Féline était loin de pouvoir être qualifiée d'élève exemplaire, après tout, elle avait ramassé bien plus d'heures de retenue qu'un parent ne pourrait jamais le supporter. Elle n'hésitait jamais à faire des farces et se moquait plus ou moins des contraintes du règlement de l'école. Mais elle n'était certainement pas la plus grande rebelle que Poudlard ait pu compter entre ses murs. Et de très loin. Car Féline n'était pas dotée d'un courage extraordinaire, ni d'un sang froid à toute épreuve et encore moins d'une dérision suffisant qui lui permettrait de rire de tout, même des pires situations. Et bien que sa curiosité et sa malice l'entraînaient parfois dans de drôles d'histoires, son instinct de survie lui avait jusque-là permis de sortir indemne de n'importe lequel de ces mauvais pas.

Enfin ça, c'était avant que les jumeaux Weasley ne l'embarquent dans leur fuite après avoir fait exploser des feux d'artifices dans un couloir, s'attirant les foudres de Rusard, Rogue et pire encore, d'Ombrage. Leurs poursuivants n'avaient pas hésité à les prendre en chasse afin de leur faire regretter chacun de leurs actes depuis leur venue au monde.

Alors lorsque Féline vit Ombrage apparaître au bout de ce terrible couloir, elle sut immédiatement qu'elle était fichue. Qu'ils étaient tous fichus. Elle entendit Mona haleter à côté d'elle alors que Jack, immobile, semblait retenir son souffle. Les jumeaux Weasley, qui étaient pourtant, et ce sans aucun doute, les plus aventuriers, casses-cous et malicieux garçons que Féline ait pu un jour croiser sur sa route, s'étaient enfermés dans un silence glacial.

-Par la poisse de Viviane, gémit Mona, c'est vraiment le pire jour de ma vie.

-Et sûrement, le dernier, murmura Jack. Je doute qu'on s'en sorte vivants.

Tap tap tap. Les petites chaussures roses à talons d'Ombrage claquaient furieusement sur le sol en pierre alors qu'elle fonçait sur eux, un sourire mauvais plaqué sur son visage rondouillard. L'image d'un vautour fondant sur de pauvres petits lapins effrayés sauta aux yeux de Féline. Mais elle avait oublié que deux des lapins étaient des lions, et parmi les plus insupportables de leur génération. Ni une ni deux, Fred attrapa la main de Féline alors que George se saisissait de Mona, entraînant Jack dans leur sillage ; et ils prirent tous leurs jambes à leur cou.

-Mais qu'est-ce que tu fais, s'écria Féline ! Ce sera pire si on s'enfuit !

-Et puis on n'a rien fait du tout nous ! s'énerva Mona en ne s'arrêtant cependant pas de courir.

-Et tu penses qu'Ombrage te croira ? demanda Fred avec un sourire cynique.

Mona ne répondit pas et se mit à accélérer. Bien sûr que non, cette saleté de bonne femme ne tiendrait absolument pas compte du fait que les trois Serdaigle s'étaient simplement retrouvés au mauvais endroit au mauvais moment. Ombrage adorait punir les élèves face à elle, Rogue et Rusard étaient de véritables petits rayons de soleil et d'amour. La rumeur des tortures qu'elle infligeait aux élèves n'avait pas tardé à faire le tour de Poudlard. Et Mona n'avait aucune envie de se mutiler la main avec une plume de sang sous son regard narquois. La jeune fille était bien trop fière pour accepter une telle humiliation.

Galopant sans se retourner, les cinq sorciers débouchèrent finalement dans un couloir humide et où les murs étaient recouverts d'un épais nuage de poussière.

-C'est un cul-de-sac, observa Féline avec une déception évidente.

-Ça ma chère, c'est justement ce que le château veut vous faire croire, dit George avec son air de sale prétentieux avant de s'approcher du mur d'un pas guilleret. Alors voyons voir, qu'est-ce que c'était déjà ?

- Vite Georgie, le pressa son frère, je les entends arriver !

-Et il y a Rogue avec eux ! ajouta Jack en tendant l'oreille, les sens de Sacha (son animagus), aux aguets.

-Super le trio infernal, on ne pouvait pas rêver mieux comme mort, soupira Mona. Bien, cette fois Féline, je crains que ça ne soit la fin, ravie de t'avoir connue, ajouta-t-elle en lui tendant bravement la main que Féline sera avec solennité.

-Freddy, viens m'aider, je n'arrive pas à me rappeler du code, dit George en tapotant le mur d'un air perplexe.

Tap tap tap. Féline et Mona se retournèrent vers le bout du couloir. À présent, elles aussi entendaient les bruits de pas furieux qui semblaient se refermer sur eux.

-Peu importe ce que vous êtes en train de faire, supplièrent-elles, pitié, dépêchez-vous !

-Attends, encore un peu de patience, murmura Fred, les sourcils plissés de concentration.

-On les tient, je les sens ! s'écria la voix de Rusard.

-On n'a plus le temps, paniqua franchement Mona, vite !

-Encore une seconde…

-Ho par Merlin, hoqueta Féline en se cachant la tête dans les mains, morte de trouille.

-Ça y est ! sursauta Fred. Venez, pressez-vous !

Devant la mine ébahie des Serdaigle, le mur s'évapora soudainement, laissant apparaître une minuscule cavité. Le cœur battant à cent à l'heure, les cinq sorciers se glissèrent dans l'espace étroit avant de refermer la cachette derrière eux, le solide mur de pierre surgissant de nouveau, les isolants du reste du couloir.

-Le passage ne peut pas s'ouvrir tant qu'on est à l'intérieur, chuchota George. On devrait être en sécurité.

-Mais pour combien de temps ? hoqueta Mona.

Dans un silence de mort, les membres enchevêtrés, avachis les uns contre les autres, leurs respirations saccadées faisant écho les unes aux autres, ils attendirent. Impossible de savoir si Rogue, Rusard et Ombrage étaient encore de l'autre côté du mur à les attendre ou s'ils avaient abandonné la « chasse ». Le mur de pierre était bien trop épais pour distinguer le moindre bruit. L'attente sembla durer une éternité. Féline commençait à avoir froid, grelottant contre le dos de Mona qui ne pouvait s'empêcher de renifler bruyamment. Le ventre de Jack se mit soudainement à gargouiller violemment alors que les jumeaux semblaient sur le point de s'endormir.

-On devrait pouvoir sortir non ? osa finalement Mona. J'ai les fesses toutes endolories et mon dos me fait un mal de chien.

-Ils ont dû se lasser depuis le temps, renchérit Féline.

- Ça, je l'espère, répondit Fred. Rusard peut être incroyablement tenace quand il s'en donne la peine. Mais on ne va effectivement pas rester là indéfiniment. Je vous aime bien, mais il ne faut pas me pousser dans les orties. Bon, faites attention, je vais essayer d'atteindre la pierre qui ouvre la porte.

Il lui fallut quelques instants, tâtonnant dans l'obscurité avant de trouver ce qu'il cherchait, actionnant le mur. D'un coup d'œil craintif, il regarda si une potentielle menace rôdait encore dans les parages.

-Mes amis, dit-il finalement après une interminable seconde, la voie est libre !

Ce fut dans un soupir de soulagement collectif qu'ils s'extirpèrent de la petite grotte. Les jumeaux et Jack s'étirèrent comme des bienheureux, leurs longs corps ayant été mis à mal dans l'espace exigu alors que Féline et Mona rayonnaient de plaisir à l'idée de retrouver leur liberté. Sans demander leurs restes, ils s'empressèrent de quitter les lieux en silence. Il suffit cependant d'un seul regard pour qu'ils explosent tous de rire, relâchant la pression et l'adrénaline qui crispaient encore leurs membres.

-Alors là, dit George, je dois avouer que ça faisait longtemps que je n'avais pas autant cavalé pour échapper à la peine capitale !

-Vous avez vu la tronche d'Ombrage quand elle pensait nous avoir coincé ? rit Jack. J'avais l'impression de lui avoir fait le plus beau cadeau de sa vie. C'était tordant !

-Et Rusard ? ajouta Mona. Il avait l'air si heureux à l'idée de pouvoir nous punir comme il le souhaitait que je l'aurais presque laissé m'enchaîner au plafond pour lui faire plaisir.

-Ceci dit, j'ai vraiment cru qu'on était cuits, dit Féline. La prochaine fois que vous décidez de tester les limites du règlement, merci de ne pas m'inclure dedans.

-Ho aller Lupin, dit Fred d'un ton cajoleur, avoue que tu t'es bien amusée.

Féline ne le contredit pas. Elle avait eu une sacrée frayeur, mais elle n'avait pas pu s'empêcher de trouver cela très.. distrayant ? Ou éprouvant ? Et puis après tout, ils ne s'étaient pas fait prendre. N'est-ce pas ?

Ce fut tout guilleret que le petit groupe entreprit de regagner les étages supérieurs. Les trois Serdaigle étaient en train de débattre s'il fallait oui ou non raconter à Jasper leur folle petite mésaventure au risque de se prendre une sérieuse engueulade. Jasper n'aimait pas quand ses amis se lançaient dans des histoires qui ne les concernaient pas. Ce qui selon Féline, était sacrement culotté de sa part au vu de son implication dans l'affaire Potter-Malefoy.

-Tiens, regardez ! Un petit chat, s'écria soudainement Mona en s'accroupissant devant un chat tigré, religieusement assis au bas d'un escalier.

-Il est adorable, roucoula Féline en s'approchant pour le caresser avant de s'en écarter vivement, les yeux écarquillés.

-Bah qu'est-ce qui te prend ? s'étonna Jack. Tu adores les animaux d'habitude !

-Ce n'est pas un chat, balbutia Féline.

-Non, ajouta Fred dans une grimace. C'est McGonagall.

Dans un tourbillon de vêtement et de poils, sous le regard dépité des jeunes sorciers, le chat laissa place à leur professeur de métamorphose, apparaissant dans toute sa splendeur en les toisant avec un agacement certain.

-Bien, j'ose espérer que vous vous êtes bien amusés tous les cinq. Maintenant, dans mon bureau.


-Une heure de retenue pour avoir simplement couru dans les couloirs, non mais vous y croyez vous ?

-Oui Jack on y croit pour la simple et bonne raison qu'on a eu la même punition que toi, dit Mona en levant les yeux au ciel.

-C'est vraiment pas juste, reprit le garçon de plus belle en gonflant ses joues d'indignation. On n'avait rien fait de mal !

-Je n'ai même pas pu aller poster ma lettre, marmonna Féline en contemplant son courrier d'un air dépité.

-McGonagall a raison, marmonna Mona, on n'aurait pas dû s'enfuir avec les jumeaux. Ça nous a collé la cible de fauteurs de troubles directement sur le dos. Évidemment que Rusard allait nous prendre pour des délinquants avec ce genre de comportement.

-Rusard prend tout le monde pour des délinquants, dit Féline en haussant les épaules. Et puis, une heure de colle, ce n'est pas cher payé. On a eu beaucoup de chance de tomber sur McGonagall au lieu des trois harpies.

-Je n'ose même pas imaginer ce qui nous serait arrivé si on avait été puni par Ombrage, frissonna Mona.

-Pas besoin de l'imaginer, cracha Jack, tout le monde sait ce que cette mégère réserve aux élèves qui ont le malheur de se retrouver dans son bureau. Je n'arrive pas à croire que les autres professeurs la laissent agir ainsi.

-Ils n'ont sûrement pas le choix, répondit Mona. Ombrage est la grande inquisitrice, elle a été nommée par le ministre de la Magie en personne. Elle a les pleins pouvoirs ici. Même Dumbledore ne peut rien contre elle.

Féline n'ajouta rien, laissant ses deux amis babiller derrière elle. Elle n'avait pas eu de nouvelle d'Hermione depuis que celle-ci avait récupéré les photos dénonçant Ombrage dans son acte de barbarie, à charcuter les élèves. La Gryffondor leur avait assuré à elle, Ginny et les jumeaux (les autres acteurs du plan anti-Ombrage), qu'elle s'occuperait de tout. Mais plus de trois semaines plus tard, rien n'avait changé et Féline commençait franchement à s'impatienter. Elle ne supportait plus d'entendre les pensées hagardes et terrifiées des élèves qui sortaient d'une retenue avec Ombrage. Son don, qui errait parfois comme un voile survolant paisiblement les pensées discrètes et éphémères de tout à chacun, s'engluait lentement, devenant opaque, lourd et froid.

Féline s 'était jamais réjouie de posséder un tel pouvoir ; mais elle avait appris à vivre avec. Après tout, avait-elle réellement le choix ? Elle l'avait plus ou moins apprivoisé et parvenait à présent à cohabiter avec lui. Et bien que ses barrières mentales, qui lui permettaient de le contrôler, n'étaient pas toujours suffisamment solides pour le brider, elle avait cependant appris à l'isoler dans un coin de sa tête, n'entendant les pensées des autres que comme un léger bruit de fond, à peine audible.

Mais les images mentales, elles, étaient beaucoup plus douloureuses. Si au moment de s'endormir, Féline était toujours très rigoureuse sur ses barrières afin de ne pas plonger dans les rêves de ses camarades (elle ne retournerait pour rien au monde dans ceux de Susan, se faire poursuivre par une souris verte géante tout en étant déguisée en morceau de gruyère lui avait amplement suffit, et Féline avait retenu la leçon.).

Cependant en pleine journée, c'était différent. Elle avait la mauvaise tendance à se relâcher, trop confiante pour se méfier. Alors elle voyait. Elle voyait la plume qui tranchait la chaire, le sang qui coulait sur le parchemin, le sourire satisfait d'Ombrage. Elle pouvait percevoir la colère, l'amertume et la douleur de ses camarades. Il fallait que ça s'arrête.

D'un pas décidé, Féline rentra dans la grande salle avec la ferme intention d'aller en toucher deux mots à Hermione. Mais avant qu'elle ne puisse seulement esquisser un pas vers la table des Gryffondor, un véritable capharnaüm lui agressa violemment les tympans.

-Mais qu'est-ce qui se passe ? s'écria Jack en se bouchant les oreilles.

-On doit avoir des frites pour le dîner, je ne vois pas d'autres explications, répondit Mona en promenant un regard désabusé sur ses camarades.

La grande salle était bondée et ni lors du banquet de bienvenue, ni lors de celui d'Halloween la pièce n'avait été aussi bruyante. Tout Poudlard semblait s'y être rassemblé, hurlant à qui le mieux dans un formidable brouhaha.

-Vous êtes là ! s'exclama Jasper en s'extirpant difficilement de la foule, les joues rouges.

-Mais où tu étais passé toi ? s'agaça immédiatement Mona. Tu sais tout ce qui nous est arrivés par ta faute ?

-Ma faute, comment ça ma faute ?

-Si on n'était pas parti à ta recherche, on n'aurait pas fini en retenue !

-Sérieusement ? Vous avez encore réussi à décrocher une retenue ?

-C'est pas de notre faute, se défendit Jack.

-Jack, je croyais qu'on avait dit que tu arrêtais de collectionner les retenues ? Ça va finir sur ton dossier scolaire tu sais ?

-Moi j'ai arrêté, c'est ma capacité à m'attirer des ennuis qui n'a pas encore réussi.

-Pincez moi je rêve. AIE ! Mona mais qu'est-ce qu'il t'a pris ? pesta Jasper en se massant le bras.

-Bah quoi, c'est toi qui a demandé à être pincé ! Je te rends simplement service, répondit la jeune fille d'un air radieux.

-On s'en moque pour l'instant ! les coupa vivement Féline avec impatience. C'est quoi tout ce bordel ? Quelqu'un est mort ou quoi ?

-Le dernier cadavre date d'il y a même pas un an, ça serait quand même inquiétant.

-JACK !

-Un peu de décence enfin, s'outra Mona.

-Personne n'est mort, du moins, pas encore, rit Jasper. Venez voir, une édition spéciale du Chicaneur est arrivé il y a quelques minutes et je crois que Poudlard va exploser.

Souriant de toutes ses dents (le cœur de Jack loupa un battement), Jasper leur tendit l'édition spéciale. En première page, parmi les différents titres annonçant entre autre la découverte de traces de ronflaks cornus au large du Mexique et des douze moyens de se débarrasser des nargols, s'étalait en lettres majuscules :

POUDLARD : châtiments corporels approuvés par le Ministère !

Un reportage signé Rita Sketter

-Ho bordel de merde, siffla Jack.

-Rita Sketter ? s'extasia Mona d'une voix aiguë (elle était l'une de ses plus grandes fans).

-Écoutez ça, dit Féline en s'asseyant à l'écart de la foule dans une petite alcôve en pierre. Nommée au poste de professeur de défenses contre les forces du mal à la rentrée dernière puis Grande Inquisitrice par le ministère de la magie, Dolorès Ombrage a su profiter de sa position pour instaurer un climat de pure terreur au sein du collège de sorcellerie Poudlard.

-Je crois que ça va être le plus beau jour de ma vie, s'excita Mona en tentant de lire par-dessus l'épaule de son amie.

-Arrête de me bousculer, râla Féline. Ses décrets tous plus absurdes les uns que les autres et sans le moindre fondement pédagogique, empêchent les élèves de s'épanouir dans leur activité extra scolaire (fermeture de clubs, interdiction de Quidditch) ou dans leur vie sociale (restrictions sévères envers toutes activités non-scolaires). Rappelons d'ailleurs qu'en plus d'être un lieu d'enseignement, Poudlard est également le lieu de vie de centaines de jeunes sorciers durant une dizaine de mois.

-Va à l'essentiel, trépigna Jack sous le regard amusé de Jasper.

- … abus de pouvoir envers le corps enseignantmanque total d'intérêt pour sa fonction… Ah voilà ! Mais non-contente de brider de façon totalement abusive la vie des élèves de Poudlard ainsi que celle du personnel, il semblerait que Dolorès Ombrage, envoyée par le ministre lui-même ne l'oublions pas, ne se soit pas privée d'utiliser la force et la violence pour parvenir à ses fins. En effet, faisant outre de l'interdiction formelle des châtiments corporels dans le cadre scolaire (loi entrée en vigueur le 27 février 1856), utilisant dans le cadre de retenues (dont la sanction est bien souvent disproportionnée face à l'acte répréhensible, une simple divergence d'opinions semble constituer un motif suffisant aux yeux de Mrs. Ombrage) des plumes de sang. Nous rappelons à nos lecteurs que cet artefact est tout à fait illégal et dont l'utilisation peu relever de cinq mois d'emprisonnement à Azkaban, la prison des sorciers. Je crois que le Chicaneur va réaliser son meilleur chiffre de vente avec un tel article, les gens vont se l'arracher ! dit Féline en reprenant son souffle.

-Ça va être un vrai scandale, dit Jasper en hochant la tête. Vas-y, termine l'article.

-Poudlard, à présent sous le joug du ministère de la Magie, c'est à nous, familles, de nous questionner sur les conditions d'éducation et de sécurité de nos enfants. Sous des justifications de volonté de changement et de redressement de la jeunesse, le ministère a abusé de notre confiance. Pouvons-nous en notre cœur et conscience laisser la jeune génération subir de telles abominations ? Resterons-nous les bras croisés face à de telles violences ?

-C'est un truc de dingue, dit Jack. Cet article va déclencher une véritable crise sociale, aucun parent ne pourra tolérer une telle chose !

-Mes chers amis, dit Mona, les yeux brillants de joie, je crois que nous allons vivre un moment historique.

Féline contempla l'article, un sentiment de fierté lui brûlant les entrailles. Ils avaient réussi. Ils avaient montré le vrai visage d'Ombrage à la presse et bientôt, des milliers de parents en colère se presseraient aux portes du ministère. On ne touchait pas aux enfants. Les photos illustrant l'article allaient faire sensation. Les mains mutilées des jumeaux et le sourire grotesque de la méchante sorcière ressortaient vivement sur le papier jauni. Ombrage avait commis une grossière erreur en se croyant intouchable. Et tout Poudlard allait à présent pouvoir savourer sa douloureuse chute aux enfers.

Relevant la tête, les yeux étincelants, elle croisa le regard d'Hermione. Le sourire qu'elles s'échangèrent ce soir-là n'échappa pas à McGonagall. L'enseignante plissa les yeux. Peu importe comment ces deux-là s'y étaient pris, elles avaient sauvé leur école. Et elle allait s'assurer qu'elles en soient récompensées, elles et tous ceux qui les avaient aidées. On ne sauvait pas un collège entier sans recevoir aucune gratitude en retour.

Clap clap clap clap. Se levant dignement de son banc, McGonagall se mit à applaudir. Intrigués, de nombreux élèves la regardèrent avec curiosité avant qu'ils se joignent à elle, radieux. Clap, clap clap, et bientôt, un tonnerre d'applaudissements résonna dans la grande salle. Les élèves ignoraient qui avaient eu le courage et l'audace de s'attaquer aussi dignement et intelligemment à Ombrage, qui avait porté ce coup fatal au pouvoir et à l'emprise malsaine qu'elle exerçait ici, mais tous étaient si reconnaissant, si heureux, si soulagés que quelqu'un y est enfin mis un terme. La vie allait reprendre.

Alors ils applaudirent. Tous, sans aucune exception. Susan, Lucille, Ginny, Ron, Malefoy, le professeur Chourave… Féline jeta un coup d'œil à Harry, ses joues rouges et son grand sourire lui réchauffèrent le cœur. Poudlard allait retrouver ses rires, ses bagarres, ses chants, ses cris, sa magie dans les couloirs et ses secrets nocturnes. Poudlard allait redevenir leur maison. Aujourd'hui, ils étaient à nouveau chez eux.


Ombrage n'apparut pas de la soirée. Ni de la matinée du jour suivant. Elle demeura absente au petit déjeuner et les troisièmes années de Serdaigle, qui avaient cours avec elle en première heure, eurent tout leur lundi matin de libéré. Ils se dirigèrent ainsi d'un pas paisible vers la bibliothèque où Féline en profita pour avancer dans la rédaction sur les propriétés de la branchiflore à rendre pour l'après-midi même au professeur Rogue (« Tu n'aurais pas pu t'y prendre plus tôt ? », « Fiche-moi la paix Jasper ! »). Jack se plongea dans un traité de métamorphose on ne peut plus complexe, Mona s'avança dans ses devoirs d'études des moldus et Jasper se lança dans un dessin, observant le parc enneigé par la petite fenêtre qui lui faisait face.

Le mois de Janvier touchait à son terme, mais la neige ne semblait pas décidée à céder sa place à la pluie et une épaisse couche glace et de poudreuse recouvrait encore le château. Ce qui n'était pas pour déplaire aux élèves qui se lançaient dans de prodigieuses batailles de boules de neige. La dernière en date remontait au week-end dernier, juste après le match de Quidditch, et avait vu s'affronter les Gryffondor et les Serpentard. Par mesure de sécurité, McGonagall elle-même était venue surveiller ce combat historique, interdisant strictement tout usage de la magie.

Ça n'avait pas empêché les élèves de se lancer corps et âme dans la bataille, hurlant et se déchaînant comme de beaux diables. Harry Potter et Drago Malefoy n'y étaient pas non plus allés de mains mortes, finissant ex-quo, à bout de souffle, effondrés l'un à côté de l'autre dans la neige. Jack et Mona s'étaient incrustés dans l'équipe des Gryffondor et la jeune fille traînait un mauvais rhume depuis lors, s'attirant les foudres de Susan à force de renifler à tout-va malgré la dose indécente de pimentine que celle-ci ingérait à chaque heure la journée.

Plongés dans un silence apaisant et studieux, les quatre amis ne firent tout d'abord pas attention aux bruits qui provenaient du couloir. Ce ne fut que lorsque plusieurs élèves se mirent à chuchoter furieusement autour d'eux qu'ils émergèrent de leur bulle, relevant la tête avec curiosité.

-Le crapaud est de sortie, s'écria finalement une Pouffsoufle.

Comme un seul homme, tous se levèrent pour se précipiter vers l'entrée de la bibliothèque, se pressant vers la porte afin d'apercevoir leur professeur. Se frayant un chemin à coups de coudes et de pieds écrasés, Jack parvint à se glisser dans une petite ouverture, lui donnant un point de vue parfait sur le couloir. Ombrage s'avançait, levant haut sa petite tête flasque, son affreux tailleur rose rehaussant terriblement le rouge qui lui colorait les joues. De lourdes gouttes de sueur rendaient son front luisant alors que ses petits yeux ternes fusillaient tout élève ayant la fâcheuse idée de croiser son regard.

Pas un seul bruit ne vint briser le silence glacial qui accompagna Ombrage lors de son passage.

-Tin tin tin tintintintin….

Du moins, jusqu'à ce qu'un Gryffondor, Dean Thomas, un né-Moldu, ne se mette à chanter l'air de la marche impériale de Star Wars, faisant rire aux éclats bons nombres de ses camarades. Ils reprirent en chœur avec lui, accompagnant une Ombrage rageuse vers la salle des professeurs, où elle s'engouffra précipitamment en claquant vivement la porte, essayant de mettre le plus de distance possible entre elle et les rires moqueurs des étudiants.

-J'adore Poudlard, dit rêveusement Féline en reprenant le chemin de la bibliothèque.


-Je déteste Poudlard ! C'est décidé, siffla-t-elle en sortant de la bibliothèque deux heures plus tard d'un pas rageur, je vais m'exiler en Alaska pour élever des chèvres !

-Des chèvres en Alaska ? rit Jasper.

-Ho très bien, des phoques alors ! Je ne veux plus voir aucun être humain jusqu'à la fin de mes jours, c'est fini ! Je n'en peux plus, j'ai atteins mon point de non-retour. Adieu, ciao ! Je. Me. Tire.

-Tu sais que tu ne peux pas détester tous les êtres humains de la terre ?

-Et pourquoi je te prie ?

-Parce que je suis un être humain. Et je suis presque certain que Mona et Jack aussi d'ailleurs. Enfin, ça dépend des fois, vu leur caractère, ils se rapprochent parfois plus de la mule et du cochon que de l'homme.

-Ho arrête, tu sais très bien que ce n'est pas vous que je hais !

-Tu m'en vois comblé. Et de qui parles-tu dans ce cas ?

-Ho par Merlin, ne joue pas les abrutis tu le sais très bien, répliqua sèchement la sorcière.

Après la petite distraction qu'Ombrage avait constitué, Féline avait tenté de se replonger dans son devoir de potions. Elle devait le rendre d'ici quelques heures et le professeur Rogue ne tolérait certainement pas le moindre retard. Et Féline n'avait aucune envie d'écoper d'une retenue supplémentaire cette semaine. Mais son projet avait vite été contrecarré après qu'une dizaine de jeunes filles allant de la première à la quatrième année ne se mettent à épier Jack à travers les rangées de livres, chuchotant si fort qu'elles avaient fait s'envoler les feuilles de notes de Féline.

Rouge de honte et ne supportant plus les regards narquois de Jasper, Jack avait finalement pris ses jambes à son cou alors que Féline était sur le point d'exploser. Si elle était punie pour son retard, sa vengeance envers cette bande de mécréantes allait être terrible.

-Je parle de ces petites imbéciles de tout à l'heure ! Ho Jack, minauda-t-elle en battant des cils, tu es si grand, ho Jack, tu es si musclé, je peux toucher tes bras ? Ho Jaaaaack ceci, Jack cela et gneugneu !

-Tu sais que normalement, c'est moi devrais être jaloux ?

-Et bien, comme tu ne prends pas assez les choses à cœur, j'ai décidé de m'énerver à ta place. Tu sais mon vieux, parfois, je te trouve un peu trop détendu face à l'étendue de la stupidité de l'espèce humaine.

Jasper haussa les épaules. Le comportement de ces filles lui importait peu, Jack y était totalement indifférent et semblait sur le point de tourner de l'œil à chaque fois que l'une d'elles investissait un peu trop son espace vital (ce qui était un spectacle on ne peut plus divertissant selon Mona). Et puis ce n'étaient pas elles que Jack observait avec le rouge aux joues à chaque fois que le sujet de la Saint-Valentin était abordé.

-Tu sais, ajouta-t-il finalement alors qu'ils arrivaient dans la grande salle pour le déjeuner, je trouve que le côté dramatique de Jack déteint de plus en plus sur toi. Vous devriez vous inscrire à des cours de théâtre, je suis sûr que vous pourriez faire carrière.

-Ta foi en moi me touche bien plus que ton sarcasme, répondit sèchement Féline en se glissant sur un banc.

-Jasper qui fait du sarcasme ? Ça faisait longtemps tiens ! dit Mona en les rejoignant, revenant de son club d'astronomie. Ça n'était pas arrivé depuis au moins, pfiou, cinq minutes, j'imagine ?

-Tais-toi un peu, rit Jasper. Comment s'est passé le club ?

-Bien, on a continué notre étude de la constellation d'Orion. Mais Joël McArthur à lancé un débat comme quoi les étoiles étaient en réalité des portails magiques et après c'est parti en conflit général. La pauvre Mrs. Sinistra ne savait plus quoi faire pour ramener un le silence. Je crois que les choses se sont calmées après que Coline Morinson se soit pris une chaise dans l'arcade sourcilière.

-Tous cinglés, pouffa Féline.

-C'était très intéressant, sourit Mona.

-Oui, c'est ce que semble confirmer le bleu sur ta joue.

-Ho ça ? C'était le prix à payer pour que Joël cesse de prononcer des idioties. Il était presque à deux doigts de me dire que la Terre était plate.

-Ah parce qu'elle ne l'est pas ? ricana Féline. Quelle nouvelle ! Pourquoi personne ne me l'a dit plus tôt ? Par Merlin, un sorcier platiste, je ne savais même pas que cela était possible.

-Bienvenue à Poudlard. Mais je ne comprends pas pourquoi vous avez mis une réunion de club d'astronomie en pleine journée, c'est si peu logique, dit Jasper.

-Mrs. Sinistra n'était pas libre pour nous encadrer jeudi soir alors on a décalé. De toute façon, pour la séance d'aujourd'hui, on avait pas besoin d'étudier le ciel en temps réel donc ça tombait bien. En parlant de chose illogique, où est Jack ?

-La dernière fois qu'on l'a vu, dit Féline en se servant une part de gratin, il s'enfuyait vers le dortoir.

-Pour échapper à qui ? Ho ne me dites pas qu'il a encore jeté des boules puantes dans les escaliers ?

-Je n'étais même pas au courant de ça, souffla Jasper. C'est donc pour ça que la tourelle ouest a été condamnée pendant une semaine ?

-Affirmatif, répondit Mona d'un air grave. Je suis impressionnée qu'il ait réussi à te dissimuler sa culpabilité.

-Comment tu l'as su toi ? demanda Féline.

-Je l'ai aidé.

-Monaaaaa, grimaça Jasper.

-Une erreur de jeunesse, dit-elle en haussant les épaules.

-Mais c'était l'année dernière !

-C'est bien ce que je dis oui, c'était il y a fort longtemps. Bon bref, pourquoi Jack est-il encore allé se planquer dans les dortoirs si ce n'est pas pour échapper à Rusard ?

-Son succès au Quidditch lui a valu une jolie petite foule d'admirateurs. Foule qui s'est transformée en un fan-club, singea Féline en haussant les sourcils d'un air suggestif. Fan-club bien décidé à aller à la sortie de Pré-au-Lard le jour de la Saint-Valentin avec lui.

-Ho, souffla Mona. Le sombre revers de la médaille pas vrai ?

-La gloire n'est pas toujours simple à vivre, répondit Féline avec un sourire moqueur. Enfin, j'imagine qu'il finira bien par réapparaître un jour. On doit finir notre devoir de métamorphose ce soir et Jack préférerait devenir chauve plutôt que louper une occasion de faire son crâneur.

-Tu es vraiment une amie charmante toi, rit Jasper. Et sinon Mona, tu savais que Féline comptait élever des chèvres en Alaska ?

-Intéressant. Et on peut savoir pourquoi ?

-Parce que je ne comprends pas l'idée de poursuivre un garçon en prenant des airs de petits oiseaux en détresse.

-Ho vraiment ? dit Mona en inclinant la tête, un sourire mesquin étirant ses lèvres.

-Qu'est-ce que tu es en train de sous-entendre toi ? la rabroua sèchement Féline en enfournant une effroyable quantité de pomme de terre dans sa bouche.

-Rien de particulier, mais j'ai l'impression qu'une certaine personne ici à tendance à vite oublier la façon dont elle se comporte en présence d'un certain Serpentard.

-Alors là, je ne vois pas du tout de quoi tu parles.

-Ho vraiment ? Les rougissements, les bégaiements, le regard perdu dans les tréfonds du cœur, ça ne te dit rien peut-être ? Je t'ai même entendue glousser.

-Menteuse, Féline Lupin ne glousse pas.

-Ça y ressemblait très fort alors, ricana Mona.

-Non mais Drago Malefoy ? Vraiment ? Tu aurais pu trouver mieux pour faire ta stupide farce.

-Bizarrement tu as tout de suite su de quel Serpentard j'étais en train de parler.

-Peut-être parce que c'est littérairement le seul Serpentard que Féline ait approché de prés ou de loin dans sa vie, répondit Jasper avec sa sagesse habituelle.

La discussion amusait follement le jeune sorcier. Jasper, bien que d'une nature calme et sereine, pragmatique et soucieux des autres, avaient toujours adoré les potins et tout autres bruits de couloir. Il était le premier à dévorer les articles de la presse à scandale et était toujours au jus des nouvelles rumeurs de l'école. Avec Mona, ils formaient un redoutable duo de commères la seule différence étant que Jasper se gardait bien de crier sur tous les toits son petit péché mignon, là où Mona ne vivait que pour tout rapporter à Féline (qui ne refusait jamais de tendre l'oreille).

-Mona laisse tomber pitié, je n'ai pas le béguin pour Drago Malefoy !

-Je te donne un mois.

-Pour quoi ? se méfia immédiatement Féline.

-Pour venir me donner raison, répondit Mona avec un rictus angélique.

-Peste.

Jasper leva les yeux au ciel. Bien que Drago n'était pas aussi arrogant et détestable que l'image qu'il essayait de se donner, il était certain qu'à ses yeux, Féline n'avait rien à faire avec ce type. Elle valait bien mieux.

-Salut la compagnie, dit Jack en arrivant près d'eux.

-Alors, tu as réussi à échapper à ton fan-club ? demanda Jasper.

-Elles ne courraient pas assez vite, répondit Jack en balayant le sujet de la main avant de se pencher vers Féline. Alors Drago Malefoy hein ?

-Ho mais c'est pas vrai, gémit Féline en plongeant son visage cramoisi dans ses mains.

-J'arrive pas à croire que tu aies le béguin pour un mec qui pense que vider le pot de laque sur ses cheveux est une bonne façon de se coiffer, ajouta-t-il en hochant tristement la tête. Vu tes goûts pourris, je ne pourrai plus jamais me fier à ton avis.

-JE. NE.L'AIME. PAS. D'accord ? Ni lui ni personne d'ailleurs !

Sans se concerter, Mona, Jasper et Jack haussèrent un sourcil, la dévisageant d'un air navré.

-Ça ma belle, on appelle ça le déni, dit sobrement Jasper.

-Je vous ai déjà dit que vous étiez des amis formidables ? demanda Féline avec une petite moue charmante.

-Oui et pas qu'une fois d'ailleurs, répondit Mona.

-ET BAH C'EST FAUX ! Vous êtes tous les trois d'horribles personnages !

Et sans demander son reste, elle fila vers la sortie, les joues rouges. Elle allait les étriper tous les trois, elle allait commettre un vrai massacre. La colère et l'agacement étouffant sa poitrine, la jeune sorcière fonça vers la salle d'étude avec la ferme intention de finir son devoir de potion et de ne plus adresser la parole à ses amis de la journée. Décision à laquelle elle se tint avec la plus grande détermination, achevant son devoir pile à l'heure, le déposant sur le bureau du professeur Rogue avec une formidable satisfaction avant d'assister au cours sans un seul regard pour ses camarades. Trop concentrée à éviter leurs regards, elle ne retenu cependant rien du cours et sortit de la salle de classe avec l'impression d'avoir perdu son après-midi.

Honteux, Jack, Jasper et Mona essayèrent bien de l'aborder à la sortie mais agile, Féline profita de la foule d'élèves pour disparaître dans le couloir. Elle était toujours en colère et n'avait aucune envie de les voir pour le moment. Ils auraient dû arrêter lorsqu'elle le leur avait demander. Féline n'aimait pas Drago Malefoy. À peine avait-elle un jour eut un petit coup de cœur pour lui. Mais c'était avant de découvrir les mauvais cotés du Serpentard, bien trop nombreux à ses yeux. Jamais elle ne pourrait éprouver quoi que ce soit pour ce type, pas après avoir vu tout ce qu'il avait infligé aux autres élèves, et surtout à Harry. Il ne méritait même pas qu'elle pense à lui.

Dans un gémissement agacé, Féline retira ses chaussures et s'affala dans son lit. Décidément, ce début de semaine était super pourri. Son week-end lui semblait déjà bien loin. Dire que samedi dernier, elle affrontait Malefoy sur le terrain de Quidditch et que la veille, elle courrait dans les couloirs en riant à gorge déployée. Elle avait l'impression que c'était il y a une éternité. De toute façon, il était d'ordre public que le lundi était le jour le plus nul de la semaine, et ce n'était certainement pas elle qui allait dire le contraire.

Elle était en rogne contre ses amis pour avoir rappelé le garçon dans ses pensées. Mais elle était encore bien plus en colère contre elle-même. Incapable de l'oublier, incapable d'avancer. Elle avait beau rire de toutes ces filles qui poursuivaient Jack simplement pour son physique avantageux, elle ne valait certainement pas mieux. Les yeux gris de Malefoy l'avaient attendrie et avaient étendu un brouillard sur elle, l'empêchant de distinguer tout le mal qu'il avait pu causer autour de lui. Et encore maintenant, bien qu'elle y voyait plus clair, il lui était terriblement difficile de ne pas se sentir toute chose lorsqu'il croisait hasardeusement son regard.

Féline resta longuement immobile, fixant le plafond d'un regard perdu. Ho par Merlin. Mais qu'est-ce qui lui avait pris ? Elle avait été stupide. Ses amis n'avaient pas pensé à mal. Et s'ils ne voulaient plus d'elle maintenant ? Non. Elle n'avait qu'à descendre et mettre les choses au clair avec eux. Et tout rentrerait dans l'ordre. C'est sur ces bonnes résolutions que Féline se redressa avec la ferme intention de retrouver ses camarades pour leur présenter ses excuses lorsque son regard se posa sur son réveil.

Il était six heures. Et on était lundi. Le cours Occlumancie ! Elle était en retard ! Rogue allait la transformer en chaire à saucisse ! Affolée, elle attrapa ses affaires, dégringola les escaliers de son dortoir, traversa la salle commune au pas de course sous les regards intrigués de ses amis occupés à chuchoter dans un coin, avant de s'élancer en courant dans les couloirs. Lorsqu'elle atteignit enfin les cachots, il était presque six heures et quart. Le cœur menaçant de transpercer sa cage thoracique et les jambes tremblantes, Féline poussa avec précipitation la porte du bureau de Rogue, tombant nez à nez avec le visage furibond de son professeur. Harry lui adressa un salut enjoué, enchanté de ne plus être seul avec lui.

-En retard, grinça Rogue. Pourquoi ?

-P-pas vu l'heure pro-professeur, je su-suis désolée, réussit à articuler Féline.

Rogue haussa un sourcil face au visage livide de la jeune fille.

-Asseyez-vous le temps de reprendre votre souffle. Vous ne m'êtes d'aucune utilité si vous êtes dans cet état.

Féline ne se fit pas prier d'avantage et s'écroula sur une chaise. Sa poitrine lui faisait un mal de chien, sa respiration peinant à retrouver son rythme normal et sa peau que l'effort avait rendu moite, irradiait de chaleur.

-Professeur, peut-être devrions-nous lui donner un peu d'eau, proposa Harry avec inquiétude.

-Et pourquoi pas un thé avec des petits gâteaux ? Taisez-vous un peu Potter et commencez vos exercices de concentration.

Toute fois, bien que de mauvaise grâce, Rogue tendit un verre d'eau à Féline, lui intimant sévèrement de tout boire. Lorsque Féline eut repris une couleur normale et qu'elle et Harry eurent terminé leurs exercices de préparations, la séance commença. La progression de Harry était douloureusement lente. Il n'avait aucune affinité avec l'art de l'Occlumancie et de la Légilimancie, peinant à maîtriser ses émotions et ses pensées. Il était un véritable livre ouvert pour quiconque s'y connaissait ne serait-ce qu'un peu dans ces domaines.

Et c'était bien ce que redoutait Dumbledore. Voldemort pourrait à tout instant se servir de Harry pour prendre connaissance de tout ce qui se passait et se préparait dans le camp adverse. Plus inquiétant encore, il pourrait prendre possession du garçon, faisant de lui une pauvre marionnette dénuée de volonté, brisant son être sans la moindre possibilité de retour en arrière. Harry n'en avait pas conscience mais Féline savait qu'à tout instant, l'âme du garçon pouvait être broyé par la force du mage noir. Alors Féline redoublait chaque soir d'efforts pour assister Harry dans son apprentissage. Il devait absolument devenir plus fort et elle aussi.

-Concentrez vous Lupin, s'énerva le professeur Rogue après de longues minutes d'efforts acharnés. Vous êtes censée être une grande habituée des défenses mentales, j'en attendais beaucoup mieux de votre part !

Féline serra les dents. Inutile de contester, il avait raison. Redoublant d'efforts, la jeune sorcière s'appliqua à pénétrer de nouveau la tête de son ami. Elle déglutit. L'esprit de Harry était un immense champ de bataille, brouillon et complexe, où tout se mêlait, s'entrelaçait, s'enchevêtrait dans des formes abstraites avant de se déchirer, de s'écarteler, et ce, dans une violence et une cacophonie inouïe.

Les souvenirs et les sentiments se mélangeaient avant de s'étirer dans un espace-temps incohérent et flou. Les émotions tournoyaient avec force, balayant tout sur leur passage. Si Dorothy Gale avait dû affronter une véritable tornade avant d'arriver au pays d'Oz, ce n'était rien comparé à ce qui faisait rage dans la tête du jeune homme. Sa colère était un orage fou, sa tristesse une tornade brumeuse, sa rancœur un cyclone ardent. Féline était submergée. Face à la tempête, seul un faible rayon de lumière subsistait, empêchant la douloureuse menace de détruire les quelques fragments d'espoirs qui subsistaient encore chez le garçon.

Ce fut à cet instant, tourmentée par l'esprit agité et égaré de Harry que Féline comprit pourquoi son père lui avait si souvent répété que la plus grande force de l'être humain était sa capacité à suivre son cœur. « L'amour Féline, lui avait un jour dit Remus, est la chose la plus puissante que nous sommes capables de brandir face aux ténèbres, surpassant la haine et nos peurs les plus intimes. Ne doute pas de ton cœur Féline, car il y aura toujours une part de lumière prête à te guider en ce monde. Peu importe les orages, les nuages finissent toujours par s'éclaircir, garde courage et l'amour guidera tes pas. » ; et il avait raison.

Car malgré toutes les horreurs que Harry avait subies, il n'avait pas failli. Il se tenait toujours fièrement au milieu du vent violent, de ces peurs, affrontant l'avenir sans une once d'hésitation. Harry avait une foi inébranlable envers ceux qu'il aimait, une foi qui le poussait à être meilleur. Une foi qui l'avait sauvé, qui l'avait aidé à garder espoir envers et contre tous. Le cœur de Harry, bien qu'alourdit par la souffrance, n'avait jamais battu si fort qu'en cet instant.

Le pouvoir de Féline se dressa, fougueux et fort face à l'esprit emmêlé de Harry, luttant avant de s'imposer avec violence. Harry cria. Il avait mal. Sa tête lui brûlait, il ne maîtrisait plus rien, dévoré par la force de Féline.

-Vous êtes en train de lui faire mal Lupin, gronda Rogue.

Mais Féline ne l'entendait pas. Elle ne percevait même plus sa présence. Sa magie grandissait, enflait, prenant lentement mais irrémédiablement le contrôle de la sorcière. L'âme de Harry était épuisée et faible. Si faible, lui chuchota une voix lointaine, il serait si simple de le dompter. Les faibles ne vivent que pour servir. Détruit le, détruit ses ambitions, ses espoirs et offre le moi. C'est dans notre intérêt à tous. Fais moi plaisir. Féline hocha la tête. Qui était cette voix ? D'où venait-elle ? Il lui semblait la connaître, comme sortie d'un rêve. Ou d'un cauchemar. Peu importe, ce qu'elle disait était vrai. Les esprits faibles ne méritaient pas d'exister.

Quelque part, enfouie sous son pouvoir, engloutie par la puissance de son don, Féline hurla. Ce n'était pas elle ! Harry était en train de souffrir par sa faute et elle ne pouvait rien faire pour arrêter ça. Elle était terrifiée. Son corps ne lui répondait plus et sa propre conscience semblait s'être retourné contre elle.

-Au secours, essaya de crier Féline.

-Arrêtez ça, pitié ! hurla Harry.

-LUPIN ! rugit Rogue.

Harry s'effondra au sol dans un cri de douleur étranglé. Rogue se précipita vers lui. Si son esprit avait été brisé, alors ils étaient tous condamnés. Mais perdu dans les ténèbres, Harry semblait lutter. Lentement, Rogue se retourna, observant la sorcière qui lui faisait face. Un terrible sentiment d'effroi le saisit. Les yeux de Féline étaient devenus terrifiants. Son œil droit d'ordinaire d'un bleu si pâle qu'il en paraissait presque gris, avait pris la même teinte verte que son œil gauche. Qu'est-ce que cela pouvait bien signifier ? Son visage aux traits fins et tendres arborait à présent un sourire terrifiant, dévoilant une avidité et une méchanceté sans limite. Rogue se rendit à l'évidence. Ce qui se tenait devant lui n'était certainement pas Féline Lupin.

-Qui que tu sois, menaça Rogue, retourne d'où tu viens.

-Pauvre fou, le nargua la voix, s'entourant tel un serpent autour du sorcier. Reste à ta place où je n'hésiterais pas à me débarrasser de toi.

-Disparais. Tu n'es pas le bienvenue ici.

-Si je m'en vais, les enfants mourront, ricana Féline, ses pupilles se réduisant à deux fentes verdâtres.

-Ose seulement, murmura Rogue.

Sans s'embarrasser d'avantage d'inutiles avertissements, Rogue brandit sa baguette avant de s'engouffrer dans la tête de Féline. Elle hurla de rage. Rogue ouvrit lentement les yeux, stupéfait. Le contraste avec l'âme déchaîné de Harry était si saisissant qu'il en était presque inquiétant. L'esprit de Féline était un immense dédale de boites et de cases où étaient précieusement rangés des milliers d'informations, de souvenirs et de sentiments qui ne lui appartenaient pas. C'étaient ceux de tous les êtres qu'elle avait pu un jour croiser au court de sa vie. Rogue progressait prudemment. Tout était trop calme, trop silencieux, trop sombre, comme figé dans une immobilité parfaite.

-A… ai..de...

Rogue se retourna. Il lui semblait entendre un bruit, quelque part dans les méandres de ce labyrinthe. Suivant son instinct, il se précipita parmi les immenses étagères jusqu'à atteindre les coins les plus reculés de l'essence de la sorcière, là où ses pensées les plus sécrètes et les plus sombres étaient retenues prisonnières.

-Sortez moi de là, entendit-il. Je vous en supplie.

Ravalant son inquiétude, Rogue s'approcha lentement de la barrière qui séparait les cauchemars du reste de l'être de la sorcière. Derrière, effondrée et terrorisée, se tenait Féline. Mais était-ce vraiment elle ?

-Lupin ? appela Rogue.

Comment savoir s'il s'agissait bien de son élève et non du monstre qui l'avait enchaînée ?

-P-professeur, répondit Féline, relevant des yeux effrayés vers lui.

Des yeux vairons. C'était elle.

-Venez, dit Rogue. Prenez ma main et sortons d'ici.

-J-je ne p-peux pas.

-Bien sûr que si que vous le pouvez. Ayez un peu foi en vous pour une fois. Ou si vous en êtes incapable, croyez en moi.

-Mais si le monstre revenait ? frissonna Féline en reculant.

-Il est parti à l'instant même où je suis rentré dans votre tête.

Rogue mentait. Bien qu'il avait quelques idées pouvant expliquer la catastrophe qui venait de se produire, rien n'était encore certain. Et la jeune fille n'avait certainement pas besoin d'en apprendre plus. Ce qui comptait à l'instant, c'était de la ramener saine et sauve. Et de libérer Potter de son emprise, avant qu'il ne soit trop tard.

-Venez, répéta Rogue en lui tendant la main.

Tremblante, la petite sorcière s'en saisit avant de disparaître avec lui.

Féline ouvrit les yeux, inspirant une grande goulée d'air. Elle avait l'impression d'avoir plongé au plus profond d'une abyme, privée de lumière et d'oxygène, hurlant sans jamais être entendue. Mais quelqu'un était venu. Quelqu'un l'avait secourue. Féline regarda son professeur. Elle ne l'aimait pas, il lui faisait peur et elle le trouvait inutilement désagréable et acariâtre. Et extrêmement ennuyeux. Mais aujourd'hui, elle lui devait beaucoup.

-Merci professeur.

Rogue ne lui accorda pas un regard, se concentrant sur Harry qui semblait peu à peu reprendre possessions de ses moyens. Féline sentit la pointe cruelle de la culpabilité lui transpercer le cœur. Était-ce elle qui était responsable de la mine douloureuse et du regard hagard de son ami ?

-Comment vous sentez vous Potter ? demanda Rogue en l'aidant à se redresser.

-Épuisé, répondit faiblement Harry. Que s'est-il passé ?

-Votre âme s'est emmêlée avec celle de Lupin. Ça suffira pour ce soir, la séance est terminée.

Harry hocha la tête et se dirigea d'un pas chancelant vers la sortie, suivit de près par Féline. Une fusion des âmes ? Rogue mentait, ce n'était pas du tout ce qui s'était passé, mais pourquoi lui cacher la vérité ? Elle tressaillit. Évidemment que Rogue n'allait pas dire la vérité à Harry. Cela reviendrait sinon à lui dévoiler son secret, ce qu'elle était, une Legilimens Élémentaire. Et si Harry l'apprenait, alors cela serait si facile pour Voldemort de se saisir à son tour de l'information.

-Pas vous Lupin, j'ai encore des choses à vous dire.

Féline déglutit. A regret, elle adressa une moue nerveuse à Harry avant de refermer la porte. Sans un bruit, elle alla s'asseoir sur un banc. Les pas de Harry s'éloignèrent dans le couloir jusqu'à devenir inaudibles. De sa voix cassante, Rogue brisa le lourd silence, arpentant la pièce d'un pas agité :

-Avez-vous une explication à me donner sur ce qui vient de se passer ce soir ?

-Non professeur.

-Eh bien moi j'en ai une. Vous avez traité votre don comme un simple détail mais vous avez oublié que chaque magie à sa propre volonté, sa propre nature. Votre don est vivant, il a des désirs, des ambitions et aujourd'hui, il a bien failli vous tuer, vous et Potter !

-C'était un accident !

-Bien sûr que non, idiote. Vous l'avez laissé devenir dangereux et aujourd'hui il s'est retourné contre vous. Il vous a dominé et a souhaité briser l'esprit de Potter rien que pour se distraire !

-Je ne suis pas un monstre !

-Vous non, mais lui pourrait le devenir. Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi vous aviez les yeux vairons ?

-C'est une maladie, répondit péniblement Féline.

-Une maladie ? C'est là le lot de votre don. L'énergie qu'il dégage, son aura, est plus verte que nos forets écossaises. Tout comme votre œil gauche. Vous avez été marquée le jour où vous avez été choisie par je ne sais quelle puissance pour recevoir la magie des Legilimens Élémentaire. Une magie noble, ancienne et périlleuse. Et pour le moment, vous n'en êtes pas digne !

-J-je… Je fais de mon mieux !

-Mlle Lupin, vous avez bridé votre don depuis l'instant même où vous avez appris son existence. Vous l'avez enfermé dans une cage faite de peurs et d'hésitations. Vous l'avez empêché de grandir et de se développer. En croyant agir pour le mieux, vous n'avez fait qu'aiguiser ses sens et agiter son impatience. Et voilà le résultat. Vous êtes devenue le réceptacle d'un pouvoir qui vous dépasse. Vous n'avez pas la moindre idée de ce qui sommeille en vous, de la puissance et du chaos que vous pourriez déchaîner parce que vous avez refusé d'apprendre et d'affronter la réalité !

-Que vouliez-vous que je fasse ? s'offusqua Féline. Évidemment que j'ignorais tout de ce truc, je n'étais qu'une enfant. Je suis une enfant !

-Vous êtes crédule, cingla Rogue. Le temps est venu pour vous d'ouvrir les yeux, de découvrir ce que vous êtes, qui vous êtes. Tout ce que vous pensez savoir sur vous est faux. Votre pouvoir vous surpasse et il est temps que cela change. Ce qui a failli arriver avec Mr Potter est entièrement de votre faute. Et cela pourrait se reproduire. Vous pourriez blesser votre famille, vos amis et d'innombrables innocents ! Votre ignorance vaut-elle donc plus que toutes les vies que vous pourriez gâcher ?

Féline resta sans voix, la gorge nouée, le cœur lourd. Ses yeux humides s'embuèrent lentement de larmes. Ses mains tremblaient si fort que sa baguette lui échappa, tombant sur le sol dallé dans un bruit sec, roulant jusqu'aux pieds de Rogue. Il s'interrompit, adressant pour la première fois depuis que Harry était parti, un regard à la jeune sorcière. Elle avait l'air misérable recroquevillée ainsi sur elle-même. Elle semblait si petite, si fragile, prête à s'envoler au moindre coup de vent. Cela l'exaspéra d'avantage. Pourquoi un si grand pouvoir avait-il choisi un être aussi chétif et insignifiant que Féline Lupin ? Elle n'avait ni la force morale ni le courage pour réussir à s'en montrer digne. Du moins, pour le moment.

Severus Rogue grimaça. Il avait tant de choses à faire, et se charger de l'éducation d'une gamine pleurnicheuse n'aurait pas du faire partie de ses priorités. Mais avait-il seulement le choix ? Si le don de la sorcière finissait par l'engloutir, alors elle serait perdue, dévorée par l'orgueil et l'âme farouche de son pouvoir Et qui sait ce qui pourrait advenir par la suite ? Libre et indomptée, choisirait-elle la voie du chaos ? Rien n'était moins sûr. Dans l'intérêt de Féline comme du monde magique, elle devait apprendre à maîtriser son don. Il en allait de leur salut à tous.

-Allons, murmura Rogue en lui tendant un mouchoir. Arrêtez de pleurnicher, ça ne changera rien à la situation. Votre don est une magie capricieuse, qu'il faut manier et éduquer avec douceur et ruse. Il vous faudra de la patience et de la persévérance. Et un bon professeur.

Essuyant honteusement ses larmes avec le mouchoir, Féline releva curieusement la tête vers Rogue. Il la toisait sévèrement de ses yeux noirs tandis que son visage, bien que dépourvu du moindre sourire, s'était étrangement adouci. Durant ce court instant, Féline eut l'impression qu'elle était bien la première élève n'appartenant pas à la maison Serpentard, à avoir le droit à une telle expression sur la figure du maître des potions. Cela ne dura pas. Rogue renifla avec dédain avant de grommeler :

-Vous serez en retenue chaque dimanche soir.

-Q-quoi ? s'étrangla Féline.

-Et ce, jusqu'à la fin de l'année.

-Mais pourquoi ? Je sais que j'ai été distraite ce soir mais la punition est bien trop grande par rapport à ma faute ! C'est injuste !

-Parce que je vais vous aider, gronda Rogue. Vous avez désespérément besoin d'un tuteur pour apprendre à apprivoiser votre don. Seule, vous ne ferez que vous enfoncez dans votre pitoyable échec, risquant la sécurité de ceux qui vous entourent. Si vous ne souhaitez pas être renvoyée de Poudlard sous prétexte d'être une bombe à retardement, je vous conseille de venir scrupuleusement dans ce bureau chaque dimanche.

Féline hésita. Avant de hocher la tête. Bien que les mots de Rogue soient blessants et médisants, ils restaient toute fois on ne peut plus vrais. Elle s'était voilée la face pendant toutes ces années, espérant que le fait de bloquer son don, de l'enfermer à double tour dans un coin de sa tête, serait suffisant pour le maîtriser. Elle avait été aveugle.

-Je comprends, dit Féline. Merci, professeur.

-Soyez à l'heure, grogna Rogue. Filez d'ici maintenant.

Les yeux encore gonflés, c'est pourtant quelque peu apaisée qu'elle quitta le bureau pour rejoindre sa salle commune. Lorsqu'elle en franchit le seuil quelques minutes plus tard, elle trouva Jack et Mona plongés dans un silence studieux, griffonnant avec ferveur sur leurs parchemins, terminant hâtivement leurs devoirs. Jasper lisait paisiblement à coté. Féline hésita. Elle avait été odieuse avec eux. Pourtant, lorsqu'elle prit timidement place dans le canapé, Jasper lui adressa un sourire doux.

-Je suis désolée, bafouilla Féline.

Après un instant d'hésitation, Mona la rejoignit, s'immisçant entre elle et Jasper.

-Nous aussi, dit-elle en lui prenant la main. On ne voulait pas te mettre mal à l'aise.

-Et j'ai été stupide de vous crier dessus.

-Et nous débiles, renchéri Jack avec une grimace gênée.

-Disons qu'il n'y en a pas un pour rattraper les autres, conclut Jasper. Bien maintenant que tout est rentré dans l'ordre, quelqu'un veut-il une tasse de thé ? Je suis gelé.

-T'es vraiment expéditif comme type, s'agaça Mona. On avait enfin un moment de calme, de douceur, de connexion spirituel et toi, tu nous parles d'eau chaude ?

-Moi j'en veux bien une tasse, s'exclama Féline. Désolé Mona, je n'ai jamais été très branché dans les arts occultes.

-C'est l'hôpital qui se moque de la charité, rit la jeune fille. Tu es une légilimens, c'est littéralement la magie de l'essence des êtres, de ce qui a été, de ce qui est et de ce qui sera !

-Très poétique, se moqua Jasper.

Féline tressaillit. C'était toujours très étrange pour elle de s'entendre dire ce genre de choses. Mona, Jack et Jasper avaient fini par percer une partie de son secret, tout comme les Weasley ou Harry et Hermione. Tous savaient qu'elle maîtrisait plus ou moins cette étrange magie. Mais cela ne devrait jamais aller plus loin. La puissance de son don devait leur rester cachée à tous et pour toujours.

Mona détailla songeusement la sorcière à ses cotés. Elle était si heureuse d'avoir percé le mystère que représentait Féline Lupin. À présent plus de messes basses, plus de secrets. Féline était sa meilleure amie, elle serait avec elle quoiqu'il advienne. Mais pour Mona qui avait toujours été portée sur le monde invisible, le destin et les étoiles, savoir que son amie la plus chère avait accepté de lui livrer la vérité sur son fardeau, était la plus belle preuve d'amitié et de confiance qu'on pouvait lui offrir.

Ni Mona ni les garçons n'avaient demandé de détails à Féline sur la façon dont elle avait appris la Légilimancie. La sorcière était réticente à en parler et ils n'avaient pas insisté. Après tout, ils n'avaient pas besoin de tout savoir. Ils étaient curieux mais savaient respecter les jardins secrets des uns et des autres, du moins, la plupart du temps. Un jour pourtant, ils rigoleront avec Féline de son pouvoir, sujet devenu léger et sans épine. Plus tard. Pour l'instant, ils prenaient encore des gants pour ne pas la brusquer ou l'effrayer, parfois Féline leur semblait être un animal sauvage, éphémère et insaisissable. La confiance était un long processus qui demandait beaucoup de temps et d'amour. Et Mona tout autant que Jack et Jasper, avaient appris à se montrer patients.

-Bon et ce thé ? s'impatienta Jasper.

-Je vais aller voir s'il en reste, dit Jack. Mais j'ai bien peur que Susan l'ait fini sans se préoccuper d'autrui. Comme d'habitude me direz-vous.

Féline eut un rictus amusé. Cornélius se précipita vers elle, bondissant dans ses bras. Elle enfouit son nez dans les poils doux et fins de son chat, le faisant ronronner de plaisir. Ainsi entourée de ses amis, Cornélius niché dans ses bras, une tasse de thé fumante entre les mains, Féline sentit son cœur se réchauffer. Rogue avait été sévère mais il lui avait offert une aide précieuse. Les yeux perdus dans la danse lascive du feu qui ronflait dans l'âtre, Féline ne se sentit même pas s'abandonner à Morphée.


-Êtes-vous certain de ce que vous avancez Severus ?

-Absolument. Je l'ai vu de mes propres yeux.

Dumbledore soupira.

-Veillez sur elle, c'est la seule chose à faire pour le moment. Si le don de Féline se révèle effectivement néfaste, il lui faudra tout l'amour et la bienveillance que nous puissions lui offrir pour l'empêcher de sombrer.

-Doit-on prévenir son père ?

-Cela me semble nécessaire. Il doit savoir. Je m'entretiendrais personnellement avec lui lors de la prochaine réunion de l'Ordre.

Rogue hocha la tête. En cette froide soirée de janvier, l'avenir lui sembla soudainement de plus en plus sombre.