Notes : Ça fait deux mois que le chapitre avait été entamé, mais que je n'avais pas continué. Maintenant que mes études sont terminés et que j'ai un travail, et bientôt mon diplôme, j'ai pu enfin continuer la rédaction. Donc, il y a de l'avancement et je vous offre un gros chapitre remplit de rebondissements !


Tamashi no Moribito

Gardien des Âmes


Chapitre 7

Premier Pas

Koda n'avait qu'un lit double dans sa chambre d'invitée à son appartement, mais Alika et Lany aimaient partager le même lit, ce qui n'était pas un problème en soi.

C'était la deuxième fois que Lany mettait les pieds dans le palais du Roi, dans l'aile des lanciers et guerriers. Pour Alika, c'était une première. Elle regarda Jiguro qui était envahi de nostalgie et de souvenirs.

« L'atmosphère qui règne est bien plus saine maintenant, que dans mon temps, commenta-t-il. Quoique quand Naguru fût toujours sur le trône, l'atmosphère était semblable à celle de nos jours avant le règne de Rogsam.

- Tu reconnais ces couloirs ? demanda Alika.

- Sur le bout des doigts, petite fleur. On est si bien à la maison. »

Alika sourit, contente de voir son gardien spirituel être heureux à nouveau comme ça faisait longtemps qu'elle ne l'avait pas vu l'être. En sortant à l'extérieur, elle nota que quelques lanciers et guerriers la dévisageaient. N'ayant pas sa langue dans sa poche et ne se gênant pas pour dire le fond de sa pensée, elle leur jeta directement :

« Qu'est-ce qu'il y a ? Vous ne vous souvenez pas de moi ?

- Hiikkk ! C'est Alika-Zilla ! s'écria l'un d'entre eux en prenant ses jambes à son cou.

- Je vous vois et je vous entends surtout. »

Celui qui était parti sauta à la limite en bas du balcon de pierre avant de se cacher. Son camarade, plus brave, ne l'avait pas suivi.

« Bon, si c'est ce que j'ai fait aux trois hommes il y a quelques temps qui vous fait aussi peur, je promets de ne pas m'en prendre à vous... tant et aussi longtemps que vous respectez les femmes et les traiter comme vos égaux. »

L'homme changea d'expression pour celle de l'ébahissement et tourna les talons.

Dans les jours qui suivirent, Lany se levait tous les matins avant le soleil en même temps que son mentor. Elle ne voulait rien manquer. De plus, la jeune fille avait montré à son grand frère ses progrès avec fierté. Alika pouvait donc voir le frère et la sœur combattre l'un contre l'autre et analyser leurs mouvements. Cette façon d'être spectatrice lui permettait de cibler les lacunes et faiblesses de son apprentie afin de les corriger pour qu'elle soit une lancière hors pair. Lany effectuait toujours tous les exercices qu'on lui donnait sans jamais se plaindre, que ça provienne de son mentor ou des lanciers plus âgés qu'elle, même lorsqu'elle se blessait. Jamais elle ne réclamait de pauses pour boire de l'eau ou s'éventer. Parfois, Alika devait même lui rappeler de s'hydrater car elle n'avait pas l'habitude de le faire.

« C'est ma petite orchidée, murmura la voix de Yugao, la gardienne spirituelle de la jeune enfant.

- Orchidée ? répéta Alika, incrédule, par télépathie.

- Oui. Une plante d'origine Sangalese qui n'a pas besoin de beaucoup d'eau pour pousser. Lany est comme cette fleur.

- Mignon. Ça lui va même à merveille. »

C'est alors que Shozen la tira hors de sa conversation spirituelle.

« Je ne pourrais dire si c'est Koda qui l'a entraîné, ou si tu as aidé Lany à se développer de ce côté-là, mais elle est douée, commenta Shozen, assit aux côtés d'Alika dans l'estrade.

- Lany a le même don que moi. Ce serait du gâchis de la laisser seule dans son coin.

- Don ?

- Le don des armes. Je suis certaine que tu le connais.

- Ah, oui bien sûr. D'ailleurs, je me demandais une chose.

- Quoi ? Si ce n'est pas trop indiscret, bien sûre.

- À quel âge as-tu commencé à t'entrainer ? Bien que nous étions tous les deux des gamins dans le temps, tes capacités au combat à l'époque étaient... disons-le, impressionnant.

- Hum... j'ai commencé à apprendre les arts martiaux quand j'avais trois ans. À six ans, j'ai commencé à manier le bambou pour apprendre à bien tenir un bâton, et à sept ans, j'avais déjà ma lance.

- Tu es donc une petite prodige.

- Prodige ? Non. Juste très passionnée ! »

Shozen ne fit qu'un sourire et montra son poing pour qu'Alika le salut en retour. D'abord confuse, elle le regarda et observa sa propre main.

« Eh ?

- Oh... fais juste répondre à mon poing.

- Ah ! »

Comprenant la signification, elle lui renvoya son geste et éclata de rire. Elle se souvint que son Oncle Tohya et sa Tatie Saya faisaient quelque chose de similaire, sauf qu'ils montraient le côté de leur poing, plutôt que les jointures.

« Désolée, j'ai été un peu confuse, admit-elle.

- Pas de troubles. C'était... amusant de voir ta réaction. »

Il lui sourit avant de reporter son attention vers les combattants. Furtivement, Alika l'observa. Il y avait quelque chose de différent chez Shozen, physiquement parlant. C'est alors qu'elle remarqua qu'il avait laissé sa barbe pousser pendant le temps qu'elle était en punition ! Il avait les cheveux blonds ondulés, oui, mais c'était la première fois qu'elle pouvait voir de quelle couleur était la barbe d'un homme châtain. Et ce n'était pas comme celle de ses cheveux... sa barbe était brun pâle ! Son père Tanda ne se laissait jamais pousser la barbe. Il se rasait à tous les jours. Parfois, il pouvait sauter une journée, mais rarement deux. Jiguro avait une petite barbiche qui rappelait sans cesse celles des chèvres – c'était ainsi qu'Alika avait toujours surnommé ce trait physique depuis qu'elle était une enfant, et ce n'était jamais de façon méchante; elle était naïve et jeune. Mais jamais il avait eu une barbe complète comme celle que Shozen avait.

Mais depuis quand je regarde ces détails chez les hommes, moi ? s'étonna Alika.

« Peut-être depuis que tu as montré un intérêt pour lui ? résonna la voix de Nahoko dans sa tête.

- Depuis quand tu es là, Nahoko ? questionna-t-elle en lui renvoyant sa conversation par télépathie.

- Depuis que je t'ai sentie troublée. Je suis donc venue te jeter un œil pour être sûre que tu allais bien.

- Oh, c'est gentil de ta part.

- Il n'y a pas de mal à observer le physique des personnes et les analyser. »

Après l'entraînement avec son grand frère, Lany désirait le suivre partout : dans ses cours de poésies, ses cours d'histoires et ses cours d'art. Comme une grande sœur poule, Alika suivit son élève et assista au cours de traduction. Avant que le professeur n'arrive, Koda, Lany et Alika avaient pris place au fond de la classe. Shozen ne pouvait pas les accompagner pour ce coup-là.

Ces derniers temps, en classe, ils apprenaient à maîtriser la langue Yogoese, aussi bien par l'écrit que verbal.

« Ne l'avez-vous pas déjà appris en étant jeune ? s'étonna Alika à Koda.

- Ce n'était pas une obligation, lui répondit-il. Certains la maîtrisent mieux que d'autres puisqu'ils ont fait une immersion au Nouvel Empire de Yogo avant la grande guerre, mais mon niveau est... moyen.

- Je vois. Et qu'en est-il du niveau de Lany ?

- J'ai commencé à huit ans à l'apprendre, l'informa-t-elle. Mais je suis pas très douée... j'ai encore de la difficulté à traduire et penser en Yogoese.

- Si jamais tu veux voyager avec moi, il va te falloir l'utiliser. Ma famille habite au Nouvel Empire de Yogo et je vais majoritairement les visiter à chaque été, mais ma mère est Kanbalese d'origine. C'est elle qui m'a appris votre langue maternelle. J'ai toujours été bilingue. Quand j'étais jeune, j'ai même développé mon propre argot qui mélangeait la langue Yogoese et Kanbalese.

- Super pour tes parents à devoir déchiffrer ce que tu disais, commenta Koda.

- C'était assez drôle pour être honnête. »

Koda cacha soudainement sa feuille en accotant le haut supérieur de son corps, malaisé.

« Ne fais pas ta capricieuse sur mon orthographe s'il te plait, la pria-t-il.

- Nous devons tous commencer à quelque part, conclut Alika en Yogoese.

- J'ai compris ce que tu as dit, mais je ne serai pas capable de te répondre...

- Pas grave, enchaîna-t-elle en utilisant son Kanbalese cette fois-ci avant de regarder Lany. Ne t'inquiète pas, Lany, s'il y a quoique ce soit, ma mère va pouvoir faire l'interprète si je ne suis pas là. L'entièreté de ma famille est bilingue... enfin, presque. Pas mon père.

- J'admire la fluidité à laquelle tu changes de langue, admira la jeune fille. Et ton accent est très peu prononcé. Je l'oublie presque.

- Merci du compliment ! »

Se trouvant un peu plus avantagés par rapport aux autres élèves, Koda et Lany demandaient souvent à leur amie comment traduire telle expression ou idiomes et corriger leurs exercices avant de le remettre au professeur, une jeune femme du nom d'Ajalan. Lany, n'étant pas officiellement inscrite comme un des élèves réguliers à comparer de son grand frère, fut plus traitée comme une invitée avec Alika. Ajalan ne put s'empêcher de trouver la jeune fille mignonne quand elle insista pour se faire corriger.

« Peut-être qu'Alika devrait être professeur en YLS, proposa-t-elle avec un sourire.

- YLS ? questionna Alika, perdue et confuse.

- Yogoese langue seconde.

- Oh ! euh, hé bien, je suis navrée... j'ai déjà une élève en ce moment qui requiert tout mon temps et mon énergie. »

Elle posa une main fièrement sur l'épaule de Lany.

« Mais je suppose que je pourrais aussi être sa professeur à ce niveau. »

Alika fut contente de voir que ses cauchemars n'étaient pas revenus en présence de Koda. C'était probablement le stress de revenir dans la Capitale pour voir Shozen particulièrement qui l'avait mise à l'envers.


Lany synchronisa son horaire à celle son mentor et alla s'entraîner dans la cour du Roi avec Alika. Il n'y avait pas encore de guerriers à l'extérieur. Juste des sentinelles et des gardes. La jeune enfant remarqua alors que son professeur était une personne matinale et suivait un horaire strict. Exceptionnellement, Alika avait laissé ses cheveux détachés et avait emprunté une lance en bois robuste. Si elle utilisait son arme au complet, elle pourrait risquer de couper le bâton de son élève, très lourd en signification émotionnelle.

« Ma mère se levait parfois avant l'aube pour s'entraîner. J'ai suivi sa cadence jusqu'à ce que je fasse ma dépression... mais je me reprends depuis mon rétablissement. »

Lany sourit.

« Aller, guerrière ! ordonna Alika. En position !

- Oui ! »

Alika approcha la pointe de la lance en bois très près du visage de son élève, la surprenant. Cette dernière cligna des yeux, mais elle ne tressaillit pas et ne recula pas. Elle croisa sa lance avec celle de son adversaire, mettant tout son poids dans la frappe. Lany réussit à tenir bon. La lance de son mentor commença alors à glisser, repoussée par sa solide défense. La jeune enfant bloqua et se baissa sous les frappes hautes d'Alika qui visaient le niveau de sa tête. Son mentor lui faisait carrément face, de sorte que Lany dût utiliser ses deux mains contre la hampe de son arme, et plier les genoux pour empêcher la force des coups de la renverser.

Sa lance tremblait sous la force des coups, vibrant dans ses mains. Le coup suivant vint d'en haut, puis d'en bas, puis de côté… Et Lany attrapa chacun des mouvements sur sa lance avant qu'ils ne puissent atterrir sur elle. Après une demi-heure d'entraînement, Lany se laissa tomber au sol, épuisée. Malgré sa frêle constitution, Lany avait doucement commencé à développer de solides muscles dans les bras et ses coups se faisaient de plus en plus puissants. Des applaudissements résonnèrent des marches de pierre. Alika tourna la tête et vit Shozen avec Tam Muro et Tomoki Yonro.

« Depuis quand êtes-vous là ? se renseigna la jeune femme.

- Depuis un petit moment, répondit Shozen avec un sourire.

- Au vu comment vous combattiez, on en a oublié que vous étiez des femmes, commenta Tomoki.

- Dois-je sous-entendre une sorte de mépris pour notre genre ? se méfia Lany, soudain montée sur ses grands cheveux.

- Mais pas du tout, jeune dame, se reprit-il. Ce que je voulais dire c'est que nous n'avions jamais vu une aussi belle complicité entre un mentor et son élève.

- Vous faites pas ça avec les apprentis guerriers ? s'étonna-t-elle en posant son bâton sur son épaule pour soutenir son poids.

- Ce n'est pas très courant, informa Tam à son tour. En dehors d'une complicité entre les Lanciers du Roi et leurs apprentis, généralement, un maître a trop d'élèves pour forger une telle complicité. »

Alika poussa une exclamation de frayeur.

« Je suis heureuse de ne pas avoir une classe. Une élève est en masse suffisante et elle peut avoir l'exclusivité, termina-t-elle.

- Tu viens tout juste de t'entraîner, sortit Shozen, mais... je me demandais si tu voudrais bien t'entraîner avec moi un peu plus tard dans la journée. »

Secrètement, il espérait seulement pouvoir danser à nouveau la Danse des lances avec elle. Sentir leurs âmes vibrer harmonie alors que leurs armes effectuaient à elles seules les parades.

« Ou peut-être qu'Alika pourrait essayer d'affronter plus d'un guerrier ! s'exclama Tam. Peut-être deux, ou même trois comme un défi ! »

Shozen lui jeta un regard blasé : Tam venait de tout gâcher son initiative à avoir un moment avec celle qui faisait battre son cœur. Pour toutes réponses, Alika haussa les épaules.

« Je vais y réfléchir, conclut-elle. Lany et moi allons prendre une pause. On a promis à Shirufu de lui rendre visite, n'est-ce pas ?

- Oh oui ! confirma Lany. »

Les deux jeunes femmes partirent vers la salle de repos. Shozen éprouva un brin de jalousie à l'égard de sa petite sœur, mais elle connaissait ses sentiments pour Alika, donc même s'il se montrait possessif, il accepta sans rechigner ni rancœur que Shirufu invite et voit les invitées.

Quant à Alika, ce n'était pas un secret pour elle : elle avait bien vu l'aura de Shozen changer de couleur. Blanche avec un soupçon de vague d'énergie rose.


Lorsque Shirufu ouvrit à ses invitées, elle les salua vivement et les invita à entrer. Alika déposa sa lance à l'entrée dans les supports prévus à cet effet et Lany l'imita sans aucune hésitation.

« Allô Shirufu, annonça Alika. Est-ce que tes parents sont ici ?

- Non. Maman est partie faire un peu de broderie avec ses amies à la salle communautaire. Donc, on a la maison pour nous. Faites comme chez vous. »

Elles prirent place à la table et Shirufu leur servit de quoi à boire. Une fois les douceurs cuites et les breuvages apportés, elle n'hésita pas à entrer dans le vif du sujet.

« Les filles, commença-t-elle. Qu'est-ce que vous direz sur le fait de ne rien se cacher du tout ?

- Hein ? s'étonna Lany. Mais on vient à peine de se rencontrer !

- Précisément et je confirme que toutes les trois ici, nous possédons un certain don pour les mondes invisibles et sommes dans les énergies. Le mien est le fait que je peux deviner qui possède des dons et je l'ai senti dès le premier jour qu'Alika m'a sauvée la vie. »

Pour toutes réponses, Alika continua de boire de lakoluka sans ajouter quoique ce soit, sauf avec peut-être un petit sourire.

« Pour entamer le sujet, je vais déjà vous dire mes capacités : j'entends les esprits et je vois les auras. Je peux également prédire certains événements grâce à mes écrits, ce qui signifie que j'ai une part de prophète en moi.

- Tu les vois pas ? demanda la jeune fille.

- Non. Mais je sais où ils se trouvent avec leur énergie grâce à la visualisation. Et toi ?

- Je ne vois que les esprits d'énergie négative. Leur parler et les entendre sont mes seules capacités.

- Tu as oublié les rêves, ajouta Alika.

- Oh, oui. Ça, et la découverte de vies antérieures via eux. J'ai de la chance d'avoir un lien étroit avec mes rêves.

- As-tu besoin de les écrire pour t'en souvenir ? demanda à savoir Shirufu.

- Non. Ça me vient tout naturellement.

- C'est une belle capacité. Et toi, Alika-San ?

- Juste Alika, s'il te plait, la pria la guerrière.

- Alika, se reprit-elle.

- Hé bien… j'ai presque toutes les capacités qu'une personne spirituelle peut détenir.

- Oh ?

- Non seulement je vois tous les esprits, y compris les gardiens du mariage, je vois aussi les ailes, les auras et je reçois les informations via l'énergie grâce à la vision.

- Es-tu une magic-weaver également ? supposa son hôte. »

Alika haussa un sourcil.

« Qu'est-ce qui te fait demander ça ? Les Kanbalese seraient-ils superstitieux ?

- Non. Ils sont même plus ouverts d'esprit que les Yogoese. Car je suis aussi une magic-weaver, en plus de mes capacités médiumniques.

- Qui a été ton maître ?

- Hmmm… tu ne le connais peut-être pas, mais c'est un Berger du nom de Hototo. Ma famille immédiate et moi sommes assez proches de lui. Par contre, je suis la seule de ma famille à être dans les énergies. Shozen pourrait l'être aussi, mais il ne montre pas d'intérêt et n'a jamais vraiment eu de facultés spirituelles tels que voir, entendre et sentir les esprits. Mon apprentissage a été totalement secret avec Hototo, mais mes parents savent que j'ai différents outils pour mes propres rituels. Et vous ? Qui dans votre famille proche est dans les énergies ?

- Je n'ai que ma grand-mère maternelle, répondit Lany. Et moi, bien sûr.

- Ma grand-mère paternelle, Torogaï, ajouta Alika. Mon petit frère, mon père de façon temporaire et moi.

- Et avez-vous eu un maître ? questionna Shirufu.

- Non, dit Lany rapidement. Enfin… peut-être qu'Alika sera mon maître un jour.

- Et toi, Alika ?

- Très simple : Torogaï. Elle est une des magic-weavers les plus puissantes et renommée de tout le Nouvel Empire de Yogo.

- Fascinant. »

Elles continuèrent de discuter longuement jusqu'à ce qu'Alika choisisse de s'éclipser sans sa disciple.

« Dis, Lany, l'interpella la jeune femme aux cheveux de neige. Tu aimes les pierres et les pendules ? »

Toute de suite, l'intérêt de la jeune fille fut capté.

« Oh oui ! s'écria Lany.

- J'ai toute une collection dans ma chambre. Des tonnes pierres et de pendules. On peut aller leur jeter un œil, je te le permets.

- Oui, allons-y Shirufu !

- Si ça ne vous dérange pas, intervint Alika, j'ai à m'absenter un petit moment. Est-ce que je peux laisser Lany sous ta supervision, Shirufu ?

- Bien sûr ! confirma son hôte. On a trop de choses à se raconter de toute façon.

- À condition que tu ne m'abandonnes pas et reviennes me chercher… un jour, plaisanta sa petite disciple.

- Ne t'inquiète pas, je reviendrai bien avant la tombée du jour, conclut Alika. »

Alika partit en attachant sa cape tandis que ses deux amies montaient les escaliers pour se rendre au second étage.


Shozen regardait ses camarades s'entraîner alors qu'il était occupé à lire un livre sur les escaliers extérieurs du palais, sa lourde cape sur les épaules. Il était encore fâché contre Tam d'avoir gâché son invitation avec Alika, mais il ne lui en voulait pas. Il n'était pas rancunier de nature. Colérique et jaloux, oui, mais pas rancunier. Il soupira. Sa chance viendra une autre fois. Il savait que son père la gardait à l'œil avec des gardes posés un peu partout. Or, il avait entendu quelques brides de conversation entre eux et il semblerait qu'Alika leur filait toujours entre les doigts comme de l'eau. Cette pensée le faisait sourire.

« Hey, résonna une voix derrière lui. »

Il sursauta en poussant un cri de stupeur, échappant son livre au sol. Son regard brun rencontra les yeux de la personne qui lui avait fait faire le saut.

« Oh, pardon…

- Bon sang ! Alika ! Tu es une ninja ou quoi ?! s'exclama-t-il.

- D'une façon. J'ai retenu cette façon de me déplacer subtilement de ma mère, se justifia Alika en prenant place à ses côtés. Qu'est-ce que tu lisais ?

- Euh… de la poésie.

- De la poésie Kanbalese, hein ? »

Elle ramassa le livre et en lut une page au hasard.

« Les lumières diminuent, dans l'instant, nous sommes perdus et trouvés. Je veux juste être à tes côtés, si ces ailes pouvaient voler, pour le reste de nos vies, lut-elle à voix haute, ignorant totalement l'expression embarrassé de Shozen. Hum… joli. »

Il fut soulagé de voir qu'elle n'avait pas continuer sa lecture. Le poème devenait une histoire d'amour des vers plus tard. Elle referma le livre et le tendit de nouveau au guerrier.

« Je ne sais pas à quelle page tu étais rendu, cependant. Désolée de t'avoir effrayé.

- Ce n'est pas grave. C'était comique. Je la retrouverai un moment donné. Lany n'est pas avec toi ? Où est ma sœur ?

- Chez vos parents. Shirufu a trop de choses à montrer à ma disciple, donc, j'en ai profité pour faire une petite sortie et mettre en suspense mes fonctions de mentor… tu as semblé déçu, l'espace d'un instant, tout à l'heure.

- Déçu par quoi ? s'étonna Shozen.

- Bin, tu as proposé que toi et moi s'entrainons un peu et Tam a ajouté de quoi qui n'a pas semblé te plaire. L'expression se lisait très bien sur ton visage.

- Oh…

- C'est pour ça que je suis revenue. Pour être franche, je n'avais pas envie de combattre plusieurs personnes à la fois.

- Alors est-ce que tu insinues que tu voudrais que toi et moi combattions amicalement en privé ?

- Exactement.

- Je sais où aller, dans ce cas ! »

Il lui fit signe de se lever discrètement et ils filèrent derrière le palais, prenant un sentier au travers la forêt qui avait perdu la majorité de ses feuilles pour laisser place à la première tombée de neige dans quelques semaines. Shozen contourna un grand mur rocheux.

« C'est ici que je viens quand je veux avoir la paix. On ne nous voit pas. Ça te convient ?

- Oui. C'est parfait ici. »

Il lui sourit et se positionna. Gardant tous les deux leurs capes, Alika l'imita et, laissant leur instinct de guerrier prendre le dessus, ils s'élancèrent l'un sur l'autre, ne permettant aucune ouverture ni brèche dans leurs défenses. Le rythme était régulier et leur corps réagissait comme des secondes et demi-secondes. S'ils regardaient ailleurs ou déplaçaient leurs doigts d'un millimètre, ils briseraient leur concentration. La fluidité de leurs armes coula comme de l'eau, et naturellement, le bruit des lames qui s'entrechoquaient devinrent presqu'une mélodie. La cadence ralentit. Alika reprit soudainement sa respiration comme si elle avait manqué de souffle. Shozen, quant à lui, expira bruyamment.

Pendant un long moment, ils ne parlèrent pas. Ils ne comprenaient pas pourquoi la Danse des lances s'imposaient à chaque fois qu'ils s'affrontaient. Avait-elle une autre signification cachée qu'ils n'avaient pas encore trouvée ?

« Woah…, ne sortit que Shozen.

- Exactement, je pensais la même chose… qu'est-ce qui se passe entre toi et moi ? Pourquoi est-ce qu'on danse à chaque fois ?

- Je ne peux même pas l'expliquer moi-même. Et ça n'arrive qu'avec toi. »

Il finit par bouger les pieds et s'approcha d'Alika. Celle-ci ne recula pas et elle leva la tête et les yeux vers lui : il était vraiment grand comparativement à sa taille.

« Je pense que j'aurais dû te le demander les fois précédentes, commença-t-il.

- Me demander quoi ?

- Hum… est-ce que tu crois que je peux encore t'embrasser ? »

Alika vit ses joues devenir légèrement rose, mais ce qui le trahissait était son aura qui avait complètement viré de la même couleur. Étrangement, il était le seul homme qui ne l'effrayait pas. Elle se mit sur la pointe des pieds et s'étira le cou, étant trop gênée de le toucher. Comprenant son invitation, Shozen se pencha et l'embrassa de nouveau sur les lèvres. Leur contact déclencha une vision en l'esprit d'Alika et elle reçut des informations sur son camarade. Elle avait l'impression qu'une autre partie de sa personnalité maîtrisait son corps, comme le baiser dura beaucoup plus longtemps que les premières fois et que son propre comportement la faisait agir d'une façon étrange. Au lieu de le repousser et se sentir mal à l'aise, elle se sentait provocante. C'est alors que Shozen devint de plus en plus insistant, posant un bras dans son dos et une main derrière sa tête. Il manqua de près de faufiler sa langue pour trouver celle de son amie. Ce fut légèrement trop pour elle. Alika eut donc le réflexe de poser ses mains sur ses avant-bras et parvint à se libérer.

« Hum ! sortit-elle, mettant fin au baiser.

- Navré… je me suis un peu laissé emporter, s'excusa-t-il. Tu… tu embrasses vraiment bien pour être honnête.

- Je prends le compliment quand il passe. »

Il y eut un bref moment de malaise, mais il se dissipa bien rapidement.

« Bon, échappa Shozen, je suppose que je n'irai pas par quatre chemins. Donc je vais toute de suite te le dire, tout cru dans le bec : je suis intéressé par toi, Alika. Je sais que je ne connais rien de ton passé et tout, ni même si tu veux de moi et si c'est réciproque, mais voilà, je ne pouvais plus te cacher ce que j'éprouvais pour toi depuis un long moment. C'est pour ça que je t'ai invité à une petite sortie à un restaurant… et tu as répondu à mon invitation. Ce qui est un bon début, je présume ? »

Surprise de cet aveu, Alika ne sut quoi répondre. Devait-elle lui dire qu'elle était aussi attirée par lui, ou attendre le parfait instant, romantique dans l'âme comme elle était ? Ne voyant pas d'autre solution en vue, elle décida donc de sauter à l'eau et battre le fer alors qu'il était encore chaud.

« Oui, je suppose, finit-elle par sortir. Je dois avouer que… tu m'intéresses aussi, d'une façon. »

Shozen arqua un sourcil, surprit de cet aveu, mais ravi de voir que les sentiments étaient partagés et dans les deux sens.

« D'une façon ? Explique, très chère.

- Je… je ne me sens pas encore prête à être en relation, avoua-t-elle en jouant dans ses cheveux. Il me reste encore beaucoup de choses à régler de mon côté. Ce n'est pas contre toi. Il s'agit vraiment de moi et de mes blessures… mais maintenant, c'est réciproque et je veux que tu le saches. »

Pour toutes réponses, le jeune lancier exécuta un petit sourire et hocha la tête.

« S'il me faut attendre trois ans, dix ans ou toute une vie pour t'avoir, je suis prêt à le faire, annonça-t-il.

- Peut-être pas toute une vie, mais c'est une belle pensée.

- Je voulais mettre l'emphase sur ma patience. Et jusqu'à ce que tu te sentes prête, je vais continuer de te courtiser à chaque jour, prendre soin de toi et te respecter. »

Il exécuta le salut des lanciers, signe de promesse solennelle. À ce moment-là, le cœur d'Alika se sentit léger.

« Quand tu n'auras pas Lany avec toi et que tu seras libre pendant ton séjour, avant de retourner chez Yuka Yonsa, dis-le-moi. Je planifierai notre petite sortie au restaurant. Premier rencard officiel.

- Ça me convient. Merci de me respecter.

- C'est la base de toutes relations, voyons.

- Lany est entre bonnes mains… je me demandais si nous ne pourrions pas passer à ton appartement ? Nous… nous pourrions apprendre à mieux se connaître ? Mais j'ai promis à la petite de revenir avant la tombée du jour.

- Tu es fonceuse et prend les devants également. J'adore quand les femmes prennent les initiatives et ne restent pas seulement passives.

- J'ai beaucoup de cran et suis complètement active. »

Tout en évitant les gardes et le regard des autres guerriers qui s'entraînaient, Shozen entra dans le palais sans se faire remarquer et se rendit à ses appartements.

« Après toi, dit-il en ouvrant la porte.

- Merci… »

Elle pénétra l'appartement et déposa son arme et sa cape à la place prévue à cet effet. Elle ne bougea pas et resta un moment sur le portique.

« Euh, tu peux prendre place sur le divan ou à la table, l'invita Shozen.

- Désolée. Je ne suis pas habituée d'avoir... un rencard. Ça fait trois ou quatre ans que je n'ai pas été en relation.

- Je comprends. Tu n'as pas à t'en faire. Ne sois pas nerveuse. »

Plus facile à dire qu'à faire, pensa-t-elle alors qu'elle prenait place à la table. Shozen lui offrit quelque chose à boire, et Alika demanda un simple verre d'eau. Il prit ensuite place à son tour.

« C'est vraiment beau à voir que tu aies une apprentie, commença-t-il.

- Ah bon ? Pourquoi ?

- Car Père m'a aussi parlé d'une éventualité à avoir un disciple également. Mais j'ignore si je serai un bon professeur. Comparativement à toi, je crains de ne pas être à la hauteur de ce rôle.

- Tu n'es pas patient ?

- Je le suis, mais… j'ai peur d'être trop sévère.

- Je suis certaine que tu seras un bon mentor si tu viens à avoir un apprenti. Pour être honnête, c'était totalement un hasard que Lany devienne mon élève... un ami a remarqué des similarités entre elle et moi et a proposé que je transmette mon savoir. De base, j'ai toujours aimé enseigner ce que je sais. Peut-être parce que je prends Lany comme une vraie petite sœur et me rappelle à quel point, parfois, mes petits frères et ma petite sœur me manquent. »

Un moment de panique envahit Shozen. Elle n'allait pas repartir alors qu'il était parvenu à l'inviter à un rencard tout de même !

« Est-ce que… ta famille au Nouvel Empire de Yogo te manque tellement à ce point que tu retournerais vivre là-bas ? »

Alika leva vivement la tête, surprise.

« Quoi ? Non ! Pas du tout ! Je veux habiter à Kanbal pour le reste de mes jours, même si aux vacances d'été, je vais les voir. Ma mère a l'intention d'échanger de place dans quelques années et venir me voir ici pendant la période estivale.

- C'est vrai ? Tu n'aimes pas le Nouvel Empire de Yogo ?

- J'aime ce pays, car j'y suis née et ait grandi là. Mais… je me sens vraiment mieux ici.

- C'est plus froid et le paysage montagnard est moins vert que là-bas. Et nous sommes un peu plus pauvres que nos voisins.

- Ça ne me dérange pas. L'argent paie bien des choses, et nous en avons besoin, c'est un fait, mais ça n'achètera jamais mon bonheur. »

Elle prit une gorgée d'eau.

« Tu as déjà voyagé au Nouvel Empire de Yogo ? questionna-t-elle à son tour.

- Un peu. Il m'est arrivé d'aller travailler là-bas pendant deux ou trois hivers avec mon père. Tout est si grand. Si Shirufu nous avait accompagné, elle aurait presque tout acheté la marchandise sous un coup d'achat compulsif et se serait ruinée.

- Mais les Lanciers du roi et leurs apprentis n'ont-ils pas le plus haut salaire qu'un Kanbalese peut posséder ?

- Si. Cependant, nous devons aussi faire des missions diplomatiques pour le roi Radalle qui est très… euh… peureux et insécure.

- Au fait, Shozen… tu n'as pas enlevé ta cape.

- Oh ! »

Il s'empressa de détacher son attache argentée et la déposa sur le dossier de sa chaise. À cet instant, le regard d'Alika se posa sur ses bras et ses biceps. Elle n'avait jamais remarqué à quel point sa musculature était imposante, mais également à quel point il était musclé. Ayant principalement vu Jiguro, elle n'avait jamais vraiment connu des hommes ayant un physique bâti comme le sien. Tanda n'était pas frêle comme une échalotte, mais il n'avait pas non plus une musculature de guerrier. Elle était en train de le comparer à Jiguro et se demandait s'ils avaient les mêmes mesures.

Le regard de Shozen croisa le sien.

« Tout va bien Alika ?

- Euh, oui, oui.

- Tu avais l'air troublée, l'espace d'un instant.

- En fait… je me disais juste que… tu sembles avoir changé un peu physiquement depuis que j'ai été absente.

- Comment ?

- Bin euh… »

Ce fut à son tour de rougir.

« Tu as une barbe complète. Ce que je pense que tu n'avais pas avant. Et je n'avais jamais vraiment porté attention à tes muscles… »

Intérieurement, Shozen criait victoire.

Bien sûr que son entraînement quotidien lui avait fait développer des muscles, mais depuis deux mois, il avait ajouté la musculation à son horaire. Il ne voulait pas être trop bâtit, mais juste assez pour avoir la prestance qu'un lancier devait avoir. Et la barbe lui allait à merveille; ça lui changeait complètement le visage et il faisait plus que son âge d'après les nombreux dires de ses camarades et sa famille.

« Est-ce que les hommes musclés font partis de tes goûts ? demanda-t-il de but-en-blanc. »

Alika haussa les épaules, incertaine.

« Je ne suis sortie qu'avec la gente féminine, avoua-t-elle sans dire le nom d'Amaya. Donc, je n'ai jamais porté attention aux physiques des hommes… »

Elle chercha un moyen de pouvoir parler de Jiguro sans lui dire que c'était son gardien spirituel et que c'était à cause de lui qu'elle comparait les muscles de Shozen à cet instant présent.

« Par contre, les hommes Yogoese sont plus fins physiquement que les Kanbalese. Mon père n'a pas autant de muscles, même s'il est en mesure de pouvoir tenir ma mère sur son dos. Et puis, tu me fais juste penser à un ami Kanbalese qui a immigré au Nouvel Empire de Yogo, expliqua-t-elle en camouflant l'identité de Jiguro. Vous êtes semblables, donc ça m'a un peu… surprise.

- Bien que tu sois une femme, j'ai remarqué que tu avais ta propre musculature.

- Ah bon ?

- Force tes bras pour voir. »

Alika retira sa petite veste de fourrure et démontra ses biceps.

« Ils sont juste assez pour montrer que je suis sportive et active.

- Ils vont bien avec ta physionomie. J'aime beaucoup personnellement, et c'est la première chose que j'ai remarqué chez toi, depuis le premier jour où on s'est retrouvés. – Ne pense surtout pas que je vais devenir aussi musclée que toi. »

Shozen éclata de rire.

« Aucunement, dit-il. Mais j'ai une idée ! Tu connais le bras de fer ?

- J'ai un peu vu dans les tavernes et principalement, je le faisais avec ma Maman. Contre mon père, ça ne compte pas. Il me laissait toujours gagner.

- Je promets d'y aller doucement.

- Ne me sous-estime pas, Shozen. Mais je ne le ferai pas en public… juste avec toi. »

Elle fit un clin d'œil. Elle faisait référence à leur combat amical quand ils n'étaient encore enfants.

« Mais ce ne serait pas équitable… tu es gaucher et je suis droitière, remarqua-t-elle.

- Ça ne change rien pour moi. Je peux utiliser autant mon bras gauche que mon bras droit. On va y aller pour ton bras dominant, d'accord ?

- Si tu le dis, alors d'accord. »

Alors qu'ils se positionnaient, Alika savait que divers facteurs pouvaient jouer un rôle dans une victoire; Balsa lui avait appris tout ça. La technique, la vitesse, l'explosivité et l'endurance étaient les plus déterminants. Cependant, d'autres entraient également en jeu, comme la longueur du bras. Un long bras appliquera une force de levier plus importante sur la main de l'adversaire, tandis qu'un bras court sera plus compact et sera plus difficile de sortir de son gainage et d'ouvrir sa main. Il y avait la masse musculaire, la taille et la souplesse du poignet à prendre en compte et ajouter des chances de victoire.

En dehors de la fois où Shozen l'avait serré dans ses bras quand elle était enfermée au cachot avant sa sentence, Alika remarqua que c'était la première fois qu'elle touchait et prenait sa main. Elle se fit violence pour ne pas recevoir indirectement plus d'informations spirituelles via son énergie.

« Prête ? la questionna-t-il.

- Oui. On peut commencer.

- Très bien. À vos marques… go ! »

La première chose qui prit Shozen par surprise fut de sentir une poigne de fer contre sa main. Le bras de son adversaire ne tremblait même pas. Il était stable et solide. Il exerça plus de pression via son poignet et se vit légèrement prendre le dessus sur elle. Trop concentrés à essayer de s'abattre l'un l'autre, ils ne se regardaient même pas dans les yeux.

Soudain, Alika renversa la tendance et plaqua son bras sur la table. Il prit un moment pour comprendre ce qui venait d'arriver.

« Hein ? sortit-il. Je ne me retenais même pas parce que tu es une femme en plus !

- Oupsi. J'ai oublié de te dire que ma mère m'a bien refilé des techniques secrètes depuis mon entraînement.

- Mais… comment ? »

Elle haussa les épaules.

« Je pense que la souplesse de mon poignet et la force dirigée de mon corps vers mon bras a dû aider… mais je ne suis pas sûre. Tu veux qu'on prenne ton bras dominant, pour être plus juste ?

- On peut toujours.

- Jure-moi que tu ne me sous-estimes pas juste avant de commencer.

- Je ne t'ai jamais sous-estimé. Je suis… surpris. Aller, guerrière. En position. »

Elle changea de bras. Son côté gauche était plus faible, mais Balsa avait pris la peine de le renforcer de différentes façons. À ce jour, Alika pouvait être considérée comme ambidextre, mais elle avait une tendance à aller vers son côté dominant droit.

En prenant sa main, elle sentit que Shozen avait vraiment plus de poigne du côté gauche. Allait-elle vraiment réussir comme la première fois seulement grâce à ses techniques ? Elle n'avait jamais réellement utilisé son bras gauche à ce genre de jeu. Elle inspira et se concentra. Shozen donna encore le signal. La puissance qui découlait du guerrier l'impressionna et elle avoua avoir de la difficulté à faire pencher la balance de son côté. Cependant, elle résistait bien. Elle tourna son poignet et usa de la force physique de son corps pour se remonter, mais ce ne fut pas suffisant et Shozen cloua son bras sur la table.

« Ouf ! souffla-t-il. Cette partie a été plus difficile que l'autre côté. Tu vas toujours bien ?

- M'oui, grommela Alika, mécontente d'avoir perdu, mais bonne perdante.

- Haha ! Ne sois pas vexée. Tu restes néanmoins une guerrière formidable et talentueuse. Même avec mes amis, je ne me suis jamais autant amusé avec une personne. On peut dire que j'ai eu ma revanche après toutes ces années de la cour de récréation, non ?

- Oui, vu comme ça.

- Est-ce que tu serais libre dans les prochains temps pour que je t'offre une sortie au restaurant ?

- Serais-tu en train de me courtiser ?

- Qui dit que je ne le faisais déjà pas ? s'amusa-t-il.

- Je suis certaine que Lany voudra passer un peu plus de temps avec Koda avant de repartir. Si elle passe une soirée avec lui, alors je te ferai signe.

- Ça marche !

- Bon. Je vais y retourner, maintenant. Merci pour la petite sortie.

- Merci à toi d'avoir été clair et précise. En fait, pour tout dire, de toutes les femmes que j'ai courtisé et eu comme partenaires, tu es la première à avoir franchement dit ce que tu ressentais pour moi. Alors… merci. »

Alika sourit.

« Je suis peut-être un brin trop curieuse… mais combien de partenaires as-tu eu ?

- J'en ai eu trois.

- Oh, je vois… dans tous les cas, tes relations précédentes ne sont pas de mes affaires. Je ne chercherai pas à savoir tout ce qui s'est passé et comment vos ruptures se sont passées. Je ne suis pas intrusive. »

Il y eut un moment de pause avant qu'elle ne rajoute rapidement, presque paniquée :

« Tu ne le diras pas aux autres, hein ? Que… toi et moi nous nous sommes déjà embrassés ?

- Si tu veux que je garde ça jalousement, alors je le ferai. Je te l'ai déjà dit : je patienterai tant et aussi longtemps que tu n'es pas prête à t'engager. »

Il se leva et la raccompagna à la porte. À sa plus grande surprise, Alika le força à se pencher et ce fut enfin elle qui posa ses lèvres contre les siennes. Elle quitta rapidement les lieux par la suite, le laissant encore ébahi, mais surtout amoureux. Shozen resta un long moment à fixer la porte, se remémorant ce qui venait de se produire et analyser la situation qu'il venait de vivre.


Lorsqu'Alika cogna à la porte du manoir où habitait Shirufu avec sa famille, la porte s'ouvrit sur une grande femme blonde, avec les mêmes yeux bruns que Shozen et au teint pâle.

« Euh, bonjour, salua Alika, légèrement intimidée.

- Bonjour jeune dame. Viens, entre. Shirufu m'a déjà prévenue que tu reviendrais.

- Merci… êtes-vous sa mère ?

- Oui. Je suis revenue de ma petite sortie. Je m'appelle Mishka. Tu es sûrement Alika Yonsa.

- C'est bien moi. »

Elle déposa sa lance proche du mur. Mishka savait, grâce à Shozen, un peu de son passé et ne put s'empêcher d'avoir de la compassion à son égard. Personne ne pouvait deviner à sa prestance et comportement qu'elle avait été agressée. Alika demanda où se trouvait Shirufu et Lany.

« À la cuisine ! résonna la voix de sa disciple. »

Alika pénétra la pièce et se sentit encore plus intimidée en croisant le regard de Dahgu. Elle reconnaissait le Lancier du Roi qui l'avait escorté jusqu'à la maison de Yuka après sa sentence. Étrangement, il était complètement décontracté et lisait un parchemin au salon, qui était relié à la cuisine qui donnait sur un air ouvert. Lany tourna la tête, la bouche salit par un coulis de yukka rouge.

« Tu es de retour ! s'écria Lany. Shirufu et moi on a fait des lossos sucrés comme collation. Il y en a pour tout le monde, sers-toi !

- Oh, c'est gentil, merci, la remercia Alika.

- Shirufu m'a donné des pierres aussi ! »

Lany montra une petite pochette en cuir. Elle s'essuya les doigts sur une serviette humide, sans s'essuyer la bouche, et l'ouvrit pour montrer cinq pierres fines, ainsi qu'un petit pendule taillé dans du hakuma.

« Je ne l'utilisais plus… je pense l'avoir acheté de façon compulsive dans le temps, se justifia Shirufu. Maintenant, il ne me convient plus ou ne résonne plus avec mes vibrations d'âme. Donc s'il peut servir à une autre personne et faire son bonheur, je m'en suis départie et l'ai offert à Lany.

- C'est une belle pensée, confirma Alika. On le mettra dans des herbes séchées pour le purifier.

- Oh, il y en a déjà dans la pochette ! s'empressa de spécifier Lany. Shirufu pense à tout ! »

Lorsque Dahgu se leva pour prendre un losso, il croisa le regard d'Alika. Il n'avait plus rien du Lancier qu'il était. Il était à la maison et se permettait d'afficher une personnalité chaleureuse. Il connaissait aussi l'intérêt caché de son fils aîné pour la jeune guerrière. C'est ainsi qu'Alika commença à connaître la famille de Shozen plus en profondeur, sans montrer ni dans son énergie ni dans son comportement qu'elle et Shozen avaient commencé doucement à se courtiser.

Mais de leurs côtés, les parents de Shirufu et Shozen analysaient la jeune femme qui avait capté l'intérêt amoureux de leur fils aîné. Le résultat étant concluant et positif.

Elle quitta la famille de Shirufu pour retourner dans les appartements de Koda lorsque Lany luttait contre la fatigue pour ne pas s'endormir sur sa chaise.