Hello,

Alors mes bonnes résolutions n'ont pas tenu longtemps puisque comme vous pouvez le constater, j'écris toujours aussi lentement. Toutes mes excuses, et merci à vous de continuer votre lecture malgré tout. J'espère que ce nouveau chapitre vous plaira.

Bonne lecture.


Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami Kurumada, mais pour le reste : mea culpa.


Chapitre 11 : Nothing Else Matters

Bar du Zodiaque, le soir-même, vers 22h38 (oui, c'est très précis)

Son casque de DJ calé entre son oreille et son épaule, Milo préparait le prochain enchaînement selon l'ordre établi sur sa setlist. Une setlist qu'il avait toutefois dû préparer un peu à l'arrache, puisque quelques heures auparavant, il courait en crampons au beau milieu d'un stade.

Il retira le vinyle qui venait de s'immobiliser sur la partie droite de sa platine pour le remplacer par celui qu'il avait choisi dans la grosse pile à ses pieds. Il laissa filer la musique du précédent morceau encore un peu, puis d'un mouvement agile de son index il lança le nouveau, tout en guettant la réaction de son public.

Les premières notes de Rythme Is A Dancer s'élevèrent des enceintes disposées aux endroits les plus stratégiques de la terrasse, et un sourire satisfait étira les lèvres du Scorpion. Les clients semblaient apprécier sa sélection musicale, certains abandonnant même la dégustation de leurs cocktails pour rejoindre la piste de danse. Snap était définitivement une valeur sûre en ce début d'été.

Ce subit élan d'enthousiasme contraignit Shaina de l'Ophiuchus à débuter un slalom dont elle se serait pourtant bien passé, déclenchant dans le même temps un frisson électrique à l'extrémité de ses doigts. Le contrôle de ses pulsions destructrices atteignit son paroxysme lorsqu'elle dut éviter un client excité qui venait de bondir de sa chaise en hurlant un « hiii, j'adore cette chanson ! », et elle poussa un ouf de soulagement intérieur quand elle parvint enfin au comptoir. Elle y rejoignit ses amies Geist et June, arrivées l'après-midi même au Zodiaque de leur mission humanitaire en Somalie.

June avait mis à profit cette expérience pour effectuer son stage de troisième année de médecine – la jeune femme ayant choisi de s'orienter dans la même voie professionnelle que son ancien compagnon d'infortune – le tout sous la supervision de Geist qui dirigeait la mission pour le compte de la Fondation Graad.

L'héritière Kido avait depuis plusieurs années déjà décidé de dédier une partie de sa fortune au soutien des populations les plus démunies, et une section entière de son organisation se consacrait à la mise en place d'interventions humanitaires aux quatre coins du globe. Plusieurs chevaliers avaient accepté de s'impliquer dans ces projets après leur résurrection, parmi lesquels Geist avait été l'une des premières à se porter volontaire. Shaina et Marine l'avaient accompagnée sur différentes missions, lorsque leurs obligations envers le Sanctuaire leur permettaient de le quitter, et l'Italienne était donc ravie de retrouver son amie aujourd'hui.

Shaina déposa son plateau sur le bar, et se retourna vers les deux femmes-chevaliers qui discutaient tranquillement avec Shun, Hyoga et Seiya, en sirotant des margaritas.

« Tout se passe bien, les filles ? Je vois que Dohko vous a déjà fait profiter de son incroyable talent. Plutôt étonnant, vous trouvez pas ?

- Totalement bluffant, tu veux dire ! s'exclama la brune en faisant tourner son cocktail dans le fond de son verre. Ces margaritas sont absolument délicieuses.

- Et vous avez encore rien vu ! s'enthousiasma Seiya tandis qu'il terminait son demi pomme-kiwi. Le maniement du shaker devient une véritable prouesse artistique dans les mains du Vieux Maître !

- Ouais, un peu comme toi avec un ruban ! ajouta Hyoga après avoir avalé une gorgée de sa vodka Orangina (ndla : vous n'avez jamais goûté ? Eh bien moi non plus !)

- Qu'est-ce que c'est que cette histoire de ruban ? s'enquit aussitôt l'Ophiuchus juste avant d'interpeler Dohko afin de passer sa commande. Car même si elle était débordée, il était inconcevable qu'elle laissât filer une information pareille sans obtenir une petite explication.

- Hyoga ! s'offusqua le chevalier ailé en frappant l'épaule de celui qui prétendait être son ami. T'aurais pas pu la boucler ?!

- Désolé, ça m'a totalement échappé ! s'amenda le Cygne qui étouffa un rire empreint d'une bonne dose de mauvaise foi.

- Alors, Seiya, cette histoire de ruban ? insista Geist dans la ferme intention de poursuivre l'inquisition initiée par sa meilleure amie.

- Ah ça ? C'est trois fois rien… Non, c'est vraiment pas grand-chose, et en définitive, ça ne présente même aucun intérêt.

- Ça me paraît très intéressant, au contraire ! N'est-ce pas, Shaina ?

- Tout à fait, Geist ! approuva l'Italienne en disposant de nouveaux verres sur son plateau.

- Je suis flatté de l'intérêt que vous me portez, les filles, vraiment. Mais franchement, ça n'en vaut pas la peine !

- Permets-nous de nous forger notre propre opinion, déclara l'ancienne pensionnaire de l'Ile Maléfique sur un ton catégorique. Alors, Seiya, de quoi s'agit-il exactement ? Me dis pas que tu t'es récemment pris de passion pour la GRS ?!

- Et pan, dans l'mille ! s'exclama Hyoga en reculant d'un pas pour éviter de nouvelles représailles en provenance du chevalier vexé.

- Ouais bon, ça va ! Aucune raison d'en faire tout un plat ! Mon cursus impose la pratique de disciplines sportives multiples et variées, dans le but honorable de défendre l'éclectisme au sein de l'enseignement de l'éducation physique. Alors voilà. Pas de quoi fouetter un chat ! Ni un cygne d'ailleurs. Hein, Hyoga ? Non, parce que niveau petit pas de danse, je crois que t'as pas vraiment de raison de la ramener !

- Oui, mais moi, je n'ai jamais eu besoin de m'encombrer d'accessoires pour mettre en valeur toute la grâce de mes mouvements.

- Oh mais je suis certaine que Seiya a dû déborder d'enthousiasme et d'application avec un ruban à la main ! affirma Geist sans prendre la peine de masquer le petit rire moqueur qui étirait ses lèvres. D'ailleurs, c'est dommage que personne n'ait pensé à immortaliser ce grand moment d'élégance et de souplesse.

- Alors justement… »

Hyoga n'eut pas la possibilité de poursuivre son propos, Seiya ayant plaqué une main rageuse contre la bouche de celui qu'il venait de rayer sans scrupules de la liste de ses meilleurs amis.

« Qu'est-ce qui se passe, ici ?! grommela Ikki en arrivant près du bar, un grand plateau chargé d'une dizaine de verres vides entre les mains.

- Rien du tout, s'empressa de rétorquer Shun. Autant ne pas impliquer son grand frère dans cette discussion qu'il aurait certainement un peu trop apprécié.

- Alors pourquoi les deux autres idiots se chamaillent comme des gosses ? Dohko, trois whisky coca, deux rhums arrangés, une vodka pamplemousse, un Cosmopolitan, une tequila, deux bières et deux jus d'ananas, s'il te plaît !

- Purée, ils ont une sacrée descente les autres, ce soir ! remarqua le Maître es cocktail depuis l'autre côté du comptoir.

- Qu'est-ce que tu veux ? Ça, c'est la fièvre de la victoire ! Kanon et Angelo sont totalement déchaînés et ils ont sacrément soif ! Bon, mais vous m'avez pas répondu : pourquoi est-ce que Hyoga a son index enfoncé dans l'œil de Seiya pendant que cette andouille essaie de l'étrangler ?

- Ah ça, faut pas faire attention ! La frustration d'avoir perdu leur match, peut-être ? mentit Shun en plongeant les yeux dans le fond de sa margarita.

- Mouais… Bon, Shaina, ça t'embêterait d'arrêter de papoter avec tes copines et de te remettre au boulot ? La table six attend toujours sa commande !

- Oh ça va, Ikki ! Je prenais juste deux minutes, répliqua l'Italienne en haussant les épaules.

- Ben on n'a pas l'temps ! Est-ce que j'ai l'air de m'la couler douce, là, tout de suite, maintenant ? Non ! Alors y'a pas de raison que je sois le seul à trimer !

- OK, pas la peine de t'énerver ! Qu'est-ce que tu peux être soupe au lait quand tu t'y mets ! maugréa l'Ophiuchus en quittant le comptoir avec son plateau.

- Hein ?! Soupe au quoi ?! Non mais, qu'est-ce que tu viens de dire ?! »

Ikki s'empara de sa nouvelle commande et emboîta le pas de sa collègue de service avec la ferme intention d'obtenir un éclaircissement lexical.

Shun ne put se retenir de sourire en observant son grand frère s'éloigner. Shaina et lui semblaient s'entendre à merveille et leur collaboration promettait de faire quelques étincelles. Il reporta ensuite son attention sur celle qui avait partagé ses années de souffrance sur l'Ile d'Andromède.

Il était ravi de revoir June après ces trop nombreux mois de séparation. La jeune femme poursuivait ses études en Grèce, ce qui ne lui permettait pas de profiter de sa présence autant que ce qu'il aurait voulu. Et il comptait donc bien utiliser l'opportunité de cette saison estivale pour rattraper un peu le temps perdu. Enfin, si le planning de son amie le lui permettait. Car June avait été désignée pour assister Shaka et Aiolos à la réception du camping, ce qui ne s'annonçait pas comme la plus reposante des missions.

Mais en attendant, il se devait d'immortaliser leurs retrouvailles. Alors il plaça le viseur de son appareil photo contre son œil droit, et il saisit sur sa pellicule le merveilleux sourire que June lui offrit sans même y prêter attention.

« Ah oui, attention les filles, Shun est devenu un véritable paparazzi ! Il mitraille à tout va avec sa caméra ! fit remarquer Seiya en s'écartant enfin de Hyoga.

- Je vois ça, reconnut le Caméléon en replaçant une mèche de ses longs cheveux derrière son oreille. Mais cela ne me dérange pas.

- Ça, c'est parce qu'il t'a pas encore pris en photo au saut du lit ou avec un morceau de salade coincé entre les dents !

- Pfou, alors là t'en rajoutes, Seiya ! s'offusqua Andromède.

- Non pas du tout ! Bon c'est pas tout ça, mais… Hyoga : on a une mission !

- Ah mince, moi qui croyais que tu allais m'oublier cinq minutes ! déclara le Cygne visiblement déçu.

- Hors de question ! Et puis t'as intérêt à faire profile bas avec moi, après la trahison que tu viens de commettre !

- Oh ça va, hein ! Pas la peine d'en rajouter non plus ! Bon, et c'est quoi cette prétendue mission ?

- Nous devons aller chercher Shiryu ! Il ne peut pas ne pas être ici avec nous.

- Alors là, je vous souhaite bon courage ! affirma Shun en tournant la molette de son appareil (ndla : oui, n'oublions pas que nous sommes en 1992, hein). Shunrei et lui sont allés se coucher, et lorsqu'ils sont venus me dire bonsoir tout à l'heure lorsque j'étais encore à la baraque à crêpes, ils ne semblaient pas du tout enclin à partager un moment convivial avec nous.

- Quoi ? T'aurais donc pas confiance en mon grand pouvoir de persuasion ?! Franchement, Shun, je suis déçu ! Allez Hyoga, viens avec moi ! On va sortir Shiryu de sa caravane, ou je ne m'appelle plus Seiya de Pégase ! »

Les deux Bronzes quittèrent la terrasse au pas de course (ndla : sans mettre les bras en arrière malgré tout ; nul besoin de secourir une princesse en détresse en cette belle soirée d'été), et croisèrent une Shaina décidée qui revenait en courant près du comptoir, comme si elle avait une armée de Spectres à ses trousses.

« Bon, je crois que j'ai réussi à le semer, mais mince, Ikki est sacrément coriace !

- Ne te réjouis pas trop vite, ma belle. Je le vois qui te guette depuis l'autre côté de la terrasse pendant qu'il prend sa commande. Et vu le regard qu'il te jette, il a pas l'air d'humeur cordiale, constata Geist en terminant la dernière goutte de sa margarita.

- Merda ! Oh et puis zut ! Il a qu'à pas être aussi susceptible celui-là aussi !

- Perso, je le trouve plutôt mignon, avec son sale caractère.

- Tu parles ! On voit bien que c'est pas toi qui dois te le coltiner tous les jours !

- Arrête, t'es pas si à plaindre que ça ! Ikki est sûrement d'une compagnie des plus charmantes, sous ses faux airs de bad boy.

- Mouais… j'ai besoin de plus de temps pour juger, rétorqua l'Italienne. Et toi alors ? Le poste que t'ont attribué Saga et notre vénérée Déesse te convient-il ?

- Je pouvais pas espérer mieux ! Surveillant de baignade, pour une nana qui a passé le plus clair de son temps toute seule sur une île, c'est absolument parfait. Et puis mes collaborateurs ne sont pas les plus désagréables à côtoyer au quotidien.

- C'est vrai que t'es pas tombée sur les plus moches ! Kanon est carrément bien foutu.

- Et Seiya n'est pas mal non plus ! Ça faisait des siècles que je l'avais pas vu, et comment dire ? Il est devenu…

- Un homme.

- Exactement ! Oh mais excuse-moi, j'aurais pas dû dire ça.

- Pourquoi ?

- Ben Seiya… Enfin, tu vois bien de quoi je veux parler.

- Alors Geist, je t'arrête tout de suite. Seiya est adorable et nous nous apprécions mutuellement, mais je ne ressens plus rien pour lui depuis longtemps. Je suis têtue mais pas désespérée non plus.

- OK. Je prends note.

- Ah… Est-ce que ce serait une très légère pointe d'intérêt que je viens de voir briller dans le fond de ton œil droit ?

- Je sais pas… J'ai besoin de plus de temps pour juger, déclara la brune en délivrant un clin d'œil à son amie.

- Shaina, ton Gin Fizz et ton Cuba Libre pour la huit ! les interrompit Dohko, en transe derrière son comptoir.

- Merci, mon chou ! T'es un amour !

- Je sais, Bellisima ! »

Shaina s'empara de sa commande et se dirigea vers la table qui attendait ses boissons avec impatience, tandis que Geist et June profitaient du départ d'un groupe de clients pour s'installer à leur place.

Comme il se retrouvait seul, Shun décida de rejoindre ses aînés pour participer à leur débriefing footballistique. En arrivant à la grande table qu'ils occupaient avec la plus grande indiscrétion, il dégaina une nouvelle fois son appareil et activa le flash. L'éclair lumineux qui jaillit eut pour écho un cri de protestation en provenance d'un Kanon déjà passablement éméché. Car pour une raison qu'Andromède jugeait obscure étant donné l'issue du match qu'ils avaient disputé, son capitaine semblait d'humeur particulièrement chafouine depuis leur retour des vestiaires.

Le jeune Bronze ignora cette marque de mécontentement à son égard, et tira une chaise depuis la table voisine qui – on se demande bien pourquoi – avait été désertée. Il choisit de s'installer à côté d'Aphrodite qui l'accueillit avec un grand sourire ravi. Ce dernier porta ensuite son cocktail – un Cosmopolitan – à ses lèvres, puis le reposa avec délicatesse avant de prendre la parole d'une voix claire et assurée.

« Alors, Camus, as-tu appris quelque chose d'intéressant lors de ta petite séance d'espionnage de cet après-midi ?

- Oui », se contenta de répondre le concerné dont l'attention venait de se reporter sur un tout autre sujet. Car une jeune femme magnifique s'était hissée sur l'estrade où Milo avait ses platines, attirant aussitôt l'intérêt du DJ et provoquant de ce fait un frisson incontrôlé le long de l'échine du Verseau.

« Et donc ?... Pourrais-tu développer, s'il te plaît ? » insista le Poissons.

Camus cligna des paupières pour effacer les images qui s'insinuaient déjà dans sa tête, et commença à parler avec le ton neutre et impassible qui le caractérisait.

« Nos soupçons sont confirmés : les joueurs du Poséidon connaissent la tactique de nos deux équipes en détail, et ce grâce à la présence d'un espion qui a pu assister à tous nos entraînements.

- Abjecte vilénie ! vociféra Saga en bondissant de sa chaise. Nous devons identifier cet infâme individu et lui infliger la sentence qu'il mérite ! »

Tous les chevaliers écarquillèrent les yeux en réaction au subit haussement de ton du Premier Gémeaux, et tremblèrent d'effroi en constatant l'apparition d'une toute petite mèche grise juste au-dessus de ses yeux.

Kanon voulut sonder l'esprit de son jumeau pour tenter de l'apaiser, mais un manque de précision causé par un probable excès d'alcool le fit se retrouver dans les pensées d'Angelo qui l'envoya bouler. Devant l'inefficacité de l'intervention gémellaire, Aiolos se leva à son tour et posa une main ferme sur le bras de Saga, ce qui fit aussitôt disparaître la couleur honnie de la chevelure de l'ancien pope.

« Mes amis, inutile de céder à la colère, poursuivit le Bélier en invitant Saga et Aiolos à se rasseoir. La personne concernée n'a probablement pas souhaité nous nuire en premier lieu. N'est-ce pas, Camus ?

- Tout à fait. Je dirai même qu'elle n'est finalement qu'une victime. Une victime de la manipulation d'Albérich qui, cela ne vous étonnera probablement pas de l'apprendre, se trouve être l'instigateur de cette sournoise entourloupe. Sachant que pour couronner le tout, j'ai également appris que ce dernier comptait semer la discorde au sein de nos deux équipes, en exacerbant certaines rancunes que nous pourrions éprouver à l'encontre de Kanon et de Saga.

- Non mais n'importe quoi ! J'vois pas pourquoi Saga et moi pourrions être des objets de discorde ! s'écria le Second Gémeaux que l'abus d'alcool ne rendait pas particulièrement perspicace.

- Eh ben mon pauv' vieux, intervint le Cancer, j'crois que va falloir y aller mollo sur le rhum arrangé de Dohko, parce que des raisons de vous en vouloir, on pourrait en trouver des caisses !

- Dixit le type qui tapissait les murs de sa maison avec les tronches de ses victimes ! rétorqua l'ancien Dragon des Mers. Et mon rhum me convient parfaitement, Monsieur le buveur de whisky à bulles dégueulasses !

- Voyons, voyons, tâchons de considérer tout ceci sereinement et de revenir au sujet qui nous préoccupe, tempéra le Premier gardien. Il me semble relativement aisé pour nous de déjouer les plans d'Albérich. Tout d'abord, nous n'avons qu'à faire évoluer notre tactique de jeu.

- Ou même ne pas en avoir du tout ! proposa Jamian, que les longues discussions stratégiques n'intéressaient pas.

- Oui, très bonne idée ! approuva Algol dans un élan de fraternité argentesque.

- Balivernes ! s'offusqua Saga sur un ton malgré tout plus apaisé que celui de sa précédente intervention. Il ne peut y avoir de beau jeu sans un minimum de préparation, et sans beau jeu, point de victoire.

- Écoutez, en définitive, ce n'est peut-être pas une mauvaise idée, déclara Camus finalement ravi de pouvoir détourner ses pensées de l'objet de son supplice, la main droite de Milo venant de trouver refuge dans la chevelure de son admiratrice.

- Que veux-tu dire par-là ? s'enquit Shura dans un soudain regain d'intérêt pour leur conversation. Car le Capricorne avait lui aussi besoin de se concentrer sur quelque chose de concret, Angelo venant d'abandonner la contemplation de son bourbon pour celle d'un groupe de touristes suédoises en train de s'installer trois tables à côté.

- Eh bien, poursuivit le Verseau, je pense que nous commençons à connaître suffisamment nos jeux respectifs pour ne pas avoir à préparer quoi que ce soit. Donc voici ce que je vous propose. Lors du prochain match qui opposera l'une de nos deux équipes à celle du Poséidon, ce qui selon toute vraisemblance et en considérant le tableau des confrontations du tournoi, devrait concerner l'équipe de Kanon dans le cadre de la première demi-finale, vous n'aurez qu'à jouer au feeling, sans véritable stratégie. Kanon, t'en penses quoi ?

- Pfou ! Baaah... M'en fous.

- Merci, Kanon, pour l'acuité de ton analyse, observa Camus d'une voix blanche. Les autres, un avis ?

- La préconisation d'un déni stratégique semble un peu inattendue de ta part, Camus, mais tout bien considéré, je partage ton point de vue : il s'agit probablement de la meilleure solution, approuva Mû en terminant son jus d'ananas. Mais je ne voudrais pas parler au nom de mes coéquipiers.

- Je suis d'accord, se contenta d'ajouter le Capricorne en basculant sa tequila.

- Ça me va à moi aussi, agréa Aiolia, et je suis prêt à parier que ça conviendra aussi à Milo. Angelo, Shun, Algol, qu'en pensez-vous ? »

Persée et Andromède approuvèrent avec enthousiasme, et le Cancer ne répondit pas, trop occupé qu'il était à soutirer quelques rudiments de vocabulaire suédois à son ami le Poissons.

« Alors je crois que tout est réglé, conclut Camus en tapotant sa vodka du bout de son index pour l'agrémenter de deux ou trois glaçons supplémentaires.

- Non, pas tout à fait ! protesta Saga en étrécissant les yeux. Nous n'avons pas tranché au sujet du sort à réserver à Albérich. Car nous ne pouvons le laisser impuni, n'est-ce pas ?

- Tu te fourvoies, mon ami, objecta la Vierge en déposant son jus d'ananas juste à côté de celui du Bélier. L'eau ne reste pas sur les montagnes, ni la vengeance dans un grand cœur.

- Heiiin ?! Qu'est-ce qu'il a dit, Bouddha ?! s'enquit Kanon tandis qu'il retournait son verre de rhum pour tenter d'en absorber la toute dernière goutte.

- Il me semble que Shaka suggère que nous en restions là, expliqua Mû qui était passé maître dans l'art d'interpréter les propos du plus sibyllin des protecteurs divins. Ce qui est sans le moindre doute la décision la plus raisonnable. Ne crois-tu pas, Saga ?

- Si, tu as probablement raison », finit par consentir l'ancien Pope en tentant d'étouffer les « Balivernes ! Deux ou trois tacles bien placés, et ce maudit rouquin ne nuira plus jamais à personne ! » que son double maléfique – ragaillardi par le rhum arrangé de Dohko – lui susurrait à l'oreille.

« Saga, tout va bien ? Tu ne sembles pas totalement convaincu, insista le Sagittaire qui percevait le trouble dans l'esprit de celui qui avait longtemps été son meilleur ami.

- Oui, tout va bien, ne vous inquiétez pas. Et si, je me rallie pleinement à votre décision. Les propos de Shaka sont les plus sages, comme toujours » conclut le Premier Gémeaux en repoussant son verre de rhum avec le dos de sa main. La prochaine fois, il se contenterait d'un jus d'abricot.

« Bon, et pour notre match contre l'Elysion, alors ? Qu'est-ce que vous nous conseillez de faire pour tenir tête aux Spectres ? Puisque en toute logique, nous devrions les affronter en demi-finale, interrogea Jamian que la perspective d'un tel affrontement ne rendait pas particulièrement enthousiaste.

- Rester solides en défense me semble primordial, répondit Mû. Il faudra aussi vous méfier des accélérations d'Éaque et des interventions de Minos, toujours extrêmement dangereuses.

- Et je vous recommanderais aussi de tenir Rhadamanthe à l'œil ! ajouta le Lion. Car c'est lui le chef d'orchestre dans cette équipe. Kanon, tu confirmes ?

- Plaît-il ? bafouilla l'ancien Marina tandis qu'il se contorsionnait pour tenter d'attraper le verre de rhum abandonné par son aîné, le tout sans ne plus prêter le moindre intérêt à leur conversation.

- Rhadamanthe. Tu confirmes que c'est lui le meneur de jeu de l'Elysion ? »

En entendant le nom de sa Némésis prononcé haut et fort, Kanon se saisit du verre de son jumeau qu'il avala d'une seule traite, avant de prendre la parole sur un ton incertain.

« Rhadamanthe ?! Pfou… Qu'est-ce qu'il y connaît… Bon alors, QUESTION ! Qu'est-ce qu'il y connaît au footbaaal, Rhadamanthe ? Réponse : RIEN ! Il y connaît RIEN !

- Kanon, t'es sûr que ça va ? s'inquiéta Aiolia.

- Évidemment qu'ça va ! Et je sais très bien ce que j'dis ! Le Wyvernatooor, il y connaît rien au foot. La preuve, il supporte l'équipe des Rosbifs !

- Hum, alors c'est-à-dire que là, Kanon, je me dois de pondérer ton propos, tenta d'argumenter le Corbeau, sans terminer sa phrase néanmoins, un regard légèrement carmin en provenance de Saga lui ayant subitement donné envie de la boucler.

- Eh bien c'est vrai que vu sous cet angle, et considérant la piètre prestation de l'Angleterre dans le cadre de l'Euro, Kanon n'a peut-être pas tout à fait tort, constata Aphrodite enfin débarrassé d'Angelo qui venait de s'exiler trois tables un peu plus loin pour commencer à pratiquer son suédois. Cela dit, poursuivit le Poissons, si on part là-dessus, nous ne devrions probablement pas écouter les conseils de Camus non plus, les résultats de la France n'ayant pas été beaucoup plus glorieux.

- Comment ça ?! Qu'ouïs-je ? Qui ose parler des Bleus avec aussi peu de considération ?! s'offusqua un nouvel arrivant à la voix cristalline.

- Ah, Misty, bienvenue parmi nous ! s'exclama le Douzième gardien. Je t'en prie, prends une chaise et rejoins-nous.

- Merci, mais il nous en faudrait deux. Aldébaran arrive lui aussi. Nous venons de terminer au restaurant et nous avons terriblement soif !

- Alors nous allons passer commande ! Je constate de toute façon que la plupart de nos verres sont vides. Les amis, vous reprenez tous la même chose ?

- Non ! Pour moi, ce sera un jus d'abricot », s'empressa de préciser Saga. Autant ne pas tenter le diable une seconde fois.

Aphrodite leva son index avec grâce et autorité pour appeler Ikki qu'il avait aperçu en train de s'affairer à une table voisine. Le Phoenix soupira de lassitude et envoya un message mental à son aîné indiquant qu'il allait devoir attendre cinq minutes. Message qui fit hausser un sourcil au Poissons, ce dernier n'appréciant pas l'usage des vulgarités en dehors de certaines circonstances qui n'étaient pas réunies ici.

Sur ces entrefaites, Seiya et Hyoga reparurent sur la terrasse, visiblement bredouilles. Shun leur fit signe aussitôt et les deux Bronzes les rejoignirent à leur table. Seiya n'avait donc pas réussi à convaincre Shiryu d'abandonner la tranquillité de sa caravane pour venir s'encanailler avec eux. Shun ne put s'empêcher de se sentir déçu. Il aurait tant aimé poursuivre cette soirée avec tous ses amis. Une prochaine fois, peut-être ? Les occasions ne manqueraient probablement pas durant le bel été qui s'annonçait à eux.

Et en attendant, Andromède empoigna son appareil photo pour capturer un nouvel instant qu'il jugeait important. Une part significative de la chevalerie se trouvait ici rassemblée, alors cela valait bien encore un autre petit cliché. Et tant pis pour les cris de protestation que l'usage de son flash provoqua au sein des protecteurs d'Athéna.

Les discussions footballistiques étant enfin terminées, chacun poursuivit les conversations qu'il jugeait les plus opportunes, certains choisissant de s'isoler pour tenter d'obtenir un peu de tranquillité.

Shaka et Mû s'installèrent à une table munis de leurs nouvelles bouteilles de jus de fruits, et après un silence imprégné de calme et de modération, le Bélier décida de reprendre la parole.

« Alors, Shaka, comment vas-tu ?

- Je vais bien, Mû. Merci pour ta considération.

- Mais encore ?

- Mon esprit est apaisé et mon corps accueille la perspective de chaque jour avec mansuétude et reconnaissance. Cela répond-il à ta question ?

- Non, Shaka, pas tout à fait. Je voudrais savoir comment tu vas. Vraiment. »

La Vierge releva les yeux, qui pour une fois n'étaient pas masqués par ses paupières baissées, et les plongea dans le regard bienveillant du Tibétain.

« Shaka, n'aie pas peur. Je pense qu'il est temps pour toi de te confier. Cinq années, cela me paraît suffisamment long. Personne ne devrait avoir à supporter le châtiment que tu sembles vouloir t'infliger.

- Je ne m'inflige rien. Je me contente d'essayer de vivre malgré l'importance de ce que j'ai perdu.

- Je ne suis pas sûr de comprendre. Qu'as-tu perdu exactement ?

- Mû, j'apprécie infiniment l'intérêt que tu me portes, mais tu ne peux rien pour moi.

- Comment peux-tu être catégorique à ce point?

- Parce que l'homme que je suis aujourd'hui n'est plus celui que tu as connu. Et cet homme-là ne mérite pas qu'on s'intéresse à lui.

- Je ne suis pas d'accord. Et donc je te repose ma question : que te manque-t-il à présent qui te conduise à croire que tu es devenu un homme différent ?

- Il me manque l'essentiel de ce qui constituait ma vie. L'essence de ma conscience. Le fondement de mes pensées. Car depuis que j'ai rouvert les yeux dans mon temple ce matin-là, au lendemain de notre ultime sacrifice, le silence a empli mon âme et le vide a submergé mon cœur. J'ai perdu la foi et Bouddha a cessé de m'écouter. Il m'a oublié et aujourd'hui, je ne suis plus digne ni de lui, ni de notre Déesse. Ni de vous.

- Mais enfin, qu'est-ce que tu racontes ?

- Mû, ne te fatigue pas. Comme je te l'ai déjà dit : tu ne peux rien pour moi.

- Et encore une fois : je ne suis pas d'accord. As-tu vraiment tout essayé ?

- Au-delà de ce que tu peux imaginer.

- Alors tu n'as pas le droit d'abandonner ! Shaka, il faut que tu aies confiance en toi. Tu retrouveras la voie que tu crois avoir perdue. Et si tu le veux, je serai là pour t'y aider.

- Mais comment ?

- Si tu acceptes ma présence, je pourrais me joindre à tes séances de méditation. En joignant nos deux cosmos et en synchronisant l'ouverture de nos chakras, nous parviendrons peut-être à rétablir l'enracinement de la conscience de Bouddha dans ton esprit.

- Tu serais prêt à te soumettre à ce genre d'exercices ? Mû, tenter d'ancrer son âme à une conscience extérieure peut s'avérer particulièrement éprouvant.

- Cela ne m'effraie pas. Et puis, j'ai toujours envié ta capacité à pénétrer ce monde que je ne connais pas. Alors, es-tu d'accord pour essayer ?

- Je crois que oui.

- Parfait. Je suis certain de notre réussite, Shaka. »

La Vierge ferma les yeux et resta un instant silencieux avant de rouvrir les paupières et de sourire à celui qui venait de lui offrir son aide.

« Merci, Mû. Du plus profond de mon âme ».

oOoOOoOo

A quelques tables de là, Marine et Aiolia discutaient tranquillement, bientôt rejoints par Aldébaran qui n'avait supporté les élans vocaux de ses congénères que le temps de recevoir sa bière. Après s'être assuré de ne pas interrompre de manière importune un tête-à-tête amoureux, le Brésilien se saisit d'une chaise bien trop petite pour lui et s'adressa à ses amis de sa voix grave et chaleureuse.

« Encore merci à toi, Marine, de nous avoir donné un coup de main ce soir au restaurant ! Avec notre match d'aujourd'hui dans les jambes et dans les oreilles, nous n'aurions pas pu tenir le rythme sans ton soutien.

- Teuh-teuh-teuh, je suis certaine que vous vous en seriez très bien sortis sans moi !

- Peut-être, mais l'humeur de Misty aurait été bien plus déplorable. Alors rien que pour ça, reçois ma plus profonde gratitude !

- Écoute, si j'ai pu te paraître utile, je vous proposerai volontiers mon aide une autre fois.

- C'est gentil, mais ne te sens pas obligée non plus, insista le Taureau. Tes journées doivent être tout aussi éprouvantes que les nôtres, et tes nerfs probablement mis à rude épreuve.

- Détrompe-toi. Les enfants sont absolument adorables.

- Mon propos ne concernait pas les petits, Marine, rétorqua Aldébaran en soulevant son sourcil.

- Alors je te rassure également sur ce point : Angelo n'est pas aussi insupportable que ça au quotidien. Je dirai même qu'il peut se comporter de manière tout à fait cordiale quand il veut.

- Pas trop cordiale non plus j'espère, hein ? s'enquit Aiolia, plus pour le principe que pour souligner une réelle inquiétude concernant un quelconque excès de cordialité de la part de son riverain zodiacal. Car le Lion était pleinement convaincu du non intérêt de sa moitié pour le chevalier du Cancer.

- Non, mon chéri. Angelo est un parfait gentleman.

- Alors là, n'exagère pas trop ou je vais vraiment finir par devenir jaloux ! s'amusa le Félin.

- Mais sinon, poursuivit Aldébaran qui ne souhaitait pour rien au monde assister aux prémices d'une pseudo scène de ménage, comment ça se passe entre Angelo et les bambins ?

- Eh bien aussi surprenant que cela puisse paraître, il ne s'en sort pas si mal ! Oui, passées quelques incartades au début imputables à un manque d'expérience combiné à une ou deux légères erreurs de jugement, maintenant tout va pour le mieux. Il semblerait même qu'il soit devenu la coqueluche de certains gamins, qui réclament avec insistance les histoires de tonton Angelo.

- Étonnant, en effet ! constata le colosse. Moi qui craignais qu'il en traumatise quelques uns, je vois que mes appréhensions n'étaient pas légitimes. J'en suis très heureux.

- Oui, tu peux être pleinement rassuré. Angelo semble s'être découvert une nouvelle vocation.

- Marine, tu reconnais la musique !? les coupa subitement Aiolia en caressant l'épaule de sa compagne. C'est cette fameuse chanson, celle que tu aimes tant et que tu m'as fait écouter l'autre jour ! »

La femme-chevalier se concentra un instant sur l'introduction de guitare acoustique qui s'élevait depuis les enceintes, et un large sourire illumina ses traits. Il s'agissait effectivement de cette nouvelle ballade de Metallica qu'elle trouvait si belle. Aiolia se leva alors de sa chaise pour saisir Marine par la main et l'attirer vers la piste de danse, en remerciant intérieurement son ami le Scorpion d'avoir suivi sa recommandation musicale. Car il n'y avait rien de tel qu'un slow en amoureux pour conclure merveilleusement une soirée.

Aldébaran observa ses amis s'éloigner, un profond sentiment de bonheur lui gonflant la poitrine. Ces deux-là étaient heureux, et rien que pour cette raison, Zeus mériterait de recevoir sa reconnaissance éternelle. Le Taureau décida ensuite qu'il était temps pour lui d'aller se coucher. Il termina en une seule gorgée la moitié restante de la pinte qu'il tenait toujours dans sa main, et après avoir salué l'assemblée des présents, pour ceux qui pouvaient encore le voir, il quitta la terrasse pour regagner son mobil-homme. Car aucun hébergement toilé ni aucune caravane n'avaient pu convenir à l'imposant gabarit du Deuxième gardien.

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Milo fixait la piste de danse avec un sourire témoignant d'une réelle satisfaction. De la satisfaction éprouvée à l'issue d'une mission accomplie, mais pas que. L'état de béatitude qui se dégageait des cosmos d'Aiolia et de Marine était une récompense bien plus appréciable que les cris endiablés d'une foule de danseurs déchaînés. Au moins certains parmi eux semblaient avoir accepté l'idée d'être heureux.

Cette pensée conduisit le Scorpion à reporter son attention sur le Verseau qui terminait son verre en feignant d'écouter les discussions que son disciple partageait avec ses amis. Et Milo ferma les yeux.

Les silences de Camus étaient toujours là, une bonne vieille engueulade n'étant pas suffisante pour avoir fait de lui un incorrigible bavard, mais ce séjour à Paris avait tout changé. Car Milo avait fini par comprendre, ou en tout cas par se laisser convaincre, qu'il tenait une place non négligeable dans la vie de son ami. Une place suffisamment importante pour que ce dernier acceptât de bousculer ses habitudes afin de passer du temps avec lui et de partager certaines de ses lubies, quitte à endurer la torture par l'ennui et la superficialité.

Le Grec avait bien perçu toute la détresse du Français devant les assauts répétés du Terminator lors de leur dernière séance de ciné, mais à ce moment-là, le grand égoïste qu'il était persuadé d'être n'avait pu s'empêcher de se sentir heureux. Parce que Camus n'était pas venu dans cette salle obscure et non climatisée de surcroît dans le seul but d'apprécier la prouesse technologique que représentaient le morphing combiné à l'animation 3D, mais bien pour partager quelque chose avec lui. Et peut-être même pour tenter de lui prouver encore un peu plus qu'il faisait véritablement partie de sa vie.

Milo rouvrit les yeux et ne put réfréner le pincement douloureux qu'il sentait s'insinuer le long de sa colonne. Depuis leur résurrection, il avait été obsédé par l'idée de comprendre pourquoi Camus l'avait laissé, alors qu'en définitive, il n'avait jamais cherché à le comprendre lui. Camus ne l'avait pas abandonné cette nuit-là. C'était lui qui l'avait laissé partir, ou en tout cas, qui n'avait pas su le ramener vers lui lorsqu'ils étaient revenus à la vie.

Mais ce baiser avait tout changé. Ce baiser qu'il lui avait imposé sans se poser de questions, parce qu'il ne voulait pas obtenir de réponses. Ce baiser lui avait fait comprendre, non pas qu'il était amoureux, parce que cela, Milo l'avait toujours su, mais qu'il désirait Camus du plus profond de son âme. Il désirait chaque fragment de son être, chaque centimètre de sa peau, alors même qu'il avait parfaitement conscience que ses sentiments ne le mèneraient nulle part. Parce que Camus ne s'intéressait pas à ces choses-là. Camus n'était pas comme ça. Il n'était pas comme lui. Il était différent. Tellement différent. Et ce baiser lui en avait apporté la preuve dont il n'avait pourtant pas besoin. Puisque s'il ne l'avait pas rejeté, Camus n'avait pas cherché à poursuivre leur étreinte lorsqu'il s'était détaché de lui, et surtout, il n'avait pas cherché à comprendre pourquoi il l'avait embrassé. Et le lendemain, ce baiser n'existait déjà plus. Ils l'avaient tous les deux oublié, parce qu'il ne signifiait rien et qu'il n'aurait jamais dû être.

Sauf que Milo était incapable d'oublier. Il ne pouvait pas oublier le contact de ses lèvres, ce qu'il avait ressenti lorsqu'elles avaient caressé les siennes, ce qu'il avait cru possible. Et ce qui l'obsédait chaque nuit davantage parce qu'il savait que rien de tout cela ne lui serait jamais accessible.

Camus porta sa vodka à sa bouche et lorsque ses lèvres effleurèrent son verre, Milo détourna les yeux pour plonger ses lèvres à lui dans le cou de son admiratrice.


A suivre…

Merci de m'avoir lue.

Référence pour le titre du chapitre 11 : Nothing Else Matters, Metallica, 1992.


Notes et autres références :

Rythme Is A Dancer, Snap, 1992 (un grand classique de l'époque).

GRS: Gymnastique Rythmique et Sportive (rebaptisée simplement Gymnastique Rythmique en 1998).

Merci à Alaiya pour sa petite suggestion scénaristique faisant référence aux célèbres pas de danse de Hyoga.

Dans son insondable réflexion mentionnant de l'eau sur une montagne, Shaka reprend a priori une citation de Bouddha.

Pour ceux qui n'auraient pas reconnu ou qui n'auraient pas la réf, le "Qu'est-ce qu'il y connaît… Bon alors, QUESTION ! Qu'est-ce qu'il y connaît au footbaaal, Rhadamanthe ? Réponse : RIEN ! Il y connaît RIEN !" est une référence à l'une des innombrables scènes culte de la Cité De La Peur, une comédie familiale de Les Nuls (1994). Pour savourer l'original, je vous invite à saisir "la cité de la peur question rick hunter" dans votre moteur de recherche préféré. Enjoy.