Jared m'a embrassé.

Enfin, presque, mais c'est plus frappant de le dire ainsi. Hier soir, après qu'il m'ait raccompagné, je sautillais partout et j'ai hurlé dans mon oreiller. Il s'est montré adorable, respectueux, présent … Et je le revois aujourd'hui. C'est le plus beau des dimanche. Il n'y a pas de musique mais mon corps gesticule comme s'il souhaitait danser. J'ignore si c'est de l'anxiété ou de l'excitation. Je n'ai presque pas fermé l'œil de la nuit. C'est pourquoi je m'agite dans la salle de bain pour me brosser les cheveux lorsque la sonnette se fait entendre dans toute la maison.

- Merde … Je marmonne avant de décaler les escaliers en trombe tout en attachant mes cheveux en une simple queue de cheval. J'arbore un col roulé couleur brique, un simple jean taille basse et mes banales converses. Un large sourire s'empare de mes traits tandis que j'ouvre la porte.

- Salut ! Entres, je suis un peu en retard. Je lance à Jared, dont les yeux brillent de cette habituelle noirceur.

- Salut, merci. Prends ton temps surtout. Il réplique en passant le pas de la porte alors que je la referme.

- Euh … Fais comme chez toi. Tu veux boire quelque chose ? T'as faim ? Je lui demande en montant à l'étage pour aller chercher mon blouson dans ma chambre.

La pièce est assez exiguë. Le papier peint a jaunit, les meubles sont en bois, mon lit est couvert d'une couette d'un bleu pâle et la fenêtre est en forme de cercle. Cependant, alors que je m'attendais à ce que Jared demeure en bas des escaliers, je me retourne, mon blouson à la main, et le vois juste derrière moi. Debout. Dans ma chambre. Jared Cameron. J'essaie de rien laisser transparaître. S'il savait pour la boîte pleine de souvenirs à son sujet, juste sous mon lit, à quelques mètres à peine, il me prendrait pour une sacrée dingue et il aurait parfaitement raison. Il est si grand et il dégage tant de confiance qu'il me semble envahir l'espace, comme s'il possédait les lieux, comme s'il faisait de la chambre un territoire. Et une pensée, certainement issue de mes hormones d'adolescente, me donne envie d'être la chambre. Ses pas font grincer le parquet et il observe chaque détail. Le brun m'effleure alors qu'il se dirige vers le mur sur lequel j'accroche de nombreuses photos de paysages ou de souvenirs.

- C'est jolie. Ça te ressemble. Il complimente la décoration en faisant un geste vers les photos aux murs, et mes quelques livres.

- Merci …

- Sympa, les photos. T'es une photographe de talent.

Je ne peux m'empêcher d'esquisser un rictus, surprise.

- Une photographe ? C'est pas grand chose … Je souffle

- Acceptes le compliment. Jared se contente de rire en quittant à son tour la chambre.

Il est vrai que j'ai du mal à accepter. Les compliments, les critiques, les situations, les gens, le changement, ma vie … Ce qui me conduit à l'angoisse. Comme aujourd'hui, je peine à accepter qu'on se rende directement à la plage de la Push. Je voudrais qu'on me foudroie et j'y vais seulement pour le garçon que j'aime. Ce garçon qui bouscule toutes mes certitudes.

Sur le chemin, Jared et moi en avons profité pour marcher à l'orée de la forêt et près de la route. Cela m'a permis de gagner du temps et de prendre quelques photos. Je ne m'engouffre jamais bien loin entre les arbres, malgré leur apparente beauté, ils semblent nous protéger de la dangerosité de ce qui habite la forêt. Les vagues viennent lécher le bord de la falaise et caressent le sable qui s'étend sur la plage. C'est comme un tableau qui mêle du bleu, du gris et du beige. Ça me retourne presque l'estomac.

- T'es sérieux, tu sautes de la falaise ?! Je m'exclame, impressionnée.

- Ouais. Répond Jared avec désinvolture, comme si ce n'était pas grand chose.

- Mais t'as pas peur ?

- En ayant peur, tu te fais du mal deux fois. Si ça doit se passer mal, ça se passera mal, mais si ça se passe bien t'auras perdu ton temps à penser au pire.

Je ne mets jamais les pieds ici, insensé pour une quileute, sous aucun prétexte. Mon souffle est court et, dès que je cligne des yeux, une image s'impose à moi. C'est les années quatre-vingt-dix. Deux petites filles jouent sur cette même plage, Lynn et Kim, deux fausses jumelles qui se tiennent la main. Moi et ma petite sœur. Sauf que cette histoire remonte à il y a plus de dix ans et que les petites filles ne sont plus des enfants. Je ne sais même pas si l'une d'entre elle est encore en vie. Je crois qu'une partie de moi est morte ici. L'image est floue, elle disparaît petit à petit, tant j'ai de mal à me la remémorer.

- Tu veux en parler ? Oublies pas, si c'est trop compliqué, on s'en va sur le champ.

La voix de Jared m'arrache à mes pensées qui vagabondent au loin, si loin. Il me force à avoir les pieds sur terre. Nous nous promenons sur la plage, l'un à côté de l'autre, avec un court espace vide envahit de tension qui nous sépare. Les mains dans les poches de mon blouson, j'hoche les épaules et traîne des pieds. Par la suite, le beau brun me propose de m'assoir sur le sable, ce que j'accepte.

- C'est douloureux. Je … Nous étions toute petites. Moi, Lynn, maman et papa. La petite famille parfaite. Nous étions des gens heureux. Ce genre de gens qui pensent que le malheur, le malheur véritable, n'arrive qu'aux autres ou dans les émissions télés. À l'époque, je pensais que la réserve représentait l'immensité du monde. Qu'il n'y avait rien d'autre que ces majestueuses forêts, nous, et cet océan. Jusqu'à cette journée sur la plage. Cette journée avait commencé comme un rêve. Enfin, c'est comme ça que je m'en souviens. C'est nébuleux. Le ciel était dégagé et moi et Lynn jouions dans le jardin. A l'époque, ma mère travaillait à la maison, elle peignait beaucoup et … J'explique en regardant vers l'horizon, hésitant à continuer.

- Continues, s'il te plaît. Prononce l'adolescent en attrapant ma main entre ses doigts, longs, à la chaleur si agréable. Les battements de mon cœur accélèrent tandis que je reprends mon récit.

- Lynn a eu l'idée d'aller jouer sur la plage. Elle était si intrépide, amusante, bagarreuse. J'avais beau être la plus grande, je crois qu'à l'époque je faisais tout pour lui ressembler. Alors on a filé sans prévenir notre mère. On courait sur la plage, sans trop oser approcher l'océan … Et puis … Ça devient très flou, je crois que mon cerveau fait un blocage … J'ai vu quelque chose qui brillait et … J'ai perdue Lynn de vue. Je n'ai jamais revu ma sœur.

Alors que je raconte cette événement traumatisant, je sens mes sourcils se froncer et j'ai conscience de la noirceur de mon regard vers la mer. J'aurais dû être plus responsable. J'aurais dû lui tenir la main. J'aurais dû prévenir ma mère. J'aurais dû hurler.

- Je suis rentrée seule à la maison. Ma mère nous cherchait, en panique. Mon père est rentré en trombe du travail. Depuis, ils n'ont jamais été les mêmes. La police m'a interrogé, mes parents m'ont posé des centaines de questions, et c'était le début d'une enquête sans fin … Lynn s'était envolée. On a même pas trouvé son corps, nous n'avons rien. J'espère qu'elle est morte vite, sans douleur.

- Ne dis pas ça. C'est ta sœur.

- Justement, Jared, je sais que tu as des sœurs mais … Tu ne sais pas ce que c'est. Je préférais voir son corps froid et sans vie plutôt que d'imaginer les mille sévices qu'elle a dû subir ou les terribles choses qu'elle doit vivre. J'ai l'impression que ma sœur n'a jamais existé, que je l'ai inventé dans ma tête, que je suis folle … J'ai oublié le son de son rire, la manière dont sa fossette se creusait qu'elle riait, et la sensation de sa main dans la mienne. J'oublie ma sœur alors que quand j'étais enfant, c'était la seule certitude que j'avais. Elle était ma seule certitude. C'était un autre morceau de moi et c'est ma faute. J'ai transformé un rêve en cauchemar.

Qu'est-ce qui me prend, de lui raconter tant de choses ? Ça ne doit même pas l'intéresser. Je sens mon estomac se crisper, un poids dans ma poitrine. Pourtant, Jared serre ma main, et glisse ses doigts sur ma joue. Ils entrent en contact avec une larme, qui coulait sans que je ne le réalise. Je cligne des yeux, à plusieurs reprises, gênée. Je me donne en spectacle.

- Je suis désolé que ça te soit arrivé. Je suis désolé pour ta famille. C'était pas de ta faute, Kim, d'accord ? Répètes après moi.

- Je sais, mais …

- Dis le. Il insiste.

- Ce n'était pas de ma faute. Je prononce, comme si les mots m'écorchaient la bouche, même s'ils me procurent quelque chose de libérateur.

Les lèvres de Jared viennent se déposer sur mon front et ça me refait ce truc dans le ventre. Cette sensation de papillons qui s'envolent pour tout conquérir. Son menton se dépose au dessus de mon crâne et je m'imprègne de son odeur. Une délicate odeur de nature, unique, propre à sa peau. Je pourrais rester ainsi pour l'éternité, si ce n'était pas ici.

- On peut aller ailleurs ? Je souffle sans me rendre compte de l'ambiguïté de ma phrase. Jared sourit en coin, attrape ma main et me permet de me redresser.

- Bien sûr. Je voudrais te présenter des amis.

*

Sam Uley a toujours eu mauvaise réputation. Ma mère dit toujours qu'il faut éviter les personnes de ce type. Ses parents ont eu un mariage chaotique et son père a mis les voiles alors qu'il était tout petit. Dans le coin, ça fait mauvais genre. Et lorsque sa mère est décédée pendant qu'il n'était encore qu'au lycée, les choses ne sont pas aller en s'arrangeant. En effet, il y a quelques mois il a disparu du lycée pendant des semaines, tout comme Jared et Paul après lui, et est revenu bien différent, les cheveux courts et … L'air plus âgé. On raconte qu'il se drogue et qu'il a brisé le cœur de la fille Clearwater après avoir mis la cousine de la pauvre fille dans son lit. On dit qu'il s'agit d'une mauvaise influence sur les garçons de la Push qui pourraient aspirer à ressembler à ce sale voyou. Ma mère dit qu'Emily a trahi sa famille pour écarter les cuisses face à un garçon qui la quittera, comme son père. Pourtant, ce tableau ne colle pas avec celui que j'observe.

- Je te ressers, Kim ? Prononce la ravissante Emily alors que je viens de terminer mon assiette. Je lui souris et hoche vivement la tête.

- Je veux bien s'il te plaît, mais je ne veux pas abuser …

- Ne t'inquiètes pas, j'ai l'habite avec les garçons, et ça me fait toujours plaisir. T'es vraiment adorable, il faut que tu manges. Paul ne devrait pas tarder, j'ai mis sa part de côté. Elle me répond avec une infinie douceur, presque maternelle, en me resservant des lasagnes.

Jared m'a emmené chez Sam pour le rencontrer, lui et sa petite amie, Emily Young. C'est elle la jeune fille qui a été attaquée par un ours il y a quelques semaines. La pauvre, son sublime visage est désormais à moitié ravagé par cette terrible expérience. Par respect, j'évite de m'attarder à l'observer. Néanmoins, cela n'empêche pas Sam de la regarder avec dévotion et une admiration sans bornes. Il l'aime de tout son cœur et je ne sais pourquoi, ce regard m'est familier. Ils habitent une jolie petite maison tout près de la forêt, et nous dînons dans leur cuisine. Il y'a tellement de vie qui se dégage des lieux, des murs, et Jared semble tout à fait à son aise. Il semble très proche de Sam, mais différemment qu'avec Paul ... Il le respecte, purement.

- Jared est gentil avec toi ? Me demande le fameux Sam, avant que je ne m'étouffe presque, surprise qu'il m'adresse la parole. Il m'intimide. Les yeux de Jared s'élargissent et il me sert à boire.

- Oui oui, bien sûr … Il essaie toujours de m'aider. Je réponds, après avoir bu, démontrant malgré moi à quel point Jared aide au quotidien l'empotée que je suis. Sam se contente d'esquisser un imperceptible sourire et d'hocher la tête, avant d'engouffrer son visage au creux du cou de sa petite amie et colocataire.

Ne voulant pas me montrer curieuse, même si je le suis de leur histoire, je détourne mon attention. Comme quoi, ma mère peut avoir tord. Sam Uley est quelqu'un de bien et Emily Young l'est encore plus.

*

Le ciel gris de Forks me surplombe alors que mon vélo déambule dans les rues de la petite bourgade. Quelques jours plus tard, un mercredi avant les cours, j'en profite pour aller faire développer mes photos. Le soleil s'est levé il y a peu. Le vendeur m'accueille en mâchant bruyamment un chewing-gum, je lui tends ma pellicule, et je patiente dans la boutique. D'habitude, c'est ma mère qui se rend ici ou alors je l'accompagne, mais cette fois ci, je me suis munie de mon vélo et j'ai fait le chemin toute seule … J'aimerais me sentir comme une adulte mais j'ai l'impression qu'être fière de cela me rend enfantine. Pourtant, je ressens un soupçon de fierté. Je peux faire des choses seule.

- Merci beaucoup ! Je m'exclame en rémunérant l'homme à l'expression si ennuyée, mais rien ne pourrait me gâcher mon plaisir pendant que je quitte la boutique, une enveloppe contenant mes photos à la main.

J'apprécie ce processus à l'ancienne. C'est charmant. S'il vous plaît, faites qu'elles rendent bien. Trépignant d'impatience, je m'empresse de déchirer l'enveloppe, assise sur les marches de l'escalier qui donne accès à la boutique. Les photos au papier brillant sont un délice sous les doigts. Je les ai toutes prises ce mois ci. Le lycée le jour de la rentrée, une photo de Jared à la plage, une photo de Paul et Jared qui rient à la pause déjeuner, une photo de moi qui pose dans ma chambre dans une robe qui meurt d'ennuie dans mon placard, une des goutes de pluie sur une vitre, une de la forêt, une plus près de l'orée de la forêt … Cette dernière est sombre et j'y aperçois quelque chose qui me glace le sang. Un animal aux prunelles claires. Comme si elles transperçaient la photographie. Un animal si immense, qui se situe entre les arbres, il était tout près lorsque j'ai pris la photo … Il semble tout droit sorti d'un mauvais rêve. Son pelage si sombre se fond presque avec celui du paysage, mais le noir de sa fourrure est encore plus obscur que le vert des arbres. C'est un loup. Un loup terrifiant. Je pourrais l'avoir imaginer, mais il est bien présent. J'ignorais qu'il y en avait dans la région, si près de la réserve. À la pensée que des loups rôdent, j'en frisonne.


Voilà le prochain chapitre ! J'adore ce suspens. Souvent, dans les fics, on annonce à l'imprégnée que les légendes sont vraies. J'ai préféré faire en sorte que Kim découvre en partie d'elle même ce secret, un peu de la même manière dont Bella a découvert ce qu'était Edward, car je pense que ces deux personnages féminins se ressemblent. J'ai apprécié écrire la rencontre avec Sam et Emily, pour l'instant le groupe est tout petit par ce que j'essaie un maximum de garder le rythme des transformations de la saga officielle. ( petit rappel pour l'instant la meute est composée de : Sam, Emily, Jared et Paul ). Selon l'ordre, les prochains devraient être Embry, ensuite Jacob, puis Quil, et Leah, Seth, Brady, Colin ... Nous verrons, nous avons tout notre temps. Évidement, pour l'instant notre chère Kim n'a aucunement conscience de ce que représente réellement ce loup. Je vous avoue que je suis en pleine période d'examens assez angoissante et cette fanfic me permet de m'évader le temps de quelques chapitres. Je le rappelle, n'hésitez pas à laisser des reviews par ce que je vois que le nombre de lecteurs est stable, c'est motivant ! Je crois que ce chapitre est un peu plus long que d'habitude.

Alexise-me : Concernant la mère de Kim, tu as parfaitement raison ! Elle existe par procuration à travers sa fille et d'un autre côté elle la limite énormément. J'essaie de distiller un peu partout des détails de cette relation excessivement toxique. Évidement, sa mère ne voit pas de psychologue, je crois que c'est une forme de déni. Ce sujet sera grandement développé plus tard dans l'histoire. Merci à toi de toujours prendre le temps de me laisser un mot, ça me fait très plaisir et c'est inspirant.

SuLan : Merci pour ta review sur le chapitre 3 ! J'ai aussi très hâte de continuer à raconter cette histoire. Bon, je ne sais pas si tu es arrivé jusqu'ici, si c'est le cas j'espère que l'histoire te plaît. Bisous !