Il était à peine huit heures lorsque ce paisible mardi ce transforma en l'un des jours les plus mémorables que Poudlard ai connu. Depuis que l'article dénonçant Ombrage et ses méthodes barbares étaient parus deux jours auparavant, il ne s'était pas passé un seul instant sans que d'incroyables rumeurs ne se propagent dans les couloirs. On cherchait les héros, félicitant tour à tour Dumbledore, des élèves anonymes ou même Peeves, l'esprit frappant du château.
On savourait cet élan de liberté et de rébellion. Les décrets d'Ombrage furent arrachés des murs, on jeta des œufs pourris sur la porte de son bureau et quelqu'un eu même l'audace de s'en prendre à son affreux cardigan rose en le changeant à en une stricte robe noire, la faisant étrangement ressembler à un détraqueur. On se mit à essayer de prévoir l'avenir ; Certains disaient que le ministère allait envoyer Ombrage à Azkaban, la prison magique, d'autres qu'au contraire, le ministère tentait d'étouffer l'affaire.
Mais la réalité fut bien loin de leurs douces attentes.
Les élèves étaient tranquillement occupés à prendre leur petit déjeuner lorsqu'une foule de hiboux se déversa dans la grande salle dans un véritable capharnaüm. Courrier de journalistes souhaitant recueilli des témoignages, lettres de parents furieux et messages de membre du ministère souhaitant enquêter sur l'affaire, pressant les élèves de questions.
Féline contempla cet étrange spectacle d'un air ahuri pendant que Jack avait la mâchoire pendante. Jasper semblait sidéré et alors que Mona tenait la tête pour reprendre ses esprits, elle se fit instantanément asperger de jus de citrouille qu'une chouette venait de renverser en atterrissant devant elle.
-Oska ! grogna Mona en essuyant maladroitement le jus qui avait transformé son impeccable chemise blanche en un triste torchon. Bon sang, tu es la chouette la plus maladroite que je connaisse. Maman devrait t'envoyer en stage de rééducation.
-Allons Mona, ne sois pas si sévère, elle a du faire un long vol, dit Féline, compatissante en caressant le plumage sombre de l'animal qui hulula de gratitude.
-On voit bien que ce n'est pas toi qui vient de prendre une douche à la citrouille ! Recourvez !
Instantanément, la tache a disparu, rendant de nouveau l'uniforme immaculé.
-Bon, voyons voir ce que ma mère me veut. C'est rare qu'elle prenne le temps de m'écrire, elle est tellement occupée avec son travail à la justice magique que ses courriers sont rares.
-C'est sans aucun doute en lien avec Ombrage. Regardez moi un peu ce bazar, dit Jasper en jetant un œil à la cohorte de hiboux qui avait envahi la salle.
Mona ne répondit pas et alors que ses yeux parcouraient hâtivement la lettre, la jeune fille devenait de plus en plus rouge.
-Tout Va Bien ? demanda Jack, la bouche pleine d'œufs brouillés. On dirait que tu as vu un fantôme.
-Nous sommes à Poudlard Jack. Nous vivions avec des fantômes, ricana Féline alors que le garçon lui tirait la langue.
-Alors, s'imposa Jasper, avortant l'imminente dispute entre ses camarades. Que dit ta lettre ?
-Le ministère porte plainte contre l'école, a répondu Mona avec colère. Pour diffamation à la rencontre de l'un de ses représentants de l'autorité.
-Est-ce que c'est grave ? s'enquit Jack. Après tout, il y a beaucoup de preuves. L'ombrage est coincé. La justice va l'attraper.
-Plus que grave, c'est une catastrophe, siffla Jasper. Le ministère est la justice. S'il décide de blanchir Ombrage alors tout ça n'aura servi à rien. Poudlard va retomber entre ses griffes et ce sera bien pire.
-Mais le verdit sera prononcé par un jury populaire, non ? Intervient Féline. Aucun parent ne pourra tolérer que le ministère continue cette mascarade.
-Peut-être, rétorqua-t-il, mais beaucoup pense que Dumbledore est fou à cause de ses petites histoires sur le retour de Vous-Savez-Qui.
-Mais il dit la vérité ! s'agaça Féline.
-Oui nous le savons mais peu de personnes accepteront d'y croire avant de voir le mage noir se pointer au bout de leur nez.
-Allons, soupira Mona. Tout n'est pas perdu. Dumbledore est peut être décrédibilisé aux yeux du grand public mais le ministère, à travers Ombrage, s'est porté coupable de maltraitance. Peut importer la puissance du ministère, ce sera le jury populaire qui aura le dernier mot. Et entre un gentil vieillard un peu loufoque et une grognasse sadique, le choix sera vite fait pour savoir qui garder à la tête de Poudlard.
Ses trois amis la regardèrent songeusement, le cœur quelque plus léger. Mona avait raison, Ombrage avait causé trop de mal pour espérer un jour revenir entre les murs de l'école.
-C'est toujours surprenant de t'entendre faire partie de temps de sagesse, s'amusa Jack.
-La ferme idiote.
-En parlant d'idiot, rit Féline, regardez un peu ce qui est en train de faire les jumeaux Weasley !
A l'autre bout de la grande salle, les deux Gryffondor s'amusaient à faire l'éviter une armure peinteurlurée de rose fuchsia, la faisant effectuer quelques mouvements grotesques. Une faute d'élèves riait à gorge déployée lorsque l'armure s'exprimait d'une voix nasillarde et grinçante « Je suis un crapaud baveux ! Croa croa ! ».
Assise à la table des professeurs, McGonagall les dévisageait avec un air réprobateur en se pinçant les lèvres, se gardant cependant bien d'intervenir pour mettre fin aux moqueries des étudiants.
-Heureusement, il semblerait que certaines choses ne changeront jamais, dit Jack en engloutissant son dernier toast. Sur ce, ne nous risquons pas d'arriver en retard en potion où Rogue ne nous le pardonnera jamais.
-Depuis quand est-ce que tu t'inquiètes d'avoir une retenue ? dit Jasper.
-Entre les retenues et les entraînements de Quidditch, je n'ai plus de créneaux de disponibles pour une punition avant le mois prochain. Il va falloir me faire une raison et devenir un élève modèle.
-J'ai hâte de voir ça, se moqua Mona.
Alors qu'ils se dirigeaient vers les cachots, un pincement désagréable au cœur commença à démanger Féline. Elle n'avait pas revu le professeur Rogue depuis l'incident lors du dernier cours de Légilimancie. Cette fois terrible où elle avait faillit briser l'esprit de Harry. Féline était pleine de remords. Et de rancœur. Envers elle, d'avoir été faible, mais bien plus envers son père. Remus devait savoir, il ne pouvait pas ignorer, que brider le pouvoir de Féline aurait des conséquences aussi néfastes. Il lui avait appris à l'ignorer, à en faire abstraction mais jamais à le maîtriser.
Et maintenant, son don s'emparait lentement de son esprit, la transformant en un être vil et cruel. Féline en était venue à avoir peur d'elle-même. Elle évitait les contacts physiques et s'interdisait toute utilisation, même la plus minime, de son pouvoir, de peur de déclencher une nouvelle apparition du monstre aux yeux verts. Plus que jamais, elle appréhendait de croiser son reflet et ne de plus y voir son regard vairon.
-Attention ho !
Féline relève la tête mais trop tard. Elle s'emmêla les pieds et bascula violemment vers l'avant dans un glapissement aigu avant de s'étaler de tout son long sur le sol froid et humide des cachots. Penchés au dessus d'elle, trois garçons de Serpentard, sûrement en quatrième année, la regardaient en ricanant. De toute évidence, ils étaient la cause de sa chute.
-Il ! s'écrie Mona. Féline, tout va bien ? demanda-t-elle en l'aidant à se relever.
Féline gémit en se redressant, la chute avait été brutale.
-Ça va ne t'en fais pas, grimaça-t-elle en se massant douloureusement le menton. Je ne regardais pas où j'allais.
-Ça doit être ça oui, se moqua l'un des Serpentard. Tu nous as bousculés alors tu ferais mieux de t'excuser.
-Non mais vous rigolez ? C'est n'importe quoi, s'insurgea Jack. Je vous ai vu lui lancer un maléfice.
-Tu es en train de me traiter de menteur, nabot ? cracha le plus massif en s'avançant d'un air menaçant.
-C'est vous qui l'avez fait tomber ! renchéri Jack, pas impressionné pour un sous malgré sa bonne tête de moins que son opposant. C'est à vous de vous excuser, espèce de troll.
-Jack arrête, murmura Féline en le tenant par la manche, ça n'en vaut vraiment pas la peine. Je m'en fiche !
-Elle a raison, c'est trop dangereux, le pressa Mona. Jasper, dit lui quelque chose !
Impassible, Jasper suivait la scène avec un profond intérêt, un léger rictus au coin des lèvres.
-Laisse le se débrouiller, dit-il finalement.
-Maïs...
-Tu devrais écouter tes petits copains, dit le Serpentard qui avait jeté le maléfice. Quand on te dit quelque chose, tu acquiesces et la fermes.
-Sinon quoi ? demanda Jack avec un sourire terriblement insolent. Vous comptez me casser la gueule ? Allez-y, essayez un peu pour voir.
-Moi qui pensais que les Serdaigle étaient intelligents, reprit le plus grand. Tu l'auras recherché microbe ! Excuse toi à genoux avant que je ne vous écrase la face contre le mur à toi et à tes amis.
-Jack, intervient Jasper. Si tu veux te battre, fais le rapidement, on va finir par être en retard.
-Et tu l'encourage en plus ? s'outra Mona. Vous êtes devenus fous ou quoi ?
-Oui, c'est ridicule, gémit Féline, ils ne vont faire qu'une bouchée de lui. On va ramasser Jack à la petite cuillère.
-A vous entendez, j'imagine que vous avez oubliés qui est sa mère, répondit Jasper, fier malgré lui.
-Sa mère ? l'interrogea Féline, perplexe.
Avant que Jasper n'ai pu lui répondre, les trois Serpentard avaient dégainé leur baguette, les pointant vers Jack d'un air mauvais.
-Trois contre un ? Quel sens de l'honneur, soupira Jack dans une triste moue. Mais je prends le pari. Et lorsque je vous aurais donné une bonne leçon, vous demandez pardon à mon amie.
-Rêve toujours, dit le troisième Serpentard. Petrificus Totalus !
Mais ce fut avec une nonchalance scandaleuse que Jack dévia le maléfice avant d'attaquer à son tour sous le regard ébahie de Mona et Féline.
-Protego ! répliqua-t-il.
- Incarcérém ! cria le Serpentard qui avait attaqué Féline.
Jack évita le sort d'une habile pirouette, dérapant légèrement sur le sol humide.
- Bloclang ! Experliarmus ! Stupéfix !
Dans l'espace de quelques secondes, ses trois adversaires se retrouvèrent muets, désarmés et immobilisés. Moqueur, Jack les dévisagea alors qu'un grand sourire s'étirait sur ses lèvres.
-Puisque vous avez été si odieux envers des personnes que j'estime tant, il serait peut-être bien de fragiliser quelques peu votre égo. Furonculus !
- Protego !
Les quatre Serdaigle écarquillent les yeux. Le sort de Jack avait été bloqué. Au bout du couloir, la silhouette fine et altière de Drago Malefoy se détache de l'obscurité pour se diriger d'un pas vif vers la source de l'agitation. Le cœur de Féline rata quelques battements.
Arrivant à leur hauteur, Malefoy jeta à ses camarades de maison un respectant avant de se tourner vers les Serdaigle. Il plissa les yeux en croisant le regard de Jack, le locataire pour responsable, mais reconnaissant Jasper, il fronça les sourcils, ennuyé.
-Il semble que mes camarades aient compris la leçon. Restez en là, dit-il avec hauteur.
-Ils nous ont attaqués ! protesta Mona.
-Je n'en doute pas, reconnut Malefoy, les surprenants par sa franchise. Mais ils ne vous embêteront plus après ça. Laissez les partir, en contrepartie, je m'engage à ne pas retirer de points à Serdaigle pour usage de la magie dans les couloirs.
Jack hésite. Mais il avait trop d'honneur pour s'en prendre à un ennemi vaincu, aussi céda t-il à la requête du préfet. Il libérera de ses sortes ses opposants qui se relevèrent honteux et humiliés devant celui qu'ils considéraient comme le prince de leur maison. Malefoy adressa un vague signe de menton à l'assistance et tourna les talons sans un mot, entraînant les trois brutes dans son sillage. Ce ne fut que lorsque les Serpentard eurent disparus au bout du couloir que les quatre amis s'autorisèrent enfin à respirer.
-Ho bon sang Jack, s'écria Féline, tu as été remarquable !
-Tu les as explosé ! se réjouit Mona en brandissant le bras en l'air. Quelle raclée, ho comme j'ai hâte de raconter ça aux autres !
-Bien joué, dit Jasper, amusé.
Jack rougit sous leurs compliments.
-Je n'ai que peu de mérites. Ma mère est une duelliste professionnelle. Elle a toujours adoré m'entraîner. Et ces trois là étaient de piètres adversaires.
-Je comprends mieux, bon sang quel combat ! reprit Féline en applaudissant joyeusement. Mais tu n'aurais pas du prendre autant de risque pour moi.
-Je ne risquais pas grand-chose, répondit Jack en la prenant par l'épaule. Et je n'allais certainement pas les laissés s'en sortir comme ça !
-Merci, capitula Féline, touchée.
-Jack a raison, dit Jasper, certains élèves prennent trop facilement goût aux faits d'imposer leurs lois aux autres. Il est parfois nécessaire de les remettre à leur place.
-En tout cas, « Jack l'élève modèle » n'aura pas fait long feu, ricana Mona.
-Que veux-tu, je suis un justicier avide de liberté et d'aventures, dit Jack en haussant les épaules.
-Tu devrais t'inscrire au club de duel, tu ferais un malheur ! s'enthousiasma Féline.
-Je préfère garder mes atouts secrets, un vrai héro ne joue pas avec sa force. Car vous savez, un grand pouvoir implique...
-De grandes responsabilités blablabla. Jack arrête un peu de nous harceler avec tes trucs de moldus, ça ennuie tout le monde, dit Mona en levant les yeux au ciel alors que le garçon prenait un air scandalisé.
-N'empêche, quelle trouille j'ai eu, souffla Féline. J'ai vraiment cru qu'on allait se manger une grosse dérouillée !
-Oui et Malefoy a été sympa de ne pas nous mettre en retenue, renchérit Jack. D'autres n'auraient pas hésité.
-Il n'avait pas le choix, dit Jasper, cela aurait été reconnaître que Jack a battu à plate couture trois élèves plus âgés. La honte pour Serpentard, vous imaginez ?
-En parlant de retenue, grimaça Mona en regardant sa montre, on va en avoir une à coup sur.
-Pitié, non, s'apitoya Jack. Et pourquoi cette fois ?
-Le cours de potion a commencé depuis dix minutes.
Jurant à foison, ils s'élancèrent à toutes jambes à travers les dédales du château, priant pour que Rogue se montre clément. Mais autant demander à l'or de tomber du ciel puisque malgré toutes leurs excuses et leur plus beau sourire, ils écopèrent d'un devoir supplémentaire.
Mais ni punition ni aucun autre nuage ne pouvait venir gâcher la bonne humeur des quatre amis. Après tout, aujourd'hui, Serdaigle avait triomphé !
Rogue faisait les cent pas dans son bureau, ne pouvant s'empêcher de ressasser les événements qui s'étaient produits lors de la dernière séance d'entraînement avec Potter et Lupin. La jeune sorcière avait montré au maître des potions toute l'étendue aussi complexe d'effrayante de sa magie. Elle était si puissante, si forte et terriblement avide de pouvoir. Rogue ignorait comment gérer cette démesure. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait impuissant.
Il craignait que ce dont Féline avait besoin allait bien au-delà de ses compétences. Il était un Legilimens d'exception, parmi les meilleurs de sa génération, mais le pouvoir de Féline ne se laisserait pas dompter une nouvelle fois par quelqu'un comme lui. Seul une aura magique redoutable permettrait de faire plier la magie de Féline à sa volonté. Quelqu'un comme Dumbledore ou, et cela l'inquiétait bien plus encore, Voldemort.
Nul doute que le don de Féline cherchait un maître et si elle ne s'imposait pas en tant que tel, il la dévorait et se soumettrait au plus puissant. Cela ne devait pas arriver.
Mettre Remus Lupin au parfum des faits avait été particulièrement désagréable. Il s'était effondré dans la cuisine du Square Grimmaurd sous le regard douloureux de Black. Rogue s'était sentit honteux de son propre échec et malgré toute sa rancune envers ses deux anciens camarades, il promit de faire tout ce qui était en son pouvoir pour guider Féline sur la bonne voie. Black avait grimacé mais Lupin l'avait chaleureusement remercié, accentuant le malaise de Rogue. Il détestait l'idée qu'une quelconque paix s'instaure entre eux, mais Lupin avait toujours été le plus sentimentale de tous.
Un coup à la porte sortit Rogue de ses pensées. L'instant d'après, la tête de Remus Lupin apparaissait dans l'entrebâillement de la porte.
-Bonjour Severus. Puis-je entrer ?
Rogue tiqua en entendant Lupin l'appeler par son prénom. Il n'arrivait pas à s'y faire. Il grogna en guise de réponse. Lupin, s'avança d'un pas tranquille dans la pièce. Cela faisait deux ans qu'il n'était pas revenu à Poudlard, depuis que Rogue avait révélé à tous sa nature de loup-garou et que des parents inquiets avaient exigés sa démission. Rogue ignorait les sentiments de Lupin à ce sujet mais il savait en revanche que Féline lui portait une lourde rancœur.
Contrairement à bon nombre d'élèves, la jeune fille ne le détestait pas. Elle trouvait ses cours intéressants, appréciait son enseignement et rendait toujours des devoirs qui ne cessaient de s'améliorer. Mais jamais elle n'avait oublié la traîtrise dont il s'était rendu coupable en dénonçant Remus.
-Féline est au courant que je suis ici ? demanda Remus.
-Non, répondit sèchement Rogue. Elle ne devrait pas tarder. Le déjeuner vient tout juste de se terminer.
Remus était ici uniquement parce que Dumbledore l'y avait expressément convié. Féline était en colère contre son père et cette rancœur rendait impossible tout exercice de Legilimancie. Et même si l'esprit d'une adolescente est rarement apaisé, il allait au moins falloir régler ce problème avant d'entamer tout espoir de progression. Rogue trouvait cette mascarade inutile.
Des pas résonnèrent dans le couloir et quelques secondes plus tard, Féline rentra dans la pièce, aussi discrète et agile qu'un chat.
-Vous vouliez me voir professeur Rogue ?
Ses yeux s'écarquillèrent en se posant sur son oncle.
-Papa ? s'écria-t-elle d'une voix aiguë.
-Bonjour Féline, répondit doucement Remus.
La sorcière se figea, interdite. Qu'est-ce que son père faisait ici ? Dans le bureau de Rogue en plus ? Elle sentit ses os se glacer. Aucun doute possible, il était venu la réprimander pour toutes les retenus qu'elle avait récolté depuis la rentrée des vacances de Noël. Mais c'était injuste, Jack y était presque toujours pour quelque chose ! Sans compter la langue bien pendue de Mona et le sarcasme de Jasper !
-Tu aurais pu m'envoyer une Beuglante au lieu de te déplacer, grommela-t-elle.
-Une Beuglante ? grimaça son père. Tu as certes fait un paquet de bêtises, mais je ne suis pas là pour ça.
Féline haussa un sourcil. Ah oui ? Pourquoi alors ? Ses notes étaient tout à fait corrects, elle était en bonne santé et elle répondait à peu prêt en temps et en heure à son courrier.
-Severus m'a raconté ce qu'il s'est passé lors de votre dernier entraînement, dit doucement Remus. Je suis venue voir comment tu allais.
-Je vais vous laisser, siffla Rogue, disparaissant aussitôt, se sentant -et à juste titre- de trop.
La discussion ne le concernait plus à présent.
-Ho, murmura Féline, soudainement honteuse alors que sa colère se ravivait dans ses entrailles. Ça va, tu n'as pas besoin de t'inquiéter.
-Je suis toujours inquiet pour ma fille, la contredit gentiment Remus.
Cette fois, Féline planta ses yeux dans ceux de son oncle, agacée. Il était toujours inquiet ? Si c'était le cas, alors pourquoi avoir condamné son don au fin fond de son esprit ? C'était de sa faute si elle en était là aujourd'hui.
-Alors si tu t'en fais tant pour moi, j'espère que tu ne vas pas trop souffrir de la nouvelle, renifla amèrement Féline. Mon pouvoir est tellement gros qu'il pourrait me réduire en cendres, je pourrais tomber dans les mains de Tu-Sais-Qui et l'aider à détruire le monde magique et tout ça pourquoi ? Parce que tu m'as appris à avoir peur de ma magie ! Si tu m'aimais vraiment, tu m'aurais laissé apprendre à la maîtriser !
-Voyons Féline, tu te trompes ! Tout cela n'a absolument rien à voir avec l'amour que j'ai pour toi !
-Bien sûr que si ! hurla-t-elle. Tu m'as laissé devenir un monstre, je pourrais te faire du mal, je pourrais blesser mes amis tout comme j'ai failli briser l'âme de Harry ! C'est de ta faute, je t'en veux, je t'en veux tellement. Tout est de ta faute !
Et Féline fondit en sanglots. Remus se précipita vers elle, la serrant fort dans ses bras. Féline ne résista pas. L'un comme l'autre savait pertinemment que les mots cruels que la petite sorcière venait de cracher n'étaient dus qu'à la peur et à la colère. Féline aimait son père de tout son cœur et jamais elle n'avait douté une seule seconde de l'amour que celui-ci lui portait.
Mais elle se sentait si seule, si petite face à ce qui l'attendait. Comment ne pas chercher quelqu'un à blâmer, quelqu'un qui pourrait assumer la responsabilité de ses malheurs ? Si Féline avait besoin qu'il en assume le lourd fardeau, alors Remus le ferait. Il ferait tout pour protéger sa fille. Il lui embrassa doucement le front, attendant que ses pleurs se calment d'eux-même.
-La nuit où tu es née, tu étais si minuscule, si fragile. Quand mon frère t'as posé dans mes bras, j'ai su à l'instant même où tu m'as regardé avec tes petits yeux curieux que je t'aimerais toute ma vie. Je venais de perdre tous mes amis. Et Harry avait été confié à sa famille moldu et j'avais interdiction de l'approcher afin de préserver le secret de ses origines magiques pour qu'il grandisse en paix, loin de l'horreur de la guerre. Alors quand je t'ai vu, j'ai su que tu me sauverais. T'as seule existence avait suffit à appliquer un pansement sur mon cœur. Je comptais te gâter, te chérir et faire de toi la plus heureuse des nièces.
Il lui parlait rarement de cette époque lourde de malheurs. Féline l'écoutait attentivement. Les larmes avaient tracé des sillons humides sur ses joues constellés de taches de rousseur tandis que ses mains jouaient avec la cravate usée de Remus.
-Mais ensuite, reprit Remus avec douleur, tes parents... Ils sont partis à leur tour et ta garde m'est revenu. J'avais si peur. Tellement peur d'échouer, de te rendre malheureuse, de ne pas être à la hauteur. Angélique a tout fait pour m'aider, c'est elle qui m'a permit de prendre confiance. J'osais à peine te toucher, j'avais peur de te briser en mille morceaux. Mais j'ai appris à devenir ce que j'espérais être un bon père. Et Angélique, elle t'aimait tellement. Quand sa maladie l'a emporté loin de nous et que nous nous sommes retrouvés rien que tous les deux, j'ai cru que rien ne pourrait jamais arriver de pire.
Il se redressa. Les yeux d'un brun si doux de Remus croisèrent le regard pâle de la sorcière et elle y lut toute l'affection que cet homme avait pour elle.
-Mais pour toi, j'ai gardé espoir, ajouta-t-il. J'étais tout ce qu'il te restait, je n'avais pas le droit de faillir. Tu n'avais même pas cinq ans et ta vie avait déjà été marquée par tant de chagrin. Ton don fut le coup de grâce. Il me terrorisait, j'ignorai comment te protéger. J'avais peur qu'il te vole à moi. Je pensais qu'en l'isolant dans ton esprit, il s'affaiblirait. J'avais tort. Je suis tellement désolé. Je voulais te garder en sécurité et j'ai échoué. Tu es ma fille et j'aurais tellement aimé t'offrir plus.
-Non ! C'est moi qui suis désolée d'avoir douté de toi, répondit Féline, émue. Tu es le meilleur père du monde.
Remus rit et la serra contre lui. Cette enfant avait la frimousse d'un ange, la malice d'un renard et le rire d'une alouette.
-Fais la paix avec toi-même Féline. Concentre-toi, ne te laisse pas faire et surtout, ne doute jamais de ce que tu es : une jeune fille vaillante, curieuse, brillante et avec un cœur bon. Tout cela fera ta force. Ce pouvoir ne t'a pas choisi par hasard, j'en suis certain. Tu as un grand avenir devant toi ma fille. Merlin et Viviane ont placé en toi toutes les qualités d'une grande sorcière. Montre à ce pouvoir ce que tu vaux. Tu es l'unique maître de ton destin.
Féline sourit. Il avait peut-être raison. Tout ne dépendait que d'elle et de son courage. Elle serait forte et rien ne l'empêcherait jamais de protéger ceux qu'elle aimait.
L'après-midi, alors que Féline tentait vainement de se concentrer sur le cours d'Histoire de la magie, encore rêveuse de son entrevu avec son père, un bruit terrible retentit dans le parc du château, réveillant ainsi la classe d'élèves endormis. Même le professeur Binns, pourtant imperturbable, arrêta son monologue sur les sorcières de Salem et se tourna vers la source du vacarme avec un air perplexe.
Ce fut lorsque la voix stridente et scandalisée du professeur Ombrage se mit à résonner depuis l'extérieur que tous les élèves se ruèrent hors de leur place pour se précipiter vers les fenêtres, pressant leur visage curieux contre les carreaux. Dans un élan de génie, les jumeaux Barnes jetèrent un sort d'amplificateur de son, rendant la scène qui se déroulait en contrebas suffisamment audible pour en saisir l'essentiel.
Traînée hors du château par ce qu'il semblait être des aurors, Dolorès Ombrage se débâtait avec hargne, hurlant aussi fort qu'elle le pouvait sous les regard ahuris et moqueur des spectateurs.
Dignes sur les imposantes marches du château, Dumbledore et McGonagall regardaient la grande inquisitrice se faire emmener par les plus hauts membres des forces d'intervention de la justice magique. Dans le parc, une foule d'étudiants la huait avec ravissement.
-Vous n'avez aucun droit ! hurla Ombrage, rouge de rage. Je parlerais au ministre, il vous jettera à Azkaban ! Comment osez-vous me toucher ! Lâchez-moi, vous savez qui je suis au moins ?
-Une folle à lier qui torture des enfants ? répondit l'une des aurors qui l'escortait. Maintenant, gardez le silence, vous ne faites qu'aggraver votre cas !
Féline sautilla de ravissement en reconnaissant la voix de Tonks alors que la jeune femme poussait Ombrage du bout de sa baguette avec un rictus féroce.
-Vous le regretterez ! Je le jure !
Bientôt, les aurors et Ombrage franchirent le portail de l'école et se volatilisèrent. Un grand silence s'abattit sur le château, tous contemplant songeusement l'endroit où ce qui fut pendant de longs mois le bourreau de Poudlard, venait de disparaître. Puis, Dumbledore s'avança sur le parvis, ses pas résonnant comme un tambour dans le calme si étrange et inhabituel des lieux. Il leva sa baguette et avec un sourire mutin, un immense feu d'artifice explosa dans le ciel, décorant de mille couleurs le ciel gris de cette fin de janvier.
Le calme fut rompu, les élèves hurlèrent de joie, se sautant dans les bras, applaudissant à tout rompre ! Nombre d'élèves se pressent autour de Dumbledore et McGonagall pour leur serrer la main, d'autres un peu hardis, osèrent même un baisemain (dont les jumeaux Weasley, évidemment). Les couloirs furent aussitôt remplis d'étudiants en liesse, riant, criant, pleurant de bonheur !
Jasper, Mona, Féline et Jack s'enfuirent de la classe d'Histoire de la magie, aussitôt imités par le reste de leur promotion pour se fondre dans la masse et profiter de la folie ambiante. Les enseignants, exceptionnellement adoucis, les laissèrent se défouler jusqu'à l'heure du dîner, finissant par ramener peu à peu le calme dans le château. Féline, assise devant son repas, souriait bêtement. Comme était bon de se sentir de nouveau chez soi !
-Dire qu'on est enfin débarrassé d'Ombrage ! soupira-t-elle rêveusement.
-Oui, dit Jasper, cette fois, le chapitre est clos. Le Ministère pouvait bien essayer de cacher l'affaire, c'était peine perdue.
Le garçon avait raison. Le matin même, après l'annonce de la plainte pour diffamation contre Ombrage, une horde de parents furieux avaient envahies des locaux du Ministère de la magie, brandissant preuves et baguettes dans une mêlée furieuse. La sécurité avait vite été submergée et pour éviter une véritable émeute, le ministre n'avait pas eu d'autres choix que de se présenter à la foule avec comme promesse de saisir la justice et de relever Ombrage de ses fonctions. Les aurors ne s'étaient pas fait prier pour se charger de ramener la sorcière par la peau du cou et de la jeter en cellule.
Le procès aurait lieu dans quelques jours et bien que la défense tentait de s'organiser, l'affaire était déjà conclue. Les preuves étaient accablantes et les charges contre Ombrage bien trop nombreuses. Maltraitance, abus de pouvoir, usage de châtiments corporels, menaces, chantages, Ombrage était fait comme un rat.
Quant au ministre de la magie, il avait nié en bloc, assurant avoir eu une confiance aveugle en sa suppléante et tomber de haut, disant tout ignorer de ses pratiques barbares. Cornélius Fudge n'était pas un homme idiot. Et il n'était pas cruel. Il souhaitait rétablir l'ordre et calmer Dumbledore qu'il voyait comme une menace pour la tranquillité de son mandat. Jamais il n'avait souhaité ni accepté que le moindre mal ne soit fait aux enfants. Ombrage serait punie pour ses actes et lui, Cornélius, se refusait à tomber avec elle.
Ainsi, abandonnée par son plus fidèle allié, le procès d'Ombrage se déroula sans surprise et rebondissement. Condamnée à trente ans ferme à la prison d'Azkaban. Durant toute la durée du jugement, pas une fois le regard de Cornélius Fudge ne se posa sur son ancienne collègue, trop lâche pour affronter la fureur outrée de la femme.
L'affaire fit les gros titres pendant plusieurs jours, les photos d'Ombrage, le visage déformé par la haine et ses yeux globuleux devenus presque fous, et les discours d'apaisement et de rédemption du ministre se partageant les premières pages. Dumbledore fut convié par l'assemblée des sorciers et sorcières, présidée par Cornélius Fudge et la directrice de la justice magique Amélia Bones, secondée par Laurent Cooper, le père de Jasper, afin de discuter de l'avenir de Poudlard et restaurer les relations entachées. Jasper s'était pavané comme un coq en voyant le nom de son père écrit dans le journal.
-C'est formidable, dit le garçon alors qu'ils étaient tous les quatre dans la salle commune, occupés à faire leur devoir. Rita Sketter a même dit que mon père était...
-... « sans aucun doute l'homme le plus intègre de tout le monde magique » ! C'est bon Jasper, lâche nous la grappe, s'agaça Mona, excédée.
-Tu es simplement jalouse parce que ta mère n'a pas as été cité.
-Maman est la secrétaire du bureau de Mrs. Bones, elle n'a pas besoin d'avoir son nom dans le journal pour avoir des responsabilités.
-Parce que mon père, c'est un pot de fleur peut être ? Il est le sous-directeur de la justice magique et le responsable en chef de la brigade d'intervention des douanes. Ça, c'est de la responsabilité !
-Vous avez fini oui ? s'interposa Jack. Vous êtes ridicules.
-On dirait des enfants pourris gâtés, « moi mon père et gngngn ». On s'en moque d'accord ? ajouta Féline, les yeux plissés.
Mona et Jasper grognèrent, mais n'ajoutèrent rien.
-D'ailleurs Mona, reprit Féline, adoucie, tu n'étais pas là tout à l'heure, mais ta chouette t'a apporté deux lettres, je les ai récupéré pour toi, tiens ! C'est amusant, toutes les deux ont les mêmes initiales sur les enveloppes, mais ce n'est pas la même écriture.
-Ho, ça doit venir de mes tantes Maureen et Maude, répondit Mona en les parcourant du regard. Qu'est-ce qu'ils ont tous à m'écrire aujourd'hui ?
-C'est peut-être pour te parler de ton anniversaire ? proposa Féline.
-Ho elles ont le temps, c'est dans plus d'un mois et demi. Et ce serait très surprenant qu'elles se montrent soudainement aussi prévoyantes, elles ont toujours été en retard pour tout. Tante Maureen l'était même à son propre mariage ! Non, j'imagine que c'est pour me raconter les derniers potins du déjeuner familial.
-Vos prénoms commencent tous par un M ? intervient Jack, curieux.
-Oui, une tradition familiale dans la famille de ma mère. Chaque fille aura un prénom commençant par la lettre M en l'honneur de mon aïeule Marguerite Misearis. Dans la famille, les filles perdent le nom Misearis en se mariant alors la lettre M c'est pour conserver une part de notre héritage.
-C'est une jolie façon de faire perdurer ta lignée, acquiesça Jasper. O'Kelly c'est le nom de ton père qui est moldu, c'est ça ?
-Oui, Misearis est le nom de jeune fille de ma mère qui lui vient de son père qui est un Misearis pur souche et ainsi de suite. Mais pas de chance, mon grand-père n'a eu que des filles, Madeleine ma mère et mes tantes, Maude et Maureen. Heureusement qu'il a un frère qui a eu des garçons pour transmettre le nom.
-Hum, nous on ne se pose pas la question, dit Jack. Du moment que cela sonne bien aux oreilles de grand-mère Frost, c'est accepté. Cette femme est une vraie terreur !
-Et toi tu es le roi du mélodrame, dit Féline.
-C'est ce qui fait tout mon charme.
-Pas vraiment non, répondit Jasper avec un sourire suffisant.
-Ho pitié, tout le monde sait que Mona est bien plus dramatique que moi. C'est simplement qu'elle le cache mieux.
-Comment oses-tu ? s'indigna la jeune fille.
-Ah, qu'est-ce que je disais !
-Crétin.
-Sorcière !
-Il paraît oui.
Ils continuèrent à babiller joyeusement, abandonnant leurs devoirs sur la table jusqu'à ce qu'une jeune fille, rouge et hésitante, ne s'avance jusqu'à eux.
-Excusez-moi... Euh, Jasper ?
Étonné, le garçon lui offrit un regard perplexe et peu avenant. Il détailla la nouvelle venue : elle avait un certain charme avec ses cheveux bouclés aux reflets auburn, ses yeux gris et son visage qui, bien qu'un peu trop pâle, était rehaussé par un délicat nez aquilin. Elle ne lui était pas totalement inconnue. Elle s'appelait Annie, était en quatrième année et faisait partie tout comme lui du club de botanique. Et vu comment elle se trémoussait, ça devait être encore une stupide histoire de béguin.
Les rares fois où une élève l'avait approché avec cet air gêné, c'était pour lui demander de transmettre des lettres d'amour à Jack. Lettres que le garçon avait toujours jeter dans les toilettes sans le moindre scrupule. Il n'était pas un pigeon voyageur. Mais cette fois, Jack était juste ici, donc pas besoin qu'il serve de messager alors que lui voulait-elle ?
-Je t'écoute ?
-J'aurais aimé savoir si, enfin bon tu sais, il y a bientôt une sortie à Pré-au-Lard et je me demandais... Tu accepterais de m'y accompagner ?
Jasper écarquilla les yeux comme deux ronds flancs. Elle lui demandait à lui, Jasper Cooper, le garçon à la réputation de génie froid et sarcastique de Serdaigle, de l'accompagner ? Pour un rencard ? Il se sentit devenir rouge tandis que ses oreilles le brûlaient. Horreur, il entendit même les gloussements de Mona et Féline derrière lui alors que le regard intense de Jack lui vrillait la nuque. Jamais personne ne l'avait invité où que ce soit.
Cela faisait des semaines qu'il se tuait à envoyer des centaines de signaux à Jack pour savoir si son ami comptait oui ou non lui proposer de se rendre ensemble à Pré-au-Lard. En rendez-vous. Et surtout, sans les deux dindes qui se fendaient la poire derrière lui. Mais Jack n'avait jamais fait la moindre allusion, pas un seul sourire voilé ni réponse à demi-teinte. Rien.
Alors, poussé par une frustration dévorante et une envie mauvaise de rendre l'autre jaloux, Jasper se leva avant de se planter devant Annie qui le guettait, anxieuse.
-C'est d'accord !
Annie écarquilla les yeux, ne croyant pas en sa chance. Elle lui donna précipitamment l'heure de rendez-vous, s'éloignant ensuite d'un pas guilleret. Jasper la regarda rejoindre ses copines, songeur. Il n'était pas certain de ce dans quoi il venait de s'embarquer. Annie était une gentille fille, mais bon sang, Poudlard tout entier savait pourtant que Jasper était homosexuel. Et Annie ne pouvait pas l'ignorer, alors pourquoi lui proposer un rencard ?
Si Jasper avait accepté, c'était pour susciter une réaction chez Jack et il se doutait qu'Annie avait dû se servir de lui dans le même but, du moins l'espérait-il. Jasper ne tenait pas à jouer avec le cœur de qui que ce soit. Quoique, Jack l'avait bien cherché à jouer à l'aveugle ! Le garçon espérait simplement que son geste allait enfin ouvrir les yeux à Jack et que cette histoire ne prendrait pas de tournant aussi indésirable qu'imprévu.
Lorsqu'il retourna s'asseoir avec ses amis, un silence de mort régnait autour de la table. Mona et Féline le dévisageaient avec des yeux exorbités, muettes de surprise et de désespoir. Jasper avait-il perdu la tête ? Bon sang, mais que Merlin vienne en aide à ce cas d'amour désespéré, car ils allaient finir par les rendre folles.
Légèrement honteux bien que terriblement satisfait, Jasper croisa le regard furibond de Jack. Puis, une lueur de défi mauvaise s'alluma dans les yeux bruns du garçon qui se leva vivement, faisant tomber sa chaise avec fracas avec de se diriger à son tour d'un pas vif vers un groupe de filles en train de glousser dans un coin de la salle commune.
-Erin ? dit Jack en prenant un ton des plus séduisants, attirant l'attention sur lui et son sourire ravageur. Tu as quelque chose de prévu pour la Saint-Valentin ? Car je serais ravie d'accompagner une aussi jolie demoiselle.
-Tu es un terrible charmeur Overland, s'amusa la dénommée Erin. J'accepte, on ne refuse pas un gentleman.
Jack hocha la tête avant de revenir se planter devant Jasper, un rictus prétentieux collé au visage.
-Bien. Tu veux jouer Cooper, je suis ton homme.
Et sans un mot, il tourna les talons et sortit de la salle commune. Nul doute qu'il ne réapparaîtra pas de la soirée, préférant évacuer sa frustration en chassant des souris dans les sous-terrains. Féline et Mona échangèrent un regard affolé alors que Jasper fixait avec colère l'endroit où Jack se tenait encore quelques secondes auparavant. Brutalement, il ramassa ses affaires et disparu dans l'escalier menant au dortoir sans rien ajouter, abandonnant ses deux amies encore éberluées.
-Alors là, siffla finalement Mona, je n'ai rien compris à ce qu'il vient de se passer.
-Ma vieille, répondit Féline, je crois que le drame de Roméo et Juliette vient d'être détrôné par une nouvelle tragédie. C'est une catastrophe.
-Mais quelle mouche les a donc piqué ? Ils savent tous les deux que leurs sentiments sont réciproques alors POURQUOI ?
-Eh bien, peut-être qu'ils n'en sont pas si sûrs que ça. Ils sont aussi aveugles l'un que l'autre.
-Et discuter et mettre les choses au clair, c'est trop compliqué pour eux ? s'outra Mona. C'est un vrai gâchis.
-Ce sont des garçons, conclut fatalement Féline sur le ton de l'évidence. Il ne faut pas trop en attendre de leur part.
Mona hocha tristement la tête. Ces deux-là étaient une cause perdue.
-Mais tu sais ce que tout cela veut dire, reprit Féline avec un sourire cajoleur. Avec les deux garçons chacun en rencard, on va se retrouver toutes les deux pour la Saint-Valentin.
-Effectivement, je doute que quiconque daigne à s'intéresser à nos deux pauvres âmes esseulées, dramatisa Mona en riant. Ma chère Féline, me feriez vous l'honneur de m'accompagner à Pré-au-Lard, en toute amitié évidemment ?
-Comment refuser ?
Les deux filles s'esclaffèrent avant de se remettre à leurs devoirs abandonnés depuis longtemps, bien décidées à ne pas laisser la bêtise de leurs amis gâcher leur soirée, espérant simplement que la dispute serait oublié le lendemain.
Bien entendue, ce ne fut pas le cas. Les garçons s'ignoraient royalement, furieux l'un contre l'autre et ni les tentatives d'apaisement de Mona ni les conversations maladroites de Féline ne parvinrent à apaiser la situation. Ce cirque ridicule dura pendant prés de deux semaines. Mona et Féline avaient fini par ne plus s'en préoccuper, les laissant se débrouiller, jonglant au mieux entre eux, les écoutant se plaindre l'un de l'autre à tour de rôle.
Jasper avait fini par se plonger dans ses livres et passait des heures dans les serres réservées au club de botanique, s'occupant ainsi l'esprit. Au milieu des livres et des plantes, ses soucis lui paraissaient plus lointain, moins douloureux. Il regrettait tellement. Jamais il n'aurait dû accepter cette invitation. Mais il s'était sentit si seul, si peu désiré. Il savait que Jack ressentait quelque chose pour lui ? Mais était-ce suffisant ? Jamais Jack n'avait évoqué la possibilité d'aller vers quelque chose de plus profond, de sérieux.
Jasper savait que Jack était terriblement populaire auprès de la gente féminine et il ne voulait pas lui retirer cela en s'imposant dans sa vie. Mais par Merlin, il était terriblement attiré par son ami et il fallait que cela cesse. Si Jack ne souhaitait rien avec lui, alors Jasper devait l'accepter et le laisser partir. Jasper en était presque certain désormais, Jack ne l'aimait pas. Du moins, pas réellement. Et Jasper, peu importe à quel point cela lui coûterait, devait bien finir par passer à autre chose.
Quant à Jack, il passait à présent presque tout son temps libre sous sa forme de félin, enfouissant ses sentiments loin au fond de son âme. Sasha était un chat et les chats ne se préoccupaient pas de savoir si leur amour de jeunesse les détestait ou non. La situation était plus simple à vivre ainsi. Jasper lui avait réellement broyé le cœur en acceptant ce rendez-vous. Pourquoi ? Pourquoi avoir dit oui ? Il n'aimait même pas les filles de toute façon !
Jack était pourtant persuadé qu'ils iraient tous les deux à cette sortie, cela tombait sous le sens ? Ils étaient toujours allés à Pré-au-Lard ensemble et ils se seraient débrouillés pour fausser compagnie à Féline et Mona. Les filles n'attendaient que cela. Mais Jasper avait répondu au ridicule charme d'Annie et la colère de Jack avait pris le dessus. Il s'en voulait terriblement. Peut-être aurait-il du agir ? S'il avait eu autant de courage qu'Annie, c'est lui qui serait au bras de Jasper pour ce stupide rencard !
Jack était sociable, un monstre de charme et de sympathie qui attirait les gens comme des aimants. Mais avec Jasper, tout était plus compliqué. Jasper était si parfait que Jack se sentait stupide et maladroit en sa présence. Il aurait tant aimé faire machine arrière. Il était en colère contre Jasper bien sûr, mais bien plus contre lui-même. Comme il avait été lâche. Et à présent, les choses lui semblait irréparable.
Ce fut donc dans une ambiance absolument merveilleuse que les quatre Serdaigle se retrouvèrent dans la salle commune le jour de la tant attendue sortie à Pré-au-Lard, emmitouflés dans leurs vêtements. La neige recouvrait encore les montagnes écossaises et le froid terrible de février n'avait pas cédé un pouce de terrain à l'air plus doux du printemps. Féline et Mona n'avait pas attendu une minute de plus, filant à l'anglaise, les laissant à leur silence bien plus glacial que ce qu'ils les attendaient pourtant dehors.
Les deux garçons attendirent leur rendez-vous de part et d'autre de la salle, s'ignoraient avec dédain, le cœur pourtant lourd. Quand Erin arriva, entraînant Jack dans son sillage, il ne put s'empêcher de jeter un regard furtif à Jasper. Celui-ci, le visage décomposé, le regardait s'éloigner, chassant bien vite son trouble pour reprendre son air inflexible. Ce triste échange fut comme un poids dans l'estomac de Jack qui resta silencieux une bonne partie du chemin sous le sourire malicieux d'Erin qui l'observait du coin de l'œil.
Lorsque Jasper et Annie arrivèrent à leur tour à Pré-au-Lard, la sorcière l'entraîna dans plusieurs boutiques. Bien qu'Annie soit une fille sympathique, Jasper s'ennuyait terriblement. Étant un garçon poli, il avait fait de son mieux pour lui rendre la sortie agréable, prenant sur lui. Mais ses amis lui manquait. L'absence du rire de Féline, du sourire narquois de Mona et des pitreries de Jack rendaient sa matinée presque éprouvante.
-Tu sais, je dois t'avouer quelque chose, dit finalement Annie alors qu'ils sortaient de chez Zonko. Je n'ai pas été très honnête avec toi quand je t'ai invité à cette sortie.
Jasper reporta son attention vers elle.
-Je me suis disputée avec mon copain. J'ai voulu le rendre jaloux alors j'ai décidé de t'inviter. Je savais que tu n'étais pas intéressé puisque, eh bien, dit-elle en rosissant, je suis une fille tu vois et toi tu es, eh bien...
-J'aime les garçons, oui tu peux le dire, dit Jasper avec désinvolture. Ce n'est pas une honte.
-Non bien sûr que non ! s'empourpra Annie, mortifiée à l'idée que ses paroles aient pu suggérer le contraire. Enfin bref, je voulais juste montrer à mon copain que je pouvais me passer de lui, je n'aurais jamais pensé que tu accepterais.
-Je n'ai pas été sincère non plus, soupira Jasper. Moi aussi, j'avais quelqu'un à rendre jaloux.
-Ho, je m'en doutais, ricana-t-elle. Alors tant mieux, je me sentais mal à l'idée de, comment dire, de t'utiliser. Mais si on s'utilise mutuellement alors...
-ANNIE ! s'écria un garçon, se dirigeant vers eux, le nez rouge et les yeux larmoyants. Annie, je dois te parler !
-Lewis ? dit Annie, son visage s'éclairant de bonheur.
-Le fameux petit ami je suppose ? demanda Jasper.
Annie hocha silencieusement la tête alors que le dénommé Lewis courrait vers eux.
-Annie, écoute, balbutia le jeune homme, soudain timide. Je suis désolé, je suis un abruti ! Je t'aime, c'était idiot de ma part de me comporter comme ça. Si tu es d'accord, j'aimerais qu'on en discute un peu, tu veux bien ?
-Je préférais que tu m'embrasses, murmura Annie.
Lewis la dévisagea un instant avant de fondre sur la jeune fille et de l'enlacer avec tendresse. Jasper les regarda, amusé, avant de s'éloigner. Il n'avait plus rien à faire là. Il était content pour eux. Mais sa propre solitude lui arracha le cœur.
-Jasper !
Il se retourna. Annie lui adressa un petit signe du pouce, rayonnante.
-Merci !
-C'est la Saint-Valentin mon vieux, tout est possible, ajouta Lewis avec un clin d'œil avant de s'éloigner avec Annie, paisiblement.
Plus facile à dire qu'à faire. Jack devait sans aucun doute être en train de roucouler non loin, sans se préoccuper de lui. La mine sombre, il s'enfonça dans les rues de Pré-au-Lard à la recherche de Féline et Mona. Peut-être que ses deux amis pourront lui apporter un peu de bonheur dans cette journée décidément bien grise.
Harry pressa le pas. Il était en retard et Drago allait l'étriper. Un sourire amusé se dessina sur les lèvres bleuies par le froid du garçon. Voilà qu'il commençait à appeler Malefoy par son prénom, les choses avaient bien changés. Ça avait d'ailleurs terriblement amusé Hermione, un soir alors qu'ils étaient en train de discuter du cas de Malefoy dans la salle commune des Gryffondor.
-Drago pense que je devrais parler à un journaliste.
-C'est une bonne idée, avait approuvé Ron à contrecœur. Ce type est méchant mais pas idiot.
-C'est drôle, avait dit Hermione, depuis quand est-ce que Malefoy à un prénom ?
-Depuis qu'il est venu au monde j'imagine, avait répondu Harry, se refusant à entrer dans son jeu.
-Ça te plaît de jouer au clown hein ? avait susurré Hermione, narquoise.
-Beaucoup.
-Très bien, continue à faire celui qui ne comprend rien, mais toi et moi savons pertinemment que tu as déjà commencé à considérer Malefoy comme un ami.
Il n'avait pas pu la contredire. Harry n'était pas rancunier. Lorsque Malefoy était venu le trouver en début d'année, décidant de se rallier à lui, Harry avait eu beaucoup de mal à y croire. Mais il avait été touché par la tristesse et le désespoir fataliste du Serpentard. Alors il avait écouté ce qu'il avait à lui dire et Harry avait dû se rendre à l'évidence : ils avaient besoin l'un de l'autre.
Malefoy lui offrait sa puissance magique en tant que sorcier issue d'une grande lignée de magie pure, il lui donnait sa réputation et la main sur une grande partie de la maison Serpentard dont il était le « prince ». Tout cela en échange d'une simple promesse. « Ne m'abandonne pas, avait soufflé Drago. Ma vie est entre tes mains Potter. Je ne te trahirais jamais, je le jure sur ma magie, mais promets de faire tout ce qui est en ton pouvoir pour m'aider à me tirer des griffes de Tu-Sais-Qui. Jure-le ! ». Harry avait promis.
Depuis, les deux sorciers ne s'étaient retrouvés que deux fois, pour préparer leur plan d'attaque. Raconter au monde magique ce qu'il s'était passé lors de la terrible nuit de la dernière tâche du Tournois des Trois Sorciers. La nuit où Cédric fut assassiné et que Voldemort revient à la vie, plongeant Harry dans la terreur. Voldemort préparait quelque chose, il ne resterait pas sans rien faire maintenant qu'il avait retrouvé un corps et Harry devait agir.
Le monde magique devait se tenir prêt. Sinon, une nouvelle guerre éclaterait et des dizaines d'enfants finiraient comme lui, orphelin. Harry ne se le pardonnerait jamais. Et Drago non plus.
Ils avaient noué un drôle de lien. Alliés sans être vraiment amis, complices sans oser s'apprécier. Leurs discussions étaient étranges, ponctuées de rires discrets, de sarcasmes, de silences gênés et de regards hésitants. Harry avait du mal à croire qu'ils se soient si longtemps détestés. Ho bien sûr, Drago était toujours arrogant et tête à claques, mais il était aussi attentif à autrui, respectueux et plein de ressources. Il pouvait presque se montrer agréable, lorsqu'il le décidait.
Harry sentait bien que son cœur était en train de flancher, que la colère laissait place à la curiosité et la rancune au pardon. Peut-être, un jour seraient-ils amis ? Qui sait ? Il était si difficile de savoir ce que Malefoy en pensait. Le masque du Serpentard était une réserve de mystères et Harry avait bien du mal à y comprendre quoi que ce soit.
Le grand jour était arrivé. Aujourd'hui, ils allaient rencontrer un journaliste appartenant au Chat noir, le plus grand journal magique du Royaume-Uni après la Gazette du sorcier. Lorsque Harry poussa la porte du bar des Trois Balais, il trouva sans surprise Drago déjà attablé, deux chopes de bièraubeurre sagement posées devant lui.
-En retard Potter, gronda Drago en se tournant vers lui.
-Ho arrête, on dirait Rogue quand tu parles comme ça, répondit Harry en s'asseyant, retirant son bonnet couvert de neige. Le journaliste n'est pas encore là ?
-Non, siffla Drago avec agacement. Et tant mieux, vu comment tu es arrangé, j'aurais eu bien honte qu'il te voit comme ça.
Sans le consulter ou lui demander une quelconque approbation, Drago leva sa baguette et la pointa sur Harry. Celui-ci ne réagit pas et s'empara simplement de l'une des chopes de bièraubeurre, attendant que Drago ait fini. Depuis quand exactement laissait-il Drago utiliser la magie sur lui sans sourcilier ?
Il sentit ses cheveux reprendre une coiffure plus convenable, le vent ayant transformé ses boucles noires en un nid d'oiseau, le col de sa chemise froissée devient soudainement impeccable et la buée sur ses lunettes disparut instantanément. Satisfait, Drago contempla son travail, un sourire narquois aux lèvres.
-Tu as fini ton cirque ? souffla Harry, moqueur.
-J'aurais pensé que Granger aurait veillé à te rendre présentable.
-Hermione a décidé de ne pas s'en mêler. Ron non plus. Ils ont toujours du mal à croire que tu sois de mon côté.
-Ils doivent être ravis, dit ironiquement Drago.
-Je n'irais pas jusqu'à dire que l'idée les enchante, sourit Harry. Mais ils ne sont pas aussi obtus que ce que tu penses.
Bien que Hermione et Ron aient un peu rechigné, il n'avait pas fallu longtemps à Harry pour les convaincre. L'atout que représentait Malefoy effaçait plus ou moins toutes ses méchancetés passés. Même si Ron avait juré qu'il ne lui adresserait pas la parole tant que Malefoy n'aurait pas présenté d'excuses pour toutes les horreurs qu'il lui avait dit. Harry pouvait difficilement le contredire sur ce point, Drago avait été odieux pendant presque cinq ans, et Ron et Hermione avait peut-être bon cœur, il ne fallait pas trop leur en demander non plus.
-Mr Potter et Mr Malefoy ?
Ils relevèrent la tête, observant l'homme qui venait d'arriver. Il était grand, le visage rosit par le froid et les traits durs. Sa tenue était impeccable : un costume trois pièces gris souris, un chapeau feutre recouvrant des cheveux bruns soigneusement coiffés et un long manteau pendant sur le bras. Malgré son allure stricte et formelle, le sourire chaleureux et le regard bienveillant qu'il leur offrit suffirent à mettre Harry en confiance.
-Je m'appelle Andrew Dickens. Je suis enchanté de vous rencontrer, dit-il de sa voix chaude en leur serrant tour à tour la main.
-Bonjour Mr Dickens, répondit suavement Drago, je vous en prie, installez vous.
-Merci. Bien, je vais aller droit au but messieurs. Sachez que je suis totalement neutre dans cette affaire. Cette neutralité est d'ailleurs l'honneur du journal, nous portons une attention toute particulière à rapporter les faits et que les faits, tels qu'ils sont, expliqua-t-il en posant soigneusement ses mots. Nous laissons aux lecteurs le loisir de se forger ainsi leur opinion en ayant toutes les cartes en main. Vos propos seront donc retranscrits tels quels.
Harry hocha la tête. Il comprenait mieux maintenant pourquoi Drago avait tant tenu à ce que cela soit ce journal qui ait l'exclusivité de leurs révélations. Jamais la Gazette n'avait fait le choix d'une telle impartialité, influençant sans scrupules les lecteurs.
-Si vous êtes d'accord, je pense d'abord interviewer Mr Potter, puis ce sera vous, Mr Malefoy. Nous finirons enfin sur des questions réponses. Cela vous convient-il ? demanda Mr Dickens en sortant une plume et un calepin. Ho ne vous inquiétez pas, ce n'est pas une plume à papote, ajouta-t-il en voyant le regard noir de Drago. Je déteste ces choses, elles transforment toujours les dires des gens, c'est un vrai carnage. Une honte pour un journaliste si vous voulez mon avis. Alors, sommes-nous d'accord pour commencer, Mr Potter ?
Harry sentit son cœur se réchauffer. Enfin, il allait pouvoir alléger sa conscience. Rendre justice à Cédric et surtout, alerter le monde magique. Il croisa le regard serein et encourageant de Drago. Harry sourit. Il savait que quelque part dans la taverne, Hermione et Ron le guettait avec sérieux, veillant sur lui.
Il n'était pas seul, ses amis étaient à ses côtés. Tu-Sais-Qui n'avait qu'à bien se tenir, Harry était prêt.
-Allons-y, dit-il en se redressant, le regard déterminé.
Jack errait seul, allant de magasin en magasin, regardant les articles d'un air désintéressé. Cela faisait bien longtemps qu'Erin lui avait faussé compagnie.
-Écoute Jack, avait-elle dit alors qu'ils venaient tout juste d'arriver au village. Ne le prends pas mal surtout, mais je pense que je vais aller rejoindre mes amies. Je sais pertinemment que si tu m'as demandé de t'accompagner, c'était pour rendre jaloux ton copain. Ho, railla-t-elle devant son air surpris, si tu penses que je n'avais pas remarqué votre petit manège, c'est raté. Tout Poudlard est au courant que vous vous tournez autour.
-Pourquoi avoir accepté alors ? marmonna Jack sans la contredire.
-Pour ne pas que tu te tapes la honte pardi ! La moitié des filles de l'école serait prête à faire n'importe quoi pour avoir un rencard avec toi. Manque de chance, je fais partie de l'autre moitié ! Tu es un beau comme un cœur Overland, séduisant et amusant. Mais tu devrais rejoindre ce type au lieu de perdre ton temps avec moi. Sur ce, bonne journée !
Erin lui adressa un dernier regard presque moqueur, le laissant seul. Elle avait raison. C'est avec Jasper qu'il devrait être. Mais ce dernier était sûrement en train de passer une merveilleuse matinée avec Annie. De quel droit pouvait-il gâcher ça ? À présent, Jack n'avait plus qu'à rejoindre ses deux amies. Les connaissant, elles étaient sans aucun doute chez Honeydukes, occupées à goûter tous les échantillons gratuits disponibles. Si Jack ne pouvait profiter de la compagnie de Jasper, au moins pourrait-il s'amuser un peu avec les filles.
-Jack ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?
Le garçon se retourna brusquement, tombant nez à nez avec un Jasper au nez rougit et au teint blafard. Et surtout, un Jasper seul. Jack le détailla en silence, son cœur se serrant. Bon sang, il était fou de ce type. Il crevait d'envie de lui sauter dans les bras et d'embraser ses joues glacées. L'air interrogateur de son ami le força à s'arracher de sa contemplation.
-Il faut croire que je ne suis pas d'aussi bonne compagnie que ce que je pensais, sourit fatalement Jack.
-Je vois, dit Jasper, goguenard. Il semblerait que moi non plus, Annie a trouvé son compte ailleurs.
-Je ne m'en plains pas.
-Moi non plus, répondit Jasper dans un souffle, soudainement nerveux. Alors hum, qu'est-ce que tu comptais faire ?
-J'allais retrouver Féline et Mona mais je pense qu'elles peuvent encore se passer de moi pour un moment. Tu sais, j'ai entendu dire qu'il y avait un marchand de gaufre dans la rue principale et si tu n'as rien d'autre à faire...
-J'adore les gaufres ! s'écria précipitamment Jasper, ne croyant pas en sa chance.
-Je sais, s'amusa Jack.
Jasper sentit une énorme boule de tendresse lui étreindre la gorge. Peut-être que tout n'était pas perdu finalement. Jack devait en penser de même puisqu'il enlaça timidement sa main à celle de son ami avant de l'entraîner en riant dans son sillage, bousculant quelques élèves surpris.
Non loin de là, cachées derrière des tonneaux, deux sorcières se tapèrent dans la main, ravies.
-Qu'est-ce qu'ils sont mièvres quand même, grimaça Mona. Heureusement qu'on est intervenu. Si tu n'avais eu l'idée d'aller parler à Lewis pour lui faire entendre raison, on serait encore dans de beaux draps.
-On forme une belle équipe de Cupidon, dit Féline en bombardant le torse. Bien, ça te tente des caramels ? Selon mes sources, Honeydukes aurait sorti une nouvelle saveur ! Pomme confite et cerise noire des marais.
-Toi, tu sais comment me parler !
Bras dessus bras dessous, les deux sorcières s'éloignèrent, fièrement comme des paons.
La fin d'année s'annonçait terriblement intéressante. Et elles étaient bien loin de se douter à quel point.
