Bonjour,

Bon alors désolée, je n'ai même pas réussi à tenir le rythme neurasthénique que je vous avais promis. Les ponts du mois de mai, quelques imprévus, tout ça. Et du coup, un grand merci à vous de revenir ici malgré tout pour découvrir la suite de cette loufoquerie. Au programme aujourd'hui : le dénouement du tournoi de foot ! (enfin... la fin du supplice footballistique quoi)

Bonne lecture.

Céline : merci beaucoup pour ta lecture et pour ton commentaire ! Je suis ravie que tu apprécies le suspens, parce que oui, j'aime bien le faire durer. Ce qui fait que je m'excuse d'autant plus pour le délai de publication. J'espère que ce chapitre te plaira !


Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami Kurumada, le football à son inventeur (tiens, c'est qui d'abord ?), et le camping aux campeurs.


Chapitre 14 : Get In the Ring

Le lendemain, samedi 4 juillet, sur le même terrain de football landais en fin d'après-midi (terrain sec, ciel partiellement voilé, 28 degrés centigrades)

Les spectateurs n'en croyaient pas leurs yeux. Le jeu offert par les participants à la finale de la Champions League était absolument somptueux. Les plus connaisseurs s'extasiaient devant la vitesse et la technicité des actions, dont nombre de footballeurs professionnels auraient pu vouloir prendre de la graine. Les autres admiraient le talent et la qualité physique de ces athlètes hors normes qui n'étaient pourtant que de simples employés de camping (ndla : rah… si tous ces braves gens savaient). Et certains – hommes et femmes confondus – se contentaient de fixer le terrain sans mot dire (ndla : et avec un léger filet de bave au coin des lèvres. Non ? Si ? Ben oui, quand même, hein… Mettons-nous un peu à leur place !), hypnotisés par le ballet qu'offraient toutes ces magnifiques chevelures colorées.

Athéna, entourée de sa garde rapprochée, Saga et Aiolos à sa droite, Shaka à sa gauche, encourageait ses chevaliers en agitant un fanion. Hyoga, Seiya et Jamian s'égosillaient sous la houlette de Dohko qui dévoilait avec maestria l'intégralité de son carnet de chants de supporters. Misty et Aphrodite arboraient deux superbes T-shirts confectionnés par le Poissons lui-même et sur lesquels était dessiné le sceptre de leur Déesse flanqué de deux magnifiques roses rouges (ndla : toute ressemblance avec le logo d'un certain groupe de hard rock cher à mon cœur et à celui d'une lectrice qui – j'en suis sûre – se reconnaîtra, n'est absolument pas fortuite et pleinement assumée). Et Camus observait le match en silence, les bras croisés sur la poitrine en tentant de se concentrer sur le déroulé de la partie plutôt que sur la vision de Milo et Shura courant côte à côte.

Comme si sa vie n'avait pas déjà été assez compliquée comme ça. Comme si son esprit avait eu besoin de davantage de confusion. Comment avait-il pu se laisser aller de cette manière dans les bras du Capricorne ? Certes, ces quelques instants d'abandon lui avaient été agréables. Affirmer le contraire eût été faire preuve d'un niveau de mauvaise foi dont le Verseau ne pensait pas être coutumier. Mais au-delà du plaisir charnel et de la satisfaction d'avoir évacué un trop-plein de frustrations (ndla : alerte, euphémisme !), que cela lui avait-il apporté ? Ses rêves n'en demeuraient pas moins réels, et les caresses du Scorpion lui paraissaient toujours plus prégnantes à chacun de ses réveils. Et maintenant, son esprit s'égarait entre les souvenirs de la bouche de Shura parcourant sa peau et l'espoir insensé de la voir un jour remplacée par les lèvres de Milo.

Un cri en provenance du groupe de choristes dans lequel s'époumonait son disciple – décidément, où étaient passées la pondération et la retenue qu'il lui avait enseignées ?! – le sortit enfin de sa rêverie. Aiolia venait d'effleurer la cage adverse après l'exécution d'un retourné acrobatique à la virtuosité digne de celle du Roi Pelé. Une action qui conduisit Marine de l'Aigle à bondir de son siège, emportée par un élan de fierté amoureuse. La jeune femme s'excusa pour cet excès d'enthousiasme et reprit sa position assise aux côtés de ses compagnes chevaliers. Compagnes qui n'étaient toutefois pas en reste niveau encouragements, Shaina délivrant un florilège de bons mots italiens qui auraient pu faire rougir Angelo lui-même.

Et sur le terrain, l'intensité des combats allait crescendo. Parce qu'il n'était plus vraiment question de football. Chevaliers d'Athéna et Spectres d'Hadès se livraient une bataille acharnée pour le contrôle du ballon, comme si le sort de l'Humanité tout entière avait été lié à celui de cet insignifiant objet.

Un coup de sifflet incita les joueurs à s'immobiliser : la main levée de l'arbitre venait d'indiquer le début de la mi-temps.

Score : 0-0. La Guerre Sainte du Ballon Rond était encore loin de révéler l'identité de ses vainqueurs.

OooOOooO

Kanon fut le premier à s'engager dans le couloir à la sortie des vestiaires. Les mots qu'ils venaient de prononcer pour remotiver ses troupes l'avaient ragaillardi lui-même, et il se sentait prêt à délivrer une leçon de football aux joueurs de l'Elysion.

Milo et les autres le rejoignirent bientôt, et tandis que toute l'équipe se mettait en ligne pour se diriger vers le terrain, les Spectres pénétrèrent à leur tour dans le corridor avec Rhadamanthe à leur tête.

En arrivant à la hauteur de son rival, le Troisième Juge toisa Kanon du haut de son monosourcil, ce à quoi l'ancien Dragon des Mers répondit par un sourire qu'il voulut carnassier avant de se décider à ouvrir la bouche :

« Au fait, je t'ai pas demandé : tu t'es pas trop gratté la joue après notre dernière entrevue ?

- Non.

- Je vois, t'as encore la mémoire courte.

- Pas du tout.

- Alors tu souffres probablement de mémoire sélective.

- Non plus.

- Ah oui, évidemment. Pardon. Tu fais juste preuve de ton habituelle mauvaise foi.

- Absolument pas. Mais puisque tu sembles vouloir insister, sache que j'ai grandement apprécié le contact de ta caresse, Kanon », lâcha la Wyverne avant de s'éloigner vers la pelouse sans un regard pour le Gémeaux.

« Ma quoi ?! » s'offusqua le Grec, ébahi.

Les crampons cloués au sol par la sidération, Kanon ne se remit en mouvement que lorsque Angelo lui hurla avec la délicatesse qui le caractérisait de se remuer l'arrière-train (ndla : bon ok, Angelo ne s'est pas exactement exprimé en ces termes, mais autant essayer de rester polie – pour une fois). Il pénétra alors sur le terrain en courant, obnubilé par une pensée parasite qui venait de surgir dans son esprit de Machiavel.

La Wyverne était un malin. Et un vicieux de surcroît. Il avait tout prévu. Il connaissait l'impulsivité du Gémeaux, et n'avait donc eu aucun mal à deviner que des accusations de tricherie suffiraient à le mettre hors de lui. Ensuite, il n'avait eu qu'à attendre et à laisser faire. Kanon s'était emporté, et Rhadamanthe avait enfoncé le clou de la plus intelligente des façons. Un regard, un baiser, et un rival déstabilisé pour leur prochaine confrontation.

Toutes ces heures à fantasmer, à laisser des images tordues se frayer un chemin dans ses rêves et dans sa tête. Quel imbécile il avait été ! Mais la Wyverne n'allait pas s'en tirer à si bon compte. Oh que non ! Kanon n'avait pas dit son dernier mot et sa vengeance serait à la hauteur de sa colère et de sa frustration. Il n'avait pas dupé Poséidon lui-même et roulé toute son armée dans la farine pour se laisser retourner le cerveau par un type tout demi-Dieu qu'il fût, et même si ce dernier avait un...

« Bon, Kanon, tu te bouges le cul oui ou non ?! Réveille-toi, bon sang ! Merda ! C'est fini la mi-temps ! » (ndla : ben voilà… ciao la politesse)

Le concerné sursauta et rejoignit Mû et Milo dans le rond central en remerciant le Cancer de lui avoir si efficacement remis les idées en place.

Une fois tous les joueurs en position, l'arbitre porta son sifflet à sa bouche et la partie reprit avec la même férocité que lors des quarante-cinq premières minutes. Attaques fulgurantes contre défenses infaillibles. Coups d'épaule dévastateurs contre tacles assassins. Aucun des deux camps présents sur la pelouse ne semblait prêt à céder du terrain.

Dans les tribunes, les spectateurs retenaient leur souffle ou clamaient avec ferveur leur allégeance à l'une des deux équipes. Enfin sauf Camus qui lui, se contentait de se mordre l'intérieur des joues en priant pour la fin de son supplice.

Au bout d'une demi-heure de jeu et de courses endiablées, aucune des deux formations n'avait encore réussi à marquer. Le dernier assaut des chevaliers d'Athéna, mené par un Ikki plus brûlant que la lave de son volcan, venait de se solder par un échec. La frappe supersonique du Phoenix avait heurté la barre transversale avant de s'envoler directement vers les cieux sous une flopée d'injures de l'Oiseau Éternel qui maudissait son manque d'acuité visuelle.

Un nouvel accessoire fut envoyé sur la pelouse pour remplacer celui qui était parti en orbite, et le gardien des Enfers en la personne de Stand du Scarabée Mortel s'en saisit pour le dégager d'un coup de pied puissant. Valentine réceptionna le ballon et l'expédia d'un geste vif comme l'éclair à son vénéré maître qui courait déjà vers l'avant. La passe arriva directement sur le pied gauche de Rhadamanthe qui le transféra à son pied droit d'une superbe roulette avant de reprendre sa course. La défense du Zodiaque s'adapta aussitôt, orchestrée par Shura qui venait de repérer Éaque esseulé sur le côté droit. Shiryu et Algol se positionnèrent en derniers remparts, le Dragon face au Garuda et la Méduse face à la Wyverne. Arrivé à l'entrée de la surface, ce dernier fit le choix de transmettre le ballon à Minos qui se trouvait en embuscade juste derrière lui. Le Griffon s'en sépara aussitôt au profit d'Éaque qui s'élança alors vers les buts d'Aldébaran. Fidèle à lui-même et à son sens aigu du sacrifice, Shiryu s'interposa pour stopper la course folle de son adversaire, mais un voile noir lui masqua subitement la vue. En se retrouvant ainsi aveuglé, le Dragon fut envahi par un profond sentiment d'angoisse qui le cloua au sol. Et avant de pouvoir réagir en intensifiant ses quatre (ndla : hum… cinq ? six ? sept ?) autres sens, il percuta violemment le Garuda qui n'avait pas anticipé un tel manque de combativité.

Le choc fut d'une violence inouïe, envoyant Shiryu valser dans les airs presque à la manière d'un pantin. Le Chevalier Divin (ndla : ben oui, Armure Divine = Chevalier Divin, CQFD) n'eut toutefois aucun mal à retrouver son équilibre pour retomber au sol sur ses deux pieds. Mais soucieux de ne pas mettre à mal la couverture qu'ils avaient eue pour consigne de respecter, il jugea opportun de poser un genou à terre en feignant une violente douleur à l'épaule.

Shun accourut vers lui aussitôt, inquiété par la sensation de mal-être qu'il avait pu déceler chez son ami. Shiryu, qui venait de recouvrer la vue, rassura son camarade promptement ainsi que le Capricorne qui l'avait contacté mentalement. Et alors qu'il s'apprêtait à se relever pour retourner à son poste, il entendit la voix de son Maître résonner dans sa tête :

« Vieux tigre appelle jeune poussin, vieux tigre appelle jeune poussin (ndla : spéciale réf à La Série Abrégée; j'avais trop envie de la placer, celle-là !).

- Qu'y-a-t-il, Maître ?

- Shiryu, que t'est-il arrivé ?

- Rien qui ne doive vous inquiéter, Maître.

- Mais encore ? Fiston, la dernière fois que j'ai senti autant de panique dans ton cosmos, c'est lorsque notre Déesse nous a annoncé son histoire de camping.

- Je ne suis pas sûr, Maître. Je crois… Enfin, pendant un court instant, disons que j'ai eu l'impression de…

- L'impression de quoi ? Mon petit, je te prierai d'abréger, car je te rappelle que tout le monde a plus ou moins les yeux braqués sur toi tandis que nous télépathisons (ndla : ben oui je télépathise, tu télépathises... Non ? Ça n'existe pas ? Ah bon).

- Eh bien tout à l'heure, j'ai le sentiment d'avoir soudainement perdu la vue.

- Vraiment ? En es-tu certain ? Tu ne sembles pas totalement convaincu. Shiryu, j'ai besoin de savoir.

- Pour quelle raison, mon Maître ? Avez-vous perçu quelque chose d'anormal vous aussi ?

- En effet. Mais j'attends ta réponse : es-tu en mesure de confirmer ce que tu viens de dire ?

- Oui, Maître. Pendant les quelques secondes qui ont précédé mon choc avec Éaque, le sens de la vue m'a bien été ôté.

- Très bien. Alors je crois savoir qui est responsable de cette tricherie abjecte.

- Qui ça, mon Maître ?

- Minos du Griffon, Premier Juge des Enfers et Spectre de l'Étoile Céleste de la Noblesse. Mais un sacré petit saligaud ! Il ne paie rien pour attendre, celui-là !

- Que comptez-vous faire, Maître ?

- Pour l'instant rien du tout. Nous verrons cela plus tard. Quant à toi, Shiryu, tu vas devoir rester à terre et suivre les instructions de l'arbitre. Parce qu'avec la châtaigne que tu viens de recevoir, impossible de te relever comme si de rien n'était sans éveiller les soupçons.

- Entendu, mon Maître, je comprends. Mais juste le temps de la partie alors, car j'ai promis à Shunrei que ce soir nous irions nous promener sur la plage tous les deux.

- Oui, mon petit. Juste le temps de la partie. Allez, va : repose un genou à terre et fais comme si tu souffrais le martyr. Mais n'oublie pas que comme toujours, je suis infiniment fier de toi.

- Merci, mon Maître. »

Sur ces entrefaites, deux secouristes accoururent sur la pelouse avec une civière sur laquelle ils entreprirent d'installer le jeune Bronze qui feignait la douleur avec talent. L'arbitre s'enquit de l'état de santé de ce joueur qui, il en était convaincu, passerait de nombreux mois sans pouvoir rechausser des crampons. Puis l'homme en noir glissa une main dans sa poche pour en sortir un carton aussi écarlate que l'Aiguille du Scorpion. Carton qu'il brandit au visage du Garuda.

Éaque contesta vertement en arguant qu'il n'était en rien responsable de cette malencontreuse collision, mais l'arbitre persista dans sa décision et l'expulsa du terrain.

Avant de quitter le gazon, le Népalais s'en prit à son aîné qu'il savait responsable de la gêne ayant amoindri les capacités de celui qu'il avait percuté. Minos se défendit en prétextant qu'étant donné l'évolution de la partie, aucune méthode ne pouvait être écartée pour les mener à la victoire. Argument que le Garuda ne voulut pas entendre – mince, il ne s'agissait tout de même que d'un simple match de football – et une violente dispute éclata entre les deux juges. Rhadamanthe intervint pour les séparer avant qu'ils n'en vinssent aux mains, d'inquiétants fils d'argent commençant à apparaître à l'extrémité des doigts du Griffon. Et Éaque s'éloigna finalement du terrain en marmonnant une volée d'insultes à l'encontre de celui qui l'avait fait sanctionner.

Pendant ce temps, Shura s'était emparé du ballon pour le placer à l'endroit que l'arbitre venait de désigner pour tirer le coup franc vengeur. Le Capricorne s'élança et frappa la balle avec force et précision en direction d'Angelo qu'il avait vu démarqué. Le Cancer comprit immédiatement le plan de son meilleur ami qu'il ne put s'empêcher de trouver bigrement malin, en plus d'avoir un cul superbement moulé par son short de footeux – merda, voilà qu'il recommençait à divaguer ! – et il accéléra sa course. Il intercepta le ballon à la limite du hors-jeu, s'élança comme s'il avait Hadès lui-même à ses trousses, et arriva seul face aux buts. Il ajusta son pied droit, jeta un coup d'œil rapide devant lui pour observer la position du gardien et tira. En pleine lucarne ! But !

La foule en liesse se leva et se mit à applaudir. Aphrodite hurla de sa plus jolie voix qu'Angelo était le plus fort et le plus beau de tous les siciliens (ndla : ben ouais, faudrait pas exagérer non plus), et Athéna trépigna d'allégresse en balançant son fanion que Saga reçut en pleine face.

Le panneau affichant le score vit enfin apparaître un numéro en son sein, et la partie reprit son cours pour les dix dernières minutes du temps réglementaire.

Sans attendre la fin de la célébration de leurs adversaires (ndla : en même temps, avec Angelo, Kanon, Milo & Co, ils n'étaient pas rendus), les joueurs de l'Elysion se positionnèrent pour la remise en jeu. Et alors que Rhadamanthe s'apprêtait à effectuer l'engagement, une sirène retentit dans tous les environs.

Une sirène qui fut bientôt suivie d'un épais nuage de fumée et d'une violente odeur de brûlé.

Un incendie venait de se déclarer dans la forêt de pins jouxtant le Poséidon.


Le lendemain, Camping Le Zodiaque

Athéna se tenait debout, noble et solennelle enveloppée de son aura divine, et ses protecteurs l'écoutaient avec attention et sagesse (ndla : enfin pour certains d'entre eux en tout cas). Elle venait d'exposer les événements des dernières vingt-quatre heures en en faisant un résumé concis mais précis. Et tout au long de son discours, elle avait insisté sur combien elle se sentait fière de ses chevaliers qui n'avaient pas hésité à tout abandonner pour voler au secours des touristes du Poséidon et de ses environs. La Champions League ne connaîtrait jamais le nom de ses vainqueurs, mais au fond, plus personne ne semblait considérer cela comme vraiment important (ndla : enfin peut-être à une ou deux exceptions près, mais nous verrons cela plus tard). Aucun blessé n'était à déplorer, et c'était bien la seule chose qui comptait.

Un chevalier en particulier s'était montré exceptionnellement courageux et devait au dire de la Déesse être salué. Aiolos du Sagittaire, qui avait bravé les flammes pour secourir une famille prise au piège dans un mini-van garé en bordure de la forêt aujourd'hui dévastée. Le Grec était arrivé sur les lieux bien avant les pompiers, alerté par les pleurs d'un enfant qui commençait à suffoquer au milieu des vapeurs toxiques. Et il l'avait sauvé lui, ses parents ainsi que leur petit fox terrier. Bref, le Sagittaire avait une nouvelle fois agi en héros, et Athéna souhaitait lui rendre hommage comme il le méritait.

Une fois la chose faite, la Divinité poursuivit son propos en expliquant qu'étant donné les circonstances, il lui paraissait inconcevable de ne pas venir en aide à leurs collègues du Poséidon. Certes, ils étaient concurrents dans le cadre du même palmarès, mais cette rivalité ne tenait plus dans le contexte actuel. L'incendie avait heureusement été rapidement maîtrisé, mais les dégâts matériels étaient importants et le personnel du Poséidon trop peu nombreux pour réaliser les travaux qui permettraient de maintenir le camping à flot. Après, Julian aurait probablement pu prendre la décision de fermer son établissement et d'abandonner la partie, mais tel était bien mal connaître l'héritier des Solos. Un choix d'ailleurs plébiscité par les vacanciers qui, tout danger étant à présent écarté, avaient insisté pour pouvoir continuer leur séjour presque comme si de rien n'était.

Alors Athéna, dans son infinie bonté, avait décidé d'envoyer trois de ses plus valeureux guerriers dans les rangs de leurs rivaux pendant toute la durée des travaux : Shura du Capricorne, Shun d'Andromède et Shaina de l'Ophiuchus (ndla : et là je sais ce que vous allez me dire : en fait la Déesse s'est contentée de choisir des prénoms commençant par « Sh ». Non, vous n'aviez pas remarqué ? Eh bien vous avez parfaitement raison, parce qu'en réalité, on s'en balance !).

Cette annonce eut pour effet de générer un profond agacement chez Ikki du Phoenix qui, petit un, n'avait pas du tout envie de laisser son petit frère voler de ses propres chaînes aussi loin de son regard protecteur et avisé. Et petit deux, il allait perdre un soutien professionnel qu'il ne pouvait considérer autrement que précieux, même s'il s'était toujours bien gardé de partager cet avis avec l'intéressée. Oui, l'efficacité et la capacité de travail de l'Ophiuchus allaient lui manquer. Ça et seulement ça. Et surtout pas son sale caractère ni ce si joli sourire qu'elle avait pour lui de temps en temps.

Les autres approuvèrent, certains saluant la profonde mansuétude de leur Déesse, d'autres regrettant tout de même un peu son manque de compétitivité − mince, le trophée des Tongs d'Or aurait été si facilement à leur portée avec le Poséidon en dehors du jeu ! Et un chevalier salua avec une inhabituelle gratitude cette décision qui avait pourtant d'abord créé une étrange sensation de vide dans sa poitrine. Oui, pour la première fois depuis longtemps, Angelo allait devoir vivre sans la présence du Capricorne à ses côtés, mais finalement ce n'était probablement pas plus mal. Car comme ça, il arrêterait peut-être de fantasmer sur le superbe postérieur de son meilleur pote.

La réunion touchant à sa fin, Saga des Gémeaux prit la parole à son tour pour renouveler la confiance qu'il portait en chacun et saluer le dévouement de tous. Mais ses pensées étaient en réalité presque exclusivement dirigées vers un seul chevalier. Aiolos, dont il avait une nouvelle fois admiré l'altruisme et la générosité. Le Sagittaire avait toujours été ainsi : désintéressé, courageux, juste. Il valait tellement mieux que lui. Il aurait tellement mérité d'avoir une autre vie. Il aurait tellement mérité de ne pas faire l'erreur de le choisir pour ami.

Il aurait tellement mérité d'être aimé par un autre que lui.


Le Globe Trotter café, plus tard dans la soirée

Kanon poussa la porte de son bar préféré avec soulagement. Il avait dû faire preuve d'imagination pour trouver une excuse lui permettant de s'éclipser du camping en cette soirée de communion zodiacale, mais par tous les Dieux, à quel point il en avait besoin !

Les raisons qu'il avait de préférer la fuite étaient multiples, mais la première résidait dans ce qu'il avait pu percevoir plus tôt dans l'esprit de son jumeau. Car le lien qu'ils partageaient tous les deux ne lui permettait pas d'ignorer ce qu'il était le seul à avoir jamais su.

Saga était malheureux. Il l'avait toujours été, enfin sauf lorsque le Démon qui vivait en lui l'avait contraint à oublier. Il était malheureux parce qu'il était amoureux d'un homme qu'il avait de tout temps admiré et qu'il savait ne pas mériter. Un homme que l'Autre avait fait tuer et dont la mort n'avait cessé de l'obséder depuis.

Personne ne pouvait imaginer ce que Saga avait dû supporter pendant toutes ces années. Le dégoût et la colère qui déchiraient son âme dès qu'il revenait à lui et revivait l'horreur de ce qu'il savait avoir commis. Il avait le sang du Sagittaire incrusté sur les mains et l'ombre de ses yeux à jamais ancré dans la poitrine. Ces yeux qu'il aimait plus que tout et qui, ce soir-là, l'avaient regardé avec incompréhension et haine avant de le jeter dans l'oubli. Et pendant plus de treize ans, chacun de ses rêves avait été hanté par le souvenir de celui qu'il avait perdu et de ce qu'il avait détruit.

Kanon avait assisté à chacun de ces cauchemars impuissant. Il en avait été le témoin invisible et la douleur de son jumeau avait nourri ses propres ressentiments. L'Autre était responsable de tout. Il avait toujours été là, tapi dans l'ombre de leurs vies, à attendre le moment opportun pour venir les briser. Et lui, en cadet insignifiant, l'avait laissé faire, par lâcheté, par jalousie, par peur. Ou peut-être tout simplement parce qu'il n'avait jamais eu le choix.

Alors oui, ce soir, Kanon avait besoin de s'éloigner et d'oublier. Saga. Aiolos. Athéna. L'incendie. Le tournoi. Et… Rhadamanthe de la Wyverne.

Ce maudit Spectre qui avait essayé de le tourner en ridicule en utilisant contre lui l'attirance certaine qu'ils ressentaient l'un pour l'autre. Parce que s'il avait maintenant accepté de ne plus se voiler la face concernant ce qu'évoquait chez lui son ancien ennemi, leur dernier échange avait conduit Kanon à remettre à plat un certain nombre de choses. Rhadamanthe s'était joué de lui, mais en agissant ainsi, la Vouivre s'était peut-être bien brûlé les ailes. Car sous ses remarques sarcastiques et son apparente indifférence, Kanon était convaincu d'avoir décelé autre chose. Son rival le désirait au moins autant qu'il le désirait lui-même. Certes, ce baiser l'avait ébranlé, secoué dans ses certitudes et dans ce qu'il croyait vouloir, mais il n'était pas tout seul dans cette histoire, et surtout, sa bouche n'était pas celle qui avait allumé le feu qui depuis incendiait ses reins.

« Bonsoir. »

Kanon serra le verre qu'il venait de terminer entre ses doigts. Comment avait-il pu imaginer qu'il parviendrait à se libérer de l'emprise de cet homme ?!

« Tu m'offres un verre ? Sans vouloir être impoli, il me semble que c'est ton tour. »

Le Gémeaux se retourna pour plonger dans ce regard qu'il s'était juré d'éviter comme la peste. Peine perdue.

« Rhadamanthe ! Cette fois-ci, je vais vraiment finir par croire que tu me suis.

- C'est en partie le cas, et à ce sujet, je te dois probablement un certain degré d'explication.

- Par le Sceptre Sacré de la Déesse ! le coupa le chevalier.

- Kanon, ne commence pas à blasphémer, s'il te plaît.

- Tout est − encore une fois − question de point de vue. Mais alors, cette explication ? insista le supposé profanateur .

- Si je t'avais effectivement suivi lors de notre première rencontre ici…

- Ah ! J'en étais sûr !

- Ce n'est pas le cas aujourd'hui, poursuivit sans (mono)sourciller le Britannique. Cet établissement m'a plu, et j'ai pris l'habitude de venir m'y divertir lorsque mes obligations m'en donnent la possibilité.

- Et donc tu veux me faire avaler que c'est totalement par hasard que tu rappliques dans mon bar favori précisément ce soir, et ce pile-poil en même temps que moi !

- Il s'agit en effet d'un événement complètement fortuit. D'ailleurs, je n'avais pas prévu de venir ici tout seul ; Éaque devait m'accompagner, mais il a été retenu au dernier moment.

- Mais bien sûr ! Et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d'alu ! (ndla : on a retrouvé le véritable auteur de la publicité pour le chocolat Milka ! Publicité qui fit un carton sur les écrans français quelques années plus tard)

- What ?!

- Rien, laisse tomber ! Mais dommage pour Éaque : j'aurais bien aimé recueillir son analyse concernant l'acte de bravoure auquel votre satané frangin s'est livré pendant la partie d'hier.

- Ne sois pas injurieux, Kanon des Gémeaux !

- Et toi, ne sois pas faux-cul, Rhadamanthe de la Wyverne ! Et reconnais tout de même que Minos n'a été qu'un sale con.

- Mon frère n'a pas agi de la plus heureuse des façons, mais jamais je ne me permettrai un tel jugement.

- Bah oui. Juge, mais pas trop quand même, hein ?

- Cela n'a strictement rien à voir. Et je te rappelle que tu n'as pas répondu à ma requête initiale.

- Qui était ? Non parce que là, tu m'as perdu.

- Tu me dois un verre.

- Tu bois quoi ? se contenta de répondre le Gémeaux.

- Comme la dernière fois, si tu t'en souviens. »

Kanon fit volte-face pour appeler le barman et commander un scotch double malt on the rocks – évidemment qu'il n'avait pas oublié – ainsi qu'un Cuba Libre, bien corsé sur le rhum, léger sur le cola.

Une fois servi, le Grec tendit son whisky à son vis-à-vis et leva son verre devant lui :

« A ta santé, Rhadamanthe, et à ma toute dernière victoire !

- De quelle victoire parles-tu ?

- Oh c'est pas vrai ! Tu vas pas recommencer ?!

- Le match a été interrompu avant la fin du temps réglementaire, continua le Juge en faisant tourner les glaçons dans le fond de son verre. Nul ne peut donc déterminer l'identité des vainqueurs.

- Tu m'emmerdes, tu le sais ?! vitupéra le chevalier d'Athéna.

- Voilà que tu redeviens discourtois. C'est regrettable, les grossièretés ne siéent pas à ta bouche.

- Laisse-ma bouche en dehors de ça !

- Kanon… morigéna la Wyverne en prenant une voix grave.

- Et ne prononce pas mon nom comme ça !

- Comme quoi ?

- Comme ça, là… Ah et puis merde ! En plus, je dois avouer que t'as pas tort pour une fois : en football, comme dans beaucoup d'autres choses, on ne peut jamais être sûr de rien tant que la partie n'est pas finie. Donc la Champions League restera probablement sans vainqueurs.

- Certes. Mais je demeurerai le seul et unique à être sorti victorieux de notre tout premier combat.

- Là, tu cherches vraiment les ennuis, Rhadamanthe ! admonesta le Gémeaux soucieux de reprendre le contrôle de la conversation.

- Aucunement. Je cherche avant tout à passer un moment cordial avec toi.

- Un moment cordial ? Tu m'en diras tant ! Et en quoi consiste un moment cordial à tes yeux ? Je suis curieux.

- Savourer un verre d'alcool de qualité. Échanger des opinions sur des sujets pertinents. Apprendre à se connaître un peu plus.

- Tu veux apprendre à me connaître ? Toi ?

- Oui. Pourquoi parais-tu étonné ?

- Je croyais que vous autres, les Spectres d'Hadès, ne portiez d'intérêt qu'à votre Dieu.

- Nous nous intéressons à tout ce qui mérite d'éveiller notre curiosité.

- Et tu me trouves donc méritant ? Tiens, t'aurais donc changé d'avis sur ma personne ? Car j'avais cru comprendre que tu ne me considérais pas digne de ton estime pour avoir trompé un Dieu.

- Je n'ai pas évoqué une telle chose. J'ai parlé de curiosité.

- On t'a jamais dit que la curiosité était un vilain défaut ?

- Tu joues sur les mots.

- Et toi, tu joues avec mes nerfs ! Et puis d'abord, qui te dit que ton envie d'échange et de partage est réciproque ?

- Personne, mais j'en suis convaincu, rétorqua simplement Rhadamanthe en portant son verre à sa bouche.

- Toujours ton insupportable assurance. Tu devrais te méfier, parfois on peut tomber de haut ! Mais puisque tu parlais tout à l'heure de savourer un verre d'alcool de qualité, s'empressa de poursuivre le Gémeaux pour changer de sujet, tu trouves le whisky à ton goût ?

- Oui. Je t'ai dit que l'endroit m'avait plu. La qualité du scotch y est pour beaucoup.

- Logique. Et l'incendie, alors ? Vous n'avez subi aucun dégât à l'Elysion ? Puisque si je me trompe pas, la partie la plus au sud du parc de votre hôtel ne se trouve pas bien loin du Poséidon.

- C'est exact. Mais − mon Souverain en soit loué − les flammes nous ont épargnés.

- En même temps, c'est pas comme si vous y étiez pas habitués…

- Kanon, tu te fourvoies. L'Enfer auquel tu sembles vouloir faire référence n'est pas le nôtre mais celui des Chrétiens.

- Ah oui. My bad ! Mes cours de mythologie et de catéchisme commencent à dater un peu. Cela dit, c'est bien un peu tout pareil. Au singulier ou au pluriel, c'est un endroit où on devrait pas avoir à mettre les pieds ! Et perso, je languis pas de retourner y faire une balade.

- Pourtant je pourrais te servir de guide.

- Mince, le grand Rhadamanthe qui fait de l'humour ! Pas mal !

- Merci. Je prends cela pour un compliment.

- C'en est un. Et alors, par quoi tu commencerais ?

- Que veux-tu dire par-là ?

- Eh bien, qu'est-ce que tu voudrais me montrer en premier au cours de cette visite ? Tu penses que l'antre de la Wyverne pourrait être à mon goût ?

- L'antre de quoi ?! faillit s'étouffer le Juge.

- Arrête, me dis pas que tu n'y avais pas pensé ! Rhadamanthe, assez tourné autour du pot : je sais ce dont tu as envie, ajouta le Grec avec un sourire enjôleur.

- Je ne vois pas de quoi tu parles.

- Vraiment ? Alors je vais t'aider à comprendre : tes lèvres sur les miennes, ça te rappelle quelque chose ?

- Bien entendu.

- Mais encore ? Rhadamanthe, je te prenais pour quelqu'un de plus rigoureux dans ses propos.

- Un moment d'égarement.

- C'est ce que tu crois ?

- C'est ce que j'ai dit.

- Tu ne sembles pas très convaincu.

- Si je le suis.

- Non, je ne crois pas. »

Kanon écarta le verre de whisky que Rhadamanthe tenait fermement entre ses doigts, et sans laisser à son rival le temps de réagir, il fondit sur sa bouche pour l'embrasser. Un baiser impérieux, pressé, violent, auquel Rhadamanthe répondit avec la même voracité. Mais un baiser qui ne dura qu'un instant, puisque Kanon le rompit presque aussitôt en se fendant d'un rire.

« Tu vois qu'il ne faut jamais être trop sûr de soi ».

Kanon termina son Cuba Libre, régla l'addition au barman dont la mâchoire venait de se décrocher, puis se dirigea vers la sortie. Mais avant de quitter les lieux, il lâcha à celui qu'il sentait trépigner de rage dans son dos :

« Hasta La Vista, Baby ! »

Et tandis que Rhadamanthe prenait sur lui pour ne pas hurler, tout en se demandant ce qu'ils pouvaient bien tous avoir avec cette expression à la noix, Kanon passa la porte de son bar préféré avec un air triomphal. Il avait dit que la Wyverne ne s'en tirerait pas à si bon compte. Il avait dit que sa vengeance serait terrible. Et Kanon des Gémeaux n'était pas homme à prononcer de telles paroles à la légère. Il avait donc toutes les raisons de se sentir satisfait. De se sentir apaisé.

Alors pourquoi ne l'était-il pas ?


Tout bi contignoude…

Merci pour votre lecture.

Référence pour le titre du chapitre 14 : Get In The Ring, Guns N' Roses, 1991.


Notes :

J'aimerais ici rendre hommage à Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé, un immense joueur de footballeur qui aura marqué ce sport à jamais.

"La Guerre Sainte du Ballon Rond" est copyright Goldflam Kuroryu. Merci encore pour cette excellente suggestion !

La mention au grattage de joue de Rhadamanthe m'a directement été inspirée par une discussion avec ma chère Alaiya.

Et je me rends compte que j'ai oublié un autre hommage primordial : celui à StateAlchemist pour son excellentissime "Les Chevaliers du Zodiaque, La Série Abrégée" qui aura à jamais changé ma façon de regarder la Bataille des Douze Maisons, en plus de constituer une source intarissable d'inspiration (plaît-il ?!).