Bonjour,

Merci beaucoup pour vos lectures et vos commentaires / mises en favori / follow.

Voici le second chapitre.

Bonne lecture (et bon courage).


Olivier88 : Merci à toi pour ta lecture et pour ton commentaire ! Heureuse que cette entrée en matière t'ait plu. J'espère que la suite répondra à tes attentes.


Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami Kurumada (et d'ailleurs... Pardon, Maître, pour ce que j'en fais).


Chapitre 2 : A Wind Of Change

Lundi 6 avril, Sanctuaire, Grèce

Shion réfléchissait en faisant tourner son stylo dans les airs juste au-dessus de son nez. Une manie qui avait toujours stimulé sa concentration, et ce quelle que fût la nature de l'ustensile mis en lévitation. Jadis, il appréciait la plasticité d'une plume d'oie, aujourd'hui il préférait l'aérodynamisme d'un stylo Bic quatre couleurs.

Deux jours. Il ne restait plus que deux jours avant la fin du délai accordé par leur bien-aimée Déesse, et le tableau affiché dans le couloir du Palais comportait encore beaucoup trop de cases vides. Il allait donc probablement devoir user de tous ses talents de persuasion pour convaincre les plus récalcitrants de ses congénères de participer à cette nouvelle aventure. Après tout, il ne leur demandait pas grand-chose. Il avait juste besoin de les voir inscrire leur nom en face de la mission qu'ils jugeraient à la hauteur de leurs capacités. Et après… Le reste ne le concernerait plus.

Athéna avait été très claire sur ce point : le Grand Pope devait rester au Sanctuaire, avec le soutien d'une poignée de chevaliers que le hasard aurait désignés pour demeurer au bercail. Car même en temps de paix, il en fallait bien certains pour veiller sur les antiques maisons zodiacales. Mais tous les chevaliers d'Or sans exception avaient reçu l'ordre de faire leur paquetage. Direction : la France et ses plages idylliques. Puisque il paraissait que c'était là-bas que se trouvait l'olympe des campings européens (ndla : J'en rajoute là ? Non… Peut-être ? Un peu).

Ce constat avait donc fort logiquement conduit Saori Kido, réincarnation de la Déesse de la Sagesse, richissime héritière et étudiante dans l'une des plus prestigieuses Business Schools de Tokyo, à jeter son dévolu sur l'un des nombreux établissements français en vente dans les territoires les plus touristiques. Un établissement dont le nom avait immédiatement attiré son attention, avec presque autant d'évidence qu'un panneau clignotant portant la mention « Attention, signe du Destin ». Puisque l'établissement en question se nommait Le Zodiaque. Rien de plus et surtout rien de moins.

Et d'ici une quinzaine de jours tout au plus, le gratin de la chevalerie devrait donc avoir déménagé dans ce nouveau lieu de villégiature, pour participer à une entreprise inédite dans l'histoire pourtant millénaire des protecteurs d'Athéna. Une aventure originale, ambitieuse et excitante, mais toutefois loin de recueillir l'enthousiasme escompté par celle qui l'avait initiée.

La plupart des concernés ne comprenaient ni l'intérêt ni la finalité de ce projet. Les problèmes rencontrés au Sanctuaire ne seraient-ils pas toujours les mêmes avec des tongs au bout des pieds ? Et puis, la grande majorité des chevaliers n'avaient jamais travaillé. Ils en avaient bavé, avaient souffert toutes sortes de tourments et enduré moult sacrifices, mais ils n'avaient jamais eu à se plier à des obligations aussi bassement matérielles que respecter un planning, répondre aux attentes d'une clientèle exigeante pour ne pas dire capricieuse, ou pire… récurer des sanitaires.

Finalement, seuls les Bronzes tiraient leur épingle du jeu dans cette affaire. Car comme ils étaient encore tous étudiants, ils pourraient attendre la fin de l'année universitaire avant de se voir à leur tour impliqués dans ce surprenant dessein. La Princesse Saori serait quant à elle pleinement investie, la reprise de ce camping constituant en réalité le sujet de son stage de fin d'année. Une belle illustration de maestria divine dans l'art de faire d'une pierre, deux coups.

L'arrivée d'une aura familière sortit le Grand Pope de ses pensées, surtout lorsque l'aura en question fit irruption dans son bureau sans avoir pris la peine de s'annoncer. En même temps, à quoi bon avertir de sa venue quelqu'un qui connaissait déjà la moindre de ses intentions ?

« Alors, tu as réussi à résoudre le casse-tête du siècle ? interrogea le chevalier de la Balance en posant une fesse effrontée sur le rebord de l'imposant bureau popal.

- A vrai dire, je comptais encore sur le bon sens et la dévotion de chacun pour ne pas avoir à me soumettre à cet exercice compliqué, répondit l'ex-Bélier en repoussant d'un index autoritaire l'envahissant fessier.

- Eh bien désolé d'anéantir tes derniers espoirs de manière aussi brutale, mais je viens de vérifier : plusieurs postes restent encore non pourvus, poursuivit le propriétaire de l'importun séant en prenant place dans le fauteuil réservé aux invités.

- Lesquels ?

- Le futur binôme de Marine à l'encadrement des activités enfants, et les deux postes à la réception.

- Et quels sont les noms des derniers réfractaires ?

- Angelo, Aiolos et Shaka.

- Ah oui ? s'étonna Shion en relevant un sourcil qu'il n'avait pourtant jamais eu.

- Tu as l'air surpris.

- Pas pour les deux premiers. Depuis notre retour, Aiolos n'a jamais réussi à retrouver sa place parmi nous, et Angelo… Eh bien disons qu'il a toujours souffert d'un certain degré de « décalage », si je peux m'exprimer ainsi. Mais Shaka, oui, je ne m'attendais pas à ce qu'il se sente aussi peu concerné.

- Eh bien personnellement, ce manque d'implication ne me surprend pas. Je crois que mon divin voisin a dernièrement un peu perdu le sens des réalités. Sachant que sa réalité était déjà à la base assez éloignée de la nôtre, si je peux moi aussi m'exprimer ainsi, s'amusa la Balance.

- Je sais, mais… je pensais que son sens du devoir et sa dévotion pour la Déesse prendraient le pas sur tout le reste. Il faut croire que je me trompais.

- Tu ne peux pas toujours avoir raison sur tout, déclara l'ex-Vieux Maître avec une très légère pointe de malice.

- Certes. Et je constate que ce manque de lucidité semble grandement te réjouir. Pourquoi ce sourire ?

- Parce que je vois que cette histoire de camping t'enquiquine, et cela m'amuse.

- Tu te trompes. J'approuve tous les projets de notre vénérée Déesse.

- Celui-ci est tout de même un peu inattendu. D'ailleurs, je suis convaincu qu'il lui a été soufflé par quelqu'un.

- A qui penses-tu ?

- Poséidon. Il a toujours eu des idées tordues derrière la tête. Demande donc à Hilda.

- Hum, Dohko… Je crois que tu fais ici preuve de mémoire sélective. Je sais que je n'étais pas présent, mais il me semble tout de même que c'était Kanon le responsable dans cette affaire.

- Ah oui. Pardon. Petit oubli passager. Mais cela n'altère en rien mon sentiment. Je suis certain que si l'on investigue un peu, on retrouvera un trident planté quelque part.

- Ce ne serait pas impossible, en effet. Athéna nous a d'ailleurs clairement indiqué qu'elle avait longuement échangé avec d'autres divinités au sujet de la situation des différents Sanctuaires. Il n'y aurait donc rien de surprenant à ce qu'elle se soit entretenue de ce projet avec le jeune Solo.

- Merci d'être d'accord avec moi, pour une fois. Néanmoins, cela ne change pas grand-chose à l'épineux problème auquel tu es confronté : trois tire-au-flanc et trois postes vacants.

- Alors l'équation me semble relativement simple à résoudre ! Je place d'autorité Angelo au Kid's club avec Marine. Après tout je suis certain qu'il cache de grands talents d'animateur. Et Aiolos et Shaka se chargeront de l'accueil de la clientèle estivale. Ça les déridera.

- Voilà un casting infiniment prometteur ! Je suis certain qu'ils seront absolument ravis tous les trois, ironisa le Chinois.

- Tant pis pour eux ! Ils n'avaient qu'à faire connaître leur préférence, comme nous l'avions demandé. Derniers arrivés, derniers servis.

- Je reconnais bien là ton petit penchant despotique.

- Ce n'est pas à mon âge avancé que je vais m'aventurer à changer.

- Loin de moi cette idée ! Je te trouve parfait comme tu es, précisa la Balance en appuyant son propos d'un clin d'œil chargé de sous-entendus.

- Je sais.

- Mais maintenant il te reste à accomplir la tâche la plus ardue : annoncer ta décision aux trois têtes de mule concernées. Et là, je te dis bon courage !

- Merci. Sachant que ce ne sont pas trois malheureux gamins qui vont m'impressionner. J'en ai vu d'autres, comme on dit.

- Certes. Et puis… La grosse tortue n'a rien à craindre de petits scarabées.

- Merci pour la comparaison flatteuse.

- Je t'en prie. Bon, cette affaire étant à présent réglée, au moins sur le principe, abordons une autre question tout aussi fondamentale : tu me rejoins dans mon temple ce soir ? »

En réaction à ce subit changement de sujet, Shion frétilla subrepticement des points de vie en se redressant sur son siège. Puis il plissa des yeux avant de répondre avec un sourire en coin qui frisait la suffisance :

« Le petit lapin gagnerait à se méfier de la fougue de la grosse tortue. »


Sanctuaire Sous-Marin, le même jour

Sorrento de la Sirène faisait les cent pas en tournant autour de son pilier superbement restauré, l'esprit profondément perturbé par sa dernière discussion avec le Dieu des Océans.

Mais où son divin maître était-il allé chercher une idée pareille ? Nul doute que l'influence de Julian y était pour beaucoup. Car seul un étudiant en dernière année d'école de commerce, à l'esprit brillant mais un peu trop zélé, pouvait avoir élaboré les rouages d'un projet aussi insensé.

Reprendre la direction d'un camping. Non mais sérieusement ! Sorrento avait dû faire des recherches pour comprendre de quoi il retournait. Une infrastructure quadrillée de parcelles minuscules, grillant sous le soleil malgré l'ombre des pins maritimes, et disposant d'un terrain assez meuble pour y planter des piquets. Piquets que certains avaient d'ailleurs l'audace d'appeler des sardines.

Et tout ça pour quoi ? Pour que des vacanciers en maillots y installent de petites roulotes tractées par des véhicules motorisés, avec comme seul dessein l'idée de se prélasser dans le sable les doigts de pied en éventail. Vraiment, certains mortels avaient parfois des mœurs assez singulières.

Et pour couronner le tout, le camping en question portait un nom hautement blasphématoire. Un nom qu'aucun humain n'aurait dû avoir l'audace de vouloir employer pour désigner un établissement touristique, fût-il quatre étoiles, luxueux et flambant neuf.

Le Poséidon.

Tout bonnement scandaleux. Comment de simples mortels avaient-ils pu avoir l'outrecuidance d'utiliser de cette manière le nom de son vénéré Dieu, synonyme de puissance et de suprématie du Pacifique Sud à l'Arctique, et de l'affubler en sus d'un méprisable petit article ?

Cela dit, ce détestable affront n'était pas ce qui contrariait le plus l'Autrichien. Non, ce qui troublait la Sirène bien davantage c'était la collaboration que cette nouvelle entreprise allait devoir impliquer. Car les effectifs du Domaine Sous-Marin étant relativement limités, l'héritier Solo avait sollicité le soutien d'Asgard et d'Hilda de Polaris pour venir renforcer leurs rangs. Et la Prêtresse d'Odin n'étant pas rancunière, elle avait accepté d'envoyer ses plus valeureux combattants pour participer à ce surprenant projet. Guerriers qui avaient tous acceptés de se plier aux ordres de leur maîtresse, à une seule petite exception près.

Mais Sorrento ne pouvait s'empêcher d'être méfiant. Cet élan de fraternité Asgardienne paraissait un peu trop opportun pour être honnête. Le Général suspectait donc l'existence d'un complot. Les Guerriers Divins, en acceptant de se mettre au service du Poséidon, cachaient certainement de sombres desseins derrière la candeur de leurs saphirs. Comme par exemple la volonté de faire tourner l'entreprise de son Dieu bien-aimé en eau de boudin.

Surtout que le jeune Solo ne s'était pas contenté de prendre cette décision dans le but louable, et non totalement dénué d'un certain degré de bon sens, de ressouder leurs troupes et de dynamiser un peu leur quotidien sous-marin. Non, il avait aussi eu la faiblesse de faire de la réussite de ce projet l'objet d'un pari contracté avec l'héritière Kido. Car pour une raison obscure qui échappait à l'entendement, tous les Chevaliers d'Athéna se voyaient investis d'une mission en tout point identique à la leur. Même environnement, même lieu, même concept et surtout, même objectif. Seul le nom du camping était différent.

Et ce qui constituait déjà une épreuve en tant que telle aux yeux de la Sirène s'était ainsi mué en un affrontement pacifique dont nul ne sortirait indemne : la bataille pour le meilleur classement au palmarès des plus beaux campings de France. Palmarès qui portait par ailleurs l'appellation ridicule de : « Les Tongs d'Or ».

Le monde sus-aquatique était vraiment déroutant.


Deux semaines plus tard, sur la route entre le Sanctuaire et l'aéroport d'Athènes

Angelo serrait nerveusement son paquet de cigarettes entre ses doigts. A peine vingt minutes qu'ils étaient montés dans la navette les conduisant à l'aéroport, et il sentait déjà des envies de meurtre lui monter aux narines.

« Lolo, regarde-moi : tout va bien se passer, affirma Aphrodite en détachant chaque mot avec calme et conviction.

- Vraiment ? La dernière fois que tu m'as dit ça, tu t'es retrouvé avec la pointe d'une chaîne plantée entre les deux yeux, et moi, je me suis fait balancer à poil dans le fond de mon trou. Et je t'ai déjà dit d'arrêter de m'appeler comme ça !

- Teuh, teuh, teuh. Cette fois-ci j'ai vraiment un bon feeling. Tous les ingrédients pour passer un bel été sont réunis : la mer, le soleil, le farniente…

- Les moule-bites !

- Tout à fait ! Tu vois que tu sais être positif, Angelo ! Et puis d'abord, pourquoi tu t'inquiètes ?

- Je pourrais jamais tous les supporter, rétorqua le Cancer en désignant l'ensemble des passagers du bus d'un mouvement de menton dédaigneux. Déjà qu'en temps normal, j'ai du mal à gérer. Là ça va vite devenir imbuvable !

- Angelo, tu exagères ! s'insurgea le Capricorne. Nos pairs ne sont pas si difficiles à côtoyer au quotidien. D'ailleurs tu aurais pu le constater par toi-même si tu n'avais pas vécu comme un ermite ces cinq dernières années.

- Ouais, ben l'ermite il était très bien tout seul dans son antre avec ses clopes et ses bouteilles ! Et puis, s'il y avait que les autres zozos à s'enquiller, ça pourrait aller. Mais là…

- Là quoi ? questionna le Poissons que les atermoiements du Cancer rendaient de plus en plus curieux.

- Eh ben… vous savez bien quoi…

- Non, on ne sait pas, mais on est tout ouïe, insista Aphrodite.

- Ben va falloir que je m'occupe des gosses !

- Et alors ? C'est tout mimi, ces petites choses fragiles.

- T'es pas sérieux ? Y'a rien de plus dangereux qu'un gamin ! C'est imprévisible, bruyant, dépourvu de tout sens logique, manipulateur et sadique.

- Par La Déesse ! Le grand Masque de Mort aurait-il peur des bambins ?!

- Moins fort Aphro !

- Quoi ? T'as la trouille que les autres découvrent ton petit secret ? T'inquiète pas, Dohko crie beaucoup trop fort dans le micro du bus pour que quiconque puisse comprendre le moindre mot de notre conversation.

- Chaauffeur, si t'es champiooon, appuiiiie-heu, appuiiiie-heu !

- Bordel, c'est vrai qu'il braille l'ancien ! constata l'Italien.

- Je dirais plutôt qu'il a du coffre, et une assez jolie voix de ténor, fit remarquer l'Espagnol dont la sensibilité musicale s'étendait bien au-delà du seul claquement de ses castagnettes.

- Bon, mais je persiste dans mon sentiment. Tout va bien se passer mon Lolo !

- Aphrodite a raison, renchérit le Capricorne. Et puis il faut voir le bon côté des choses : s'évader un peu de notre routine quotidienne ne pourra que nous êtres bénéfiques à tous.

- Puisque vous le dites… Mais votre optimisme n'engage que vous. En tout cas, venez pas me voir pour vous plaindre quand vous en aurez ras la casquette tous les deux !

- Rien à craindre en ce qui me concerne. Je ne compte porter que de grands chapeaux », conclut le Douzième gardien en appuyant son propos d'un mouvement de cheveux gracieux.

A quelques sièges de là, Milo du Scorpion déversait un flot de paroles ininterrompu à son meilleur ami, Camus du Verseau. Flot de paroles qu'il tentait d'enrober de son plus bel accent français.

« J'aimeuh beaucouh la couleuhr deuh vos zeuilles !

- De vos yeux ! Milo, je te l'ai répété un nombre incalculable de fois : un œil, des yeux ! précisa l'exigeant professeur.

- Ah oui, pardon. De vos zieuh !

- Voilà, c'est mieux !

- Et vos cheveuh fouit' sour votreuh nouque comm' oun' riviair' souvageuh.

- Coulent. Je crois que tu voudrais plutôt dire : « vos cheveux coulent sur votre nuque comme une rivière sauvage ».

- Oui, c'est ça ! Tu trouves que c'est poétique ? Vous autres français aimez tellement la poésie, je voudrais être à la hauteur !

- Écoute, de nos jours la poésie n'est plus vraiment nécessaire pour faire la cour à une jeune femme.

- Ah bon ?

- Oui. Tu peux donc parfaitement t'en abstenir.

- Ah ben ça m'arrange ! Parce que pour être tout à fait honnête, c'est pas vraiment mon truc.

- Je m'en doutais. Il me semble d'ailleurs que tu n'étais pas très attentif lorsque j'ai présenté des extraits de poèmes à la fin du dernier cours de français que j'ai donné au Sanctuaire.

- Mais si Camus ! Je buvais littéralement tes paroles, je te jure ! se défendit le Scorpion.

- Vraiment ? insista le plus sceptique des porteurs de cruche zodiacale.

- Vraiment.

- Très bien, alors j'ai cité quels poètes ?

- Euh… Attends une seconde. Ça va me revenir. J'ai leurs noms sur le bout de la langue !

- Je te donne encore dix secondes. Au-delà de ce délai, je serai dans l'obligation de rabaisser ta moyenne pour cause d'inattention avérée.

- Quoi ? Non, Camus, tu me fais marcher, là ?

- D'après toi, Milo ?

- Ah ça y est, je me souviens ! C'était Pautelaire et Fronsard !

- Presque, Milo ! Il s'agissait de Baudelaire et Ronsard.

- Ben c'est exactement ce que j'ai dit. Sauf que j'ai pas mis le bon accent.

- On va dire ça, s'amusa le Verseau.

- En tout cas, je voulais te dire : tes cours sont vraiment supers, tu sais ! Et il me semble qu'on a tous vachement progressé grâce à toi et à Misty.

- Je n'en suis pas si sûr, Milo. Mais je te remercie du compliment.

- Et puis, j'aime beaucoup l'approche pédagogique que vous avez mise en place tous les deux. Elle est à la fois originale et efficace.

- Ah bon ? C'est-à-dire ?

- Eh ben je trouve que ton enseignement d'un français plutôt soutenu complète assez bien celui de Misty beaucoup plus, comment dire ?... basique et pragmatique. Même si perso, j'ai beaucoup plus de mal à comprendre son accent que le tien.

- C'est parce que tu t'es habitué au mien depuis toutes ces années, voilà tout.

- Peut-être bien. Ou alors c'est que j'aimeuh bihein l'acceinte pariziène.

- Parisien. L'accent parisien, corrigea Camus.

- Oui, oui ! L'accent parizihein ! répéta Milo avec la plus grande application.

- Et puis, n'oublie pas que nous avons prévu de poursuivre les leçons après notre arrivée au Zodiaque. Alors vous aurez encore le temps de vous perfectionner avant le début de la saison estivale.

- Ça c'est sûr que pour certains, ce sera pas du luxe ! Bon et sinon, dis-moi un peu Camus : qu'est-ce que t'as mis d'intéressant dans tes valises ? Je parie que tout y est parfaitement rangé, emballé et hiérarchisé.

- Un peu d'ordre n'a jamais nui à personne, Milo.

- D'accord, mais tu m'as pas répondu : y'a quoi dans tes deux énormes bagages à part ton passeport et des bouquins ?

- Des vêtements adaptés à tout type de météo. L'ensemble des documents administratifs requis pour un séjour international. Une somme confortable en francs pour pallier toutes difficultés inattendues. Et de quoi m'occuper lors de nos journées de repos, effectivement.

- Ah ouais. Quelle organisation ! Et attends, je parie que t'as même pensé à apporter toute une tripotée de médocs et des litres de crème solaire !

- Les UVA pénètrent profondément l'épiderme et peuvent entraîner des dommages irréversibles, Milo. Alors oui, j'ai inclus dans mes affaires plusieurs tubes d'écran total ainsi que différents chapeaux. Et tu sauras que les intoxications alimentaires sont fréquentes en période estivale. Donc autant prendre certaines précautions, en effet.

- Ouais, ben moi aussi j'ai pris mes précautions, figure-toi. J'ai apporté une pleine sacoche de capotes !

- Très sage décision. Tu vois que tu sais être raisonnable.

- Évidemment ! Et puis tu m'as assez bassiné avec ton histoire de SIDA. Je suis pas complétement idiot non plus.

- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

- Je me doute. Mais j'aime bien te taquiner. Et tu sais ce qui est cool ?

- Non Milo.

- C'est que je vais pouvoir en profiter non-stop pendant des mois ! » s'exclama le Scorpion en appuyant son propos d'un coup d'épaule amical qui fit apparaître un sourire forcé sur les lèvres du Verseau.

Pendant ce temps, Marine de l'Aigle conversait avec Aiolia du Lion, qui l'écoutait d'une oreille dévouée et attentive.

« Alors, tu as déjà réfléchi aux types d'activités sportives que tu vas proposer ?

- Pas vraiment… Je me dis que ça doit pas être bien compliqué. Des ballons et des filets, et le tour sera joué !

- Aiolia, tous les ados ne sont pas fans de foot ou de volley. Tu devrais peut-être envisager un programme un peu plus varié. Comme, je ne sais pas moi… Du tir à l'arc ? Ton frère a bien dû t'apprendre quelques rudiments. Ou des sports de combat ? Après tout, c'est tout de même notre spécialité.

- Et risquer de blesser un gamin ? Je crois pas que ce soit vraiment une bonne idée.

- Ah mais toi, tu te contenteras de faire les démonstrations ! Et puis certaines disciplines ne présentent qu'un danger modéré. Pense au jujitsu ou à la capoeira. Je suis certaine qu'Aldébaran sera ravi de te donner des conseils.

- Peut-être… C'est une suggestion intéressante, en effet.

- Quoi qu'il en soit, ça tombe plutôt à pic tout ça.

- Quoi donc ?

- Eh bien tu vas pouvoir faire de l'exercice tous les jours.

- Et alors, c'est pas comme si j'en avais vraiment besoin, hein ? interrogea le chevalier du Lion dans un élan de déni dissimulant une profonde inquiétude.

- Mon chéri… Enfin, tu ne peux pas nier que ces derniers temps, tu as pris un peu de…

- Un jour en coloniiie, la si, la soool ! Un jour en colonie, la si la sol, fa, mi !

- Désolé ma biche, je n'ai pas compris la fin de ta phrase.

- Je disais que…

- On sautait sur les liiits, la siiii, la soool !

- Mince, Dohko avait vraiment besoin de sortir du Sanctuaire on dirait ! remarqua Aiolia, ravi d'orienter la discussion vers un tout autre sujet.

- Effectivement. Mais je me demande bien où il a pu apprendre toutes ces drôles de chansons, interrogea fort justement le chevalier d'Argent.

- Certainement pas aux Cinq Pics en tout cas !

- Bon, mais… On parlait de quoi, déjà ?

- De la capoeira, répondit le Lion sur un ton malicieux.

- Hum… Bien essayé !

- Mince… Ma fourberie est démasquée.

- Je disais que tu as bien dû remarquer que tu avais pris du poids ces derniers mois.

- Pfou, deux ou trois kilos, tout au plus !

- Plutôt six ou sept, tu veux dire !

- Alors là, tu exagères !

- Je ne pense pas, Aiolia. Il va falloir te reprendre en main. Et revoir significativement la composition de ton régime alimentaire.

- Tu crois ?

- J'en suis absolument certaine. Et en premier lieu, il faudrait que tu renonces à ton péché mignon.

- Non, tu ne peux pas me demander une chose pareille !

- Je crains que si.

- Non, ce serait au-dessus de mes forces…

- Aiolia, regarde-moi : tu vas devoir être fort, mais tu y parviendras. Et je serai là pour te soutenir, chaque jour.

- Mais Marine…

- Tu n'as plus le choix, mon amour. Dès notre arrivée en France : terminé la Danette au chocolat !

- Vous s'rez privés d'desseeert, la siiii, la soool, vous s'rez privés d'dessert la si la sol, fa, mi !

- Dohko, c'est vraiment pas le moment ! » s'insurgea le fier chevalier du Lion, blessé dans son égo et dans son amour de la crème au chocolat.

Ce cri de révolte fit sursauter Shaka de la Vierge qui s'entretenait silencieusement et philosophiquement avec Mû du Bélier, au sujet du peu d'intérêt que suscitaient les attentes de la vie humaine pour sa divine personne. Par contre, l'élan de rébellion léonine n'entraîna aucune réaction de la part de son aîné, les conduits auditifs du Sagittaire étant totalement obstrués par le hard rock qui jaillissait des mousses de son walkman. Les Gémeaux ne réagirent pas eux non-plus, trop occupés qu'ils étaient à se chamailler pour savoir lequel des deux aurait le droit de prendre le lit du haut dans leur future caravane. Parce que les deux frangins avaient toujours rêvé de dormir dans des lits superposés. Comme quoi, certains souhaits n'étaient pas si compliqués à exaucer.

Et face à tout cela, Aldébaran du Taureau expira un soupir empreint d'une profonde inquiétude. Dans quelle aventure se voyaient-ils une nouvelle fois tous embarqués ? Parviendraient-ils à relever le périlleux défi que leur lançaient les Dieux ? Trouveraient-ils la force et le courage de surmonter les épreuves auxquelles ils allaient devoir faire face ? Et surtout… en sortiraient-ils tous sans séquelles ni blessures ?

Aldébaran, en éternel optimiste, avait envie de croire à leur chance de réussite. Alors il ferma les yeux, et pour balayer ses appréhensions et ses doutes, il se concentra sur les cosmos des douze chevaliers d'Or ici présents. Ses frères d'arme avec qui il avait lutté et donné sa vie devant le Mur des Lamentations. Puis il rouvrit les yeux, rassuré et apaisé.

« I will surviiive, I will surviiiiive ! Héhé ! »

Le Chevalier de la Balance avait encore une fois eu le dernier mot.


A suivre…

Merci pour votre lecture.

Référence pour le titre du chapitre 2 : A Wind Of Change, Scorpions, 1991.