De sa vie, Stiles n'aurait jamais pensé qu'une simple fièvre puisse le mettre autant chaos. Mais s'il se sentait extrêmement faible et nauséeux au possible, il ne pouvait empêcher sa conscience de revenir. Son corps, extrêmement sensible à tout, y compris au toucher, se rendit compte que quelque chose avait changé. Déjà, il ne devrait pas avoir autant de place pour se mouvoir allongé : dans ses souvenirs, il n'avait pas déplié son canapé. Par flemme, mais aussi par absence de nécessité. Stiles pouvait s'endormir n'importe où, il suffisait que la surface soit suffisamment plate et lisse. Qu'il n'ait pas de place ne revêtait aucune importance et impacterait son corps uniquement au réveil.
Le fait est que ce détail d'espace le titillait alors même qu'il émergeait avec une lenteur folle. Etant du genre à haïr le flou et l'ignorance, Stiles décida d'ouvrir les yeux assez rapidement. Aucune lumière ne l'éblouit, pour la simple et bonne raison que la pièce dans laquelle il se trouvait était plongée dans la pénombre. Néanmoins, les volets ouverts laissaient la lune exposer la puissance de ses rayons légers, ce qui faisait qu'il entrevoyait l'agencement général de l'endroit. C'est ainsi qu'il décela aisément la table de chevet et la lampe qui y trônait. Stiles appuya sur l'interrupteur… Et la confusion le gagna. Ni le chaud ni le froid qui faisaient toujours frissonner son corps ne pourraient jamais fausser l'origine de l'angoisse qui l'envahit si soudainement. Une angoisse aussi forte que soudaine.
Parce que si Stiles se trouvait dans une chambre, il ne la connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Décorée avec un mélange de luxe et de sobriété, elle montrait que son propriétaire avait de l'argent, mais paraissait dépourvu d'excentricité. Chaque meuble était de très belle facture mais sans artifices. Stiles baissa la tête et repoussa les draps qui le recouvraient quelques instants plus tôt. Se redresser ne fut pas une mince affaire et l'hyperactif dut lutter contre la lourdeur de sa tête pour ne pas se laisser mollement retomber sur le matelas de… Cet énorme lit à baldaquin. Nouveau frisson. Stiles détestait les lits à baldaquin, ça lui avait toujours fait peur.
Se savoir dans un endroit inconnu ne l'aida d'ailleurs pas à calmer son angoisse. Pour autant, Stiles garda la mainmise sur son corps et son esprit. Après rapide examen de ses derniers souvenirs, il ne trouva aucun indice sur la raison de sa présence ici, encore moins sur l'identité des gens qui avaient dû l'emmener dans cet endroit. C'était simple : il se rappelait simplement s'être allongé sur son canapé après s'être mis un linge humide sur le front, assommé par sa fièvre. Le pire, c'est qu'il continuait de la sentir. Elle l'écrasait de toute sa puissance, rendait ses réflexions aussi lentes que ses mouvements. Pour autant, elle ne le privait pas de sa lucidité, la même qui le remplissait d'effroi. Que s'était-il passé ? Où se trouvait-il ? Mais une question envoya balader toutes les autres.
Si lui se trouvait dans cette chambre aussi étrange qu'inconnue… Où était Jackson ?
Malgré sa terreur, Stiles s'exhorta au calme. Il se leva péniblement et tituba jusqu'à la fenêtre. Grâce aux rayons lunaires, il identifia les alentours de la bâtisse.
Autant dire qu'il n'en fut pas plus rassuré.
Des champs. Des champs à perte de vue. Depuis la fenêtre, Stiles identifia également une sorte de ferme située à une vingtaine de mètres de la maison. Et aucune de ces observations ne l'aida à se situer, aucune ne le rassura. Pourquoi diable se trouvait-il en pleine campagne, dans une chambre qu'il n'avait jamais vue auparavant ? Qu'importe la fièvre, la maladie, Stiles n'avait ni le temps, ni la possibilité de se reposer. Dans sa tête, il n'y avait que Jackson, et se savoir hypothétiquement loin de lui le terrifiait. Son père et Isaac étant partis en mission, il n'y avait personne pour veiller sur son protégé. Ce protégé si fragile dont la convalescence promettait d'être longue et harassante. Plus que la peur de savoir qu'on l'avait enlevé lui, c'était de laisser Jackson seul qui le terrifiait. Stiles était débrouillard de nature et avait survécu à bon nombre d'aventures. Un enlèvement ? Il s'agissait de son troisième. La différence, c'est qu'il n'avait absolument aucune idée de qui pourrait lui en vouloir ou chercher à l'isoler – sans l'attacher qui plus est. Car Stiles était libre comme l'air et n'oubliait pas qu'il s'était réveillé quelques minutes plus tôt dans un lit à baldaquin titanesque, sans aucun lien pour le retenir prisonnier. Et ça, c'était quelque chose qu'il n'avait jamais vécu par le passé. Une liberté physique, une prison matérielle.
Sa priorité : trouver un téléphone. Qu'importe où il se trouvait, il fallait qu'il prévienne Noah et Isaac. Même s'ils n'étaient pas là, ils devaient savoir. Peut-être que de loin… Ils pouvaient faire quelque chose ? Faire travailler leur réseau, notamment… En fait, Stiles en vint rapidement à se demander si Jackson se trouvait encore à la maison – et il avait l'impression que la réponse était négative. Enfin, il s'agissait même d'une certitude. La logique voudrait qu'il se trouve au même endroit que lui, c'est-à-dire dans cet endroit. Si Stiles avait été kidnappé, il y avait de fortes chances que Jackson l'ait été aussi. L'hyperactif n'avait donc pas le temps de se tourner les pouces.
Jackson avait été brisé par ce qui n'avait au départ été qu'un enlèvement. L'histoire ne devait pas se répéter, au risque que ses séquelles futures soient définitives. Stiles gardait l'espoir de réussir à l'aider à guérir d'un maximum de blessures, qu'elles soient physiques ou mentales : rien ni personne ne pourrait le détourner de cet objectif… Comme il ne laisserait rien ni personne briser Jackson une seconde fois. Le protéger, c'était quelque chose de très important. Pour lui, presque plus important que sa propre vie.
Et Stiles n'était pas certain de pouvoir supporter ce qu'il pourrait découvrir, mais… Qu'importe, il devait agir et le chercher, maintenant. Ainsi, il marcha de façon aussi droite que possible et tenta d'abaisser la poignée : elle n'émit aucune résistance et la porte s'ouvrit sur un long couloir éclairé par quelques lampes ici et là. Stiles attendit quelques secondes avant de s'avancer et, passant outre son état déplorable, il se lança. Première étape : fouiller rapidement cet endroit et en même temps… Mieux valait peut-être sortir de cette maison. Il ne savait pas si elle était vide mais dans le doute, Stiles préférait réussir en premier lieu à se retrouver dehors là où il pourrait plus facilement fuir qu'hypothétiquement enfermé entre quatre murs.
Puis il y avait cette espèce de ferme, à l'extérieur. Il avait vu The Walking Dead et la saison deux lui avait appris à se méfier des bâtisses de ce type. Ça cachait toujours quelque chose ces merdes, surtout quand ça se situait non loin d'une maison… Dans un coin… Aussi isolé que celui-ci semblait être. Alors même si sa réflexion était grandement ralentie par son état, Stiles prit rapidement sa décision…
… Et traversa la maison sans encombre, pour la simple et bonne raison qu'il ne croisa pour ainsi dire… Personne. Chaque couloir était vide et Stiles n'avait pas repéré la moindre caméra – ce qui ne voulait rien dire. En soi, il était dans un état déplorable… Sa fièvre ne le quittait pas, alourdissait sa tête à un point tel qu'avancer se révélait être un réel supplice. Mais Stiles avait de la ressource et surtout, une détermination sans faille. Il pousserait son corps jusqu'à ce qu'il retrouve Jackson et qu'il le mette en sécurité. A ce moment-là, il se donnerait la possibilité et le droit de s'effondrer. Il posa sa main sur son front et le trouva chaud, avant de se rappeler que dans tous les cas, mesurer ainsi n'était absolument pas fiable, d'autant plus qu'il se savait fiévreux. A bien y réfléchir, ne pas savoir à combien il était lui paraissait peut-être préférable. Parfois, l'ignorance aidait à garder la motivation intacte et donnait l'accès à une énergie non négligeable : celle du désespoir. C'était elle qui animait Stiles.
Elle qui le fit ramer jusqu'à ce qu'il réussisse à sortir de la maison, le regard flamboyant d'épuisement et en même temps… D'une volonté indéniable. Et il espéra. Qu'importe ce qu'il trouverait dans cette foutue ferme, il espéra que Jackson s'y trouvait, ne serait-ce que pour avoir une réponse et l'aider, directement. Lui montrer qu'il était là, qu'il ne l'abandonnait pas. Bien sûr, le meilleur des scénarii aurait été que le loup-garou soit encore à la maison Stilinski, mais Stiles était assez lucide pour savoir qu'un enlèvement de ce genre était souvent pluriel.
C'est essoufflé qu'il arriva devant la ferme et qu'il détailla du regard la double porte… Entrouverte. Il fronça les sourcils.
Mais ne prit pas le temps de réfléchir et poussa les deux gigantesques panneaux de bois.
