...
-Harcelés une première année ?
-Pitié Jasper arrête s'il te plaît, arrête ! dit Jack en tentant de calmer les choses.
Il se prit la tête entre les mains désespoir. Jamais il n'aurait cru que la conversation prendrait une telle tournure. Il se sentait peu à peu perdre pieds. Jack n'arrivait tout bonnement pas à réaliser qu'il s'apprêtait à leur avouer son unique secret et il ne voulait pas voir quoi de la colère ou de déception viendrait remplacer l'agacement sur le visage de Jasper. Parce que dans un cas ou dans l'autre, il ne le supporterait pas. Jasper était bien trop important à ses yeux pour qu'il puisse surmonter cela et il était persuadé qu'il ne s'en relèverait pas si l'autre garçon le rejetait.
-Alors quoi bon sang, qu'est-ce qui vous arrive ? s'écria Féline qui se répugnait à aller chercher directement la réponse dans leurs souvenirs alors que l'ambiance était si grave.
-Jack, tu es gay, c'est ça ?
-Hein ? Ho mon dieu, rougit-il en comprenant les propos de Jasper, je...
-Parce que sache que si c'est le cas, ce n'est en rien une surprise. Tout le monde l'a bien compris ici et ce ne cause de problème à personne ! Tu crois que je te rejetterai pour quelque chose d'aussi insignifiant ? Tu es libre d'aimer qui tu veux, d'accord ? Je m'en moque !
-Ce n'est pas ça !
-ALORS QUOI ? rugit finalement Jasper en se levant de son fauteuil.
Féline n'arrivait plus à dire quoique ce soit et dévisageait ses amis avec effarement. La détresse de Jack et le silence lourd de Mona la rendant horriblement nerveuse. Jamais n'avait-elle vu Jack aborder une mine aussi misérable, jamais Mona lui avait paru aussi pale et jamais au grand jamais, Jasper n'avait-il perdu son calme de cette façon. Le garçon foudroyait à présent Jack du regard qui s'était tassé sur lui-même, souhaitant visiblement fusionner avec le canapé pour échapper au regard brûlant de son camarade. L'expression pitoyable de Jack sembla raviver la colère de Jasper de plus belle puisqu'il le saisit par les épaules, le forçant à le regarder droit dans les yeux.
-C'est quoi ton problème à la fin ? Tu as fait exploser les cachots ? Tu as égorgé un chiot ? Tu as mis le feu au saule cogneur ? Parle à la fin !
Jack ferma les yeux, ne pouvant supporter d'avantage le regard plein de rage de Jasper. Il se leva brusquement et leur tourna le dos, essayant désespèrent de calmer sa respiration. Pour la première fois de sa vie, Jack sentait qu'il allait faire une crise de panique. Le monde semblait incroyablement flou autour de lui alors que sa respiration laborieuse l'empêchait d'entendre distinctement ce qui se passait autour de lui. Pourtant, bien que perdant doucement toute notion de ce qui l'entourait, la présence de Jasper lui apparaissait toujours comme un feu brûlant qui lui remuait les entrailles.
-Jack, je veux savoir ce qui se passe, je vais devenir complètement fou à force de te voir tourner en rond alors je veux savoir ce que...
-Je suis un animagus.
-... tu caches ! Il faut que tu, hein ? Ho je n'y aurais jamais pensé, mais pourquoi pas.
Le ton lambda de Jasper surprit tant Jack que celui-ci tourna naturellement la tête vers lui au moment où la surprise laissait peu à peu place à la réalisation sur le visage fin de Jasper. Le cœur de Jack se serra douloureusement lorsqu'il croisa son regard rempli d'incompréhensions et pris d'une violente angoisse, Jack décampa brusquement en direction des dortoirs sans laisser le temps à qui que ce soit de faire mine de le retenir. Il n'avait pas le courage de voir Jasper lui tourner le dos, pas après la journée qu'il venait de passer. Préférant s'enfermer dans une bulle de déni, il finit par s'endormir, épuisé par les larmes et la peur qui le rongeait de l'intérieur.
Dans la salle commune, aucun des trois Serdaigle n'avaient esquissés le moindre geste. Mona regardait silencieusement ces deux amis se remettre de leur surprise. Jasper venait tout juste d'arriver à refermer sa bouche et Féline était en train de se rappeler que respirer était quelque chose de vital pour sa santé. Si cette dernière avait découvert le secret de Jack depuis un long moment maintenant, elle n'aurait jamais cru qu'il aurait le courage, ou plutôt qu'il serait forcé de leur dévoiler dès à présent. Jamais n'avaient-ils cherchés à connaître les secrets des uns des autres, respectant l'intimité de chacun. Mais le visage apeuré de Jack avait eu raison de la patience de Jasper qui était devenu fou d'inquiétude et avait eu ce besoin pressant de découvrir la vérité une bonne fois pour toutes.
-Comment ? murmura-t-il en regardant Mona. Comment s'y est-il pris pour nous le cacher ? Devenir un animagus est un long et dangereux processus, comment ai-je pu ne pas m'en rendre compte ? C'était là, sous mes yeux depuis le début et je n'ai rien vu. Depuis combien de temps est-ce qu'il...
-Je ne sais pas, le coupa Mona. Je l'ai découvert il y a seulement quelques minutes. Mais ce n'est pas ça le plus grave.
-Ah parce qu'il y a plus grave que le fait que notre meilleur ami soit un animagus illégal ? Parce que je suppose qu'il ne s'est pas fait déclarer n'est-ce pas ? Aucun sorcier de moins de vingt ans n'est autorisé à pratiquer cette magie ! Et pour cause, s'il avait raté la potion, ne serait-ce que d'un centième, il en serait mort ! Mais évidemment, Jack Overland ne fait jamais rien comme tout le monde, il fallait encore qu'il cherche à faire le mariole !
-Jasper ! s'écria fermement Féline. Ça suffit maintenant, pose tes fesses sur ce fauteuil et calme toi, tu vas me rendre malade à t'agiter comme ça. Ce qu'a fait Jack est illégal d'accord, mais tant que personne ne va vendre la mèche au ministère, il ne risque rien.
-C'est ça le problème, reprit Mona d'une voix étranglée. Quelqu'un l'a vu se transformer.
-Qui ? demanda Jasper dans un souffle.
-Ombrage.
