Tamashi no Moribito

Gardien des Âmes


Chapitre 5

Une jeune admiratrice

Lorsqu'Alika ouvrit les yeux, l'heure du dîner était déjà passée. Il devait être une heure de l'après-midi lorsqu'elle se tira hors du lit et s'habilla de son kimono double : un kimono en dessous de couleur mauve foncée et un rose pâle sans manche par-dessus, le tout attaché par sa ceinture Kanbalese et ses pantalons. Yuka la salua, assise dans le salon.

« Te voilà enfin debout !

- Bon matin, salua Alika.

- Bien dormi ?

- Non... cauchemar, insomnie et traumatisme, répondit-elle simplement. J'ai donc repris mes heures de sommeil. Tu es en pause ?

- Oui. Je retourne bientôt traiter les patients. Aussi, j'ai une merveilleuse nouvelle à t'annoncer !

- Ah ? Et qu'est-ce que c'est ?

- Je vais avoir une apprentie d'ici un an ! Elle termine sa dernière année à l'école de la Capital et sera sous ma tutelle ! Je vais donc pouvoir transmettre mon savoir.

- C'est vraiment génial ! s'égaya Alika. Tu pourras enfin te reposer un peu plus.

- Oh, pas vraiment. Même dans une vingtaine d'années, j'ai toujours l'intention de continuer à pratiquer mon métier. »

Yuka retourna au travail tandis que sa petite-nièce se dirigeait vers la cuisine pour boire de l'eau et manger un losso qui provenait de restants du dîner.


Ne pouvant retourner à la Capitale jusqu'à ce que sa sentence soit levée, Alika trouva de nouveaux loisirs pour passer le temps et socialiser. Elle aida quelques bergers avec les chèvres, et continua de suivre quelques cours à temps perdue concernant la couture, le tricot, les métiers à tisser, la cuisine et un peu d'herboristerie avec Yuka. Elle ne se considérait pas comme une couturière, ne connaissant que la base des bases, mais elle se débrouillait fort bien.

Ce jour-là, à la deuxième semaine qui suivait son interdiction d'aller à la Capitale, elle avait été chez une bergère du nom de Yaya qui donnait des cours sur les métiers à tisser. Certaines femmes possédaient une vitesse hallucinante pour les yeux des non-habitués et à chaque fois, ça fascinait Alika. Elle se demandait si son père aimerait les métiers à tisser ? En marchant vers son poste de travail, elle remarqua également une jeune élève qui n'était pas là aux cours précédents, sur le métier à tisser à côté du sien habituel, supervisée par une femme plus âgée.

« Bonjour Alika ! la salua la femme avec un doux sourire.

- Bonjour Matsuri ! Nous avons une petite nouvelle ici ?

- Oui. Lany, lâche ton métier à tisser et présente-toi. »

La jeune fille se retourna brusquement sur sa chaise et observa Alika. Elle avait les cheveux bruns courts, avec un ruban bleu poudre qui servait de serre-tête, de grands yeux bruns qui se mirent à briller à la vue de la guerrière et un teint pâle. Sa robe Kanbalese à manche courte était de la même couleur que son accessoire à cheveux et sa ceinture était noire de même pour le biais de son col et de son encolure en goutte.

« Coucou, toi, la salua gentiment Alika. Moi, c'est Alika Yonsa.

- Alika Yonsa ?! Tu veux dire... la Alika Yonsa ?! s'exclama Lany.

- Oui. La seule et l'unique à Kanbal.

- Alors c'est donc toi qui as battu mon grand frère lors d'un combat amical individuel !

- Eh... tu me perds, très chère. J'ai tellement combattu de guerriers, que je ne sais pas qui est ton frère.

- Mon grand frère c'est le lancier Koda, du clan Muto !

- Tu es donc du clan Muto, comprit-elle enfin.

- Oui. Mon nom c'est Lany ! J'ai eu onze ans cet été ! Je savais pas que les guerriers aimaient tisser et tricoter... »

Alika éclata de rire en prenant place sur son métier à tisser.

« Les guerriers ne savaient pas non plus qu'une femme pouvait être aussi farouche qu'eux au combat également.

- Je vois que vous vous entendez super bien, remarqua Matsuri avec un sourire. Alors puis-je laisser Lany sous ta supervision, Alika-San ?

- Bien sûr ! Il n'y a pas de soucis. Si elle a de la difficulté, je peux l'aider même si je ne suis pas experte en ce domaine. »

Les filles se sourirent et vaquèrent à leur tissage. Au bout de trente minutes, Alika nota que Lany commençait à devenir agitée sur son banc. Elle se replaçait et bougeait non-stop, se frottant les yeux de temps à autre, s'étirant ou balançant les jambes dans le vide.

« Lany, est-ce que ça va ? demanda la guerrière.

- J'en peux plus de rester assise, se plaignit Lany. J'aime pas rester immobile pendant des heures ! Je veux bouger...

- Alors pourquoi ne le fais-tu pas ?

- ... On m'a dit que je bougeais trop et devais pas déranger les autres femmes... »

Elle baissa piteusement la tête.

« Es-tu gênée de te lever ? s'enquit Alika.

- Non... je veux pas me faire gronder.

- Tu ne te feras pas gronder parce que tu te lèves. Alors qu'est-ce que tu en dis si nous allions prendre une petite pause, toi et moi ? proposa-t-elle. Allons se balader et revenons dans quinze minutes à peu près ?

- Oh oui ! »

Alika se redressa prestement, prenant sa lance en main et Lany la suivit rapidement en gambadant. Elles se promenèrent à l'orée du bois.

« Alors comme ça, Koda est ton grand frère ? s'étonna Alika en revenant sur le sujet.

- Oui !

- Je ne lui ai jamais posé la question, mais quel âge a-t-il ?

- Eh... vingt-sept ans !

- Oh, je vois.

- Mais on n'a pas la même maman. Ma maman est une Yonsa.

- Et d'où vient la maman de Koda ?

- Celle de Koda est une Muto comme Papa. Koda-Oniisan dit qu'elle est décédée de maladie quand il avait douze ans. Papa a rencontré Maman et l'a mariée peu de temps après. Maman dit qu'ils ont eu beaucoup de difficulté à m'avoir.

- Tu es donc un petit miracle. »

Alika sourit.

« Peut-être ! hasarda Lany. Et toi ? Tu as des frères et sœurs ?

- Oui. J'ai une petite sœur et trois petits frères. Mais ils habitent au Nouvel Empire de Yogo.

- C'est vraiment loin.

- Ma mère a marié mon père là-bas, mais elle est née à Kanbal. »

Soudain, la concentration de Lany se relâcha et elle courut vers la forêt. Alika arqua un sourcil. La fille dénicha une branche d'arbre presque de sa taille avant de revenir vers la guerrière.

« Est-ce que la lance m'irait bien ? questionna Lany en faisant du coq à l'âne, ce qui ne dérangea nullement Alika.

- Tu aimes les arts martiaux également ? se surprit-elle.

- ... Koda-Oniisan m'a un peu montré en secret, mais Papa veut pas que j'en parle. Il dit que c'est un art qui est réservé qu'aux hommes et que les filles peuvent pas être des lancières du roi, encore moins des guerrières...

- Et moi ? se vexa la jeune femme, en feignant de s'insurger. Je suis quoi ?

- Une guerrière ! répondit la jeune fille avec un sourire.

- Mais je suis une femme...

- C'est pas grave ça ! Pour avoir battu Koda-Oniisan, il faut être vraiment fort.

- Pourquoi ne pas me montrer ce que tu sais faire ? suggéra-t-elle en levant sa lance, haut devant elle. »

Un peu sur ses gardes, Lany regarda de chaque côté d'elle. Il est vrai que bouger un peu lui ferait du bien et que ça la réveillerait. Alors ensembles, elles firent le salut des lanciers avant de se positionner. Alika remarqua immédiatement que son adversaire temporaire avait déjà adopté la posture habituelle des lanciers provenant du clan Muto. Lany s'élança en premier dans une attaque directe. La fille de Balsa bloqua son coup, mais elle sentit une très grande force dans le contrecoup sur sa hampe de lance. La petite était souple, agile, féroce et téméraire avec sa branche en bois. Elle faisait aussi des sauts et des galipettes entre ses attaques comme des saltos avant, et des saltos arrière. Alika avoua en devenir un peu étourdie, mais elle choisit de l'accompagner. Lany ne souriait plus : elle était concentrée au plus haut point.

Alika attrapa soudainement sa branche d'arbre de sa main libre. La petite figea un moment et tenta de libérer son arme temporaire. Elle lâcha alors la branche et décida de l'attaquer à main nue. À son tour, la jeune femme lâcha sa propre lance et bloqua ses poings et ses pieds. Lany savait attaquer et se défendre. Toutefois, celle-ci finit totalement écraser au sol, prisonnière sous le poids d'Alika qui souriait de toutes ses dents : le combat lui avait rappelé à quel point elle avait du plaisir en s'entraînant avec Motoko et ses petits frères jumeaux, Karuna et Jiguro.

De retour à la réalité, elle croisa les yeux de Lany. De la fureur et un sens très fort de compétition brillait dans ses prunelles chocolatées. Elle était drôle à voir.

« C'était vraiment très bien, la complimenta-t-elle en la libérant.

- Je veux continuer ! insista la jeune fille.

- Je le voudrais bien, mais si nous continuons ainsi, tu vas être épuisée et les femmes du cours vont se demander ce qui t'a rendue aussi fatiguée. Ne t'inquiète pas, nous pourrons continuer une autre prochaine fois. »

Lany se remit sur ses pieds et la suivit vers la maison des métiers à tisser, désormais plus relaxe et disposée à continuer son filage.

« À combien de fréquence t'entraînes-tu, Lany ? demanda Alika en recomptant ses fils.

- Une fois par jour. Mais je vois pas souvent Koda pour qu'on puisse s'entrainer ensembles... Par contre, j'espionne les parades de Papa et je tente de les copier par moi-même. Je réussis toujours du premier coup, généralement...

- Tu dois avoir le don des armes, alors.

- Le don des armes ? Qu'est-ce que c'est ?

- Quand j'étais plus jeune, ma Maman me faisait faire un exercice. Es-tu capable de piquer à un même endroit avec ton index de façon très rapide ? »

Alika trouva un repère sur sa table. Son doigt allait à une telle vitesse qu'il en devenait flou et frappait toujours exactement à la même place, comme si le motif et le bout de son doigt étaient aimantés. Elle ne changeait pas de rythme et n'avait pas besoin de regarder ce qu'elle faisait. Lany, curieuse, décida de l'imiter en choisissant elle-même son point de repère. Alika lui demanda d'aller de plus en plus rapidement et de changer de vitesse au fur et à mesure sans perdre de vu sa marque. Lany ne rata jamais sa cible et son doigt en était presque flou.

« C'est quand que je dois arrêter ? questionna-t-elle soudainement.

- Euh, maintenant ce serait bien. »

Elle arrêta d'un seul coup.

« Tu es sans doute destinée à manier les armes, conclut Alika. Dans quelques années, si tu as un bon mentor, tu pourrais être une redoutable combattante.

- Papa me laissera jamais faire, rétorqua Lany. »

Son visage devint triste. Alika vit Jiguro se pencher vers elle.

« Pourquoi ne pas en faire ton apprentie ? lui proposa son commandant. Vous avez bien plus que le don des armes en commun.

- Hein ? tenta de comprendre sa protégée par télépathie. »

C'est alors que Lany leva rapidement sa tête, fixant l'ancien Lancier du roi de ses yeux bruns perçant.

« Alika. Le guerrier, juste là (elle pointa Jiguro), a dit que tu pourrais m'enseigner les arts martiaux ! »

Alika crut s'étouffer avec sa propre salive. Elle regarda Lany avec de gros yeux, surprise. Effectivement, la jeune fille continuait de dévisager Jiguro et de le suivre des yeux même s'il bougeait de place. Ce dernier ne savait plus qui regarder et semblait être un brin mal à l'aise. Depuis le début du cours, Alika avait senti que la petite était dans les énergies, mais ça ne voulait pas dire pour autant qu'être dans les énergies signifiaient voir les esprits et les gardiens aussi clairement qu'elle.

« Euh..., sortit Alika. Écoute cocotte, après le cours, nous pourrions aller dans un endroit... »

Elle baissa le ton de sa voix.

« Où il y aura moins de gens qui pourraient nous écouter...

- Ah ouais, bonne idée. »

L'enfant fit le signe de motus et bouche cousue. Comme la mère de Lany vint la chercher après le cours, Alika ne put la questionner davantage quant à savoir si elle ne voyait que Jiguro, ou d'autres types d'esprits. Une fois de retour chez sa grande tante, la jeune guerrière alla droit au but après que Yuka lui ait demandé comment s'était passé son cours.

« Super bien, répondit Alika. Mais, dis-moi Tante Yuka, est-ce que tu connais une certaine Lany Muto ?

- Bien sûre. Je connais presque tout le monde par ici. Pourquoi ?

- Car elle était au cours. Nous avons parlé elle et moi... j'aurai aimé passer plus de temps avec elle, mais sa mère est venue la chercher. Tu saurais où elle habite ?

- Elle n'habite qu'à deux pâtés de maison de la maison de guérison.

- Ah, je vois. J'irai la voir quand j'aurai du temps dans ce cas... tu sais qu'elle est, en fait, une de mes petites admiratrices secrètes ? »

Yuka sourit.

« Ainsi tu aurais une petite fan ?

- Il semblerait. Elle a entendu parler du fait que son grand frère et moi avons combattu et que j'ai gagné en duel contre lui. Je ne savais pas que je faisais à ce point le centre d'intérêt des plus jeunes.

- Oh si tu savais à quel point tu as gagné une certaine popularité, ici. Et conquis plusieurs cœurs également. »

Sa grande tante fit un clin d'œil. Alika détourna légèrement la tête et sourit.


À la troisième semaine, un messager vint à la maison de Yuka. Lorsqu'Alika descendit de sa chambre au second étage, sa grande tante l'interpella.

« Alika, tu as reçu une lettre.

- Une lettre ?! Alors ça veut dire que je peux retourner à la Capitale ?

- Aucune idée, je ne l'ai pas ouvert, donc je ne peux pas dire. »

Yuka lui tendit le rouleau de parchemin. Convaincue que c'était sa sentence qui était enfin levée, elle l'ouvrit sans se poser plus de questions en rompant le sceau de cire. L'écriture lui était inconnu, mais elle crut que c'était l'écriture d'une jeune femme comme elle était soignée, propre, et à proprement parler, jolie à regarder comme de la calligraphie.

« Qu'est-ce que ça dit ? s'enquit Yuka.

- Eh... une lettre de prétendant, avoua Alika, déçue.

- Oh ? Un jeune homme ?

- Je ne sais pas si c'est une femme ou un homme... Enfin, bref. »

Elle referma le rouleau en peau de chèvre, soupira et remonta à sa chambre, la mine grise. Une fois la porte refermée, elle rouvrit à la hâte sa missive. Elle avait un peu menti à Yuka, car la lettre était signée, mais elle ne voulait pas encore lui en faire part.

« Alika,

J'ai eu beaucoup d'hésitation quant à faire le premier pas de cette façon, mais j'ai finalement pris mon courage à deux mains et me suis jeté à l'eau (comme on le dit si bien en Kanbalese).

Je sais que tu es punie pour un moment indéterminé et ne peux retourner à la Capitale, mais je me suis dit que lorsque tu reviendras dans le coin, nous pourrions s'offrir une sortie à un restaurant ?

Je comprendrai que tu ne veuilles pas; et je respecte ça quand même. Mais je m'essaie juste au cas, car, on ne sait jamais.

Shozen Yonsa »

Elle prit un moment pour relire la lettre, puis fixa son mur un long moment, prise de court. La voix de Jiguro la sortit de sa torpeur.

« Hey, petite fleur. Tu vas bien ? demanda son gardien.

- Je pense..., répondit-elle incertaine par télépathie.

- Alors ? Que dit la lettre ? »

Alika soupira et tendit son parchemin avant de l'ouvrir pour permettre au grand guerrier de la lire à son tour. Jiguro ne fit qu'hausser un sourcil.

« ... Shozen est le petit-neveu de mon meilleur ami Taguru Yonsa, qui est aussi son gardien spirituel.

- Je sais...

- Pourquoi as-tu autant d'hésitation ?

- Je pensais que je n'aimais que les femmes... comme Amaya.

- Hum... peut-être serait-ce un nouveau sujet à discuter lors de tes thérapies avec Yuka ? Ça te bouleverse et tu hésites. Mais tu ne devrais pas te bloquer. Après tout, même si je n'approuve pas ce que tu as fait il y a quelques semaines, tu as quand même sauvé sa petite sœur.

- J'hésite car... j'ai peur des hommes. À cause de mes traumatismes... je sais que tous les hommes ne sont pas des violeurs comme les Talsh, mais... les blessures que j'ai reçues ne partiront pas d'aussitôt, et même jamais. Je viens à peine de renouer avec mon corps – et encore, ça dépend des jours... »

Elle secoua sa tête et soupira. Jiguro n'avait pas tort quant à l'idée d'en discuter avec Yuka lors de sa prochaine séance. En attendant, elle réfléchirait à la lettre de Shozen. De plus, en étant dans les énergies, elle avait un avantage quant à savoir s'il fallait se méfier ou pas d'une personne. Pensant ainsi à la spiritualité, Alika se souvint que Lany devait également être une médium si elle voyait Jiguro. Elle n'avait pas eu l'occasion de la revoir depuis le cours de métier à tisser. Yuka lui avait dit qu'elle n'habitait pas loin de la maison de guérison.


Quelques jours s'écoulèrent. Ressentant dans son intuition que cette journée était parfaite pour retracer sa petite admiratrice, Alika prépara son petit sac spécial « du médium en devenir » qui était composé de pierres fines, d'un pendule, d'une plume avec de l'encre et du papier parchemin. Elle demanda ensuite les directions à sa grande tante pour se rendre chez Lany.

« Je ne sais pas si je vais être de retour pour le souper.

- Prends tout ton temps. Tu es assez grande maintenant, termina Yuka. Passe le bonjour à Lany de ma part.

- Bien sûre. »

Accompagnée de sa lance et de sa cape, Alika se rendit chez sa petite admiratrice. Elle repéra la petite maisonnée qui était entourée d'une prairie et bien protégée du vent grâce au pant de montagne qui reposait derrière celle-ci. Elle approcha de la porte et inspira profondément avant de cogner à la porte. Des pas se firent entendre à l'intérieur et une jeune femme vint lui ouvrir : la mère de Lany, Kasha.

« Oh, bonjour Alika ! salua-t-elle.

- Bonjour. Vous... eh, connaissez mon nom ? s'étonna-t-elle.

- Lany et Koda m'ont beaucoup parlé de toi. Et on s'est vues au cours de métier à tisser quand je suis venue chercher ma fille.

- Ah oui, c'est bien vrai. Est-ce que Lany est là ?

- Oui, elle est au salon en train de coudre. Lany ? Tu as de la visite ! »

Sa petite voix résonna de la pièce.

« Je peux pas ! Je suis occupée à terminer mon point ! »

Alika rit et entra, déposant sa lance à l'entrée, comme il était coutume de faire à Kanbal pour ne pas que les hôtes soient blessés. Elle essuya ses bottes et même si Kasha lui avait dit de les garder, la jeune femme avait été trop bien élevée et habituée à retirer ses souliers quand elle entrait chez une personne ou dans une maison. Elle pointa sa tête au salon et vit Lany, assise sur le sol, une aiguille à la main et tenant une courtepointe qui allait servir de couverture.

« Coucou, Lany, la salua la jeune médium. »

L'enfant redressa rapidement la tête et ses yeux s'agrandirent en la voyant. Ils pétillaient de joie. Elle lâcha prestement son aiguille, la piqua dans un morceau de coton pour ne pas la perdre et s'empressa de sauter dans les bras d'Alika.

« Alika-San ! Je savais pas que tu venais nous voir !

- Je ne me suis pas annoncée en avance non plus, dit-elle avec un sourire, la serrant fortement contre elle. C'est un peu ma faute. »

Lany hocha négativement la tête et la libéra enfin.

« Qu'est-ce que tu faisais ? se renseigna Alika.

- Je me fais une couverture pour passer le long hiver à venir ! annonça-t-elle.

- Wow, tu as tellement de talent et de patience. Quoique, réfléchit-elle, ce sont des vertus de guerriers. »

L'enfant sourit en voyant son amie lui faire un clin d'œil. Lany voulut également faire visiter toutes les pièces de sa maison, même si sa mère avertissait Alika de ne pas regarder le désordre – car le ménage n'avait pas encore été fait.

« Le ménage n'est pas ce que j'observe le plus quand je vais chez des amis, tenta de la rassurer la fille de Balsa. Je vais m'en sortir. »

Alika mémorisa le salon, la cuisine, l'atelier, la salle d'eau ainsi que les deux chambres à coucher au second étage. Cette visite improvisée de la maison lui rappela soudainement Amaya. Quand elles étaient petites filles, et qu'Alika avait été joué chez elle, Amaya lui avait montré toutes les pièces et les cachettes de sa maison. Peut-être était-ce une habitude des enfants Kanbalese ?

Lany finit par s'enfermer dans sa chambre avec elle. Lorsqu'elle prit place proche de sa petite admiratrice, Alika fut surprise de découvrir que son lit simple était très moelleux.

« Koda-Oniisan m'a fait cadeau de ce matelas. Il est rembourré de fibres de laine des chèvres de Kanbal.

- Tu dois bien dormir dans ce cas. »

La chambre de Lany se composait d'une commode, d'un garde de robe, son lit – bien sûr – et un petit bureau. Elle avait quelques étagères sur lesquelles reposaient des figurines de bois, de petites pierres lisses et roulées, de petits animaux empaillés tels que des karras – ça ressemblait à un petit écureuil – et des musaraignes. Son père devait être chasseur en même temps d'être un lancier. Elle remarqua que Lany ne possédait aucune lampe à l'huile, ne serait-ce qu'une toute petite.

« Tu ne veux pas de lumière dans ta chambre ? questionna Alika. Je ne vois pas de lampe.

- ... J'ai peur du feu, avoua Lany en baissant la tête. Alors Papa et Maman ont décidé que pour que je puisse bien dormir, j'aurai pas de lampe dans ma chambre.

- Oh, je vois... c'est bien.

- Mais j'ai des bougies qu'on dépose dans des pots profonds en fonte. Ça me suffit comme ça.

- Au fait, Lany, dis-moi, est-ce que tu sais si je suis accompagnée, spirituellement ? questionna-t-elle en lui faisant passer un test relié à la clairvoyance.

- Le grand guerrier avec la lance ?

- Oui. Lui.

- Il est toujours avec toi, répondit Lany rapidement.

- Connais-tu son nom ?

- Jiguro... il était un Lancier du roi... la génération avant celle de mon frère et de mon père. Il veut pas me dire son nom de famille qui nous dirait son clan antérieur ! »

Lany tira la langue et Alika observa Jiguro qui ne fit qu'un petit sourire amusé avant de se redresser et de sortir à l'extérieur.

« Il est parti, déclara l'enfant.

- Il fait souvent ça. Il aime être discret. Lany, je vais te poser une question...

- Quoi ?

- Tu vois les esprits, n'est-ce pas ?

- ... Oui, mais pas tous.

- Pas tous ?

- Non... juste ceux d'énergie négative. Je parle de l'énergie, pas du comportement ni de l'attitude.

- J'avais compris, ne t'inquiète pas. Tu emploies donc les mêmes thèmes que moi. Tu es ce que nous appelons une négative forte très centrée, comme mon gardien, répondis-je.

- Oui... je vois ton gardien Jiguro, mais pas la gardienne de Tante Yuka...

- Vois-tu autre chose ? Comme les auras ? Les ailes ?

- Non, juste les gardiens et les esprits qui sont négatifs, comme ma gardienne spirituelle.

- C'est quand même pas mal. Et as-tu déjà eu des amis médiums avant de me croiser ?

- Mon amie bergère, Mimi, est médium. Elle voit pas les esprits, mais elle a la télépathie, donc elle peut parler avec eux sans ouvrir la bouche, et elle les sent aussi la toucher.

- Je possède la télépathie également.

- Toi, tu as tous les attributs d'un médium, non ? devina Lany.

- On peut voir ça comme ça, effectivement. Je vois, j'entends, je sens, je touche. Je vois aussi les auras et les ailes.

- Les miennes sont comment ? s'empressa de questionner l'enfant. »

Alika regarda son petit dos.

« Tu as... wow, trois paires. Elles sont noires, mais leurs pointes sont bleu poudre.

- Le bleu poudre est ma couleur préférée !

- Attend ce n'est pas tout.

- Ah ? Elles ont autre chose ?

- Elles ont de petits scintillements sur le bleu poudre. Donc, on peut dire que tu laisses des étincelles, peu importe où tu vas.

- Les tiennes sont quelles couleurs ?

- Translucide... avec des brillants aussi. »

Lany se mit à rire.

« Tu aimes les pierres ? continua Alika.

- Oh oui ! Mimi m'en a souvent donné comme cadeau. »

Elle sauta sur ses pieds et alla vers une de ses étagères. Elle tint dans ses mains un lyokuhaku, un hakuma, ainsi qu'un lapi-lazuli et la plus précieuse gamme de pierre qui pouvait exister à Kanbal : un luisha, même si c'était une mini pierre, pas plus grosse qu'un grain de poivre.

« Le luisha est un cadeau de mon grand-frère Koda, quand il a participé à la dernière Cérémonie des Remises il y a cinq ans, expliqua Lany fièrement. Il a dit qu'elle me porterait bonheur et chance. Le lyokuhaku est un cadeau de Mimi, et le hakuma est mon insigne de courage. »

À l'entente de ça, Alika dévisagea la jeune enfant.

« Comme tous les enfants Kanbalese, tu t'es donc également aventurée dans les grottes, même si tu en as eu l'avertissement de ne pas y mettre un pied, n'est-ce pas ? »

Pour toutes réponses, Lany sourit de toutes ses dents.

« Mais c'était facile ! rétorqua-t-elle. Je voyais encore la lumière du jour et continuais de toucher le mur caverneux.

- Mais ça aurait pu être dangereux. On n'aurait pu ne pas se rencontrer.

- J'ai eu aucune difficulté. Koda m'a donné des instructions claires et précises. »

L'enfant était têtue et bornée. Alika pouvait très bien se voir en elle et voir un peu du caractère de sa propre mère dans son comportement. Seulement, Balsa avait toujours plus craint les grottes que les enfants des générations futures.

« Je ne sais pas ce que ton frère a manigancé pour que tu t'y aventures seule, mais c'était très irresponsable.

- Alika-San, fais pas ta rabat-joie. Mon frère était avec moi, si ça peut te rassurer. Il m'a passé une ficelle pour que je puisse retrouver mon chemin et où nous étions, nous étions les plus proches des hakuma. Il m'attendait à l'extérieur et si j'étais pas revenue, il serait venu me chercher. »

La jeune adulte décida de ne pas en rajouter plus. Sa réprimande était faite et Lany était avec elle, encore à ce jour, à lui parler. C'était le plus important.

« T'es-tu entraînée aujourd'hui ? se renseigna-t-elle pour changer de sujet.

- Oui, après le petit-déjeuner, dehors. Est-ce qu'on peut encore s'entrainer ?

- J'allais te proposer une petite séance, justement.

- Oh oui, allons-y Alika ! »

Elle bondit sur ses pieds et se dirigea vers le coin de sa porte pour en retirer un long bâton de bois qui faisait peut-être une tête de moins en longueur que la jeune adulte. Intriguée par son poids, Alika se dirigea sur Lany et tendit la main. Sa petite admiratrice lui déposa l'arme. Aussitôt, les capacités médiumniques d'Alika s'activèrent. Elle fut envahie de sensations et de souvenirs : des images apparurent dans son esprit et défilaient à la vitesse de la lumière. Ses mains picotèrent. L'arme était parfaitement balancée.

« C'est une lance d'entraînement, expliqua Lany. Elle a des rainures, mais Papa veut pas qu'on la polisse. Il dit qu'il s'agit des blessures de l'arme, et qu'elles en font son historique. L'arme a servi la génération de mon arrière-grand-père jusqu'à maintenant.

- Hmm... je m'en suis doutée, mais je n'étais pas sûre. Prends-en bien soin.

- Bien sûre ! »

Lany reprit l'arme : pour elle, c'était l'objet le plus lourd qu'elle n'eut jamais portée de toute sa vie. Elle la serrait comme un doudou, quelque chose de très précieux. Elles allèrent à l'extérieur, avertissant Kasha de ne pas les chercher dans la maison. Alika se plaça. Elle n'eut pas besoin de dire à Lany de l'imiter que la jeune enfant se positionna.

« Aller, montre-moi ton talent. Laisse-moi voir comment les guerriers du clan Muto manient une lance. Et maintenant, on a tout notre temps ! »

Souriant de toutes ses dents, Lany s'élança vers elle et balança son bâton vers Alika en tournoyant. Elle stabilisa sa respiration, la lance d'entraînement sifflant au niveau de sa tête et elle la monta en face d'elle avant d'initier une série de mouvement, poussant, bloquant et parant.

Hé bien, pensa Alika.

La première fois qu'elle avait combattu Lany, elle était déjà remplie de vie, mais avec une arme dans ses mains, sa confiance et son audace décuplait par cent. Elle pouvait dire que l'enfant aimait ce qu'elle faisait; un vrai garçon manquée. Les yeux expérimentés d'Alika voyaient en elle une excellente lancière en devenir. Justement, en dehors d'elle, de sa mère et de sa sœur, il n'y avait pas d'autres femmes guerrières Kanbalese. Peut-être qu'elle pourrait aider Lany à développer son talent ? Après un trente minutes d'entrainement, Alika mit fin à la séance et applaudit.

« Bravo ! C'était superbe. Un jour, tu vas être une très bonne guerrière et lancière. Aussi bonne que moi. »

Son front brillant de sueur, les yeux de la jeune enfant étendue dans l'herbe brillèrent de joie, étendue dans l'herbe.

« C'est vrai ?

- Oui. Et si tu le veux, je pourrais m'autoproclamer comme étant ton nouveau mentor. Si ton père et ton frère n'ont pas le temps de t'enseigner, je pourrai le faire. J'aime beaucoup ta témérité.

- Vraiment ?!

- Oui. Je dois passer mon savoir à quelqu'un, maintenant que mes petits frères et ma petite sœur ne sont plus avec moi. Ce serait du gâchis, sinon, tu ne crois pas ?

- Je serai la meilleure des élèves que tu auras ! promit Lany, une main sur son cœur.

- Et après, tu pourras transmettre ton savoir à tes futurs enfants. »

À cet instant, Lany fronça les sourcils, perplexe avant d'exécuter une grimace de dégoût.

« Ça arrivera pas !

- Oh ? Pourquoi ?

- Je veux pas d'enfants, c'est tout, déclara-t-elle. Je veux bien me marier et avoir un amoureux ou une amoureuse, mais pas de bébés. »

Alika haussa les épaules. C'était le choix de l'enfant, pas le sien. Malgré tout, ses pensées allèrent à sa décision passée. Elle n'avait pas de regret de ce qu'elle avait fait de mettre fin à la poussière d'ange qui avait élu domicile en elle; ce n'était pas le bon moment et pas une bonne période. Malgré tout, elle voulait toujours avoir des enfants plus tard, quand elle sera mieux dans sa peau.

« C'est toi qui vois, cocotte. Tu choisis ce qui te convient le mieux, répondit Alika.

- Et toi ? Tu veux des enfants ou pas ? la questionna à son tour Lany.

- Il faudrait que je me trouve une personne avec qui partager ma vie avant. Mais je ne me sens pas encore prête, même si j'ai quelques lettres de prétendant.

- Hmm... Alika, pourquoi tu pleures ?

- Hein ? Quoi ?

- Tes yeux sont brillants de larmes.

- Oh ! »

Paniquant légèrement, la guerrière se dépêcha d'essuyer ses yeux.

« C'est le vent et l'air frais qui me fait verser des larmes, mentit-elle. »

Lany plissa les yeux et fit une moue.

« Je suis peut-être pas aussi forte que toi au niveau spirituel, mais je sais quand on me ment. J'ignore comment ni pourquoi, mais c'est quelque chose que je peux sentir.

- Bon, tu as raison, je suis en train de te mentir. Mais ce qui se passe en moi en ce moment est trop gros pour être expliqué. Je ne pourrai pas trouver les mots justes pour le dire et c'est encore trop difficile pour moi... »

Elle soupira.

« Je me propose de t'entraîner et être ton mentor, et je suis déjà en train de bousiller notre amitié naissante avec la confiance de devoir tout, ou presque, se dire. »

Lany hocha la tête négativement et regarda Jiguro. Elle le voyait faire de grand signe des mains d'arrêter le sujet là avant de s'enfoncer trop loin.

« Ce sont pas de mes affaires, conclut l'enfant. Jiguro dit que je suis encore trop jeune pour le savoir et me demande d'arrêter, car il s'agit d'une de tes limites que j'ai pas encore le droit de franchir. Le jour où tu te sentiras prête et me donneras la permission, je le saurai. »

Alika fut frappée par la maturité de Lany. Celle-ci lui fit un clin d'œil.

« Discuter avec des esprits aide notre sagesse quand ils sont de bons guides. Et quand on découvre nos vies antérieures, ça nous assagi, comme le dit ma gardienne spirituelle.

- Son nom est Yugao, n'est-ce pas ?

- Exactement. »

La gardienne de Lany avait de longs cheveux mauves plats et lisses. Ses yeux étaient bruns et elle portait des kimonos couleur pastel.

« Quitte à être dans le sujet, pourquoi ne pas me parler de tes capacités plus en profondeur ? s'enquit Alika. Je suis intriguée. Tu as parlé de vies antérieures. Comment fais-tu ? Tu médites ?

- Mes rêves, dit simplement l'enfant en regardant l'horizon. Mimi dit que ma barrière de rêves est très puissante; une des plus puissantes qu'elle ait pu sentir. Grâce à eux, j'explore des vies antérieures qui se révèlent à moi. Je ne choisis pas lesquelles je veux; elles viennent à moi naturellement.

- Tu as donc un lien étroit avec tes rêves.

- Oui. Je peux rêver dans mes propres rêves. Ça arrive pas souvent, mais ça m'arrive.

- Cette capacité est très rare.

- Je peux aussi continuer un rêve où je me suis réveillée. Et les gens disent qu'on ne peut pas lire quand on dort, mais je te jure que j'ai souvent lu des choses et j'arrive à m'en souvenir au réveil. Toi, tu es pareille ? »

La jeune femme regarda l'horizon, pensive.

« Je n'ai pas un lien aussi fort avec mes rêves, mais comme toi, je m'en souviens au réveil. Mes vies antérieures ne se présentent pas souvent en rêve, mais parfois. Je fais surtout beaucoup de cauchemars depuis deux ans, et il s'agit toujours des mêmes. Dans ces moment-là, j'aurais préféré ne rien me souvenir quand j'ouvre les yeux. »

Elle proposa de rentrer à nouveau dans la maison, maintenant que la chaleur corporelle de leurs corps était descendue. Elles s'enfermèrent dans la chambre de Lany et Alika sortit sa trousse « du médium en devenir ». Elle nota tout ce qu'elle et sa future disciple s'était échangée et lui offrit le carnet de notes. Quitte à avoir une élève dans les arts martiaux, aussi bien l'éduquer au niveau spirituel comme elles partageaient beaucoup en commun. Dans la famille de Lany, seule sa grand-mère maternelle était dans les énergies, et elle n'en parlait que rarement avec sa petite-fille.

« Dis-moi, Lany... si un prétendant me donnait un rencard... est-ce que je devrais répondre oui à son invitation ?

- Hum..., pensa-t-elle en jouant avec le petit pendule qu'Alika lui avait prêté. Oui. Homme ou femme, tu devrais accepter.

- Tu es une romantique dans l'âme, alors.

- Non. Mon intuition me dit que tu devrais y aller, c'est tout. »

Bien sûr... deux médiums ensembles, ça se joue des tours, n'est-ce pas ? réfléchit la fille de Balsa alors qu'elle était en train de faire une compilation dans sa tête. Quand elle habitait le Nouvel Empire de Yogo, elle n'avait presque pas eu d'amis qui étaient médiums à l'exception de son petit frère et de sa grand-mère. Quand elle avait mis les pieds à Kanbal, là, tout s'était emboîté et elle avait rencontré jusqu'à présent deux personnes dans les énergies : Messiah et Lany. Ça lui faisait tellement du bien de ne plus être seule dans ce monde spirituel, et d'une façon, c'était rassurant de voir qu'elle voyait les mêmes choses que d'autres personnes; que ce n'était pas seulement son imagination.

Tout compte fait, peut-être que c'était sa destinée d'aller habiter dans le pays natal de sa mère. Elle finit par sourire sur cette pensée.

« Bon, je suppose que l'élève a réussi à convaincre son maître. »

Lany rigola. Kasha arriva dans la chambre à coucher de sa fille et demanda si Alika voulait rester pour souper avec elles; son mari et son fils aîné étant à la Capitale, Kasha n'avait que sa fille à nourrir. Comme il s'agissait de nourriture gratuite, et étant polie, Alika accepta l'invitation avec plaisir.