Quelques jours plus tard, le ciel est d'un gris si sombre qu'on s'attend à ce que le ciel expose en un gigantesque orage à chaque instant. Cependant, ce n'est pas le cas. Ce n'est qu'une calme menace, silencieuse. Ma mère est rentrée il y a trois jours, mais je ne pense qu'à revoir mon ancêtre en ce samedi matin. Cela m'obsède. Le vampire apparaît dans mes cauchemars, je ne cesse d'imaginer ce qu'elle peut savoir au sujet de Lynn, je me demande comment elle en sait tant sur ma vie et surtout qui est ce fameux Niklaus ... Il doit être terrifiant pour qu'une créature telle que Katherine le craigne. Et si je mets de côté mon intérêt personnel, c'est mon ancêtre, aussi lointaine qu'elle soit, et elle meurt de faim dans cette grotte ... Est-ce que les vampires peuvent finir par mourir de faim ? Je ne sais pas à qui en parler, Jared m'ayant bien fait comprendre qu'il était contre l'idée. Je n'ose pas insister. Dans la cuisine, je me déplace rapidement, occupée à ranger la vaisselle fraîchement lavée et à arranger les moindres détails. Les assiettes sont humides entre mes doigts maladroits. Maman est assez maniaque et ne va pas tarder à rentrer du travail. Le plat qu'elle a préparé ce matin l'attend sur la table, et en complément, j'ai préparé une salade. En même temps, j'en profite pour parler avec Jared, le téléphone étant sur haut parleur.

- Kim ? T'es là ? Prononce la voix de mon petit ami, en l'absence de réponse.

- Oui, oui, pardon, j'avais l'esprit ailleurs. Je réplique en récupérant le téléphone, passant une main dans mes cheveux.

- C'est rien. T'es contente de revoir ta mère ?

- Évidement, pour la quatrième fois. Je réponds sur la défensive, car c'est la quatrième qu'il me pose la question, que ce soit au lycée, dans sa voiture ou au téléphone.

Je ne comprends pas comment je pourrais ne pas être contente. Pourtant, j'ai recommencé à me ronger les ongles, chose que je ne faisais plus depuis le collège, et je suis toujours sur les nerfs. Mais j'estime que c'est plutôt lié à ces histoires de vampires qui rôdent plutôt qu'au retour de la femme qui m'a mise au monde. Le téléphone contre l'oreille, je fais les cent pas dans la pièce.

- Tant mieux, hésites pas à m'appeler si tu as un problème. Le moindre problème. Ou juste pour entendre ta voix. Je sais que je peux avoir l'air occupé avec Sam mais .. Jared tente de me rassurer, même si sa voix me paraît émotionnellement si lointaine.

- Tu l'es. Je sais que tu ne fais pas des nuits complètes. Vous n'êtes que trois et vous êtes supposés protéger toute la réserve et la Forks, c'est trop. Je l'interromps en mordant ma lèvre inférieure, en pensant aux nuits blanches qu'il enchaîne.

- Ouais, mais c'est comme ça. On est pas assez et faut que je m'adapte, et je préfère mille fois être avec toi plutôt que de rester au lit. N'oublies jamais que tu es ma priorité numéro un.

Cette dernière phrase m'arrache un sourire. Et alors que je m'apprêtais à répliquer, j'entends des clés tourner dans la porte, la maison étant loin d'être grande. C'est ma mère qui rentre du travail pour déjeuner.

- Je te rappelle. Je souffle avant de m'empresser de raccrocher, le souffle court.

J'essaie de prendre un air naturel et je fais mine de passer le chiffon sur la table, quand ma mère entre dans la cuisine et me caresse l'épaule en signe d'affection. Elle n'est pas des plus tactile au quotidien. Peut être que j'en fais trop, mais elle n'est pas au courant pour ma relation avec Jared. Je n'ai pas su comment lui annoncer quand elle est rentrée de chez Grand Mère et je ne sais toujours pas. Comment faire pour annoncer un changement à une personne qui vous cajole depuis toujours dans la même routine ? Je lui souris. Son affection et son regard concerné m'ont manqué. On ne saisit jamais réellement la valeur de quelque chose avant que l'on nous le retire, et l'amour d'une mère n'a pas d'égal. Enfin, dans mon cas, il y a l'imprégnation mais ... La comparaison est inutile.

- Salut chérie. Bien dormi ? M'interroge elle avec quiétude, déposant son sac à main en cuir sur une chaise, étant donné qu'elle est partie tôt ce matin.

- Salut, pas trop dur le travail ? D'habitude, tu ne travailles pas le samedi.

- Ça allait, ils ont modifié le planning en mon absence mais tout va bientôt revenir à la normale. Depuis le départ du docteur Cullen, l'organisation de l'hôpital est catastrophique. C'est imprévu sur imprévu. Désolé de ne pas avoir pu t'emmener chez la psychologue. Elle s'excuse platement avant de fixer la salade à table.

- C'est rien, je ne ressens plus autant le besoin d'y aller qu'avant. Je la rassure avec nonchalance.

- Si, c'est important. Elle lance, catégorique.

- J'irais la semaine prochaine. Je me contente de répondre, même si ça n'a pas d'importance. Elle a raison, c'est bon pour moi.

- Tu as cuisiné ? Elle me demande avec un sourire ironique.

- Oui, c'est une recette que je faisais souvent quand j'étais toute seule.

- Mais tu n'es plus toute seule, et je ne t'ai rien demandé.

En mettant la table, je déglutis et me contente de m'asseoir. J'observe ma mère fouiller dans les placards. En attrapant une des assiettes que je viens de ranger, elle souffle. Je réalise que c'est ce qu'elle fait dès qu'elle trouve que je fais quelque chose de stupide. Elle souffle, longuement. La grande brune a l'air sévère s'approche en quelques foulées et tape son doigt sur mon front. Plusieurs fois, de manière humiliante.

- Les assiettes, on les essuie avant de les ranger. Ça ne sert à rien de faire un travail bâclé. La prochaine fois, abstiens toi, l'étourdie.

Peut être que je m'y prendrais mieux, si elle m'avait laissé apprendre comme les autres enfants plutôt que de tout faire à ma place ? L'étourdie. La première fois qu'elle a utilisé ce mot, j'avais sept ans, et je m'étais perdue sur le chemin entre l'école et le parking où les parents attendent. Je n'avais pas compris ce que ça signifiait à l'époque. Elle m'a crié dessus devant tout le monde en disant que j'étais étourdie, que j'étais trop égoïste pour réaliser son inquiétude. Ce souvenir crée une boule dans ma gorge. C'est comme si j'avais eu deux mamans, celle d'avant la disparition de Lynn, et celle ci. Il n'y a qu'une journée qui sépare les deux, mais elle a pris d'un coup, une peine incommensurable, des rides de souffrance, et une infinie colère qui ne la quitte plus. Mais elle m'aime. Lorsqu'elle s'assoit, sa vieille chaise grince. Je me contente de m'excuser et nous commençons à manger dans le silence.

- Cette après midi, on ira faire les courses ensemble, mais avant je dois passer à l'hôpital pour récupérer un document. On pourra aussi aller se boire un café à Forks et aller au parc, juste entre filles. Tu pourras me montrer tes dernières photos. Elle prononce d'une voix douce en serrant ma main dans la sienne, par dessus la table, comme si j'étais encore une enfant.

J'avais raison. En rentrant, ma mère n'a plus trouvé la même fille qui l'attendait. Et tandis que j'ai envie de hurler, j'hoche la tête. C'est un amour étouffant, mais de l'amour quand même.

*

L'hôpital de Forks se présente, bâtiment d'un blanc immaculé, avec pour inscription « Forks community hospital ». Ma mère est une ancienne infirmière qui travaille essentiellement dans les bureaux de l'institution aujourd'hui, même s'il lui arrive de donner un coup de main aux infirmiers. Surtout depuis que le docteur Cullen est parti. Je n'ai aucun mal à me remémorer son visage, aux traits fins, au regard perçant d'ambre, à la parfaite peau blafarde, à l'aura magnétique ... Il a toujours été particulièrement gentil avec moi, les rares fois où nous nous sommes croisés, lorsque j'attendais ma mère à la cafétéria ou sur le parking. Je ne sais pas pourquoi. La première fois que je l'ai vu, il m'a fixé avec de grands yeux et s'est directement dirigé vers moi, comme s'il me connaissait ... Il y a sûrement un lien avec cette histoire de doppelgänger, mais je dois me faire des films. Ces dernières années, plusieurs garçons de la réserve se sont mis à boycotter l'hôpital en raison des légendes ... À l'époque, je ne comprenais pas pourquoi. Mais j'aurais sûrement fait de même, si j'avais su qu'un vampire était à la tête du service. Je me demande comment il faisait pour ne pas éveiller les soupçons, entourée de cadavres et de sang humain. J'imagine que je n'aurais pas de réponse, puisqu'ils ne reviendront jamais. Le bleu clair semble être la couleur de prédilection ici. Sur les murs, il y a des affiches concernant les assurances possibles, la lutte contre la dépression ou l'importance du don du sang. Comme beaucoup de personnages, les hôpitaux ont tendance à me mettre mal à l'aise. L'odeur des produits nettoyants, les expressions inquiètes et attristées, le parfum de la nourriture écoeurante, le son des roues des brancards contre le sol et la panique constante ... C'est entêtant. Je n'aurais jamais pu être infirmière. Après avoir pris l'ascenseur, ma mère me laisse dans un couloir, où je ne pense pas avoir le droit d'être. J'enfonce mes mains dans les poches de mon blouson alors que nous circulons dans le brouhaha de l'hôpital.

- Attends moi ici. Elle me donne comme consigne avant de monter un escalier, pressée.

J'observe le couloir, qui est quasiment vide, mise à part quelques allers et venus rarissime ... Sur une des porte, était écrit « Réserve ». Une idée me vient à l'esprit, mais je sais qu'elle est stupide. Je n'oserais pas ... Si ? C'est de la folie. Dans mes pensées, j'entends les talons de ma mère frapper le sol dans mon dos. Je fais volte face pour me retrouver devant son air désolé.

- Chérie, il y a encore eu un changement de planning ... Ce n'est pas professionnel, il y a de plus en plus d'incompétents dans cet hôpital. L'adulte marmonne, une main sur son front, sous l'effet de la fatigue et de l'agacement.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Je lui demande, fronçant les sourcils.

- Je dois rester cette après midi et je vais terminer tard ce soir. Prends le bus pour rentrer, tu sais lequel n'est-ce pas ? Il n'y en a qu'un seul de toute façon pour aller en direction de la réserve. Ça m'embête de ne pas pouvoir te ramener.

- T'inquiètes pas, je suis grande. Je réponds en tentant d'être convaincante.

- Rentres bien ma choupette, ne m'attends pas pour aller dormir. Et préviens moi quand tu rentres. Elle ajoute en passant une main sur mon bras, pour ensuite me donner mille recommandations avant d'enfin s'en aller.

Je devrais m'en aller. Je devrais prendre l'ascenseur, sortir de l'hôpital, attendre le bus et rentrer bien sagement chez moi ... Mais c'est si tentant. Sans réfléchir, je pousse la porte de la réserve. Jackpot. Des centaines de pochettes contenant du sang sont méticuleusement rangées du sol au plafond. J'en prends plusieurs sous l'effet de l'adrénaline, le souffle court, et je les glisse dans mon sac à dos avant de quitter la pièce en trombe. C'est du vol, mais je l'ai fait. Il faut bien nourrir Katherine. Dans l'ascenseur, je croise un médecin à qui je souris, comme si de rien n'était. J'ai le champ libre pour retourner à la grotte. Il me suffit de prendre le bus dans le sens inverse pendant une heure. La porte de la réserve n'était pas fermée à clés, c'était un signe. Je pourrais appeler Jared, ça me rassurerait qu'on y aille ensemble … S'il me répond, c'est le signe qu'il doit m'accompagner. Malheureusement, mon appel n'a pas de réponse … Je tombe sur sa messagerie sur laquelle je ne laisse aucun message. Je range mon téléphone dans la poche de mon jean.

Et alors que j'avais l'impression de retourner dans ma cage, je devais prendre une décision. La vie normale ne me suffit plus et, inconsciemment, je ne compte pas retourner sous le joug de ma mère. Je dois revoir Katherine. C'est ma seule occasion et il me faut la saisir. Je vais devoir vivre seule cette aventure.


Ça fait quoi, presque un mois que j'ai pas update ? Moins on en fait moins on a envie d'en faire, alors je me suis décidée à reprendre. Vous pensez quoi de la relation Kim et sa mère ? Et qu'est-ce que Katherine dira à Kim ? Comme d'habitude, n'hésitez pas à me faire part de vos avis, c'est très encourageant.

Alexise-me : Exactement, Kim n'ose pas admettre qu'elle veut rompre cette promesse avec Jared ! Haha n'hésite pas à me dire ce que tu penses de la suite, merci de la review.

Sulan : Coucou, merci pour tes reviews, j'espère que l'histoire va continuer à te plaire !