Bonjour,

Comme toujours, un merci chaleureux et sincère pour vos lectures et pour vos commentaires.

Et je profite de cette nouvelle publication pour remercier ma chère Sa-chan pour son soutien.

Voici le cinquième chapitre de mon histoire de tongs et de camping.

Bonne lecture.


Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami Kurumada (je vais arrêter de m'excuser, mais le cœur y est)


Chapitre 5 : Come Out and Play

Huit jours plus tard, soit le jeudi 11 juin, sur une sublime plage des Landes

Shura du Capricorne regardait fixement l'océan devant lui, en se concentrant sur les vagues qui naissaient et disparaissaient selon un rythme régulier mais une portée erratique. Une alliance parfaite de constance et d'inconstance. En bref, un parfait résumé de sa vie. Car tous au Sanctuaire le considéraient comme un modèle de fidélité et de droiture, alors qu'en réalité il n'était que... Qu'était-il exactement ? Incertitude. Dissimulation. Mensonge ?

Non, il manquait sans doute d'indulgence envers lui-même. Après tout, il avait toujours eu tendance à porter des jugements radicaux, et sa propre personne n'échappait pas à la sévérité de son courroux. Parce que s'il voulait faire preuve d'un minimum de discernement dans son analyse, il ne pouvait ignorer ne pas être le seul parmi ses pairs à se trouver dans une situation compliquée. La plupart de ses camarades d'infortune étaient revenus à la vie avec un sacré passif sur le dos. C'était juste que depuis près de deux mois, son passif à lui s'affichait chaque jour devant ses yeux.

Finalement, Shura regrettait le temps où il devait user de tout un panel d'arguments pour convaincre son meilleur ami de délaisser ses bouteilles pour sortir prendre l'air. Tout était tellement plus facile. Pas de tentation. Moins de pensées parasites. Moins de doutes.

Alors qu'aujourd'hui… Por el amor de la Diosa, pourquoi Angelo devait-il être aussi beau ?! Pourquoi devait-il sortir de l'eau là juste devant de lui, la peau gorgée de soleil et les muscles tendus par l'effort que sa demi-heure de nage venait d'imposer à son corps si parfait ? Pourquoi devait-il marcher dans sa direction, en glissant ses doigts de cette manière dans ses cheveux pour les plaquer en arrière ? Et surtout, pourquoi devait-il avoir ce sourire ? Ce sourire pour lequel Shura serait resté aux Enfers, et ce sans le moindre doute, si on lui avait simplement donné le choix.

« Pourquoi tu viens pas te baigner ? »

Et cette voix... qu'il avait tant de fois entendu crier son nom dans les rêves interdits qui habitaient ses nuits.

« Shura, c'est quand même pas moi qui vais te faire la leçon pour vanter les bienfaits du sport et t'alerter sur les dangers de la glandouille ?

- J'ai pas envie Angelo, c'est tout.

- Si c'est parce que t'as pas fini de digérer tes tapas du déjeuner, faut pas t'inquiéter ! Kanon sera là pour te ranimer si besoin. Après tout, la gamine lui a pas payé sa formation de sauveteur machin-chose pour des prunes. Sachant que l'emploi d'un tel qualificatif pour Kanon me fait quand même doucement rigoler. Sauveteur, sans déconner ? Cette vie-là réserve décidément bien des surprises.

- C'est bon, t'as terminé ?

- Ouais. Et alors, tu m'as pas répondu : tu digères ou tu dis rien ?

- Très fin.

- On se refait pas, reconnut l'Italien en se couchant sur la serviette qui jouxtait celle de l'Espagnol.

- T'as pris la place d'Aphrodite.

- Et alors ? Il aura qu'à s'en trouver une autre ! Et puis c'est ici que j'avais laissé mon futal. Et de toute façon, Aphro est toujours occupé à jouer dans les vagues. Un vrai poisson dans l'eau. Sans mauvais jeu de mot. Mais arrête de vouloir changer de sujet ! Pourquoi tu restes planté comme ça sur ta serviette ?

- Il fait trop chaud pour bouger.

- Justement Shura ! Une baignade, ça fait baisser la température du corps ! »

Alors j'en aurais décidément bien besoin ! Mierda, Angelo, arrête de me regarder comme ça !

« Peut-être tout à l'heure, Angelo.

- En attendant, t'en veux une ? » rétorqua le Cancer en tendant au Capricorne une cigarette qu'il venait d'extirper du paquet enfoui dans la poche arrière de son jean.

Ce dernier approuva d'un hochement de tête, et avança sa main pour saisir l'objet tendu par son ami. Il l'observa ensuite se contorsionner pour atteindre le sac posé de l'autre côté de la serviette qui n'était donc pas la sienne, probablement à la recherche d'un briquet. Encore un supplice de plus pour l'Espagnol, car Angelo, en bon Italien de son état, ne portait que des slips de bain. Assez petits de surcroît.

« Aphro doit bien avoir un feu quelque part dans tout son bordel ! maugréa l'ancien Masque de Mort en fouillant sans scrupules dans les affaires du Douzième gardien.

- Mon sac ne contient pas de bordel ! s'offusqua le propriétaire du contenant en question. Chaque chose est à sa place, ou en tout cas, était à sa place avant que tu ne glisses tes sales pinces dedans !

- Oh pardon, j'avais pas vu que t'étais revenu, ma p'tite Sirène.

- Allez, file-moi mon sac, Angie, avant de mettre du sable partout !

- Angie ? s'étonna le Cancer tandis qu'il rendait l'objet de sa quête à son propriétaire.

- Oui, ça, c'est pour la p'tite Sirène », répliqua Aphrodite en tendant son briquet au Capricorne. Briquet qu'il avait trouvé instantanément. Chaque chose à sa place…

« Et puis comme je n'ai plus le droit de t'appeler Lolo, je dois bien me rabattre sur autre chose.

- Ouais, ben je me demande si je préférais pas Lolo ! », protesta l'impatient en approchant sa main de la cuisse de son voisin de serviette pour quémander ce qu'il n'avait pas su trouver.

Shura contint un sursaut en sentant les doigts d'Angelo effleurer sa peau, et céda l'objet convoité. Puis il tira une longue bouffée sur sa cigarette pour étouffer le moindre embryon de pensée. Oui, à cet instant, il se devait de contrôler son esprit pour ne pas le laisser s'égarer dans des réflexions qui ne le menaient nulle part. Après tout, cela faisait plus de dix ans qu'il parvenait à ignorer la vérité de ses sentiments, alors s'adapter à cette nouvelle configuration n'était probablement qu'une simple question de temps. Sauf que s'il voulait faire preuve de la lucidité qui le caractérisait d'habitude, le temps ne jouait sans doute plus en sa faveur aujourd'hui. Car chaque jour passé au Zodiaque en présence du Cancer rendait le supplice du Capricorne toujours plus insoutenable.

« Et en parlant de Sirène ! »

L'exclamation inopinée d'Aphrodite apporta un salut inespéré à Shura, au moins pour le moment. Et ce dernier s'empressa de reporter son attention sur le Poissons qui migrait de quelques pas pour s'adresser au second Gémeaux tout juste sorti de l'eau.

« Kanon, c'est pas ton ancienne collaboratrice là-bas, avec le bikini blanc ? Superbe, soit dit en passant.

- La fille avec la planche de surf ?

- Ah oui. Désolé, chacun s'attarde sur les détails qui lui paraissent les plus significatifs. Mais c'est bien de cette charmante personne que je parle. Alors, c'est Thétis oui ou non ?

- Je sais pas trop. A cette distance, difficile à dire. Et puis, si c'était elle, j'aurais probablement dû ressentir sa présence.

- Eh bien tes yeux comme ton cosmos ont certainement besoin d'une petite révision, parce que cette belle inconnue nous fait signe et court dans notre direction.

- Eh, Kanon ! Salut, comment tu vas ?! s'exclama la jeune femme en arrivant vers le groupe des chevaliers d'Athéna.

- Et nous, on pue ou quoi ?! s'agaça le Cancer en enfonçant dans le sable le reste de sa cigarette.

- Angelo, ton mégot !

- Ah merde, Shura, t'as des yeux sur les côtés ou quoi ? maugréa le fautif en récupérant l'objet de son délit.

- Thétis ! Mais qu'est-ce que tu fais là ? questionna l'ancien Marina sur un ton exagérément enthousiaste.

- Je me suis mise au surf, comme tu vois, expliqua-t-elle en levant la planche qu'elle serrait entre ses doigts. Les gars ont fini par me convaincre ! »

Kanon fronça les sourcils et porta son regard vers l'océan. Il parvenait bien à distinguer des surfeurs parmi les vagues, mais impossible de reconnaître qui que ce fût. Décidément, sons cosmos n'était-il plus aussi affuté qu'auparavant, et ses yeux commençaient-ils à le trahir ? Non, impossible ! Ce léger manque de perspicacité était dû au soleil et aux embruns. Oui, voilà. Évidemment. Un quelconque déclin dans le niveau de ses capacités ferait trop plaisir à Milo pour être acceptable. D'ailleurs, heureusement que le Scorpion venait de partir pour Paris avec son pote le Congélateur Portable, sinon nul doute qu'il aurait déjà eu droit à une bonne salve de moqueries.

« Isaak sera super content de te voir ! poursuivit la Sirène en replantant la pointe de sa planche dans le sable doré.

- Vraiment ? s'étonna l'ex-Dragon des Mers qui demeurait lucide quant aux sentiments qu'il savait avoir générés chez ses anciens partenaires subaquatiques.

- Hum, désolé de vous interrompre mais… Bonjour Thétis ! Je me présente à nouveau, dans l'hypothèse – peu probable – où tu en aurais besoin : Aphrodite des Poissons, gardien de la Douzième maison du Zodiaque, et professeur d'aquagym au Zodiaque. L'un des plus beaux campings des environs, avec, peut-être, celui dans lequel vous avez élu domicile. Le Poséidon, si je ne me trompe pas ? Assez prévisible comme nom, sans vouloir me moquer. Même si nous sommes plutôt mal placés pour critiquer un manque quelconque d'originalité.

- Pardon Aphrodite, je suis infiniment impolie de ne pas t'avoir salué, s'excusa la jeune femme. Bonjour à toi ! Non, je ne t'ai pas oublié, bien entendu ! Et tu as parfaitement raison : le camping dans lequel nous travaillons porte effectivement bien ce nom. Nom que nous n'avons pas choisi, même si cela peut paraître difficile à croire.

- Voilà, et nous, on pue toujours ! Elle commence à me gonfler celle-là ! s'offusqua Angelo qui ne supportait pas de faire de la figuration.

- Désolé de te décevoir, réagit Shura en plongeant ses doigts dans le sable humide à ses pieds, mais tu n'as peut-être pas laissé un souvenir impérissable aux représentants du Dieu des Océans lors de leurs dernières visites au Sanctuaire. En même temps, pour ça, il aurait fallu que t'acceptes de sortir de ton temple plus de cinq minutes. On récolte ce que l'on sème, Angelo !

- Bla bla bla ! Une mémoire courte n'empêche pas d'être poli ! » ajouta le vexé en se levant d'un bond de sa serviette pour se planter devant la représentante du clan Solo et déclarer d'une voix forte et assurée :

« Angelo du Cancer, autrefois plus connu sous le nom de Masque de Mort ! Enchanté, Signora !

- Angelo, quel savoir-vivre ! ironisa Aphrodite.

- Bonjour, balbutia Thétis, surprise par cette subite interruption. Nous n'avons effectivement jamais été présentés. Enfin il me semble.

- Faut croire que non, sinon vous vous en rappelleriez ! affirma le Quatrième gardien, dans un excès de confiance en soi typiquement masculine.

- Probablement », répondit sobrement la Sirène, en notant dans son esprit les qualificatifs « vantard » et « soupe au lait » à côté de la case « chevalier d'Or du Cancer ».

Kanon poursuivit la conversation en se focalisant sur ce nouveau sport de glisse pour lequel les Généraux des Mers semblaient s'être pris de passion. Autant ne pas aborder de sujet qui fâche… Jusqu'à ce que le groupe de surfeurs les rejoignît, Isaak du Kraken et Io de Scylla en tête, suivis de quelques pas par Baian de l'Hippocampe et Caça des Lyumnades. Caça des Lyumnades qui paraissait méconnaissable dans son short de bain multicolore aux motifs étonnants. L'ancien Marina se concentra un instant pour tenter d'identifier la nature du logo bizarre qui apparaissait sur la cuisse droite. C'était quoi au juste ? Un requin ? Un dauphin ? Ah ben non, c'était un babouin (1).

« Thétis, tu fraternises avec l'ennemi maintenant ?! s'écria le gardien du pilier de l'Océan Arctique. Kanon n'avait donc pas commis d'erreur de jugement. Son ancien protégé n'était effectivement pas enchanté de le voir.

- Bonjour Isaak, enchaîna le Gémeaux sans se départir ni de son assurance ni de son apparente sérénité. Moi aussi ça me fait plaisir. Comment te portes-tu ? Tout va bien au Poséidon ?

- Bonjour Kanon. Oui, tout va très bien. Je ne te retourne pas la question.

- Eh gamin, fais attention à ce que tu dis ! Et puis c'est une manie chez vous, l'impolitesse ? On vous a pas appris à dire bonjour à tout le monde, à vous autres les calamars ? s'énerva Angelo qui avait atteint ses limites dans l'acceptation de son insignifiance.

- Nous n'avons pas de leçon à recevoir d'un crabe de ton espèce ! rétorqua Caça en pointant un doigt crochu dans la direction de l'Italien.

- Voyons, Messieurs, aucune raison d'être désagréables les uns envers les autres, tempéra Aphrodite. Nous sommes tous visiblement en repos aujourd'hui, alors pourquoi ne pas essayer de profiter de cette belle journée de soleil tranquillement tous ensemble ?

- Et que proposes-tu, Chevalier des Poissons ? questionna Io de Scylla sur un ton inquisiteur.

- Je ne sais pas ? Un match de foot ? suggéra le Suédois qui venait de voir un ballon traverser son champ de vision.

- Sérieusement ? Tu nous proposes de faire un match ? Contre vous ? Ici et maintenant ? s'amusa Isaak avec un sourire dédaigneux.

- Et pourquoi pas, mini-poulpe ?! T'as peur de prendre une raclée ? asséna le Cancer en félicitant télépathiquement son ami le Poissons pour cette suggestion qui venait de réveiller son penchant le plus compétiteur.

- Certainement pas ! Je craindrais plutôt de vous infliger des blessures. A vos âges, c'est pas déconseillé de jouer au ballon ? Faudrait pas risquer une rupture du col du fémur ou un lumbago.

- Kanon, c'était déjà un sale gosse comme ça quand tu le fréquentais, ou ça lui est venu plus tard ?

- La mauvaise éducation, c'est un mal qui s'acquiert dès le plus jeune âge, Angelo. Va donc te plaindre à Camus !

- Laisse mon Maître en dehors ça, sale traître ! s'emporta le Kraken.

- Ancien Maître, rectifia l'Italien. Je te rappelle que c'est pas toi qui as obtenu l'armure du Cygne, mais ton copain la pleureuse.

- Je te permets pas de parler de Hyoga comme ça ! Il vaut douze chevaliers tels que toi !

- Bon, et ce match alors, on le commence ou pas ? trancha le Capricorne (sans mauvais jeu de mot).

- Je vais chercher un ballon ! déclara Aphrodite. Essayez de ne pas vous étriper en attendant. Thétis, je les confie à ta garde.

- Entendu, approuva la jeune femme. Ils ne broncheront pas. N'est-ce pas les gars ? Nous sommes entre personnes civilisées, en temps de paix et sans rancœur liée à de quelconques affrontements passés.

- Tu parles ! maugréa Isaak en jetant sa planche de surf sur le sable à ses pieds.

- Général du Kraken ! Un peu de retenu ! Sois digne du Dieu que tu sers !

- Pardon, Thétis. Mais…

- Tsut ! Isaak ! » le coupa la Sirène avec la fermeté du Général qu'elle n'était pourtant pas. Encore un exemple flagrant d'inégalité homme-femme jusque dans les rangs des plus hauts dignitaires des armées divines.

« Tu devrais plutôt commencer à réfléchir à votre technique de jeu, poursuivit la stratège aguerrie. Personnellement, je pense qu'il ne faudrait pas sous-estimer la capacité offensive de vos adversaires, et la nature du terrain devrait vous inciter à opter pour un schéma tactique avec un attaquant de pointe… » (ndla : par respect pour l'équité du jeu, le reste de ce dialogue a été écourté. Merci pour votre compréhension).

ooOoOoOoo

Algol de Persée s'amusait à construire des statues de sable, qu'il observait se disloquer lentement sous les assauts répétés de la marée. Il souriait de satisfaction en songeant à la bien meilleure longévité qui caractérisait ses statues à lui, lorsqu'un cri strident lui fit relever la tête.

Jamian du Corbeau porta ses mains en visière sur le haut de son front pour observer l'origine de ce rugissement bestial, et se retourna vers son camarade qui venait de se mettre debout.

« Je crois qu'Angelo a marqué, constata simplement le Britannique.

- Eh ben comme ça, il sera peut-être mieux luné ce soir à la cantine !

- Non mais regarde-le, il célèbre son but comme s'il venait de marquer en finale de l'Euro ! Sachant que ça risque pas d'arriver cette année, puisque sa chère Squadra Azura n'a même pas réussi à se qualifier (2).

- Sérieux ? Alors ça veut dire qu'on n'aura pas à supporter l'hymne italien en boucle pendant quinze jours ? Mais c'est une excellente nouvelle ça, Jamian !

- Ravi de t'avoir si facilement contenté, Algol. Par contre, j'espère que t'as rien contre le God Save the Queen, parce que l'Angleterre joue ce soir son premier match contre le Danemark, et l'Écosse enchaînera demain contre les Pays-Bas. Alors tu te doutes que je compte bien regarder tout ça à la télé du camping. Enfin, si le patron me fout la paix deux minutes. Parce que ces jours-ci, Saga est sans arrêt sur mon dos. Il paraît que quelqu'un lui aurait dit que j'utiliserais les talkies pour faire des blagues de mauvais goût. Comme si c'était mon genre…

- Oui, comme si c'était ton genre, en effet, ironisa le chevalier au bouclier maléfique. Et t'en fais pas pour l'hymne britannique : j'irai bouquiner dans ma canadienne. Bon et sinon, ça se passe où l'Euro cette année au fait ?

- En Suède. Aphrodite risque donc d'être en émoi, répondit l'homme qui parlait à l'oreille des corbeaux en plus de parler au micro des talkies.

- Ah mince ! Pourvu que les suédois se fassent sortir dès le premier tour, sinon ça va devenir imbuvable.

- T'inquiète pas, ils sont dans notre groupe, et vu que la France s'y trouve aussi, ils vont se faire éjecter direct ! Eux et ces pauvres Danois qui ont été repêchés à la dernière minute. Fichue guerre de Yougoslavie (3).

- Tu t'intéresses à la géopolitique, toi maintenant ? s'étonna le dresseur de Méduse.

- Non, mais la Yougoslavie avait une bonne équipe. Et franchement, le Danemark, footballistiquement parlant, c'est pas la panacée ».

Un nouveau hurlement associé à un juron typiquement transalpin vint interrompre la conversation des deux chevaliers d'Argent.

« Nouveau but ? interrogea Algol en se rapprochant de l'océan. Le football, il n'en avait en réalité strictement rien à faire.

- Non, mais on dirait que Kanon vient de manquer la cage adverse alors qu'Angelo se trouvait tout seul face au but. Et du coup, on a droit au retour du Masque de Mort en mode hystérique.

- Et après ça, on dira que le sport est bon pour la santé. Tu me permettras d'en douter ! Au moins en ce qui concerne la santé mentale de certains », conclut le chevalier Persée en plongeant la tête la première dans une vague.

Jamian du Corbeau observa son ami s'éloigner en nageant et consulta sa montre. Il lui restait quatre heures pour se mettre en condition avant le début du match. Pile le temps nécessaire pour retourner au camping, enfiler une tenue acceptable et ingurgiter une bière ou deux.

ooOoOoOoo

Kanon des Gémeaux posa ses mains à plat sur ses cuisses pour reprendre son souffle. Le football n'était pas un sport de tout repos. Ou alors les autres disaient vrai : il se faisait vieux. Bah un peu de sport et une meilleure hygiène de vie suffiraient probablement à le remettre en forme. Sauf que qui disait hygiène, disait sevrage alcoolique, ce qui n'était absolument pas envisageable. Tant pis, il miserait tout sur le sport. Tiens, il n'aurait qu'à se mettre au surf. Tenir debout sur une planche ne devait certainement rien avoir de bien compliqué. Surtout si un type comme Caça y parvenait sans se manger une méduse en pleine face.

« Bien joué les gars ! finit-il par déclarer en se redressant vers ses partenaires.

- Ouais, on les a littéralement explosés ! affirma le Cancer en tapant dans la main du Gémeaux. Même si t'as pas mal vendangé devant le but. Faudra travailler ce pied gauche, Kanon !

- J'y penserai, concéda le droitier.

- Par contre, les mecs, je voudrais pas jouer les rabat-joie, mais vous êtes sûrs qu'on a gagné ? Parce que les quatre porteurs d'écaille là-bas me semblent étonnamment joviaux pour des adversaires supposés accablés par la défaite, fit remarquer Aphrodite en pointant vers les personnes concernées un doigt toujours parfaitement manucuré malgré les nombreux buts qu'il venait d'arrêter.

- Ben c'est que les sardines doivent pas savoir compter ! constata Angelo sur un ton catégorique.

- Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est temps pour nous d'aller saluer nos opposants, proposa le Capricorne qui savait raisonner autant en terme footballistique qu'en terme diplomatique.

- Ouais, t'as raison ! Le fairplay sportif, c'est un sacerdoce ! ajouta l'Italien, qui n'avait aucun mal à digérer la mauvaise foi. Et bien joué Shura ! T'as planté un très beau pointu du droit ! Bellissimo ! »

En prononçant ces mots, Angelo fit claquer sa main contre les fesses de l'Espagnol en signe d'approbation virile et sportive. Le contact de ces doigts sur sa peau ne dura qu'un instant, et fut heureusement atténué par le tissu de son short, mais Shura se sentit plonger dans un puits sans fond. Un puits duquel il était certain de ne jamais pouvoir s'échapper, car son supplice en ce monde serait éternel.


Espace Bar-Restaurant du camping Le Zodiaque, en fin d'après-midi

Misty du Lézard déposa son dernier plateau sur la grande desserte située à l'arrière du restaurant, et poussa un profond soupir. Il venait enfin de terminer la mise en place des tables en préparation du repas du soir, et il n'avait plus qu'une seule idée en tête : avaler un café.

Il n'aurait jamais imaginé qu'un poste de serveur pût être à ce point exigeant. Et encore, il pouvait personnellement compter sur ses capacités de chevalier pour l'aider dans ses tâches quotidiennes, ce qui n'était pas le cas du commun des mortels.

Après avoir accroché son tablier au porte-manteau vissé à l'arrière de la porte battante de la cuisine, Misty quitta la terrasse pour rejoindre le bar. Il y retrouva Aldébaran du Taureau qui conversait avec Dohko de la Balance et Jamian du Corbeau. Ce dernier s'était visiblement apprêté pour la soirée, puisqu'il arborait un très beau T-shirt à l'effigie de la Reine d'Angleterre ainsi qu'un superbe cycliste aux couleurs de l'Union Jack. Cycliste que le Lézard considéra néanmoins d'un regard dédaigneux, Jamian ne rendant pas honneur à cet accessoire incontournable de la mode actuelle.

Le Français se dirigea ensuite vers celle qui était aujourd'hui devenue sa meilleure amie et qui portait le débardeur avec la classe de Lady Di : Shaina de l'Ophiuchus.

« Bonsoir beauté, tu servirais pas un petit café à ton chevalier préféré ?

- Salut Misty ! Alors, t'as cassé combien d'assiettes aujourd'hui ? se renseigna la jeune femme en plaçant une grande tasse en-dessous du percolateur. Car elle connaissait suffisamment son ami pour savoir que petit café signifiait grand café, bien noir et sans sucre.

- Pas la moindre, figure-toi ! rétorqua le prétendu maladroit.

- Avec ou sans tricherie ?

- Avec, tu me connais, avoua-t-il en délivrant un clin d'œil. Pourquoi se priver de nos capacités pour exercer ce second métier que nous n'avons pas vraiment choisi ?

- Parce qu'on t'avait laissé le choix pour le premier, peut-être ? souligna l'Italienne en déposant la tasse de café, remplie à ras bord, devant son camarade d'infortune.

- Non, en effet. Alors je n'ai pas d'excuse, et je dois donc admettre que je ne suis qu'un tricheur. En même temps, c'est pas à mon âge avancé que je vais changer.

- Arrête un peu ! T'as quoi ? Vingt ans, à tout casser ?

- Vingt-et-un ! Le Onze octobre prochain. J'ai commencé à me renseigner pour trouver une bonne crème anti-rides.

- Alors on a le même âge, andouille ! Et tu crois que j'ai besoin de me badigeonner le visage pour avoir une allure acceptable ?

- Mais toi, tu es toujours parfaite, ma chère. Ce qui n'est plus mon cas ! Mon passage chez Hadès a laissé des traces. Regarde la peau sous mon menton, elle pendouille !

- N'importe quoi ! Misty, tu délires ! Dis tout de suite que tu ressembles à Dohko ! Version grande cascade, j'entends.

- Qu'est-ce que j'ai encore fait ? s'écria la Balance qui venait d'entendre prononcer son nom.

- Rien du tout, mon chou ! rétorqua l'Ophiuchus qui avait visiblement décidé de faire fi de toute barrière générationnelle entre le patron du bar et elle-même. Bon Misty, poursuivit la jeune femme en rivant ses grands yeux verts dans ceux de son vis-à-vis, arrête un peu tes idioties et prends deux minutes pour te regarder dans une glace. T'es beau comme un Dieu !

- Tu le penses vraiment ?

- Oui, je le pense.

- Mais attends, à quel Dieu tu fais référence ? Parce que je veux pas dire, mais certains sont tout de même particulièrement vilains. Regarde Héphaïstos par exemple.

- Encore une ânerie ! Il n'était que boiteux, je te rappelle !

- Ah bon ? Tu en es certaine ?

- Absolument ! Faudra réviser tes classiques, ma poule (ndla : un comble pour un lézard). Alors fin de la discussion : t'es beau, point barre. Tu veux un autre café ?

- Quelle heure est-il ? interrogea celui qui affichait à présent un large sourire satisfait.

- Presque dix-sept heures.

- Alors non merci, sinon je n'arriverai pas à dormir. Je ne m'autorise jamais aucun excitant après cinq heures de l'après-midi.

- Tu rigoles ou quoi ?! faillit s'étouffer Shaina en avalant le café bien serré qu'elle venait de se servir. Car en parfaite italienne, la caféine coulait sur elle comme la pluie sur le toit de sa canadienne. Enfin sauf en cas de gros orage, évidemment.

- Non, pourquoi ?

- Oh pour rien. Mais tu sauras que l'alcool est un puissant excitant. Donc…

- Donc… je rectifie mon propos : jamais aucun aliment ni boisson contenant caféine, théine, gingembre et tutti quanti, après dix-sept heures.

- Gingembre et tutti quanti ? Vraiment ? renchérit la jeune femme en relevant un sourcil.

- Ah non, pardon. Je dois également rayer cet ingrédient de ma liste. Comme tous les autres aphrodisiaques, dont je n'ai pourtant pas besoin, hein. Mais autant rester prudent. Bon eh bien en définitive, il ne me reste plus que la caféine et la théine à éradiquer, si je comprends bien.

- Tout à fait ! Et du coup… Voudrais-tu un petit remontant ? Parce que Dohko vient de dénicher une grappa, dont tu me diras des nouvelles !

- Qu'est-ce que je viens de dénicher ?! s'exclama le Septième gardien qui laissait décidément traîner ses oreilles partout.

- Par la Déesse ! Il est toujours comme ça, ton patron ?

- Oui, Misty. Toujours. Et encore, t'es loin d'avoir tout vu ! » révéla l'Ophiuchus en se retournant pour saisir la bouteille de grappa que la Balance avait hissé tout en haut du bar. Probablement en ayant eu besoin de faire usage d'un tabouret.


A suivre…

Merci pour votre lecture.

Référence pour le titre du chapitre 5 : Come Out and Play (Keep 'Em Separated), the Offspring, 1994.


Notes :

(1) Caça porte un superbe short de bain de la marque au singe LC Waïkiki, très en vogue en France à cette époque, et qui était de *toute beauté* (je sais de quoi je parle, j'en avais dans ma penderie !).

(2) Je fais ici référence à l'Euro de football 1992, dont la phase finale s'est déroulée en Suède du 10 au 26 juin, et qui a été remporté – à la surprise générale – par le Danemark.

(3) Pour la petite histoire (qui s'inscrit toutefois ici dans la grande), l'équipe du Danemark ne devait pas participer à la phase finale et a été repêchée peu de temps avant le début de la compétition pour remplacer celle de Yougoslavie, exclue en raison de la guerre qui avait commencé un an plus tôt, et qui l'avait devancée d'un petit point au classement dans le groupe 4 des éliminatoires.