Bonjour,

Avec beaucoup de retard, voici la suite de mon histoire. J'espère que cette lenteur de publication ne vous aura pas trop découragé.e.s, et que les caprices de ffnet vous auront tout de même permis d'arriver jusqu'ici. Quoi qu'il en soit, merci pour votre intérêt et pour votre fidélité. A noter toutefois qu'étant donné le piètre état de la maintenance informatique ffnettienne, il est probable que je commence à poster cette histoire aussi sur AO3 (toujours sous le même pseudo).

Je vous souhaite une bonne lecture malgré tout.

Céline : Encore une fois, de rien pour la dédicace. C'est important pour moi de répondre aux reviews qui me procurent la motivation indispensable à la poursuite de mon écriture :-) Ah le Grau du Roi, c'est un coin que je connais, même si ça fait plus de vingt ans que je n'y ai pas mis les pieds. Et alors, la concurrence offre un service de qualité ? ;-) Merci beaucoup pour tes gentils mots ! Je suis ravie d'apprendre que je ne suis pas trop infidèle à la réalité que je veux décrire, et si j'ai pu éviter à certains clients de finir dans la piscine, c'est encore mieux ! (mais là, je crois que tu me flattes beaucoup trop ;-) ) Je suis aussi très heureuse que mes âneries te donnent toujours le sourire. Oui, les couples avancent. Doucement mais sûrement, comme tu dis. J'espère que ce nouveau chapitre te plaira. Prends soin de toi et à bientôt.


Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami Kurumada. Enfin vous connaissez le topo, quoi.


Chapitre 18 : Sensualité

Une semaine plus tard, sur une superbe plage des Landes, en début de matinée

Les vagues qui se brisaient sur la plage pour disparaître comme si elles n'avaient jamais existé procuraient à Camus une certaine forme d'apaisement. Dans un sens, cela lui rappelait sa chère Sibérie, lorsque le vent balayait la plaine entraînant avec lui des nuées de neige et de givre. Enfin à quelques degrés centigrades près. Heureusement qu'il n'était pas encore dix heures du matin, sinon il n'aurait jamais accepté de suivre Hyoga jusqu'ici dans cette fournaise estivale.

Hyoga qui avait donc finalement retrouvé Isaak. Après toutes ces années de sacrifice, d'oubli et de souffrance, ses deux anciens élèves semblaient à nouveau partager ce qui les avait unis si longtemps : un lien qui n'aurait jamais dû se briser, et qui ne l'aurait pas été s'il n'avait pas failli dans la mission qui lui avait été confiée. Un échec que Camus n'était jamais parvenu ni à oublier ni à se pardonner. Car comment effacer le souvenir de la disparition d'un enfant ?

Mais aujourd'hui, Hyoga et Isaak donnaient l'impression d'avoir fait table rase du passé pour laisser derrière eux rivalité, rancune et allégeances ennemies. Tout ceci n'avait plus lieu d'être dans la nouvelle vie qui leur avait été accordée. Enfin peut-être à une légère exception près. Car ils semblaient une nouvelle fois convoiter un objectif commun : le cœur de la jolie Thétis (ndla : et oui, plutôt perspicace le Verseau lorsqu'il ne s'agit pas de sa propre personne).

Camus comprenait mieux la soudaine passion de son ancien disciple pour ce sport de glisse qui avait également séduit la plupart de ses camarades en armure, à commencer par Kanon et Milo. Pourtant lui-même ne voyait que peu d'intérêt à chercher à se mouvoir de cette manière sur une simple planche de bois. Quitte à vouloir affronter la houle et le ressac, pourquoi ne pas plutôt préférer la stabilité rassurante d'un bateau ? A moins que l'idée de ne dépendre que de sa seule capacité à dompter l'océan ne fût la source d'un sentiment suffisamment grisant pour oublier les trop nombreuses déconvenues causées par une plongée la tête la première dans une grosse vague.

D'ailleurs, certains semblaient plus doués que d'autres pour maintenir la tête hors de l'eau. Hyoga se débrouillait plutôt bien pour un nouvel initié. Un succès qu'il devait probablement à l'attention particulière que lui portaient Thétis et Isaak qui d'après ce que Camus avait compris, avaient commencé à surfer plusieurs années auparavant. Seiya aussi semblait plutôt à son aise, même si là, il venait de se prendre sa propre planche dans les dents. Quant à Kanon et Milo… Ils donnaient l'impression de maîtriser la glisse avec presque autant d'aisance que le septième sens. Dingue comme ces deux-là semblaient capables de réussir tout ce qu'ils entreprenaient dès lors qu'ils le faisaient ensemble. Une complicité indéfectible depuis ce jour où Milo avait accordé la rédemption à celui qui les avait pourtant trahis, et dont Camus ne pouvait s'empêcher de se montrer jaloux. Même si la présence du Gémeaux n'était en rien responsable de ce qu'était devenue sa relation avec le Scorpion depuis leur retour à la vie. Non ça, il ne le devait qu'à lui et à lui seul.

Et puis s'il voulait raisonner comme l'aurait fait un véritable ami, Camus aurait plutôt dû se montrer reconnaissant envers l'ancien Dragon des Mers, la présence de ce dernier semblant beaucoup apporter à Milo en plus de le rendre profondément heureux. Kanon et lui partageaient de nombreux intérêts communs, depuis les sorties entre potes à la musique électronique en passant par le cinéma d'action et la télévision. D'ailleurs, Camus ne parvenait pas à comprendre comment les deux acolytes pouvaient passer autant d'heures à scruter un écran sans ne rien faire d'autre que de glisser leurs mains dans un énorme bol de chips. Dernier programme à avoir trouvé grâce à leurs yeux : une série américaine mettant en scène des hommes et des femmes faiblement vêtus courant au ralenti sur une plage. Pour ce qu'il en avait vu – car Dohko avait eu la faiblesse d'accepter de leur donner un accès à la télévision du bar de temps en temps – le scenario de ce feuilleton était assez limité pour ne pas dire totalement inexistant. Encore un succès d'audimat relevant de l'ordre de la pure énigme télévisuelle (ndla : notons ici le cruel manque de perspicacité du Verseau concernant le goût de certains téléspectateurs pour les ralentis et les tenues de bain écarlates. Et ce ne sont pas Chandler et Joey qui pourront dire le contraire – Cours, Yasmine ! File comme le vent !).

Et maintenant, ils s'étaient donc découverts une nouvelle passion commune : le surf et les envolées dans l'océan. Et bien que sa présence sur la plage à une heure aussi matinale fût le fait de son ancien disciple et de la volonté de ce dernier de lui permettre d'apprécier ses progrès, Camus ne parvenait pas à détourner les yeux du corps de Milo. Ce corps élancé et bronzé qu'il n'avait aucun mal à distinguer au milieu des vagues malgré la distance et malgré les embruns. Ce torse et ce dos à la musculature parfaite qu'il pouvait dessiner les yeux fermés alors qu'il ne les avait jamais touchés. Ce visage magnifique dont le sourire lumineux était resté gravé dans sa mémoire depuis le jour de leur rencontre. Cette chevelure indomptée qui l'avait toujours fasciné et qu'il avait parfois eu la chance de pouvoir effleurer du bout des doigts.

Camus cligna des paupières, avala lentement sa salive et réajusta son chapeau. Par tous les Dieux, à quel point il faisait chaud ce matin ! Il glissa une main dans son sac pour en tirer une bouteille qu'il porta à sa bouche. Le contact de la fraîcheur sur ses lèvres lui fit du bien, ce qui l'incita à faire rouler la bouteille contre son front puis le long de son cou. En analysant sa situation, il conclut qu'il avait besoin de retrouver une température corporelle acceptable et de rediriger le flux de ses pensées vers un sujet moins brûlant. Un cri en provenance de l'océan lui apporta une distraction toute trouvée. Deux individus aux cosmos identifiables entre tous venaient de se jeter à l'eau une planche à la main, et l'un d'eux s'était vu presque aussitôt rejeté par les flots.

A deux brassées du rivage, Éaque du Garuda s'asseyait sur sa planche en tentant de réprimer l'éclat de rire qui lui chatouillait les lèvres, tandis que Rhadamanthe de la Wyverne essayait désespérément de maintenir la tête au-dessus des vagues. En voilà un qui ne semblait pas du tout à son aise dans le milieu aquatique, et ce constat ne manqua pas de faire sourire le Verseau. Ah, s'ils avaient eu cette information à leur disposition lors de la dernière guerre, ils auraient probablement pu abréger nombre de combats douloureux. Ils n'auraient eu qu'à se présenter au château d'Hadès munis d'une grosse cruche remplie d'eau iodée, et zou, l'affaire aurait été pliée ! Camus pouffa en imaginant la tête de la Wyverne se prenant le contenu d'un grand seau d'eau, et remercia intérieurement son ancien ennemi de lui avoir offert une échappatoire aussi efficace à ses fantasmes matinaux.

OooOooO

L'eau salée lui fouettant le visage et sa planche de surf solidement plaquée contre la poitrine, Kanon filait sur la vague prêt à se mettre debout pour braver l'océan. Il avait su jadis manipuler un Dieu, alors il ne craignait en rien l'abîme de cet azur infini, surtout avec l'azur de son meilleur ami en point d'ancrage devant lui.

Mû (ndla : non, pas lui, l'autre mû !) par une poussée d'adrénaline qui se répandait en lui en même temps que l'air iodé des embruns, Kanon projeta son corps en avant pour se dresser tel un soldat impatient d'affronter l'ennemi. Milo l'imita dans chacun de ses gestes, et les deux chevaliers s'envolèrent ensemble dans les rouleaux. Le Scorpion poussa un cri de satisfaction bestial à faire griller les sardines (ndla : les pouvoirs des chevaliers d'Or sont décidément sans limite !), bientôt rejoint par Kanon qui savourait cette nouvelle sensation de liberté.

Pure extase.

Une fois repus et satisfaits, les deux surfeurs aux abdos de divinités grecques s'immobilisèrent à califourchon sur leurs planches pour observer la plage de sable blanc qui s'étendait devant eux. Milo porta sa main en visière sur le haut de son front et sentit presque aussitôt une volée de papillons envahir sa poitrine.

Camus était assis sur une serviette, juste-là sur la plage, et scrutait l'océan. Que faisait-il ici ? Était-il venu pour lui ? Pour le voir dompter les vagues et s'élancer dans les flots ? Non. Bien sûr que non. Si le Verseau se trouvait là, ce n'était pas pour lui mais pour ses deux anciens disciples. Hyoga et Isaak qui surfaient avec Seiya et Thétis une vingtaine de mètres plus loin.

« C'est magique, tu trouves pas ? finit par déclarer le plus âgé des deux Grecs.

- Total kif, approuva le Scorpion, ravi de pouvoir s'écarter de la direction que prenaient ses pensées.

- Franchement, je regrette de pas avoir essayé ça plus tôt, ajouta l'ancien Général.

- Surtout que c'est pas comme si t'avais pas passé tout un tas d'années avec cinq ou six océans juste au-dessus de ta tête !

- Sept.

- Ouais. Enfin bref. Je comprends pas pourquoi c'était pas au programme de votre emploi du temps sous-marin.

- Je sais pas ? Probablement parce qu'on avait d'autres chats à fouetter.

- Vous aviez des chats ? Sérieux ? J'aurais pas cru. De quelle race ? Des poissons-chats ?

- Ha ha. Très fin !

- Merci. Et si tu veux continuer à rigoler cinq minutes, poursuivit Milo en détournant les yeux un peu plus loin sur sa droite, je te conseille de regarder par-là. »

Kanon tourna la tête dans la direction pointée par l'index de son ami et dut se mordre l'intérieur des joues pour ne pas laisser un sourire beaucoup trop niais étirer sa bouche. Rhadamanthe, qu'il n'avait pas senti arrivé du fait de son orgie d'adrénaline, tentait tant bien que mal – plutôt mal que bien pour être tout à fait honnête – de remonter sur sa planche après ce qui semblait avoir été une chute assez magistrale à en juger par le rire puissant qui animait le visage du Garuda. Et aussi étrange que cela pût paraître, le Gémeaux trouva ça terriblement mignon.

« Eh bé, qui aurait pu croire ça ? La Grande Wyverne, troisième Juge des Enfers, une véritable quiche sur une planche de surf ! s'esclaffa l'Arachnide.

- Il a peut-être pas l'habitude du milieu aquatique, voilà tout.

- Tu le défends, toi, maintenant ?

- Je ne le défends pas, je dis juste que c'est pas en vivant dix pieds sous terre qu'il a dû pouvoir pratiquer la baignade ou toutes autres activités du même genre, et que ce manque d'expérience explique probablement ce piètre résultat.

- Ben Éaque se trouve exactement dans la même situation, et lui n'a pas l'air d'une poule d'eau qui a trouvé un couteau suisse ! Non mais regarde-le ! Tu crois qu'il faut qu'on plonge pour aller le secourir, parce que là, il me semble quand même pas loin de la noyade ?! »

Une fugace lueur d'inquiétude dans le regard de Kanon, associée au manque de réaction à une boutade qui aurait pourtant dû générer une profonde hilarité, incita Milo à relever un sourcil. Puis deux.

« Non mais attends une minute… Kanon, me dis pas qu'c'est pas vrai !

- Plaît-il ? s'enquit l'ancien Marina qui ne l'écoutait plus, perdu dans des pensées Wyvernales.

- Kanon, regarde-moi !

- Quoi, Milo ?! rétorqua le Gémeaux en tournant finalement la tête dans la direction de son cadet.

- Mais oui ! C'est ça ! Ce regard idiot, ce sourire niais… Merde, Kanon, t'en pinces pour Rhadamanthe !

- Non mais tu délires ! s'exclama l'amoureux démasqué.

- Oh que non ! Je te connais, mon vieux, et ces yeux-là ne peuvent pas me tromper. T'as le béguin pour la Wyverne, et ça date visiblement pas d'hier !

- Bon, t'as gagné, Milo ! Oui, je le trouve canon, pour ne pas dire foutrement sexy ! Mais il est aussi profondément agaçant avec son insupportable arrogance et sa maudite certitude d'avoir toujours raison sur tout.

- Ah mais carrément ! On dirait déjà un vieux couple ! Et ça dure depuis longtemps vous deux ?

- Il n'y a pas de nous deux, Milo ! Et il n'y en aura jamais !

- Arrête, pas possible ! Vu la manière que t'as de le reluquer, je peux pas avaler que vous n'ayez jamais rien expérimenté tous les deux. Alors vas-y, Kanon, crache le morceau !

- Il y a peut-être bien eu un baiser.

- Mais encore…

- Ou deux.

- Et alors, c'était comment ?

- Bordel, Milo, tu vas me faire chier longtemps avec tes questions ?!

- Ben écoute, oui ! Merde, tu viens quand même de m'avouer que tu sortais avec le type pour lequel tu t'étais foutu en l'air lors de la dernière guerre – en même temps, tout s'explique pour le coup…

- Je ne sors pas avec lui !

- Mais t'en crèves d'envie !

- Non !

- Menteur !

- Et alors ?! De toute façon, qu'est-ce que ça changerait ? Même si j'avais envie de tenter quelque chose avec Rhadamanthe, comment est-ce que je le pourrai ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Milo, arrête, me dis pas que tu vois pas en quoi ça poserait un problème ?

- Quoi ? Que tu te tapes l'un de nos anciens ennemis ? Qu'est-ce qu'on en aurait à cirer ?! On est en paix, je te rappelle. Alors personne de sensé ne pourrait t'en vouloir pour un truc comme ça aujourd'hui !

- Désolé, mais je ne partage pas ton point de vue. Je suis un ancien traître, au cas où tu l'aurais oublié…

- Un traître repenti que personne ne considère plus comme tel, le coupa le Scorpion.

- Cet avis n'engage que toi.

- Absolument pas. Je t'assure qu'on a abordé le sujet un bon nombre de fois entre nous et t'es totalement clean. Adoubé. Accepté.

- C'est vrai ?

- Puisque je te le dis ! Bon avec certains, je t'avoue que j'ai dû un peu faire le forcing, mais pour la plupart, j'ai pas eu besoin de beaucoup argumenter. Je te promets !

- Tu sais que ça me fait vachement plaisir ce que tu me dis là ?

- Tu m'en vois ravi ! Et d'ailleurs, j'aurais peut-être dû aborder ce sujet avec toi depuis longtemps. Désolé de pas l'avoir fait plus tôt, mon pote.

- Excuses acceptées ! Mais ça change pas grand-chose à la nature de mon problème. Car j'en connais au moins un que la simple idée de ma relation avec Rhadamanthe pourrait carrément faire flipper.

- Alors effectivement, tout à l'heure j'ai bien précisé que « personne de sensé » ne pourrait trouver quoi que ce soit à redire devant une telle situation. Donc cela excluait naturellement ton frangin.

- Ben voilà ! Donc t'es d'accord avec moi : Saga n'acceptera jamais que je sorte avec Rhadamanthe.

- Y'a des chances que ça le mette légèrement mal à l'aise, en effet.

- Sois plus explicite, s'il te plaît !

- Bon, OK. Y'a quatre-vingt-dix-neuf pour cent de probabilité qu'il pète un câble s'il apprend que tu fais des galipettes avec une Wyverne spectro-démoniaque.

- Je ne fais des galipettes avec personne !

- Pour l'instant ! Mais t'en meurs d'envie, et pour ce que tu peux avoir à secouer de mon avis, tu devrais pas te priver ! Mince, on n'a qu'une vie, Kanon ! Enfin j'imagine que le Big Boss ne sera pas trop motivé pour nous accorder une partie supplémentaire lorsqu'on cassera notre pipe dans cette vie-là. Alors arrête de te prendre la tête et fonce ! Tu verras comment gérer la réaction de ton frangin lorsque le moment sera venu. Et au pire, on sera là pour intervenir si besoin.

- Sérieux ? Tu ferais ça pour moi ?

- Un peu mon vieux ! Et il n'y aura pas que moi. On sera tous là !

- Vraiment ?

- Est-ce que je t'ai déjà bobardé ?

- Non. Enfin sauf cette fois où t'avais fini le paquet de Granola et que tu m'avais juré ne pas l'avoir touché.

- Ah oui, mais les Granola, ça compte pas. Ça, c'est sacré !

- Certes.

- Alors, qu'est-ce que tu vas faire ? Tu vas aller parler à Rhadamanthe ? Là, t'aurais un créneau, car je crois qu'il jette l'éponge pour aujourd'hui. Regarde, il est en train de sortir de l'eau. Enfin il essaie en tout cas. Merde, Kanon, quand tu sortiras avec lui, faudra que tu lui apprennes à nager !

- T'es con ! rétorqua le Gémeaux en étouffant un rire mince, c'est vrai que Rhadamanthe nageait vraiment comme une enclume. En plomb. Et bien cabossée.

- Je sais.

- Mais t'es un vrai pote !

- Je sais ça aussi. Alors ça veut dire que tu vas m'écouter ?

- P'têtre ben qu'oui !

- Cool ! » se réjouit le Scorpion en se disant qu'au moins l'un d'entre eux allait peut-être finir par réussir à être heureux.

OooOooO

De l'autre côté des vagues, un peu plus loin sur la plage, un groupe d'amis venait de cesser de surfer pour observer le visage de l'un d'entre eux qui ouvrait grand la bouche.

« A-hors, heu heu huis hé-hé une hent ou has ?

- Seiya, arrête de bouger comme ça et essaie de te taire une minute, qu'on puisse regarder comme il faut ! » s'agaça le futur prétendant à l'armure du Verseau.

Hyoga releva un peu le menton de son ami pour le placer sous la lumière avant d'affirmer d'une voix aussi froide que l'aura de son cosmos :

« Une dent. Ton incisive supérieure gauche. Je dirais qu'il en manque un triangle rectangle d'environ un millimètre de base pour un demi-millimètre de hauteur.

- Mince, Hyoga ça veut dire quoi ce charabia ?! s'exclama le chevalier Pégase en retrouvant sa liberté de parole. Tu sais bien que moi et la géométrie… Alors, gros bout ou p'tit bout ?

- P'tit bout. Mais qui se voit quand même, précisa le Russo-Japonais.

- Mais ne t'inquiète pas, Seiya, s'empressa d'ajouter Thétis, un bon dentiste pourra probablement te rafistoler tout ça.

- Bah, on verra bien ! Et puis c'est pas si grave. C'est qu'un bout de dent ! J'en ai vu d'autres…

- Oui mais justement ! Arriver jusqu'ici avec une dentition parfaite, après tout ce que tu as dû endurer, tout ça pour perdre un bout de chicot en prenant un surf en pleine poire, c'est bien un peu ballot ! constata Isaak sur un ton chirurgical.

- C'est ballot, mais c'est pas mortel ! Allez, on y r'tourne ?! Le dernier dans l'eau nettoiera les planches des autres ! s'exclama le chevalier Divin en courant vers les vagues.

- Il est toujours comme ça ? s'étonna Thétis en plaçant sa planche sous son bras.

- Oui, toujours ! » acquiesça Hyoga tandis qu'il prenait la main de la Sirène pour l'entraîner vers l'océan, déclenchant dans le même temps un coup d'œil réprobateur d'un Kraken fort jaloux.

OooOooO

Quelques rides* plus tard ce matin-là (ndla : *mot à prononcer à l'américaine en insistant sur le aille-deuh ; non parce que sinon, ça voudrait dire beaucoup beaucoup plus tard pour le coup) et une fois de retour sur la plage, Kanon abandonna Milo pour échanger quelques mots avec un certain blond qui semblait très heureux d'avoir retrouvé la terre ferme. Milo qui de son côté partit rejoindre Camus après avoir posé sa planche à côté de ses claquettes et s'être muni de sa serviette.

En marchant dans la direction du Verseau qui sondait l'océan sans bouger, le Scorpion se dit qu'il avait peut-être eu une mauvaise idée. Camus donnait l'impression de vouloir rester seul, les yeux fixés droit devant lui. Après tout, il n'était pas venu ici pour lui et n'avait sans doute pas envie d'être dérangé par un incorrigible bavard tel que lui. Un bavard qui n'avait pourtant pas la moindre idée de ce qu'il allait pouvoir raconter à celui qui obsédait chacune de ses nuits.

« Bonjour, Milo. Les conditions étaient-elles bonnes pour le surf aujourd'hui ? »

Eh bien voilà qui résolvait une partie du problème.

« Idéales ! C'était top ! J'espère que Hyoga et Isaak ont pu en profiter eux aussi !

- J'ai cru comprendre que oui, approuva le Français qui venait justement d'obtenir un compte-rendu télépathique exhaustif de la part du plus jeune de ses anciens padawans (ndla : ben quoi ? Saint Seiya – Star Wars, même combat. Non ?).

- Ils ont l'air de bien s'entendre à nouveau tous les deux, tu dois être content, ajouta le Grec qui venait d'entreprendre de se sécher avec sa serviette.

- Oui, je le suis, bien entendu », acquiesça Camus dont le niveau de concentration s'était subitement élevé de plusieurs degrés.

Surtout ne pas le regarder. Surtout ne pas le regarder.

Inconscient du trouble qu'il générait chez l'homme qui était assis à ses pieds, Milo détourna les yeux vers le groupe de petits jeunes qui se joignaient presque à chacune de leurs sorties. Un sourire attendri étira les lèvres du Scorpion, parce que mine de rien, il les aimait bien, tous ces gamins. Et puis il s'était toujours senti proche de Hyoga et Isaak, qu'il avait appris à connaître lorsqu'il rendait visite à Camus, là-bas en Sibérie. Ce n'était arrivé que quelques fois, Camus n'approuvant pas la présence de distractions dans le cadre de son enseignement, ce qui ne collait pas vraiment avec l'intégration de Milo au sein de l'isba. Mais il avait apprécié chacune de ses visites, et les deux apprentis avaient alors pris une place particulière dans le cœur du jeune Grec. Ce qui avait rendu son combat contre Hyoga d'autant plus douloureux. D'ailleurs, l'aurait-il laissé passer si la situation avait été différente ? Certainement pas. Et dans ce cas, Camus ne serait pas…

Ce souvenir effaça le sourire pourtant radieux du Scorpion, qui revint presque aussitôt lorsqu'il constata l'attitude des deux anciens prétendants à l'armure du Cygne. Hyoga et Isaak étaient en train de se chamailler pour se montrer galant avec la jolie Thétis, l'un se saisissant de sa planche de surf, l'autre se ruant de dépit pour s'emparer de son sac de plage. Cela dit, ils avaient bon goût. La Sirène était tout à fait charmante, bien qu'un peu trop jeune pour retenir son attention à lui.

Convaincu d'avoir trouvé un nouveau sujet de discussion propice à un échange verbal avec le Verseau, Milo reprit la parole tout en retirant sa serviette de ses abdominaux pour la passer dans son dos.

« Et puis on dirait bien qu'ils ont à nouveau une raison de devenir rivaux. Ils auraient pas un petit faible pour Thétis, tes deux précieux canetons ? »

Surtout ne pas le regarder. Surtout ne pas le regarder. Par La Déesse, pourquoi doit-il mettre autant de temps pour se sécher !

« Je ne vois pas du tout de quoi tu parles », mentit le Français. Déjà qu'il avait du mal à rester concentré pour articuler deux mots, autant ne pas ajouter à la difficulté en abordant le sujet des relations amoureuses. Et puis il s'agissait de ses anciens élèves, saperlipopette ! Qui n'avaient strictement rien à voir avec la progéniture d'un canard, aussi précieuse soit-elle !

Vite, réorienter la conversation. Avec un thème pertinent en considérant la situation et le lieu.

« Et sans vouloir changer de sujet (ndla : oh le vilain menteur !), le ciel est d'un bleu éclatant ce matin. J'espère que tu as pensé à mettre de la crème solaire.

- Nan ! Pas la peine. J'ai déjà un bronzage uniforme et parfait », rétorqua le modeste en balançant sa serviette à ses pieds.

Enfin, il a arrêté de se frotter ! Merci, Déesse !

« Tu sauras que même les peaux hâlées peuvent être sujettes au cancer de la peau (ndla : ouais, le Verseau a un don inné pour casser l'ambiance). Tu devrais donc te protéger.

- Tu crois ? Même si j'ai déjà bien pris le soleil ?

- Oui, Milo. Et le mieux, c'est d'utiliser un écran total. Indice 50, minimum. Comme celui-ci, précisa Camus en montrant le tube posé à côté de lui sur sa serviette.

- Mais le soleil ne me verra plus si je m'enduis d'un tel machin !

- C'est le but, justement.

- Et puis j'ai horreur de me mettre de la crème ! Après on en a plein les doigts, ça pègue et le sable se colle de partout.

- C'est le prix à payer pour obtenir une protection optimale.

- Ouais, bon, à la rigueur, si je trouvais une âme charitable pour me l'étaler, là, peut-être que je dirais pas non. »

Et sur ce, Milo se pencha en avant pour saisir le fameux flacon et le tendre à Camus, convaincu qu'en agissant ainsi il allait petit un, pouvoir rabattre le caquet à ce moralisateur empêcheur de bronzer en rond – mince, il n'allait tout de même pas venir à la plage en tenue de camouflage intégrale ! (ndla : bon là, je me dois de me désolidariser du propos de Milo pour soutenir Camus, car oui, il faut se protéger du soleil ; c'est vraiment important !) – et petit deux, se faire royalement envoyer balader. Sauf que… eh ben non.

« Assieds-toi devant moi, et rends-moi l'écran total ! »

Quoi ?! Déesse, pincez-moi, je dois être en train de rêver !

« Tu veux bien me mettre de la crème solaire ? Sérieux ?

- Milo, j'ai dit assis ! » s'emporta le Verseau en s'emparant de la protection intégrale.

Non mais bon sang de bois, comme si j'avais l'habitude de dire n'importe quoi ! Hors de question d'être revenus à la vie pour se laisser grignoter les cellules par un maudit mélanome !

« Oui, chef ! » obtempéra le Scorpion en s'asseyant en tailleur devant son meilleur ami.

Camus ouvrit le bouchon du tube de crème, en versa une quantité qu'il jugea adéquate dans la paume de sa main, et reposa le contenant sur sa serviette. Puis il dirigea ses doigts au dessus des épaules de Milo. Des épaules incroyablement sexy de Milo.

Mais par tous les Dieux, pourquoi ai-je accepté de faire ça ?!

Camus se mordit la lèvre inférieure pour ne pas hurler. Il allait pouvoir le toucher. Caresser sa peau, parcourir chaque relief de ses muscles, sentir son sang pulser sous la pulpe de ses doigts. Mais déjà, il le voyait, juste là, prêt à s'offrir à lui, son corps dessinant les courbes d'un tableau à la beauté irréelle. Il le découvrait nu pour la première fois, à pouvoir contempler chaque détail de sa peau. Comme ces petites taches de rousseur dont il ignorait l'existence, éparpillées un peu partout sur ses épaules et sur le haut de son dos.

Camus cligna des paupières, avança sa main et effleura la peau de Milo. Il crut déceler un sursaut – évidemment, la crème devait être froide, sans même parler de ses doigts – mais poursuivit son geste malgré tout. Voilà, il le touchait. Et sa peau était… parfaite, en dépit des trop nombreuses cicatrices qu'il sentait saillantes sous ses doigts. Ces cicatrices qui faisaient écho à celles qui parsemaient sa peau à lui, mais qu'il acceptait pour une fois d'oublier. Oui, malgré tous ces stigmates, la peau de Milo était belle et délicate, exactement comme il l'avait imaginée dans chacun de ses rêves. Elle glissait sous sa main, acceptant sa présence sans vouloir la rejeter. Elle vibrait sous ses doigts, s'animant de légers frissons sous l'effet de ses caresses. Car Milo tremblait. Pourquoi ? Avait-il froid à cause de lui ou bien s'agissait-il d'autre chose ? Pourtant son corps était si chaud. Une douce aura s'en dégageait, pénétrant lentement sa peau pour remonter le long de son bras jusque dans son cou. Et ce fut au tour de Camus de se mettre à trembler.

Milo respira profondément. Il ne pouvait pas croire qu'il se tenait assis, à moitié nu, avec Camus juste derrière lui. Camus dont il sentait le souffle se perdre contre sa nuque tandis qu'il commençait à porter son attention sur lui. Même s'il ne pouvait le voir, il n'avait aucun mal à percevoir chacun de ses mouvements. Là, il venait de retirer le bouchon du tube de crème, en avait probablement déposé une quantité plus que suffisante dans le creux de sa main, et maintenant, il s'apprêtait à le toucher. A moins qu'il ne changeât d'avis ? Non, il ne pouvait pas. Pas maintenant qu'ils en étaient arrivés .

Milo ne put retenir un sursaut lorsqu'il sentit les doigts de Camus se poser sur ses épaules. Ses mains n'étaient pas froides, enfin si, mais ce n'était pas pour cette raison qu'il se mettait à trembler. Non, s'il sentait des frissons se répandre depuis le haut de son crâne jusque dans le bas de son dos, c'était parce que Camus le touchait. Enfin et pour la première fois, il pouvait sentir ses doigts parcourir sa peau. Avait-il remarqué ses tâches de rousseur dont il ne lui avait jamais parlé ? Et ses cicatrices se doutait-il qu'elles fussent aussi nombreuses à imprimer ses chairs ? Et Camus, combien en avait-il ? Et parmi elles, de combien se trouvait-il être l'unique responsable ? Non, il ne devait pas penser à ça. Pas maintenant qu'il sentait les mains de Camus s'animer dans son dos, étreignant ses muscles pour en délier chaque contour. Les mains de Camus qui étaient parfaites, douces et fraîches exactement comme il les avait imaginées dans chacun de ses rêves. Des mains qui lui délivraient la plus exquise des caresses, faisant naître un courant délicieux qui envahissait déjà chaque parcelle de son être.

Un courant qui se rapprochait dangereusement d'une certaine zone particulièrement à l'écoute, et contre lequel il avait tout intérêt à commencer à lutter s'il ne voulait pas se retrouver cloué à cette serviette pour toute la matinée.

Vite chercher un moyen de se changer les idées. Camus se contentait d'étaler de la crème solaire sur ses épaules et dans son dos pour lui éviter un foutu cancer de la peau. Le reste n'existait que dans sa tête, même si à cet instant précis, chaque détail lui semblait bigrement réel.

« Et alors, tout va bien pour toi en ce moment ? Rien de neuf sous le soleil Zodiacal ? »

N'était-ce pas là le sujet idéal pour réfréner la sensation croissante d'étroitesse qu'il percevait dans son short ? Et encore, heureusement qu'il n'avait pas eu la mauvaise idée de mettre un slip de bain à la mode Angelo ! Car quoi de mieux que de tenter d'évoquer la relation du Verseau avec le Capricorne pour le faire instantanément débander ?

« Oui, tout va bien, merci. La routine habituelle, se contenta de répondre le concerné.

- T'en es sûr ? Rien de particulier dont tu voudrais me parler ? »

Allez Camus, s'il te plaît, sois honnête avec moi pour une fois ! Je suis ton ami, oui ou non ?

« Non, rien de particulier. »

Mais enfin Milo, où est-ce que tu veux en venir ? Je savais que cette histoire de crème solaire était une très mauvaise idée ! Il a dû sentir mon trouble et maintenant, il attend une explication. Ça m'apprendra aussi à vouloir faire de la prévention sanitaire !

« T'es vraiment sûr ?

- Puisque je te le dis ! s'agaça le Verseau en retirant ses mains qui massaient toujours le dos du Scorpion.

- T'as fini avec la crème ? constata le Grec en sentant le vide béant causé par la soudaine absence des doigts de l'homme assis derrière lui.

- Oui, je crois que ça ira comme ça.

- Merci, c'est gentil en tout cas d'avoir pris le temps de t'occuper de cette corvée.

- De rien. Mais j'espère qu'à l'avenir, tu penseras à te protéger avant de t'exposer au soleil, poursuivit Camus heureux de pouvoir mettre un terme à l'inquisition du Scorpion. J'ai vu que tu avais des taches de rousseur sur les épaules et sur le haut de ton dos, tu aurais tout intérêt à les camoufler derrière un t-shirt. »

Il les a donc remarquées…

« Entendu, Docteur ! La prochaine fois, je viendrai surfer en doudoune !

- Milo !

- Oui, bon ça va ! Je te promets que j'essaierai d'y penser. Mais pour en revenir à ma question de tout à l'heure… »

Un Kanon particulièrement furieux fit tout à coup irruption devant eux, interrompant ainsi la nouvelle tentative du Scorpion de faire parler le Verseau.

« Milo, prends ta planche et le reste de tes affaires, on se casse !

- Ah ben non ! Camus vient juste de me mettre de la crème solaire, et du coup, j'aurais bien un peu fait bronzette, moi !

- Camus vient juste de te mettre quoi ? s'étonna le Gémeaux.

- De la crème. Contre les coups de soleil.

- Ben t'auras qu'à bronzer à la piscine ! Allez, on se tire. Maintenant ! »

Le regard pratiquement suppliant de son ami finit par convaincre le Scorpion de l'urgence d'obtempérer à cette requête. Et en tournant les yeux dans la direction d'un certain individu spectral, Milo comprit la raison d'un tel revirement de situation. La discussion entre Kanon et Rhadamanthe ne s'était visiblement pas passée tout à fait comme prévu, le Juge agitant les bras d'une manière qui ne laissait que peu de place à une quelconque ambiguïté.

« Camus, tu rentres avec nous ? prit le temps d'ajouter Milo en ramassant sa serviette.

- Non, je vais rester encore un peu, tant qu'il ne fait pas trop chaud » rétorqua le Verseau.

Oui, Camus avait besoin de quelques minutes supplémentaires avant de pouvoir se lever, et ce malgré la fournaise sous laquelle il avait l'impression de fondre à la vitesse d'un esquimau glacé. A cette heure-ci de la journée, le soleil se trouvait déjà beaucoup trop haut dans le ciel à son goût, et son tête-à-tête (ndla : enfin en l'occurrence plutôt son tête-à-dos) avec le Scorpion lui avait donné terriblement chaud. Mais il ne pouvait décemment pas se mettre debout dans l'état où il se trouvait.

Maudit slip de bain que lui avait pourtant vanté Angelo !

OooOooO

Sur le chemin du retour vers le Zodiaque, Milo eut la bonté – ou plutôt le bon sens s'il ne voulait pas se voir offrir un aller simple pour une autre dimension – d'accorder quelques minutes de répit à Kanon avant de lui poser la question qui lui brûlait pourtant les lèvres :

« Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- D'après toi ?

- Je sais pas. T'as dit à Rhadamanthe que c'était un génie du surf, et le bonhomme t'a pas cru ?

- C'est à peu près ça, oui.

- Sans déconner ? Non, mais qu'est-ce que tu lui as dit, exactement ?

- Je lui ai dit que tout Juge des Enfers qu'il était, il ne pouvait pas être doué partout, et cet idiot a bien évidemment pris la mouche !

- Ah oui ? Plutôt susceptible, la Wyverne ! Parce que te connaissant, t'aurais pu lui balancer quelque chose de beaucoup plus caustique.

- Alors j'ai peut-être légèrement édulcoré la nature du propos que je lui ai tenu, précisa le Gémeaux en remontant sa planche un peu plus haut sous son bras.

- C'est-à-dire ?

- Ben avec le recul, j'y suis sans doute allé un peu fort avec lui.

- Mais bordel, Kanon, qu'est-ce que tu lui as dit, vraiment ?! s'impatienta Milo, envahi d'une soudaine bouffée de franche curiosité totalement non désintéressée.

- Un truc du genre que si je l'avais téléporté dans une mare à canard le jour de notre combat, je n'aurais probablement pas eu à lever le petit doigt pour venir à bout de sa personne. Il se serait noyé tout seul.

- Ah oui, quand même ! s'esclaffa le Scorpion. Pas étonnant qu'il l'ait mal pris, le Rosbif infernal.

- En même temps, il l'avait bien cherché !

- Pourquoi ? Il a critiqué ta façon de surfer ?

- Il a pas eu besoin, puisque selon lui, le surf n'est pas un sport mais un passe-temps pour beaux gosses décérébrés.

- Ah ben tu vois, il a déjà reconnu que t'avais un physique agréable !

- Et que j'étais un débile. Merci du compliment !

- Détail qu'il s'est senti obligé d'ajouter parce que Monsieur se trouve être jaloux. Après, on peut pas lui en vouloir non plus, car notre style atteint des sommets de grâce et de perfection.

- C'est pas la modestie qui t'étouffe !

- Pourquoi est-ce que je me montrerais modeste ? On n'est pas des bêtes de surf tous les deux ?! (ndla : en plus d'être des bêtes de sexe ! Oh pardon, ça, c'est sorti tout seul) s'exclama Milo en s'arrêtant de marcher pour brandir sa main libre en hauteur devant lui.

- Si, les meilleurs, agréa le Gémeaux en frappant dans la paume ouverte du Scorpion. Donc t'es d'accord que j'ai eu raison de vouloir défendre mon honneur en remettant Rhadamanthe à sa place ?

- Ben étant donné la susceptibilité du personnage, t'aurais peut-être pu le faire avec un peu moins d'animosité. Parce que je te rappelle que l'idée de départ, c'était plutôt que t'ailles discuter avec lui pour faire avancer les choses entre vous. Et là, c'est clairement pas une réussite.

- La faute à qui ?! Ce type a le caractère d'une furie alcoolique dopée au Prozac !

- Mais c'est ce qui fait son charme, non ? Enfin là, je parle pour toi, hein. Parce que moi, les grands blonds à monosourcil, c'est pas vraiment mon truc.

- Alors quand on l'observe de plus près, on peut remarquer un léger dégradé dans la densité de sa pilosité quelque part entre ses deux yeux, précisa Kanon sur un ton soudainement apaisé.

- Et voilà, c'est bien ce que je me disais ! observa Milo avec un sourire satisfait.

- De quoi tu parles ? s'enquit l'ancien Dragon vaguement intrigué.

- Kanon, désolé de te balancer ça comme ça, mais… t'es tombé amoureux.

- Quoi ?! Mais tu débloques complètement ! Où t'es allé chercher une idée pareille ? Moi, tomber amoureux ? Impossible !

- Eh ben on dirait bien que si. En plus t'as pas choisi la facilité. Chapeau. Beau challenge ! Mais t'inquiète pas, ça va bien se passer ! Et je serai là pour t'aider. On va y aller tranquillement, petit pas par petit pas. Et en un rien de temps, la Wyverne se jettera suppliant à tes pieds.

- J'en demande pas tant non plus.

- Il faut avoir l'ambition à la hauteur de ses désirs, Kanon ! Viser haut, pour tirer juste !

- Joli jeu de mots.

- Merci. Alors ? Tu acceptes que je t'apporte mon aide ?

- Si tu me promets de garder tout ça pour toi, oui.

- Je serai muet comme une carpe qui serait rentrée au couvent pour y faire vœu de silence éternel.

- Attention, Milo, je suis sérieux. Je veux que personne soit au courant. Donc pas un mot à qui que ce soit. Même pas à Camus, t'as compris ?

- Oui, j'ai compris ! Et puis de toute façon, pour ce qu'on communique tous les deux en ce moment.

- Ben vous aviez plutôt l'air assez proches tout à l'heure, lorsqu'il te tripotait le dos.

- Il me tripotait pas le dos ! Il m'étalait de la crème solaire pour protéger ma peau contre les méfaits de l'astre divin !

- Évidemment, agréa le Gémeaux qui connaissait l'importance que Milo accordait à sa relation avec le Verseau, même s'il s'agissait d'un sujet qu'il avait depuis longtemps placé sur la courte liste de ses tabous.

- Oui, évidemment, répéta Milo. Et donc je te le promets solennellement, poursuivit-il aussitôt pour reprendre le contrôle de la conversation : je ne dirai rien de notre petit secret à Camus.

- OK, je te crois.

- Louée soit la Déesse ! Et maintenant, direction la piscine. C'est l'heure de la bronzette ! »

Milo plaça sa planche au-dessus de sa tête pour accélérer l'allure de ses pas. Non pas qu'il voulait fuir la présence de celui à qui il venait de faire une promesse. Quoique, pour être tout à fait honnête, si, tel était précisément son intention. Kanon avait tenté d'évoquer la question de sa relation avec le Verseau, et comme à son habitude, Milo avait préféré faire l'autruche. Pourtant sa discussion avec son ami lui avait encore un peu plus ouvert les yeux. Car s'il avait réussi à convaincre le Gémeaux de parler à Rhadamanthe, comment pouvait-il ne pas parler à Camus ? D'ailleurs, il y serait peut-être parvenu si un ancien Dragon Marin furibard ne les avait pas interrompus. Pour une fois, il s'en était senti capable, mais que cela aurait-il donc donné ? Camus lui aurait-il avoué sa liaison avec le Capricorne ? Lui aurait-il dit qu'il en était tombé amoureux ? Et devant une telle révélation, comment Milo aurait-il réagi ? Serait-il parvenu à garder le contrôle de ses propres sentiments pour dire à son meilleur ami à quel point il se sentait heureux pour lui, ou lui aurait-il enfin avoué toute la vérité ? La vérité qui s'était encore une fois imposée à lui à peine une demi-heure plus tôt, lorsque les doigts de Camus avaient parcouru sa peau.

Une évidence frappa soudain Milo tandis qu'il atteignait l'entrée de la piscine du Zodiaque où Seiya venait de rejoindre Geist pour prendre son tour de garde au bord du bassin. Il ne pouvait pas continuer comme ça, à se perdre dans le silence, le mensonge et le déni. Il devait parler à Camus pour être enfin honnête avec lui et ne pas sombrer dans la folie. Quitte à accepter de le perdre pour toujours.

Mais en aurait-il le courage ?


A suivre…

Merci pour votre lecture et portez-vous bien.

Référence pour le titre du chapitre 18 : Sensualité, Axelle Red, 1993.


Note

Pour celles et ceux qui n'auraient pas reconnu, j'ai fait référence dans ce chapitre aux nombreuses heures passées par Chandler et Joey devant Alerte A Malibu (Baywatch pour les puristes) dans la série Friends. J'en profite pour faire en passant un petit clin d'œil à ma chère amie ShaSei qui, je le sais, partage ce joyeux souvenir télévisuel avec moi.