Jackson était livide. Même s'il commençait doucement à assimiler le fait que son sauveur et ancien camarade de lycée Stiles Stilinski ne lui ferait pas de mal, il ne pouvait s'empêcher de le craindre et la mine renfrognée de l'hyperactif ne l'aidait pas vraiment à se détendre.

- Ne bouge pas, je vais chercher la pommade, entendit-il.

Jackson ne prit même pas la peine d'hocher la tête. Assis sur un tabouret dans la salle de bain, il ne comptait pas s'en aller. Disons que lorsqu'il se mettait debout… Ses jambes tremblaient malgré lui et il n'avait pas la moindre envie d'empirer l'humeur massacrante de Stiles. Que lui était-il arrivé pour qu'il perde son sourire ? Cette question, aussi étrange soit-elle, tournait en boucle dans sa tête. L'hyperactif était sorti avec Isaac quelques minutes, tout souriant et de bonne humeur… Pour revenir ainsi, le visage fermé, sa colère à peine dissimulée. Jackson avait bien aperçu Isaac avant que celui-ci n'aille se calfeutrer dans sa chambre : le bouclé savait d'ailleurs bien mieux maîtriser son visage que l'humain. Le seul élément qui avait permis à Jackson de comprendre que lui non plus n'allait pas si bien que cela, c'était son odeur. Un mélange âcre entre la douleur et l'agacement. De toute évidence, Stiles était le plus en colère des deux. Alors forcément, savoir que l'humain allait s'occuper de ses soins le crispa un peu plus que nécessaire. Cette idée ne l'emballait jamais tant il avait honte de lui-même, de l'état de son corps, et tant il avait mal… A vrai dire, la souffrance le quittait rarement tellement certaines blessures étaient profondes. Jackson savait qu'il devrait déjà être en mesure de guérir : mais c'était plus fort que lui, il n'y arrivait pas. Tout était bloqué, lui donnant la sensation qu'il était humain… Avec, simplement, une ouïe et un odorat surdéveloppés. Jackson se sentait terriblement fragile et faible. Malheureusement, il savait ne pouvoir rien y faire, d'autant plus qu'il n'avait pas le cran d'essayer quoi que ce soit. En lui, la peur s'était propagée et avait contaminé l'entièreté de son être, tel un virus mortel éradiquant chaque cellule vindicative.

Les yeux clairs de Jackson accrochèrent la silhouette tendue de Stiles qui refit surface, un tube de pommade à la main et tout de suite, il s'en voulut de ne pas s'être déjà déshabillé. Son cœur se mit à battre la chamade, s'emballant plus que de raison alors que déjà, la terreur s'immisçait dans son regard.

Oui, il commençait seulement à intégrer le fait que Stiles n'irait pas lui faire de mal. Néanmoins, il n'en était qu'au début de ce processus et se disait que peut-être, la violence viendrait si jamais il perdait du temps ou s'il ne lui facilitait pas la tâche car après tout… Son traitement était un rituel constitué de plusieurs étapes et à force, il commençait à les connaître alors il se disait… Il se disait qu'il devait y mettre du sien… Mais il ne le faisait pas.

Alors, la peur de souffrir de sa main revenait, écrasant quelque peu les maigres progrès qu'il faisait. Ainsi, il se crispa complètement sur le tabouret et se retrouva incapable d'esquisser le moindre mouvement, pas même d'essayer de se rattraper en retirant au moins son haut. La paralysie s'était emparée de chacun de ses membres et ne le laissait pas faire quoi que ce soit.

Stiles déposa le tube sur le rebord du lavabo et se décida à esquisser un semblant de sourire qui se voulait sans doute rassurant mais qui, influencé par la colère du jeune homme, faisait tout simplement peur à Jackson.

- Je vais t'aider à te déshabiller, d'accord ?

Jackson hocha péniblement la tête et si légèrement que Stiles faillit ne pas le voir. Mais l'hyperactif, un peu distrait par cette ire qui ne le quittait pas, fut peut-être légèrement moins doux que d'ordinaire et si le blond en pâtit, il fit tout pour ne rien en montrer. A vrai dire, il ne faisait pas vraiment la différence puisque de toute manière, il souffrait en permanence. Disons que le moindre mouvement ne faisait qu'accentuer un peu le tout. Et puisque, de toute manière, il n'en avait jamais touché un mot à son bienfaiteur… Eh bien celui-ci n'était sans doute pas au courant.

- On fera les jambes ce soir, lâcha Stiles d'un air absent alors qu'il se retournait pour ouvrir le tube.

Nouvelle acceptation silencieuse de Jackson qui, dans tous les cas, n'aurait jamais osé émettre la moindre opposition tant il était terrorisé. Il n'exprima pas non plus la honte qui l'avait gagné. Les yeux rivés au sol, il savait que Stiles lorgnait chacune de ses blessures avant même de lui passer la pommade : l'hyperactif faisait toujours cela avant de s'occuper de lui. Pour quelle raison ? Jackson n'en savait rien et à vrai dire, il n'était pas sûr de vouloir connaître la réponse. Dans tous les cas, il détestait ça car cela signifiait pour lui supporter un regard potentiellement moqueur. La partie paranoïaque de son esprit s'imaginait même un Stiles s'enivrant de cette vision d'horreur, réfléchissant à la meilleure manière de le faire souffrir par la suite. S'y opposait alors son côté rationnel qui, lui, savait que l'hyperactif ne lèverait pas la main sur lui. Côté rationnel qui, bien sûr, peinait à s'imposer. Oui, dans le fond, il en était conscient. Maintenant, restait à appliquer la logique et cesser de le craindre. Cependant, ce n'était pas près d'arriver.

Pour une fois, Stiles ne prévint pas Jackson comme il le faisait toujours et le blond sursauta violemment lorsque les mains de l'hyperactif, enduites de pommade, entrèrent en contact avec la peau sensible de son dos. Son envie de fuir et de se carapater dans sa chambre grimpa en flèche mais sa terreur l'empêcha de prendre ses jambes à son cou. Sur ses omoplates, les mains glacées de Stiles se figèrent.

- Oh pardon, je… Désolé Jackson, je ne voulais pas te faire peur. Tout va bien, d'accord ? Je te passe simplement la pommade, rien de plus. Tu ne crains rien avec moi, d'accord ?

Sa voix s'était radoucie, comme s'il avait pris conscience avec le sursaut du blond, de sa négligence. Le métamorphe hocha à nouveau la tête, histoire de lui laisser entendre qu'il avait compris et qu'il le croyait. Histoire de garder la face, ce qui était, il le savait, peine perdue. Jackson se savait minable, pathétique et était diablement conscient de l'image qu'il renvoyait. Celle d'un jeune homme misérable, effrayé, brisé. Il était incapable de la contrôler.

Alors, il trembla durant les longues minutes que dura son traitement qui se déroula dans un silence pesant. Impossible pour lui de lutter suffisamment fort contre sa terreur, impossible de retenir ses tremblements, de calmer les battements effrénés de son cœur tandis qu'il continuait de souffrir silencieusement. D'une manière ou d'une autre, la partie paranoïaque avait repris le dessus, préparant son corps à subir un assaut de violence.

Et pourtant, Stiles adoucit au maximum ses mouvements, ne faisant qu'effleurer les blessures les plus profondes qu'il voyait. Sentir le kanima trembler sous ses doigts le poussait à donner son âme pour y aller le plus doucement possible. Ça lui brisait le cœur, aussi. Si Jackson avait relevé les yeux vers le miroir, sans doute son côté rationnel aurait repris le dessus, car les larmes qui embuaient les doux yeux ambrés de l'hyperactif l'auraient touché. Mais il les gardait rivé au sol, parce qu'il continuait d'avoir peur de son bienfaiteur. Bienfaiteur qui était bien conscient des erreurs qu'il avait commises.

Et qui n'en pouvait plus de le voir souffrir, que ce soit physiquement ou mentalement.

Alors, peut-être qu'il fut un peu moins consciencieux que d'habitude, mais il décida de mettre un terme à son traitement avant de perdre complètement pied.

- Tu… La pommade a déjà commencé à sécher, je vais t'aider à te rhabiller.

Il avait la voix qui tremblait et pourtant, il la contrôlait autant que possible. Mais de toute manière, Jackson lui paraissait être trop apeuré pour pouvoir le remarquer. Sauf qu'il le notifia, mais ne dit rien. Ainsi, Stiles se persuada qu'il ne verrait rien. Alors, il se mit face à lui et fut aussi doux que possible lorsqu'il l'aida à remettre son haut. L'instant d'après, Jackson releva la tête vers lui… Et les vit, ces yeux embués. Cependant, Stiles les essuya comme si de rien n'était et sourit en lui disant qu'ils en avaient terminé et que… Qu'il pouvait faire ce que bon lui semblait. C'est de cette manière qu'il sortit précipitamment de la salle de bain sans faire attention au regard interloqué et perdu de Jackson, dont le niveau de terreur était un peu redescendu.

A vrai dire, Stiles s'en voulait un peu d'avoir laissé son protégé aussi brutalement, mais il n'avait pas le choix. Le jeune homme était solide, néanmoins… Il avait tendance, de temps à autres, à se laisser emporter par sa fébrilité, née de ses nombreux complexes et grandes insécurités. Cet instant étant l'un de ses moments, il fonça vers sa chambre et s'enferma à l'intérieur.

Dans la cuisine, Isaac poussa un profond soupir. D'ici, il avait suivi la situation à l'aide de son ouïe et de son odorat.

Autant dire qu'il se faisait du souci.

Pas pour Stiles, puisque le concernant, il s'agissait surtout d'une pilule à avaler. Il irait le voir, c'était certain, mais sa priorité actuelle se prénommait Jackson. Ainsi, Isaac ajusta sa veste, souffla un bon coup et se dirigea vers la salle de bain.

Jackson n'avait pas bougé du tabouret. Néanmoins, il leva un regard perdu vers Isaac, regard que la peur gagna rapidement. Le blond mettait le bouclé dans le même panier que Stiles : il savait qu'il était censé leur faire confiance étant donné qu'ils l'aidaient tous les deux, et pourtant… Il continuait de craindre le jour où, peut-être, ses sauveurs se retourneraient contre lui. Dans sa vie, c'était toujours ainsi que cela s'était passé, pourquoi les choses seraient-elles différentes en ce jour ?

Isaac, conscient des questionnements et doutes de son ancien camarade de classe, tint à le rassurer rapidement. Il s'accroupit devant lui et parla à voix basse. Sans entrer dans les détails, il lui expliqua que Stiles et lui avaient eu un différend qui l'avait beaucoup affecté et que s'il avait été un peu moins doux que d'habitude, il ne fallait pas lui en vouloir. Quant à sa fuite rapide… Pour éviter de l'accabler, Isaac lui apprit simplement que l'hyperactif avait du mal à encaisser ce qu'il lui avait appris et qu'il lui faudrait un peu de temps. Le bouclé savait que l'état de Jackson jouait dans celui de Stiles, mais… Il valait mieux taire ce fait pour l'instant car le kanima… Restait capable de se sentir coupable du moindre changement dans l'attitude de Stiles. Après tout, c'était déjà arrivé. Une fois son monologue terminé – Jackson ne parlait presque jamais en général et cette fois, le voilà complètement silencieux –, Isaac l'aida à se lever et, tout en le raccompagnant vers sa chambre, lui prit sa douleur. Jackson lui adressa un regard confus, auquel Isaac répondit par un simple sourire. Ce n'était pas la première fois qu'il le soutenait de cette manière, mais le kanima avait la fâcheuse tendance à s'étonner de ce genre d'attention. Isaac ne pouvait que le comprendre : fut un temps où il s'était trouvé à sa place.

Une fois Jackson dans sa chambre, Isaac prit le chemin de celle de Stiles et… Il se mit à espérer que le kanima ne se concentre pas sur son ouïe. Pas que les sujets qu'ils allaient aborder soient sensibles, simplement… Dans un sens, il aimerait bien le préserver et le loup-garou n'allait pas obliger Stiles à ressortir. Dans ce genre de moments, l'hyperactif avait tendance à vouloir s'isoler et ne voir personne… Ce qui n'était évidemment pas une bonne idée et Isaac en était bien conscient. N'était-ce pas l'hyperactif qui lui avait appris cela ? S'il avait bien un défaut, c'était celui de ne pas appliquer les conseils qu'il donnait.

Face à sa porte fermée, Isaac se mordit la lèvre inférieure et prit quelques secondes pour se donner du courage car l'air de rien… Il savait que le face à face ne serait pas simple. Néanmoins, il ne regrettait pas leur précédente discussion et continuait de penser qu'il devait protéger son sauveur de cet ami pas si clean que cela. Et si Stiles ne l'acceptait pas de suite, ce ne serait pas un problème : Isaac trouverait un moyen de faire tomber Scott McCall, avec ou sans son aide.

Enfin, il toqua. Ne reçut pas de réponse. Pourtant, il savait que Stiles était là… Son cœur le trahissait tout autant que son odeur. Alors, il entra et referma derrière lui. L'hyperactif, la mine défaite, leva un regard embué empli de douleur et de colère dans sa direction.

- Si j'te dis pas d'entrer… T'es pas censé le faire, articula péniblement l'hyperactif d'une voix tremblante.

Si ses yeux montraient qu'il était extrêmement mal en point mentalement, il était clair qu'il refusait de se laisser aller alors qu'il vaudrait mieux qu'il se lâche complètement. Isaac fit un pas en avant et Stiles s'essuya fébrilement les yeux avant de lâcher sans aucun aplomb :

- T'approche pas, je veux pas te voir…

Mais il y avait dans sa voix cette douleur qui, en plus du mensonge, ne parvint pas à faire reculer Isaac. Parce que ce dernier savait qu'il ne pouvait pas le repousser malgré la colère qui l'étreignait. Il savait d'ailleurs que Stiles ne pensait pas qu'à leur dispute : le cas de Jackson lui faisait atrocement mal et Isaac le connaissait assez bien pour le deviner, alors… Il s'assit à côté de lui, sur le lit, et le prit dans ses bras sans autre forme de procès. Si au départ, Stiles resta figé, il se détendit bien vite et accepta malgré lui cette étreinte dont il avait affreusement besoin.

Pour autant, l'hyperactif ne se laissa pas complètement aller à son chagrin. A vrai dire, il s'entêta à ne pas lâcher grand-chose, juste les quelques larmes qu'il était incapable de garder pour lui. Il aurait peut-être pu résister, si Isaac ne s'était pas montré, mais… Le bouclé le connaissait bien.

- T'en fais trop, murmura-t-il en se pelotonnant toutefois contre son ami.

Parce que même si Stiles avait tendance à abuser d'une certaine forme de solitude pour se conditionner à mettre ses peines de côté, il savait qu'Isaac faisait, en quelque sorte, ce qu'il avait fait pour lui. Il l'empêchait de se renfermer sur lui-même pour éviter qu'il ne sombre, lui qui se sentait perpétuellement au bord du vide. Alors non, Isaac qui, en réponse, venait de resserrer son étreinte sur lui, n'en faisait pas trop. Il n'abusait pas. Il faisait simplement en sorte de le maintenir à flot.

Et Stiles n'avait pas l'impression de le mériter.