Stiles n'irait pas jusqu'à dire qu'il s'était apaisé, mais il était capable de s'avouer qu'il se sentait un peu mieux. Pas énormément. Suffisamment toutefois pour remarquer que son cœur lui paraissait un peu moins lourd.

Les doigts courant sur le clavier de son ordinateur, il était actuellement capable de travailler et se retrouvait donc à le faire. Sauver des êtres surnaturels, c'était bien. Gagner sa croûte, vivre et aider ses protégés c'était pas mal non plus. A côté de cette petite affaire bénévole qu'il avait montée avec son père, Stiles était informaticien. Le genre autodidacte, celui qui réparait les ordinateurs à distance, en prenant tout naturellement le contrôle de ceux-ci – avec l'approbation de leurs propriétaires. Stiles était un petit génie dans son domaine et c'était tout naturellement qu'il avait laissé tomber cette idée de travailler dans la police pour se consacrer à ses machines préférées. Ça, c'était davantage son truc, d'autant plus qu'il se savait extrêmement efficace. Stiles n'était pas du genre à se vanter, mais il connaissait sa valeur… Dans ce domaine-là. Il y avait cependant une limite à son excellence, qui dépendait principalement d'un facteur : son humeur.

Si elle avait été catastrophique, Jackson l'avait grandement allégée. Stiles trouvait toujours ses progrès lents et pas extrêmement visibles, mais… Depuis son arrivée, jamais le blond ne l'avait laissé lui caresser les cheveux. Là, il l'avait fait. Alors dans un sens, ça rassurait l'hyperactif, qui se disait que peut-être… Peut-être qu'Isaac avait raison. Peut-être qu'il y aurait du mieux plus tard. Que rien n'était joué d'avance. Que de son côté, il ne s'y prenait pas si mal.

Et ce simple fait lui faisait un bien fou.

Stiles savait cependant que sa bonne humeur tomberait bientôt. Elle faisait souvent cela et le jeune homme se faisait l'effet d'une montagne russe à lui tout seul. Parce qu'il pouvait passer d'un extrême à un autre en un rien de temps et il en était affreusement conscient. Alors il profitait de ce temps que son esprit torturé avait décidé de lui accorder. Un client l'appela alors et Stiles lui répondit tout de suite. Il s'agissait d'un cadre dont l'ordinateur faisait des siennes et qui, ne pouvant actuellement pas se déplacer, désirait voir s'il était possible d'intervenir sur son appareil à distance. Stiles lui donna toutes les consignes nécessaires pour installer un certain logiciel qui devait lui permettre de prendre le contrôle de son ordinateur. Toujours au téléphone, le client s'exécuta et quelques minutes plus tard, tout était installé.

Stiles commença tout d'abord par faire un nettoyage en profondeur de la machine en effaçant toutes ces données aussi invisibles que superflues qui se glissaient toujours dans sa mémoire. C'était un petit plus, un bonus qui pouvait permettre, entre autres, à faire tenir un appareil de ce type plus longtemps et de lui faire garder une rapidité optimale. Ensuite seulement, il s'attela à rechercher la source du problème de son client, qui lui expliqua les soucis qu'il rencontrait dernièrement. Tout en agissant, Stiles lui expliqua ce qu'il faisait : l'homme pouvait voir ses manipulations sur l'écran de son propre ordinateur, mais l'hyperactif tenait à faire les choses de cette manière. C'était sa méthode et il ne la changerait pour rien au monde.

D'autant plus que garder un semblant de routine lui permettait de ne pas flancher au moindre rappel que pouvait lui faire son esprit. Esprit qui lui rappelait qu'il avait telle et telle chose à faire et que Jackson devait avoir besoin de lui. Stiles savait pertinemment qu'il se reposait – peut-être qu'il avait d'ailleurs fini par s'endormir – mais pouvait-il réellement se contrôler ? En partie seulement. Ce travail et l'appel avec ce client… C'était ce qui lui permettait de garder la tête hors de l'eau, dans un sens, de ne pas céder à chaque moment de panique.

De ne pas céder à ce besoin d'aller voir Jackson, encore et encore. Il fallait qu'il lui laisse son espace. Comme Isaac l'avait dit très justement, leur situation et leur point de départ n'étaient pas les mêmes. Jackson avait besoin de solitude quand Isaac, lui, réclamait sa présence à corps et à cris. Ils n'étaient pas identiques. Arrête de stresser et concentre-toi, s'ordonna-t-il. Le jeune homme eut besoin de plusieurs répétitions pour se remettre dans son travail et terminer de satisfaire la demande de son client. Quelques minutes plus tard, il lui dit au revoir et lui souhaita une bonne continuation en forçant un sourire. Autant pour lui que pour ledit client. Parfois, on arrivait à se convaincre en convaincant les autres, alors pourquoi pas essayer ? C'est ainsi que Stiles enchaîna plusieurs interventions avant de se décider à faire une pause, qu'il s'évertua à garder comme telle. Puisqu'il était son propre patron, il décidait de ses propres horaires et pouvait donc s'accorder tout le temps dont il avait besoin. Stiles se fixa un petit quart d'heure avant de reprendre le travail.

Ainsi, il se fit plaisir et s'installa sur le canapé du salon avec le petit thé qu'il venait de se faire. Stiles adorait les boissons chaudes, elles avaient le don de le détendre avec aisance. C'était un détail, mais l'hyperactif aimait les petits riens, car il savait que c'étaient ces petits riens qui l'aidaient à tenir le coup et à s'armer contre les évènements parfois difficiles que lui réservaient la vie – et en particulier son deuxième boulot. D'ailleurs, il était heureux de l'exercer avec son père, même s'il regrettait son absence de ces derniers temps. Noah était en déplacement concernant un trafic d'omégas et l'affaire lui prenait du temps tant elle était complexe. Ils se téléphonaient parfois, mais Stiles était bien obligé d'avouer qu'il lui manquait et qu'il aurait bien aimé pouvoir lui parler. Discuter de Jackson. De la lubie d'Isaac à sans cesser essayer de le pousser à détester Scott – pour lui, c'était ça. De la suite, aussi. D'éventuelles affaires à traiter dans l'ombre. Il aimait bien, ça. Se sentir utile. Aider à démanteler des réseaux de trafic et d'esclavage, ou simplement des cas de maltraitance. Leur espèce de petite entreprise était toute récente et il s'était avéré que les deux loups-garous qui vivaient sous son toit étaient les cas les plus difficiles que son père et lui avaient à gérer. Parce qu'ils avaient eu à subir des traumatismes inconsidérables. Par chance, tous les êtres surnaturels n'en subissaient pas de pareils, cependant… Il y en avait, beaucoup. Mais c'était tabou. On n'en parlait pas.

Et c'était la raison pour laquelle les deux Stilinski s'étaient lancés dans cette aventure sordide. A leur échelle, ils essayaient de rendre le monde un peu meilleur et d'aider les êtres surnaturels dans le besoin. Un certain nombre de personnes connaissaient l'envers du décor, l'existences de non-humains, sauf qu'une grosse partie fermait les yeux. C'était plus facile. Stiles et Noah n'étaient pas de ce genre-là.

L'hyperactif zappa les chaînes, essaya de trouver quelque chose d'intéressant, songeant même à allonger un peu son temps de pause. Dans un sens, il compensait un peu toutes ces fois où il abusait et travaillait jusqu'à l'épuisement. Depuis que son père l'avait sermonné à ce sujet avec l'appui d'Isaac, Stiles tentait de faire attention. Et alors qu'il se laissait enfin aller devant un programme qui venait d'attirer son attention, on sonna à la porte de sa maison. Ayant totalement envie de s'isoler au moins pendant sa pause, l'hyperactif choisit tout bonnement de faire le mort et de continuer de regarder la télévision. D'ailleurs, il ferait bien de s'abonner à HBO un de ces jours… Dessus, il y avait plusieurs séries qui le tentaient depuis un moment. Driiiiiiiiiiiing. Bon, elles ne transpiraient pas la joie et on pouvait même dire que dans un sens, elles foutaient carrément le cafard mais elles semblaient bien réalisées et touchantes, alors… Driiiiiiiiiiiiiiiiing. Si l'empaffé qui osait le déranger dans son visionnage et sa réflexion était un livreur, Stiles souhaita mentalement que sa voiture tombe en panne au milieu d'une autoroute. Non et puis de toute manière, il n'avait pas le souvenir d'avoir commandé quoi que ce soit. D'un coup, il se mit à prier pour que le proverbe « jamais deux sans trois » ne se réalise pas. Driiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiing. La sonnerie, de plus en plus longue, le décida à se lever – d'autant plus qu'elle devait sûrement commencer à percer les tympans de Jackson, en plus. Désireux d'être tranquille et de faire en sorte que son protégé ne s'affole pas, Stiles se leva en soupirant pour s'en aller, d'une démarche rapide et raide, ouvrir à l'intrus insistant.

Stiles mit un peu de temps à comprendre ce qu'il voyait. Ses yeux identifiaient parfaitement le visage et la silhouette face à lui, mais l'information peina à monter à son cerveau. Au bout d'un temps qui lui sembla durer des heures, il fit le lien.

Sa première réaction ? La colère. Pas de surprise. Juste une ire aussi soudaine qu'explosive.

S'il y avait bien une chose qu'avait toujours eu du mal à intégrer son meilleur ami Scott McCall… C'était la notion de consentement et ce, dans de nombreux domaines. Lorsque Stiles disait non pour quelque chose, c'était non. Là, en l'occurrence, l'hyperactif voulait être seul, comme il le lui avait plus qu'explicitement spécifié lors de leur appel quelques heures plus tôt.

Mais Scott lui semblait avoir quelques problèmes d'audition… Ou bien de compréhension. D'ailleurs pourquoi souriait-il, cet idiot ? Il amorça un mouvement dans sa direction, mais Stiles l'arrêta d'un geste.

- Tu t'approches, je t'émascule, le prévint-il.

- On sait tous les deux que tu ne me ferais jamais une chose pareille, fit Scott après avoir ri.

Sauf qu'en cet instant, Stiles était diablement sérieux. Il ne fallait pas le chercher, encore moins quand il était énervé. S'il arrivait à garder sa colère sous contrôle, il savait devoir mettre fin à cette entrevue au plus vite s'il ne voulait pas risquer d'endommager la belle gueule de son meilleur ami. Meilleur ami qu'il trouvait parfois stupide, comme en cet instant, et dont il se verrait bien refaire le portrait. En tout bien tout honneur, évidemment.

- Quand je dis non, c'est non, siffla-t-il. Tu devrais le savoir depuis le temps.

En soi, Scott était gentil. Adorable. Serviable. Extrêmement attachant. Stiles l'adorait, sincèrement. Mais cette manie qu'avait le latino de ne pas tenir compte de son avis le dérangeait profondément. Si cela n'était pas arrivé souvent, Stiles gardait chacune de ces fois-là en mémoire. Et aujourd'hui, peut-être de manière encore plus vive que d'ordinaire. Parce qu'il voulait être seul. Se détendre. Tranquille. Peut-être même essayer de parler avec Jackson, une fois la fin de la journée arrivée. En fait, il avait carrément envie de manger avec lui. D'ordinaire, il se nourrissait avant ou après le loup-garou pour le laisser respirer, mais… Il trouvait ça triste, en fait.

- Parfois, on croit que la solitude, ça aide, le contra Scott. Je ne sais pas ce que tu as, mais rien ne vaut un petit remontant avec son meilleur pote depuis la primaire. Tu peux pas dire non à ça, Stiles.

Le susnommé baissa les yeux et accrocha le sac que Scott était en train d'ouvrir… Et duquel il sortit une bouteille de whisky. Il y eut un temps mort, puis Stiles sentit purement et simplement un frisson le parcourir, ainsi qu'une bulle de colère éclater dans sa tête.

- Si tu ne ranges pas ça tout de suite, je te vire de chez moi avec un coup de pied dans ce qui te sert de burnes.

Sa voix était froidement calme et son regard, acéré. De l'alcool. Son meilleur ami lui proposait de l'alcool. Il le connaissait par cœur. Savait par quelles étapes son père et lui étaient passés.

Et il lui proposait tout simplement de boire. Stiles ne savait pas ce qui le retenait de lui enfoncer son poing dans la figure, mais il se trouvait particulièrement fort en cet instant. Peut-être était-ce son attachement envers lui qui lui permettait de garder le contrôle sur sa colère, qui se transformait peu à peu en une fureur contenue. Il ne voyait que ça.

Mais merde, ce que le frapper le démangeait !

Face à lui, Scott rit… Comme si tout allait bien. Comme s'il venait de lui faire une blague.

- Détends-toi, Stiles, je veux juste t'aider à te détendre, se défendit-il d'un air tout sauf sérieux.

- J'étais très bien à zoner sur mon canapé avant que tu n'arrives donc maintenant, casse-toi.

C'était dingue ce qu'il avait envie de lui exploser la gueule alors qu'en même temps, il l'adorait ! Mais c'était Scott et il était un peu trop… Lui. Et Stiles n'avait pas envie de perdre davantage de temps. Une chose était certaine, il allait devoir tripler son temps de pause : il lui faudrait un moment avant de redescendre. C'était plus simple lorsqu'il laissait éclater ses émotions puisque tout sortait, au sens littéral du terme. Là, il n'en avait pas envie. Il voulait tout garder pour lui et retourner dans sa solitude bienheureuse. Voilà de quoi il avait besoin. De calme. De sa télévision. Et de Curly Fries pour accompagner son thé. C'était un bien curieux mélange mais Stiles se définissait par toutes les particularités qui le composaient.

Stiles tiqua lorsqu'il vit Scott ranger sa bouteille dans son sac et s'approcher de lui. Autant y aller franco. Cette visite avait été beaucoup trop longue à son goût. Alors, il fut clair et concis :

- Quand je te dis non, c'est non.

Il avait parlé lentement et distinctement, en articulant bien chacun de ses mots pour que Scott les entende et en intègre éventuellement le sens. Il le vit s'approcher encore et il recula, de sorte à fermer rapidement la porte pour l'empêcher de l'indisposer davantage. Clac. Stiles espéra que Scott s'était suffisamment rapproché pour se la prendre dans le nez et au gémissement étouffé qu'il perçut de l'autre côté, il sut que c'était le cas.

Et bizarrement, ça lui fit du bien. Cheh. Stiles n'était pas du genre à se réjouir du malheur ou de la douleur d'autrui, mais pour une fois, Scott le méritait.

Il n'avait absolument aucun regret.