PDV JARED
Vendredi trente octobre, la sonnerie du lycée nous libère d'une énième semaine de cours. Elle résonne entre les murs, comme une libération au son pourtant irritant.
- N'oubliez pas de réviser pour l'examen de la semaine prochaine ! La voix du professeur d'histoire nous parvient tandis que j'attrape la main de ma petite amie pour quitter le cours.
Nous déambulons, main dans la main, parmi les autres lycéens. Ses fins doigts à la peau mate s'entremêlent aux miens. Les casiers claquent. Son pouce qui caresse le dos de ma main. Les bavardages sont incessants. Les cœurs battent la chamade et les ventres gargouillent. Des affiches concernant la fête d'Halloween couvrent les murs. La musique trop forte s'échappe des écouteurs pour venir à mes oreilles, comme un bourdonnement. Une odeur de sueur et de parfum trop lourdement appliqué se dégage de certains élèves. Les goutes de pluie s'écoulent des parapluies pour rejoindre le sol encore brillant d'avoir été lavé par l'équipe de nettoyage. Ça sent le produit chimique et le chewing-gum. Être un loup, c'est tout ressentir, tout entendre, tout scruter, de manière infiniment plus intense. Et ce sans avoir à faire le moindre effort. Cette faculté rend la beauté plus sublime et la noirceur plus obscure. C'est une expérience qui rend chaque jour plus dense, plus épuisant, qui renforce notre devoir. Celui d'être aux aguets, de protéger. Des fois ... Mon insouciance me manque. L'insouciance d'un adolescent qui termine ses devoirs dans la cage d'escalier, qui joue aux jeux vidéos jusqu'au bout de la nuit et dont la première préoccupation est de trouver le moyen de se procurer de la bière dans un magasin à Forks. Assez cliché, je l'avoue.
- On pourra réviser ensemble, si tu veux. La délicate brune prononce au sujet de l'examen qui arrive.
Nous passons le plus clair de notre temps tous les deux, que ce soit à la plage, chez Sam ou dans ma voiture, mais Kim semble toujours avoir le besoin de me proposer de passer du temps ensemble sur un ton hésitant. Comme si elle avait peur que je refuse, que je me détourne d'elle du jour au lendemain. Impossible. Elle est mon univers. Je lui souris et je m'adosse à un mur, mes mains qui se nichent dans le creux de ses hanches.
- Pourquoi pas ... Je souffle, avec ironie, car la réponse est évidente. Elle lève les yeux au ciel et rit, doucement.
Elle a besoin de rire. Je dois la faire rire. Cette histoire avec cette sangsue de Katherine l'obsède ... Comment ça pourrait se passe autrement ? C'est logique. Elle est de nature inquiète. Sauf que je ne veux pas qu'elle s'occupe de cette histoire, je m'en charge. J'en dors pas de la nuit. Et si je la perdais ? Qui plus est des mains d'un vampire. C'est mon univers. Avec Sam et Paul, nous nous sommes adressés aux anciens. Ils nous font attendre et disent que nous avons encore le temps. Je pense surtout qu'ils n'ont jamais rien vu de pareil.
- Sinon, on pourrait retourner à la mairie pour faire des recherches. On a failli passer à côté de l'information sur Katherine, on est peut être passé à côté de quelque chose concernant Niklaus, peut être que ... Je lui coupe la parole avec un baiser.
Sa bouche fond contre la mienne. Je la sens sourire. Nos cœurs battent si vite qu'ils pourraient s'échapper de nos corps. Avoir les sens aiguisés d'un loup, ça a de bons côtés. Je voudrais nous faire disparaître dans un placard, ou dans la forêt derrière le lycée, lui communiquer toute mon affection, tout mon dévouement, qu'elle m'offre son corps et que je chérisse ce cadeau ... Mes hormones sont en feu dès que je pense à Kim, dès que je la vois, encore plus lorsque nous avons un contact physique. Adolescence et imprégnation créent un mélange explosif. Mais ... Elle n'est pas prête. Prends sur toi. Tu as le temps. Je me sens presque rugir quand ses mains attrapent ma nuque. Calme toi Jared, t'es au lycée, ne fais rien d'indécent ...
- Wouah, du calme ! Lance un garçon sur un ton goguenard. Paul, évidement, qui d'autre ?
Ainsi, nous séparons notre étreinte, pris sur le fait. Kim rougit et remet en place son sac à dos et son pull, pendant que je me moque sans vergogne de l'allure de Paul. Notre trio attire les regards, mais j'ai l'habitude, à force. Paul et moi sommes plus grands que tout le monde, Kim nous a subitement rejoint, nous sommes en couple et des rumeurs courent à notre sujet depuis des mois ... J'en ai pas grand chose à faire. Je me fiche de ce que les autres pensent.
- Allez, je rigole, j'aime bien notre petit ménage à trois ! Rit Paul en posant son bras sur les épaules de Kim. Même si je sais qu'il ne fait que plaisanter, mon regard noir suffit à lui faire retirer son bras.
- Pff, même pas en rêve ! Faut vraiment que tu te trouves quelqu'un, c'est désespérant. Kim réplique avec un sourire affectueux, face à notre ami qui s'offusque.
- Moi, avoir une copine ? Maintenant que j'ai ce corps de rêve ? Je refuse de perdre ma jeunesse. Je veux en profiter le plus possible. Il répond avec arrogance.
- Tu pourrais t'imprégner, qui sait ? Elle demande, haussant les épaules.
- J'aimerais bien voir ça. Je m'esclaffe, imaginant mal Paul donner de l'amour à quelqu'un. Il me fusille du regard.
- Ça m'intéresse pas. J'ai aucune envie d'être comme toi et Sam, soumis à des filles. Et puis ... C'est sensé être un phénomène rare.
- Ça te ferait du bien. Murmure Kim, son regard affectueux devenant inquiet, à l'égard de Paul, avant qu'elle ne se rapproche de moi et reprenne ma main.
Je connais tout de la vie de Paul et il connaît tout de la mienne. Lorsqu'on mute, nous partageons toutes nos pensées après tout. Kim ne sait pas grand chose, mais ça se voit. Ça se voit que Paul est brisé. Ses blessures cicatrisent encore, même s'il n'admettra jamais que ce sont des blessures. Il a eu une enfance difficile qui ont fait de lui un adolescent en souffrance. L'alcool, la drogue, les amis qui n'en sont pas, la pression de son père, les filles qui le font souffrir et qu'il fait souffrir en retour ... Devenir un loup, ça la sauvé, en partie, mais il reste encore beaucoup à sauver en lui. Tout ça appartient à une autre histoire. Nous ne taffons pas à quitter le lycée pour nous retrouver sur le parking. Moi et Kim avons l'habitude de faire les trajets aller et retour à bord de mon pick up.
- On bouge chez Sam avant la patrouille ? Me propose mon frère de meute, mais avant que je puisse répondre, une fille aux cheveux coiffés en un chignon vient à notre rencontre. L'adolescente a un visage enfantin et un sweat à l'effigie d'une équipe de basket. Elle s'appelle Olivia, je crois. Ici on se connaît tous depuis l'enfance ou presque.
- Salut ! Vous venez demain soir ? Elle nous interroge, toute excitée.
- Demain soir ? Je demande, haussant un sourcil.
- Oui, pour Halloween. Elle répond avec un large sourire, nous donnant à chacun un flyer au sujet de la fameuse fête.
- Je ne pense pas, mais c'est très gentil de proposer. Répond Kim, d'une petite voix, elle qui ne parle jamais aux autres.
- Oh mais allez, s'il vous plaît, je veux réunir tout le monde ! C'est sympa si vous venez en costumes, mais si vous n'en portez pas venez quand même. Après cette année il nous restera que la terminale, il faut qu'on se crée des souvenirs. Olivia insiste et s'éclipse avant qu'on puisse lui dire non, allant distribuer ses flyers à d'autres personnes.
Le papier est couvert de couleurs criardes, comme le bleu ou l'orange, de dessins de vampires, de zombies et de loups ... Paul et moi partageons un sourire en coin. S'ils savaient que les loups étaient parmi eux pour les protéger des vampires.
- Qu'est-ce que t'en penses ? Je demande à Kim, replaçant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.
- Hum, je sais pas, ma mère dira non, et j'ai pas de costume et ... Elle chuchote en mordant sa lèvre inférieure et en tortillant mes doigts avec les siens.
- Moi j'irais. Y aura à boire, de la musique et du monde. Marre de sacrifier ma vie sociale pour faire des rondes. Paul s'exprime en glissant un des flyers indiquant l'adresse dans son sac à dos usé.
- Vas-y avec lui, t'embêtes pas pour moi. Kim ajoute, faisant mine de ne pas être intéressée.
- Je m'en fiche de cette fête si je suis pas avec toi. Voir des gens, te faire des amies, prendre quelques photos, ça te ferait du bien, tu crois pas ? Je lui répond en reprenant les mots qu'elle avait utilisé auprès de Paul.
Kim se mure dans le silence. Sa mère, son anxiété, sa mère, ses cauchemars, toujours sa mère ... Elle est en train d'aller mieux, il ne faut pas interrompre le processus mais au contraire l'accélérer.
- Je ... Elle commence avant que Paul ne lui coupe à nouveau la parole.
- Si tu veux perdre ta jeunesse en la passant dans ta chambre, ne viens pas. Il dit, sans aucun tact.
- La ferme Paul. Je lui lance un regard menaçant.
- Pardon mais c'est comme ça que je conseille les gens ! Allez Kim, tu parles avec une vampire, tu as une copine sorcière, tu as vu un vampire crever et ...
- T'as pas compris le concept de secret ? Arrêtes de gueuler ! Je lui donne un coup de coude, à cet idiot.
- Aïe, pardon ! Non mais je veux dire, elle en a vu d'autres. Une fête en comparaison c'est rien du tout. Donc vous deux, vous vous trouvez des costumes et je veux vous voir demain soir. Il reprend en nous attrapant chacun par une épaule pour nous secouer.
- C'est d'accord. Kim accepte, de l'excitation dans le regard.
Sa main serre la mienne. Il y a toujours elle, et moi, son corps, le mien, comme deux êtres en échos. Comme si j'étais sa réponse.
*
PDV KIM
Plus tard ce soir là, le ciel est si nuageux que la lune est presque imperceptible. Aller à une soirée, ça ne me ressemble pas, mais faire des choses qui ne me ressemblent pas, c'est un bon résumé de ma vie ces derniers temps ... J'ai une bande d'amis géniaux, un petit copain merveilleux, j'ai découvert la magie et la véracité des légendes ... Sans oublier le vampire originel à mes trousses. Dans la cuisine, le repas est en train de cuire alors que moi et ma mère nous faisons face, l'une à une extrémité de la table et l'autre debout. Je déglutis et mord l'intérieur de ma joue après lui avoir demandé l'autorisation de me rendre à la fête.
- Tu veux aller à une soirée ? Elle m'interroge, estomaquée.
- J'aimerais bien.
- Depuis quand tu fêtes Halloween ?
- Depuis qu'une fille du lycée organise une fête. Elle habite à deux pas d'ici, à la réserve, je rentrerais pas tard et j'irais avec mes amis ... Je tente de la rassurer, en vain.
- Ces fameux amis que tu ne m'as pas présenté ? Ma mère prononce sur un ton agressif.
- Tu ne m'as jamais demandé de te les présenter.
- C'était pas une question Kim. Son ton se fait condescendant.
- Qu'est-ce tu veux que je fasse ? Que je reste enfermée dans ma chambre ? Je marmonne, à cran.
- Je veux que tu sois en sécurité, c'est tout.
- Mais tout le monde va y aller ! Tout le monde sort, je suis la seule à ne jamais rien faire ! J'affirme, perdant mes moyens.
- Baisses d'un ton ! Ce n'est pas de ma faute si les autres enfants ont de mauvais parents. Elle réplique, pointant un doigt menaçant dans ma direction.
- Justement maman, je ne suis plus une enfant. La psychologue dit que ...
- N'utilises surtout pas la psychologue comme un argument contre moi ! C'est moi qui t'ai poussé à y aller, car tu en as besoin, mais tu n'y vas même plus depuis des semaines. Tu as toujours une excuse, un devoir, une sortie importante ... Mademoiselle a tout compris, elle n'a plus besoin d'écouter sa mère !
- Si je n'y vais plus, c'est par ce que je n'en ressens plus le besoin.
Ce n'est que la vérité, je n'en ressens plus le besoin. Pour l'instant. Et puis, qu'est-ce que j'irais lui dire ? Les légendes ? C'est interdit. Je pourrais lui parler de Katherine et de sa grotte, de Lexie et de ses sortilèges, de Klaus le monstre sans visage ? Si je lui raconte un mot de tout cela, je vais finir dans un hôpital psychiatrique.
- Tu verras, quand tu vas de nouveau peter un câble ! Ce sera à moi de recoller les morceaux, comme d'habitude ! Ma mère me crie dessus, faisant référence à mes crises d'angoisse.
- Arrêtes ! Je suis pas une folle ou une chose fragile qu'il faut protéger de tout.
- Si, ma fille, tu es fragile !
- Je me suis très bien débrouillée sans toi pendant plus d'un mois ! Je hurle, sentant que mes prunelles me brûlent et me retenant de pleurer. Je ne veux pas lui faire ce plaisir.
- Comment oses tu ? Personne ne t'aime comme ta mère, tu n'as que moi !
- Par ce que c'est de l'amour ça ? J'ai aussi un père et des amis ! Des gens qui ne me font pas constamment sentir comme une empotée ou un cas psychiatrique !
- Ton père se fiche de toi, il nous a abandonné !
- Il t'a abandonné toi, par ce que tu lui as rendu la vie insupportable ! Comme avec moi !
- Quoi ? Tu veux m'abandonner toi aussi ?! Elle hurle à son tour, avançant dans ma direction.
- Non ! Mais ... Un jour, je devrais vivre ma vie ...
- Pour vivre quelle vie ? Dehors, il n'y a que des événements sordides ! Le danger est partout !
- Arrêtes ! Ce qui est arrivé à Lynn est terrible mais ...
- Ne prononces pas son prénom. On ne l'a juste pas encore trouvé.
Même si sa voix est bien plus calme, le ton qu'elle prend me glace le sang. Ce sujet est sensible.
- Maman ...
- Tais toi.
- C'était ma petite sœur, moi aussi j'ai de la peine.
- C'était ma fille, rien n'est plus grand que la peine d'une mère qui cherche son enfant. En tant que grande sœur, tu aurais pu la protéger, mais tu étais déjà distraite à l'époque. Elle prononce lentement chacune de ses paroles, y mettant toute sa colère. À sa manière de me regarder, j'ai l'impression qu'elle fait face à son pire ennemie, ou elle même, qu'elle ne voit même plus sa propre fille.
- C'est tellement injuste ce que tu dis.
- Mais est-ce que c'est faux ?
- Tu vas toujours trop loin, tout ça par ce que je t'ai demandé de sortir un soir, juste pour une fois !
- Je te l'interdis, je m'occupe de toi donc j'ai mon mot à dire sur ta vie !
- C'est pas par ce que tu n'as pas de vie que tu dois contrôler la mienne. Trouves toi un autre pantin. Je crache ces mots, comme du venin, voulant lui faire autant de mal qu'elle m'en fait.
- Tu sais quoi, Kim ? Fais ce que tu veux. Sors, fréquentes n'importes qui, mets toi en danger. Débrouilles toi toute seule. Ne me demandes plus rien. Tu ne veux pas écouter ta mère ? Très bien, mais ne reviens pas en pleurant !
C'est pourtant sur son visage que les larmes coulent lorsque l'adulte claque la porte de la cuisine derrière elle. Une odeur de cramée s'échappe du four. J'avais l'impression qu'une lame constituée d'un mélange de glace et d'acier venait de s'enfoncer dans mon corps.
Wouah, ça fait plus d'un mois ... Je suis partie étudier à l'étranger, ma vie est en plein bouleversement mais il faut que je m'y remette sérieusement. J'ai besoin de raconter cette histoire. On approche doucement de la moitié. J'enchaîne avec quelques chapitres de transition, mais on va vite retomber dans cette sombre intrigue de doubles et de vampire originel ... Halloween se prépare. Que pensez vous de l'évolution du récit ? De cette dispute ? Quelles sont vos attentes ? Quelles intrigues voudriez vous voir être développées ? Quels personnages voulez vous voir intervenir plus souvent ? Je sais que mes notes d'auteur sont longues, mais je tiens à interagir avec vous.
Sulan : Merci pour ta review et tes questions, n'hésites surtout pas ! Oui sa mère est très agaçante, et haha exactement Penelope est cette fameuse sorcière.
- En effet, les Volturis le craignent car il n'est pas possible de tuer Klaus contrairement aux autres vampires car c'est un originel
- Oui Klaus est plus puissant, même s'il a aussi des faiblesses
- Non les Volturis gardent leur place
Je suis ravie de répondre à tes interrogations
