Bonjour,

Et oui, je suis toujours là.

Mes plus sincères excuses pour cet affreux retard. L'année 2023 s'est terminée sur un agenda compliqué que l'année 2024 n'a en rien allégé. Ajouté à cela un manque de motivation, un déficit d'inspiration et une crise de flemmingite aiguë sur le point de devenir chronique, et vous obtenez les raisons de ce long silence. En conséquence, je remercie les quelques un.e.s qui auront eu la patience et le courage de reprendre leur lecture malgré tout. Et je sais que c'est un peu tard lorsque l'on a déjà atteint la mi-février, mais je vous souhaite une belle et heureuse année 2024 !

Sur ce, je vous laisse avec ce nouveau chapitre, qui je l'espère ne vous décevra pas trop.

Céline : Merci beaucoup pour ta review ! C'est tellement agréable d'avoir un retour sur une histoire que l'on écrit :D. Un voyage à New York ? Trop bien ! D'ailleurs si jamais tu veux te replonger dans l'ambiance New-yorkaise avec un superbe CaMilo en toile de fond, je te recommande la lecture de 'La vie en bleu'. Une très belle fanfiction écrite par mon amie Lily Aoraki et disponible ici (et sur AO3) :D. J'espère que la nouvelle année a bien commencé pour toi, et que la période est plus calme ces temps-ci au boulot (j'imagine le monde qu'il doit y avoir dans les Marchés de Noël alsaciens !) Et je partage totalement ton point de vue : qui ne rêverait pas de voir son quotidien égayé par la présence de quelques chevaliers ? Je te souhaite une bonne lecture, prends soin de toi et à bientôt !


Disclaimer : Les personnages appartiennent à Masami Kurumada, la Shūeisha, la Toei, tout ça.


Chapitre 19 : What Is Love ?

Toujours le même jour, un peu avant midi, piscine du Zodiaque

Vêtu de son T-shirt de Sauveteur qu'il portait avec fierté et les yeux protégés par une paire de lunettes de soleil empruntées à Kanon et qui de fait étaient un peu trop grandes pour lui, Seiya observait la surface de l'eau sans bouger. Une inactivité qui commençait à peser sur son organisme plus habitué à la course et aux combats qu'à attendre sans rien faire assis sur une chaise. Aussi le jeune chevalier décida de se lever pour réaliser un énième tour de garde autour des bassins. Avant d'abandonner son poste, il se saisit du talkie-walkie que Saga lui avait demandé de garder avec lui en toutes circonstances, et appuya sur le bouton pour le mettre en marche.

« Geist, ici Seiya. Je quitte la surveillance du bassin principal pour faire le tour de la structure. J'ai des fourmis dans les jambes. Tu peux venir prendre ma place, s'il te plaît ?

- Ça marche. A tout'. On déjeune tous les deux ? s'enquit la jeune femme avant d'ajouter : je nous ai pris des sandwichs.

- Chez Aldé ?

- Évidemment, chez Aldé.

- Saucisson – cornichons ? Avec son ingrédient secret ?

- Affirmatif.

- Arrête, j'en ai déjà l'eau à la bouche ! S'il te plaît, dis-moi qu'il est bientôt midi !

- Presque. Il est midi moins le quart.

- Geist, pourquoi te montres-tu si cruelle avec moi ?

- Tu veux vraiment que je te fasse une liste ?

- Non, non, pas la peine. A plus ! » se contenta d'ajouter l'affamé en coupant la communication.

Mais pourquoi avait-il posé cette question ? La faim altérait-elle à ce point les connexions neuronales de son cerveau ? Geist avait tout un tas de raisons de lui en vouloir, sans même évoquer leur funeste affrontement sur l'Île Maléfique. Dernière source de grief en date : la manière dont il l'avait abandonnée le soir du Quatorze Juillet. Une fuite peu glorieuse qui avec le recul lui avait paru indigne pour ne pas dire affreusement mal élevée. Mais il devait l'avouer : il avait paniqué.

Sans être totalement novice en la matière, Seiya n'avait que peu pratiqué les rendez-vous galants. Entre ses cours à l'université et les différentes associations sportives dans lesquelles il avait choisi de s'investir, il n'avait pas beaucoup de temps pour sortir, et à chaque fois qu'il le faisait, Hyoga récoltait en général la plupart des attentions (ndla : ben oui les gars, fallait pas extraire Hyoga de son glaçon funéraire si vous ne vouliez pas qu'il vous pique toutes les nanas !). Alors pour lui, les femmes restaient l'un des plus grands mystères de l'univers. Et encore, il était loin d'être le plus mal loti en la matière parmi ses frères chevaliers. Car entre son maître vénérée et sa grande sœur adorée, il avait pu bénéficier de plusieurs présences féminines tout au long de sa courte vie. Sauf que cela n'avait juste rien à voir.

Seiya n'avait revu Geist qu'à de rares occasions depuis sa sortie du coma et leur retour général à la vie. Ils s'étaient croisés quelques fois au Sanctuaire, lors de grandes réunions organisées par Shion et leur bien-aimée Déesse, mais la jeune femme ne s'était jamais intéressée à lui autrement que pour lui lancer des regards vindicatifs et haineux. Mais tout semblait différent depuis leur arrivée au Zodiaque. Devait-il cela à l'air marin, à la chaleur estivale ou à quelque chose de moins trivial ? Seiya n'en savait rien. Si ce n'était que ce changement d'attitude le déstabilisait au plus haut point.

Au début, il ne s'était rendu compte de rien, mais plus Geist et lui se côtoyaient à la surveillance de la piscine, plus il ressentait une certaine forme de malaise en présence de la jeune femme. Enfin malaise n'était certainement pas le mot opportun, puisqu'en définitive, les signaux que lui renvoyait son corps n'étaient pas vraiment désagréables. Des picotements le long de sa colonne, une chaleur diffuse dans le bas de son dos, et une furieuse envie de sourire sans trop savoir pourquoi. Et la situation avait empiré depuis que Kanon lui était tombé dessus un matin après leur séance de surf quotidienne, et qu'il avait tenté de le convaincre de l'intérêt que lui portait leur collaboratrice à la piscine du Zodiaque. Pour atteindre son paroxysme le soir du Quatorze Juillet, entraînant sa réaction immature et sa fuite.

Mais depuis cette mésaventure qui l'avait placé dans une position délicate, Seiya avait réfléchi. Il avait tenté d'analyser les circonstances et les faits, et surtout, il avait sollicité l'expertise de celui qui avait contribué à l'accroissement de son trouble. Et comme à son habitude, Kanon n'avait pas tourné autour du pot :

« Gamin, elle te plaît cette nana, oui ou non ?

- J'en sais trop rien.

- Mince, c'est pourtant pas bien compliqué ! Je sais pas moi, quand tu la regardes, tu penses à ta prochaine barquette de frites ou à ta prochaine…

- Bon ça va, Kanon, je crois que j'ai compris ! Oui, je pense que je l'aime bien.

- Alors arrête de faire l'idiot, et montre-lui qu'elle t'intéresse !

- Mais comment ?

- Bordel, on vous a vraiment rien appris à la Fondation Graad ?!

- Ben c'est-à-dire que…

- OK, OK ! Inutile de préciser ! Cette question était débile. Bon écoute, je pense qu'étant donné la situation, le plus simple c'est probablement que tu te laisses guider. Geist me donne l'impression de savoir ce qu'elle veut, alors contente-toi d'attendre qu'elle se mette en action, et le moment venu, je te promets que tu sauras quoi faire.

- Tu crois vraiment ?

- Fais-moi confiance, gamin. Évite juste de prendre tes jambes à ton cou. Parce que ça, franchement, ça craint ! »

Ne pas prendre ses jambes à son cou… Facile à dire quand on n'avait pas une paire d'yeux relevés d'une multitude de longs cils magnifiques qui vous fusillaient du regard à longueur de journée (ndla : Elle a les yeux revolver, Elle a le regard qui tue… Pardon, digression totalement hors de propos, puisque cette célèbre chanson ne date même pas des années quatre-vingt-dix !).

L'esprit plongé dans ses réflexions quasi cornéliennes, Seiya faillit trébucher contre la margelle de la pataugeoire où une dizaine de bambins s'en donnaient à cœur joie en agitant les bras. Il sourit à l'un d'entre eux qui tentait de lui agripper les mollets en poussant des petits cris de victoire triomphale, et repartit en sens inverse pour poursuivre sa tournée. Arrivé au pied du grand toboggan, il se laissa asperger par une puissante gerbe d'eau afin de se rafraîchir un peu, puis il reprit la direction de l'entrée où se trouvait l'objet dans lequel il plaçait son salut. L'horloge qui, si les Dieux acceptaient de lui être cléments, voudrait bien indiquer midi et l'heure du déjeuner.

Seiya invoqua la bonté de sa Déesse, accéléra le pas, et écarquilla les yeux pour lire la position des aiguilles. Douze heures pile ! Il porta son sifflet à sa bouche, souffla à l'intérieur comme si sa propre vie en dépendait, et déclama la seule phrase en français qu'il était capable de prononcer sans accent et presque sans erreur :

« Mesdames z'et messieurs, il est midi. Veuillez évacuer les bassins et vous diriger vers le sortie, la piscine va fermer ses portes. Réouverture à treize heures, comme d'habitude. Bonneuh appétit à toutes z'et à tous ! »

En entendant le signal libérateur, Geist se leva de son siège pour étirer ses jambes et ses bras. Elle interpella ensuite son collaborateur qu'elle projetait de transformer sous peu en chevalier servant pour lui expliquer mouvements de main à l'appui qu'elle prenait en charge l'évacuation des retardataires. Elle entreprit alors de parcourir les allées entre les transats afin d'encourager les derniers vacanciers à quitter les lieux. Et lorsqu'elle pensait avoir achevé sa mission, elle reconnut une longue tignasse bleue surmontant un corps de dieu grec avachi sur une serviette :

« Milo, on ferme ! Debout !

- Hum… Pas envie de bouger !

- Allez, c'est midi, l'heure du déjeuner ! réitéra Geist en s'efforçant de garder son calme.

- Gnan… bredouilla l'ensommeillé.

- Bon, Milo, bouge ton dard de Scorpion de là, ou je te promets que ton Aiguille Écarlate ne soumettra bientôt plus personne ! (ndla : oui, parce que garder son calme, ça va bien cinq minutes…)

- OK. Pas la peine de t'énerver ! Quelle heure il est ?

- Tu te moques de moi ? C'est le moment de manger ! Alors hors de ma vue !

- Ah déjà ? J'ai pas vu l'heure, moi… Eh ben bon appétit, M'dame ! T'as l'air d'avoir les crocs !

- Exactement, Milo ! Alors ciao, et bon appétit à toi aussi ! »

Le Scorpion déplia ses quatre membres pour se mettre debout, attrapa sa serviette et s'éloigna vers le portillon de la piscine en se grattant le haut du crâne d'un mouvement encore vaguement endormi. Geist profita de ce bref instant de solitude pour accorder à ses yeux un petit plaisir coupable. Parce que mine de rien, Milo était tout de même sacrément bien foutu. Avec l'un de ces jolis petits culs que seules des années d'entraînement pouvaient contribuer à mouler (ndla : ben quoi ? Dites-moi que c'est pas vrai peut-être ?!). D'ailleurs à ce sujet, Geist nota mentalement de bien songer à rappeler au Scorpion le règlement de la piscine lors de sa prochaine visite : Short de bain interdit. Slip de bain obligatoire.

Mais pour l'heure… Un autre spécimen aux muscles fessiers parfaitement sculptés l'attendait pour partager son repas, et Geist n'avait aucunement l'intention de le faire attendre.

« Alors, ils sont où ces sandwichs ? questionna le chevalier Pégase en voyant sa collègue arriver.

- Dans le sac isotherme accroché à ma chaise. Et n'oublie pas de prendre les gourdes et les serviettes !

- A vos ordres, chef ! »

A peine deux secondes plus tard, Pégase ayant si faim qu'il parcourut la distance qui le séparait de son déjeuner à la vitesse de ses météores, les deux chevaliers s'installèrent sur un transat à l'ombre d'un parasol pour se rassasier. Seiya retira à la hâte la cellophane qui protégeait son sandwich pour croquer dedans à pleines dents. C'est alors qu'une sensation désagréable dans sa bouche lui rappela l'incident dont il avait été victime un peu plus tôt dans la journée.

« Zut ! s'exclama l'affamé frustré.

- Qu'est-ce que t'as ? Aldé a laissé traîner un noyau d'olive au milieu des cornichons ?

- Non, je me suis pété une dent au surf tout à l'heure, et j'avais complètement oublié !

- Ah mince ! Ça fait mal ?

- Non, c'est juste un peu gênant pour manger, c'est tout.

- Mais t'as carrément perdu un bout de dent ou l'émail s'est simplement fissuré ? Ça doit être discret en tout cas, parce que je n'ai rien remarqué.

- Alors Hyoga m'a dit qu'il me manquait un p'tit bout d'incisive. Après j'ai pas pris le temps de me regarder dans le miroir avant de venir au boulot, donc j'en sais pas vraiment plus.

- Comment ça ? T'as pas eu envie de vérifier à quoi tu ressemblais ?!

- A vrai dire, je m'en fiche un peu. Et puis si ça t'a pas sauté aux yeux, c'est que ça doit pas être si méchant.

- Oui, mais tout de même ! Attends, fais-moi voir » ordonna Geist tandis qu'elle posait son sandwich pour saisir le menton de son vis-à-vis.

Ce dernier obtempéra, oubliant un instant les plaintes en provenance de son estomac pour docilement ouvrir la bouche. Son regard croisa alors celui de la jeune femme qui commençait à effleurer ses lèvres du bout des doigts, et une vague de sensations singulières déferla dans sa poitrine. Il cligna des paupières et sut exactement ce qu'il devait faire. Kanon avait raison finalement : le moment venu, il n'aurait plus du tout envie de se poser des questions.

Seiya saisit les doigts de Geist qu'il écarta de ses lèvres pour s'approcher de ses lèvres à elle et y déposer un baiser.


En fin d'après-midi, Camus du Verseau quitta la fraîcheur bienfaitrice de son bureau pour chevaucher sa bicyclette et prendre la direction du Poséidon. Sa Déesse lui avait confié une mission d'importance : apporter à Julian la facture visant à partager les frais liés à la soirée du Quatorze Juillet. Car même entre divinités, les bons comptes faisaient les bons amis et un sou restait un sou.

Après s'être faufilé entre les barrières du Zodiaque, Camus emprunta la piste presque cyclable (ndla : un dispositif très courant dans nos belles régions françaises) qui longeait la grande avenue depuis l'entrée du camping jusqu'au bureau de tabac, duquel il vit sortir Angelo. Se sentant de nature plutôt sociable, Camus leva le bras pour saluer le Cancer qui lui retourna la politesse par un regard à la noirceur assassine. Le Verseau ne s'en offusqua pas. Il connaissait le caractère revêche de l'Italien et sa disposition à la mauvaise humeur qu'il savait ne pas être dirigée contre sa personne (ndla : hum, encore une certitude un peu mal placée). Alors il poursuivit sa route sans ne plus y penser.

Arrivé au Poséidon, Camus se dirigera vers le bâtiment de l'administration devant lequel il gara son vélo. Lorsqu'il poussa la porte de l'immeuble à la décoration qu'il jugeait un brin rococo – trop de coquillages et de tridents à son goût –, il manqua d'être bousculé par une Shaina visiblement pressée qui s'excusa d'un vague revers de main. Devant un tel comportement, le Français dont les bonnes manières étaient reconnues dans tous les Sanctuaires, ne put s'empêcher de relever le manque de bienséance de ses collègues transalpins. Il ponctua sa réflexion d'un sourire discret à l'encontre de l'Ophiuchus suivi d'un haussement d'épaules résigné. Puis il s'engagea dans la dizaine de marches qui menaient au bureau de l'héritier du clan Solo.

Une fois devant la réincarnation divine, Camus lui présenta la facture qu'il prit le temps de commenter afin d'en justifier le contenu. Poséidon fronça les sourcils car même chez les Olympiens, l'on trouvait bien toujours un ou deux radins avant d'accepter de sortir son chéquier. La Déité marine inscrivit le montant escompté à l'aide de son plus beau stylo, puis tendit le morceau de papier au chevalier qui l'attendait patiemment. Le Verseau s'en saisit en remerciant d'une formule bien élevée le donateur forcé et glissa le précieux document dans la poche intérieure de son veston. Puis il salua avec courtoisie le Dieu des Océans dont il délaissa l'office sans tarder.

En quittant l'immeuble climatisé, Camus se sentit écrasé par la chaleur étouffante de cette fin d'après-midi d'été. Il retira donc son veston qu'il rangea dans la sacoche fixée au porte-bagage de son vélo, non sans l'avoir au préalable soigneusement plié. Puis il enfourcha sa bicyclette pour retourner au Zodiaque, l'esprit satisfait d'avoir convenablement accompli sa mission.

Tandis qu'il pédalait entre les allées pour rejoindre la sortie, Camus s'autorisa un bref moment d'introspection. Cette analyse le mena à conclure que si tout pouvait être aussi simple que la comptabilité, le monde ne se porterait probablement pas plus mal (ndla : cette opinion n'engage que celui qui l'exprime). Des additions, des soustractions, des colonnes de nombres à comparer, quelques produits en croix. Pas de remises en question ni de tergiversations. Pas de mensonges ni de dissimulations. Pas de désir ni de sentiments refoulés. Alors que dans la réalité…

Le souvenir de son épreuve matinale hantait encore l'esprit et le corps du Verseau comme s'il pouvait toujours sentir la peau de Milo vibrer sous ses doigts. Cette peau si chaude qu'il avait pu toucher pour la première fois et qui s'était mise à trembler en réponse à ses caresses. Des sursauts qui n'avaient cessé de l'obséder depuis qu'il avait quitté la plage pour regagner la solitude de son bureau.

Pourquoi Milo avait-il réagi ainsi ? S'était-il senti mal à l'aise ? Lui-même avait-il été maladroit dans certains de ses gestes ou Milo avait-il simplement eu froid ? Et pourquoi lui avait-il ensuite posé toutes ces questions ?

Si Camus avait été coutumier des tendances paranoïaques, il aurait pu jurer que son ami cherchait à lui faire dire quelque chose. Mais quoi ? Quel genre d'informations intéressantes Milo pensait-il pouvoir récolter en l'interrogeant de cette manière sur son quotidien au Zodiaque ? Sa vie n'était-elle pas d'un ennui sans nom pour quelqu'un comme le Scorpion ? Des journées entières à compulser des registres pour remplir des tableurs Excel et permettre aux caisses du Zodiaque de se gorger d'argent frais. Des soirées consacrées à la lecture ou à des discussions sur l'actualité de temps à autre agrémentées de questionnements métaphysiques avec Aldébaran et Mû. Discussions qu'il aimait parfois poursuivre avec Shura lorsqu'ils ne se contentaient pas de se jeter l'un sur l'autre.

Saperlipopette.

Camus posa un pied à terre pour stopper le mouvement de sa bicyclette. Se pouvait-il que Milo soupçonnât quelque chose au sujet de sa relation avec le Capricorne ? Non, impossible. Ils avaient toujours fait preuve d'une grande prudence dans l'organisation de leurs entrevues secrètes, à l'exception peut-être du Quatorze Juillet où ils avaient quitté les festivités pratiquement en même temps. La faute à toutes ces interrogations philosophiques qui les avaient profondément émoustillés (ndla : oui, je sais... un truc de Verseau et de Capricorne, probablement). Mais comment Milo aurait-il pu remarquer quoi que ce fût ce soir-là, occupé comme il l'était derrière ses platines ?

Alors où Milo voulait-il en venir et qu'avait-il cherché à obtenir avec son pseudo interrogatoire ?

Et s'il avait réellement compris la vérité ? S'il avait compris que son meilleur ami, ou du moins celui qu'il avait longtemps considéré comme tel, celui qui avait toujours prôné la réserve, le contrôle des sentiments voire la rigueur et l'austérité, s'envoyait en l'air avec l'un de leurs congénères sans même lui en avoir parlé. S'il avait compris qu'il lui avait menti. Qu'il lui mentait depuis toujours.

Camus remit son pied sur la pédale pour reprendre sa route mais bifurqua sur la droite avant d'atteindre la sortie du camping. Il longea une allée bordée de superbes lauriers-roses qu'Aphrodite aurait sans doute aimé contempler, pour arriver aux emplacements réservés au personnel. Il s'arrêta devant l'une des nombreuses caravanes, cala son vélo contre un grand pin maritime puis se dirigea vers une porte en contreplaqué blanc sur laquelle il frappa.

« Camus, mais qu'est-ce que tu fous là ?! s'étonna un Capricorne interrompu dans sa routine personnelle et ne portant comme seul vêtement qu'un tout petit short en jean (ndla : ben quoi ? Et pourquoi pas d'abord ?).

- Tu aurais cinq minutes à m'accorder, s'il te plaît ? » se contenta de répondre le Verseau.

En guise d'approbation, Shura se décala d'un pas pour laisser entrer son visiteur surprise avant de s'éloigner dans la direction de la cuisine (ndla : enfin, vers le coin désigné comme tel dans la documentation promotionnelle du camping).

« Je t'offrirai bien quelque chose à boire, mais je n'ai plus rien au frigo.

- Cela n'est pas nécessaire, je ne fais que passer. J'ai besoin de te parler.

- OK, agréa l'Espagnol en calant ses hanches contre le bord du minuscule évier. Vas-y, je t'écoute. Qu'est-ce qui t'amène comme ça chez moi alors qu'il fait encore jour ?

- Tu crois envisageable que quelqu'un soit au courant ? enchaîna le Français sans commenter la dernière phrase prononcée par celui avec qui il passait la plupart de ses nuits.

- Pour nous deux ?

- Oui.

- Je ne vois pas comment. Nous avons toujours été très prudents.

- C'est ce que je pense également.

- Alors pourquoi une telle question ?

- Juste une impression. Milo m'a soumis à une sorte d'interrogatoire ce matin, et en y repensant tout à l'heure lorsque je quittais le bureau de Julian, je me suis dit qu'il soupçonnait peut-être quelque chose.

- T'es passé voir Julian ? releva le Capricorne à qui n'échappait jamais le moindre détail.

- Oui. Je devais lui transmettre la facture pour la soirée du Quatorze Juillet et surtout, récolter son paiement, précisa le chevalier comptable consciencieux.

- Ah, je vois. Et alors, il a pas eu trop de mal à sortir son chéquier ? Parce que maintenant que je l'ai un peu pratiqué, je sais qu'il peut parfois être assez près de ses sous.

- Écoute, je suis reparti avec ce que j'étais venu chercher, et c'est tout ce qui m'importe. Mais pourrions-nous revenir au sujet qui me préoccupe, je te prie ?

- Oui, bien entendu. Bon, voyons… Milo t'a posé quel genre de questions au juste ? reprit Shura en se retournant vers l'évier pour se verser un verre d'eau sous le regard attentif du Verseau (ndla: oui, je sais… mais comment résister à un jeu de mots d'une telle qualité ?).

- Rien de très spécifique à vrai dire. Il voulait savoir si quelque chose de nouveau s'était récemment produit dans ma vie, expliqua Camus en quittant son vis-à-vis des yeux pour lui préférer la contemplation du linoleum à ses pieds. Car il n'avait nullement l'intention de se laisser distraire par des pensées parasites provoquées par une paire de fesses ibériques superbement moulées dans un short en jean dont il manquait une quantité significative de tissu.

- Je vois. Donc en gros, Milo t'a simplement balancé un classique « quoi de neuf sous le soleil ? », c'est bien ça ? reformula le Capricorne en pivotant sur lui-même avec son verre à la main.

- Oui, en quelques sortes.

- Alors pourquoi tu t'inquiètes ?

- Eh bien, j'ai eu le sentiment qu'il s'attendait à ce que je lui annonce quelque chose. Mais je suis probablement un peu paranoïaque, concéda Camus dont le regard venait de quitter le sol pour se porter sur les lèvres de celui qui tentait de le rassurer. Des lèvres qui effleuraient à présent d'une manière beaucoup trop sensuelle la surface d'un insignifiant verre d'eau.

- Sûrement. Mais tu serais loin d'être le premier ! La paranoïa, c'est quasiment une seconde nature chez nous autres, chevaliers d'Athéna.

- Ce jugement n'engage que toi, allégua Camus en essuyant la sueur qui commençait à perler depuis le haut de son front.

- Et j'assume pleinement mon propos ! Mais dis, t'es sûr que tu veux vraiment pas un peu d'eau ? Car Julian n'a pas encore fait installer l'air conditionné dans ses caravanes et il fait tout de même vachement chaud aujourd'hui, souligna l'Espagnol conscient de la souffrance grandissante du Français.

- Si, finalement je veux bien », consentit ce dernier. Car oui, il faisait chaud dans cette minuscule caravane. Terriblement chaud.

Shura fit un nouveau demi-tour sur lui-même avant de s'incliner vers l'avant pour saisir un second verre dans le placard sous l'évier, accentuant ainsi la cambrure d'une chute de reins à faire fondre tous les glaciers de Sibérie, à commencer par le glacier qui se tenait derrière lui.

« Ça va, le spectacle est à ton goût ? » lâcha le Capricorne en se remettant debout. Car il n'avait pas pris la peine de se pencher de cette manière sans la moindre arrière-pensée non plus (ndla : ah, le fourbe !)

Camus, contrarié de se laisser une nouvelle fois submerger par des sensations contre lesquelles il avait tenté de lutter toute la journée, resta silencieux et se pinça l'arête du nez en fermant les yeux. Il devait trouver une distraction, une pensée salvatrice : une formule dans un tableur Excel, la pointe d'un gros iceberg, un troupeau d'adorables bébés phoques. N'importe quoi susceptible de faire décroître sa température corporelle bien trop élevée depuis le matin, sinon il ne répondrait bientôt plus de rien. Surtout maintenant qu'il sentait des mains caprines se nouer autour de sa taille et des hanches gourmandes se presser contre les siennes.

« Dis-moi, Camus, t'as vraiment pas le temps de rester un peu ? murmura le Capricorne en mordillant le lobe de l'oreille du Verseau. Je termine ma mission au Poséidon demain, alors nous pourrions peut-être profiter une dernière fois de la discrétion et du confort offerts par cette jolie caravane ?

- Je dois rentrer, parvint à balbutier le Français, de plus en plus troublé.

- Je sais, mais rien ne presse, insista une voix tentatrice, bientôt accompagnée d'une main inquisitrice décidée à se faufiler sous une fine chemise en lin.

- Je dois… Han…, gémit le comptable qui voyait la dernière ligne de son tableur imaginaire se dissiper sous ses paupières tandis que les doigts de Shura s'aventuraient dans le bas de son dos.

- Tu dois quoi ? poursuivit l'Espagnol dont l'autre main s'attardait à présent contre l'entrejambe de son amant pour constater l'efficacité de ses caresses corruptrices.

- Partir… Pour rapporter le chèque… A Saori.

- Eh bien notre Déesse attendra. »

Sur ces paroles que d'aucuns auraient pu juger hautement blasphématoires, Shura plaça ses mains sous les fesses de Camus pour le soulever et le plaquer contre la table en Formica qui se trouvait derrière lui. Camus ne protesta pas il n'en était plus capable – et se laissa définitivement entraîner sous le voile apaisant de la volupté.

OoOooOoO

« Ça va ? murmura Shura à l'oreille de Camus tandis que ce dernier tentait de reprendre son souffle.

- Oui, répondit simplement le Verseau en se dégageant de l'étreinte du Capricorne.

- Tu me permets un commentaire ?

- Permission accordée.

- T'en avais vraiment très envie ! T'as rarement fait preuve d'autant… comment dire ?... D'ardeur à la tâche.

- Si tu le dis.

- Mais t'étais aussi complètement ailleurs. Encore plus que d'habitude. Alors dis-moi, il s'est passé quoi avec Milo ce matin ? Exactement.

- Cela n'a rien à voir.

- Camus, je commence à te connaître tu sais, alors je t'écoute : qu'est-ce qui t'a réellement conduit jusqu'à moi aujourd'hui ?

- Les interrogations dont je t'ai parlé tout à l'heure n'étaient pas feintes, Shura.

- J'en doute pas une seconde. Merci à la Déesse de la Paranoïa ! Mais il n'y a pas que ça. Mierda, Camus, t'étais tellement excité qu'on a pété cette pauvre table en Formica ! D'ailleurs, va falloir que je tente quelque chose pour la réparer avant de partir demain, sinon Julian va vouloir garder ma caution.

- Il n'avait pas à te demander de caution puisqu'il a accepté de t'héberger à titre gratuit.

- Radinerie, quand tu nous tiens… Mais n'essaie pas de changer de sujet ! Alors ? Qu'est-ce qui m'a valu de bénéficier de telles faveurs de ta part ?

- On t'a déjà dit que tu étais quelqu'un de bigrement têtu ?

- Une ou deux fois. Capricorne, je te rappelle.

- Il n'existe aucune preuve scientifique de la réelle influence des signes astrologiques sur le comportement et la psychologie humaine.

- T'es sérieux, là ? Tu veux vraiment ouvrir ce débat avec moi maintenant, alors que j'ai encore les marques de tes ongles dans mon dos, sans même parler de celles que t'as laissées sur mon cul !

- Shura ! s'offusqua le Verseau en se levant du petit canapé grenat qui avait accueilli leurs tout derniers ébats (ndla : ben oui, parce qu'une table en Formica bancale, c'est pas vraiment l'idéal non plus).

- Pardon, mais là, tu commences à me taper sur les nerfs ! Camus, je voudrais juste comprendre… Pour essayer de t'aider. Je te rappelle qu'on est dans le même bateau tous les deux.

- C'est vrai. Excuse-moi », s'amenda le Français en saisissant son pantalon pour se rhabiller avant de poursuivre d'une voix qu'il voulut impassible :

« Ce matin, je suis allé à la plage à la demande de Hyoga qui voulait que je les regarde surfer, Isaak et lui, et bien entendu, je suis tombé sur Milo. Je te passe les détails du comment j'en suis arrivé là, mais il se trouve que j'ai eu la mauvaise idée d'accepter de lui étaler de la crème solaire sur les épaules et dans le dos.

- Ah oui, quand même ! Tu cherches vraiment les ennuis !

- N'en rajoute pas, je te prie ! Mais oui, il faut croire que je suis légèrement masochiste. Toutefois, je tiens à souligner pour ma défense que Milo aurait tout intérêt à protéger sa peau contre les méfaits du soleil, car il a une multitude de taches de rousseur dont je ne soupçonnais pas l'existence et qu'il ne devrait certainement pas exposer comme il le fait.

- Et tu t'es donc naturellement dévoué pour lui apporter cette protection solaire nécessaire.

- En effet. Mais tu imagines que ça n'a pas été sans difficultés.

- Oui, j'imagine parfaitement ! Et Milo, comment il a réagi ?

- J'ai senti qu'il était troublé, ou devrais-je plutôt dire mal à l'aise. Et lui aussi a dû remarquer quelque chose en ce qui me concerne, puisque c'est après cela qu'il m'a posé toutes ces drôles de questions.

- Je comprends mieux. Mais quand tu dis que tu l'as senti troublé, quelle a été sa réaction, exactement ?

- Il s'est mis à trembler. »

Shura observa Camus qui venait de passer un bras dans l'une des manches de sa chemise, puis reprit sur un ton assuré :

« Ça t'est jamais venu à l'esprit que Milo pourrait ressentir autre chose à ton égard que de l'amitié ?

- Je suis quelqu'un de lucide qui sait faire preuve d'un sens aigu de l'analyse. Donc non (ndla : *tousse et manque de s'étouffer*).

- Alors comme il me semble l'avoir déjà fait ce soir-là sur la plage lorsque nous avons couché ensemble pour la première fois : je te mets en garde contre tes certitudes, Camus. Celles-ci pourraient te masquer l'essentiel. Pour preuve, ces questions que Milo t'a posées.

- Quoi ces questions ? Je croyais que tu les considérais sans importance.

- Eh bien j'ai changé d'avis. Car remises dans leur contexte, celles-ci me paraissent à présent tout sauf anodines. Camus, je pense que tu devrais parler à Milo.

- Pour lui dire quoi, Shura ? Que je couche avec toi alors que c'est lui que j'aime comme un fou ! »

Camus avait prononcé ces mots sur un ton qui ne lui appartenait pas, les doigts crispés sur les boutons de sa chemise légèrement froissée.

« Je te laisse juger quelle vérité tu veux lui accorder, poursuivit calmement l'Espagnol. Et réfléchir en même temps à notre situation à tous les deux ».

Shura, qui venait de remettre son boxer, attrapa une cigarette dans le paquet posé à côté de l'évier pour la porter à ses lèvres avant de reprendre la parole sans l'avoir allumée :

« Ça fait quelques temps que j'y pense, et je crois qu'on ferait mieux d'arrêter de se voir. »

Camus considéra le Capricorne pour analyser le sens de son propos. Comme souvent, Shura avait raison. Ils avaient tous les deux trouvé ce dont ils avaient besoin dans ce qu'ils avaient partagé ces dernières semaines, mais aujourd'hui qu'avaient-ils de plus à s'apporter ? Et s'ils voulaient avancer, ne devaient-ils pas se recentrer sur leurs priorités ?

« Je suis d'accord avec toi.

- Alors la chose est réglée », déclara l'Espagnol après avoir retiré sa cigarette de sa bouche. Car il venait de réaliser que son briquet se trouvait dans son short. Short qu'il avait jeté à l'autre bout de la pièce lorsqu'ils avaient lancé les hostilités. « Mais, continua-t-il en se dirigeant vers l'objet convoité, je voudrais que tu saches que j'ai beaucoup apprécié la nature de nos interactions. Shura sembla hésiter un instant, puis ajouta sur un ton licencieux : t'es un bon coup au pieu, Camus !

- Je partage entièrement ton analyse, concéda simplement le Français avant de compléter son propos : cela dit, j'espère que nous trouverons d'autres occasions pour discuter tous les deux, car je dois reconnaître que nos conversations vont probablement me manquer.

- Bien entendu ! agréa Shura comme il extirpait un petit briquet rouge de la poche arrière de son short. Je serai moi aussi ravi de continuer à passer du temps avec toi. T'es un mec bien, tu sais. Milo a beaucoup de chance de t'avoir... Dis, ça te dérange si je m'en grille une ? D'habitude j'attends que tu sois parti, mais là, j'en ai vraiment trop envie.

- Fais comme chez toi, consentit Camus en ignorant le reste des paroles du Capricorne. Mais tu connais mon avis sur le sujet : tu ferais mieux de mettre un terme à cette sale habitude ! Tiens, ça me fait penser que j'ai croisé Angelo qui sortait du bureau de tabac tout à l'heure, et il avait l'air d'une humeur exécrable.

- Ah ouais ? Le connaissant, il sera tombé en panne de clopes et le buraliste n'aura pas pu lui fournir ses Camel adorées. Mais t'as raison : je ferais mieux d'arrêter. Et Angelo aussi. »

Shura alluma enfin sa cigarette dont il aspira une longue bouffée avant de fermer les yeux l'air soudainement préoccupé. Ce changement d'attitude n'échappa pas au Verseau qui s'autorisa une toute dernière question avant de quitter les lieux :

« Et toi, Shura ? Tu es réellement persuadé qu'Angelo ne ressent rien pour toi au-delà d'une sincère amitié ? »

Le Capricorne expira lentement la fumée par le nez puis rouvrit les yeux qu'il riva aussitôt à ceux du Français :

« Ma mise en garde contre les certitudes valait pour celles que je crois avoir moi aussi. Bonne soirée, Camus. On se verra probablement demain au Zodiaque.

- Bonne soirée, Shura. Et en effet : à demain, au Zodiaque » ajouta finalement le Verseau en ouvrant la porte en contreplaqué blanc de la jolie caravane de Julian. Et ce malgré une table de salon qui se trouvait à présent légèrement bancale.


Dans une caravane du Zodiaque, un peu plus tard ce soir-là

L'espace intérieur était limité mais fonctionnel, décoré avec soin et à la propreté irréprochable, et l'air ambiant imprégné d'une douce effluve florale qui ne manquait pas de rappeler la superbe roseraie de l'occupant des lieux.

« Eh bien dis-moi, Saga t'a à la bonne, on dirait ! constata Misty en laissant tomber son sac sur la banquette aux jolies teintes indigo qui occupait presque la totalité du salon.

- Que veux-tu ? Il n'a presque jamais rien pu me refuser tant que je lui demandais gentiment ! Tu peux accrocher ton sac au porte-manteau, s'il te plaît ? enjoignit Aphrodite qui souhaitait conserver l'ordre parfait dans lequel se trouvait son logis.

- Vraiment ? Alors dans ce cas puis-je savoir pourquoi tu te contentais d'une tente rudimentaire depuis notre arrivée ici ? s'enquit le chevalier d'Argent comme il obéissait à l'injonction du Poissons.

- Par solidarité avec mes deux meilleurs amis, qui eux n'ont clairement jamais été ce que l'on pourrait appeler les « chouchous de la bande ». Mais ayant aujourd'hui de nouveaux besoins, j'ai demandé à être surclassé.

- Écoute, je ne vais pas m'en plaindre ! J'ai toujours préféré le confort d'un véritable matelas pour exercer certaines activités. Car ne nous mentons pas : dans le contexte qui nous intéresse, un certain degré d'aise s'avère nécessaire afin de pouvoir pleinement explorer l'ensemble des possibilités qui s'offrent à nous. Et ceci étant dit, poursuivit le Lézard sans attendre de commentaires concernant ses intentions horizontales, ça te dérange si je mets de la musique ? J'ai apporté mon radiocassette.

- Je t'en prie. Je te sers un verre ? J'ai du vin blanc dans mon mini frigidaire (ndla : voilà un chevalier qui a le sens de l'hospitalité ! *L'abus d'alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération*).

- Volontiers » acquiesça Misty en insérant une cassette dans le poste qu'il venait de brancher à l'unique prise du salon.

Aphrodite releva le nez lorsqu'il entendit les premières notes résonner dans la pièce, puis saisit les deux verres à pied qu'il avait empruntés au restaurant du camping pour les déposer sur la table en face du canapé. Canapé dans lequel Misty venait de prendre place avec un large sourire sur les lèvres.

« Deep Purple ? Attends, ne dis rien, je vais retrouver le titre. Je l'ai sur le bout de la langue !

- Aurais-tu des problèmes de mémoire, Aphrodite ?

- Non, ma mémoire est infaillible pour ce qui me paraît essentiel. Mais là, je crois que je dois donner ma langue au chat.

- Et j'imagine que le chat, c'est moi.

- Cela me paraît évident ! Alors, Misty, tu vas me laisser me morfondre dans l'ignorance encore longtemps ? Quel est le nom de cette chanson à l'introduction de guitare légendaire ?

- Smoke…

- On The Water, évidemment ! Un grand classique des années soixante-dix, toujours aussi efficace.

- Et dont les paroles s'ouvrent en mentionnant un lieu que je considère comme cher à mon cœur.

- Ah oui ? Voilà que tu piques ma curiosité ! De quel lieu parles-tu ?

- De Montreux, en Suisse. La ville natale de ma mère. Une femme superbe, passée de vie à trépas beaucoup trop tôt pour que j'en garde le moindre souvenir à l'exception d'un sourire radieux figé sur de vieilles photos en noir-et-blanc. Ce qui fait de moi l'unique représentant Franco-Suisse de toute la chevalerie !

- Moi qui te prenais pour un français authentique.

- Tu es déçu ?

- Absolument pas ! Ce qui compte à mes yeux, surtout maintenant, tandis que je savoure ce verre de vin délicieux sur un rythme particulièrement envoûtant, c'est ce que tu comptes faire de tes mains. »

En réponse à ce changement de sujet qui ne lui déplaisait en rien, Misty délaça ses doigts pour faire glisser son index sur le bord de son verre.

« Tu parles de ces mains-là ?

- Précisément. »

Misty poursuivit son mouvement avec une lenteur insoutenable, sous le regard gourmand d'Aphrodite qui tentait de modérer son appétit croissant. En vain.

« Je crois qu'il est temps pour nous de goûter au confort de ce fameux matelas », se contenta d'ajouter le Poissons avant de se mettre debout pour entraîner son invité vers l'espace couchage de sa toute nouvelle caravane.

OooOooO

Les sens encore troublés par la vague de volupté qui venait de l'emporter vers son dernier orgasme, Misty reprit son souffle et posa son visage contre le torse de son amant, qui comme toujours sentait incroyablement bon. Il ne s'était jamais laissé aller de cette manière dans les bras d'un homme. Parce qu'il n'en avait jamais eu le désir et surtout, parce qu'aucune de ses précédentes aventures ne lui avaient donné envie de s'attarder de la sorte une fois qu'il avait atteint son but. Mais avec Aphrodite, tout lui semblait différent.

« Je peux te poser une question ? finit-il par déclarer sans s'écarter de son délicieux cocon.

- Tiens, tu es déjà en état de parler ? Je suis déçu.

- Dois-je te rappeler que je suis moi aussi un chevalier aguerri, habitué au combat ?

- Oui, mais pas contre un adversaire tel que moi.

- Certes, mais je commence à bénéficier d'un certain niveau d'entraînement. Alors je peux te poser ma question oui ou non ?

- Je t'en prie.

- C'est quoi l'amour à tes yeux ?

- La seule chose susceptible de rendre véritablement heureux et en même temps profondément idiot.

- Je ne te savais pas si sarcastique.

- Je suis simplement réaliste. Il n'y a qu'à observer autour de nous. Cite-moi le nom d'un chevalier – homme ou femme – qui semble obtenir satisfaction de ce que l'on pourrait qualifier d'une relation amoureuse ?

- C'est vrai que notre Sanctuaire n'est probablement pas un bon exemple de romantisme et d'épanouissement affectif, même si je pense légitime de mentionner Aiolia et Marine en réponse à ta question, ainsi que Shunrei et Shiryu.

- Les exceptions qui confirment la règle. Regarde Shura et Camus, par exemple.

- Quoi, Camus et Shura ? Ne me dis pas qu'ils couchent ensemble ces deux-là ! s'exclama le Franco-Suisse (ndla : ben oui, maintenant que la vérité a été révélée, autant faire preuve de précision) en manquant de s'étouffer.

- Eh bien si. Je l'ai compris le soir du Quatorze Juillet.

- Tiens donc ? Je croyais que tu avais été particulièrement occupé ce soir-là ?

- Tu sembles oublier que tu n'es arrivé qu'au milieu des festivités, après ton service au restaurant. Alors avant cela, j'ai eu toute la liberté de me livrer à mon activité favorite en ce genre de circonstances : observer et analyser, en me délectant des saveurs d'un Cosmopolitan. Et je peux t'assurer que l'on apprend beaucoup de choses intéressantes lorsque l'on s'adonne à ce genre de passe-temps. Donc oui, Camus et Shura couchent ensemble, alors qu'ils aiment tous les deux quelqu'un d'autre, et que les deux autres en question les aiment eux aussi. Tous des imbéciles, je te dis !

- C'est vrai que considéré sous cet angle, l'amour peut paraître éminemment complexe », agréa Misty qui, une fois remis du choc de la révélation du Verseau et du Capricorne s'envoyant en l'air, avait vu ses pensées dévier vers sa meilleure amie et son lourdaud d'Oiseau Immortel. Effectivement, l'amour ne semblait pas toujours particulièrement propice au développement de l'intelligence. Enfin en ce qui concernait certains en tout cas.

« Et nous deux, alors ? Tu nous crois nous aussi condamnés au même funeste destin ?

- Je nous imagine plutôt rentrer dans la catégorie des quelques privilégiés pouvant se contenter de la première option avec laquelle j'ai débuté mon propos. Car en dépit de toute ma jolie démonstration, je suis convaincu que l'amour peut rendre véritablement heureux. Et d'ailleurs, s'empressa d'ajouter Aphrodite en constatant qu'il en avait probablement trop dit, je compte bien reprendre les choses en mains sous peu.

- A quel sujet ? s'enquit Misty qui tentait de masquer le large sourire que les paroles de son amant venaient de faire naître sur ses lèvres.

- Camus, Shura, Angelo et Milo. Je m'en vais leur faire prendre conscience de la réalité, à cette bande de sombres (héros) idiots ! (ndla : olé!)

- Arrête, tu commences à me faire peur ! Et soit dit en passant, tu viens de révéler les noms des deux amoureux secrets.

- Et alors ? Tu sauras garder ta langue, n'est-ce pas ?

- Tout dépend de à quel point je parviendrai à l'occuper autrement.

- Je peux t'assurer que je veillerai personnellement à ce qu'elle soit correctement employée ! » conclut Aphrodite en retournant son amant contre le matelas pour plonger sa bouche dans son cou.

Un peu plus tard ce soir-là, après s'être assuré que la langue de Misty disposerait d'une liste suffisamment longue d'activités pour ne plus vouloir divulguer le moindre secrets, Aphrodite se leva pour aller boire un peu d'eau. Et tandis qu'il savourait la fraîcheur bienfaitrice du précieux liquide s'écoulant dans sa gorge, une explosion de chakras le fit sursauter. Il se concentra pour tenter d'identifier les cosmos des propriétaires des chakras concernés, et un sourire mutin et curieux étira ses lèvres lorsqu'il y parvint.

Cette expérience zodiacale estivale réservait décidément un bon nombre de surprises.


A suivre...

Merci pour votre lecture


Référence pour le titre du chapitre 19 : What Is Love, Haddaway, 1993. Un grand classique de l'Eurodance que je voulais placer depuis longtemps.

Note :

Et voilà, Lily, tu l'as, ton représentant Suisse dans Saint Seiya ! Bon, c'est pas vraiment canon, mais c'est déjà mieux que rien. Non ?

Et pour les quelques curieux - curieuses qui se demanderaient quel peut bien être le rapport entre cette chanson iconique et le pays helvétique, je vous invite à jeter un œil aux paroles de Smoke On The Water. Vous les trouverez sur la page wikipedia de la chanson.