Note : Dans le chapitre qui va suivre, il y a une scène de naissance qui sort des habituelles dont j'ai l'habitude d'écrire, ce qui veut dire très idéalisée et respectée. Or, celle-ci sera très graphique et très… violente.
Si j'ai choisi ce dénouement, c'est pour, bien sûr, sortir de ma zone de confort, mais également pour mettre sous projecteur une facette qu'on ne parle que très peu dans les accouchements modernes : les violences obstétricales reliés aux naissances et qui peuvent traumatiser les mères à un tel point qu'elles ont des stress post-traumatiques. Je dois admettre que je me suis moi-même soulevée des indignations et de la colère en la rédigeant, donc, je ne vous en voudrai pas si vous ressentez la même chose que moi.
Pour vous préserver, si vous vous sentez inconfortable, je vous offre de la sauter. Arrêtez de lire à « Mais jamais elle n'avait eu aussi tort de toute sa vie. » et reprenez votre lecture à « Elle se mit à pleurer ». (ctrl+F)
Tamashi no Moribito
Gardien des Âmes
Chapitre 14
Toumi, des amours… et des mœurs !
Nimka mordilla sa lèvre inférieure en essayant de réussir son point à la main. Ça faisait trois fois qu'elle recommençait ce qu'elle faisait sur la robe que sa fille, Maho, avait déchiré en essayant d'éviter à son petit frère Noya, de tomber dans un fossé, proche de la forêt. Soudain, Maho se rua vers la porte d'entrée et ouvrit le rideau épais tissé.
« Nao ! s'écria-t-elle en lui sautant dans les bras. Tu es revenu !
- Je serai toujours revenu pour toi, belle Maho.
- Ta famille va bien ?
- Oui. Alika est revenue à la maison pour le temps estival et elle a une disciple maintenant qu'elle entraîne.
- Oh, je vois. »
En les voyant, Nimka se disait qu'elle et Hiwata devraient bientôt penser à aller acheter la ceinture Yakue traditionnelle qui indiquerait que leur fille se mariait bientôt. Mais comme ça n'allait pas être avant deux ans, ils avaient encore le temps d'économiser. Nao salua sa belle-mère. Nimka ne put s'empêcher d'admirer les traits de son futur gendre qui ressemblait de plus en plus à Tanda, sauf avec les yeux bleus et un uniforme Yakue bleu marine qui faisait ressortir la couleur de son iris.
Maho l'avertit qu'elle allait dehors, passer du temps avec son fiancé. Voir sa fille vivre une belle histoire d'amour lui rappelait sa propre histoire avec son mari actuel, Hiwata.
Quand Nimka avait croisé la route du Prince Chagum, le Nyuga Ro Chaga, elle n'avait que treize ans. Éventuellement, elle avait eu le béguin pour lui, mais quand elle avait appris son statut social, elle s'était rendue compte qu'une histoire de romance et d'amour était complètement impossible entre eux. Les nobles de naissance ne se mélangeaient jamais avec le sang du peuple, par peur de se faire souiller. Cet amour improbable l'avait fait extrêmement souffrir. Elle se souvint avoir maudit la vie de lui avoir donné un tel statut social. Le Prince Chagum et elle s'étaient tenus par la main, quand elle avait essayé de l'aider à rejoindre la cour impériale lors de sa fuite. Ce geste ne signifiait rien, mais Nimka se souvenait de la belle sensation qu'elle avait ressenti. La main du Prince était douce et délicate.
Quand Tanda avait quitté le village de Toumi avec Chagum, la jeune femme Yakue avait ressenti un grand vide. Elle sentait que si leur statut social ne les avait pas mis dans des cases à part entière dès la naissance, ils étaient faits l'un pour l'autre. Les garçons de son âge ne l'attiraient plus autant qu'avant, comme aucun ne semblait posséder les qualités du Prince. Et le soir, quand elle fermait les yeux, son cœur se serrait en se disant qu'il allait épouser des princesses venant des royaumes voisins, plus belles qu'elle, plus riches qu'elle, et plus haut placé qu'elle socialement. Il finirait par l'oublier… mais pas elle.
Sa mère, Soriya, avait remarqué que sa fille était plus triste que d'habitude.
« Pourquoi est-ce qu'on est obligés d'avoir des statuts dès la naissance qui nous catégorisent comme bassesse de naissance ou haut placés hiérarchiquement ? pleura Nimka.
- Hélas, mon enfant, je n'ai pas la réponse à cette question.
- Mais avant que les pionniers Yogoese ne marchent sur nos terres, nous n'avions pas de classe prédéfinie. Juste un peuple avec des gens égaux… qui ne sous-estimaient pas les femmes, mais les voyaient comme leurs égales. »
La tristesse de Nimka faisait serrer le cœur de Soriya. Elle avait compris que sa fille était tombée amoureuse du Prince et qu'ils ne pouvaient rien faire pour changer leur position dans la société. Nimka avait eu quelques demandes en mariage, mais elle avait dit non. Ces garçons de son village avaient quelque chose qui faisait en sorte qu'ils ne pouvaient pas s'entendre sur le long terme.
Si à quinze ans, la jeune femme ne prenait pas époux ni âme sœur, un mariage forcé allait lui être imposé. Il lui restait an un et demi pour se décider. Mais son amour impossible pour Chagum l'empêchait d'aller de l'avant. Nimka décida d'aller dans la forêt pour se changer les idées, recueillir de l'alcool de mashira ainsi que des petits fruits.
Elle connaissait l'endroit par cœur et savait où aller et les endroits à éviter. Elle alla proche d'un arbre pour cueillir des fruits quand elle entendit une sorte de plainte. Mais la voix avait été tellement rauque que Nimka avait sursauté et regardait partout, terrifiée. Elle posa sa main sur un petit poignard et vérifia les alentours. Elle s'approcha lentement et contourna un arbre centenaire. Des jambes apparurent dans sa vision et plus elle avançait, plus elle remarqua qu'un homme reposait proche de la souche. Elle serra son poignard et vit un jeune homme, blessé. Immédiatement, elle vint à son aide.
« Jeune homme, tu vas bien ?! »
Au vue son teint de peau, elle comprit que c'était un Yakue d'origine, presque pure souche. Son uniforme, de couleur orangé, indiquait qu'il faisait partie des villages plus au sud, mais elle ne savait pas lequel en particulier. Nimka s'approcha et lui parla bien fort pour qu'il ouvre les yeux.
« Hey, tu m'entends ?!
- Hm… »
Il finit par ouvrir les yeux, souffrant.
« Qu'est-ce qui s'est passé ? On t'a attaqué ?! continua-t-elle de le questionner.
- Attaqué par des bandits, alors que je n'avais rien sur moi…, murmura-t-il avec douleur. »
Elle vit le sang sur sa tunique et elle s'empressa d'aller chercher des plantes médicinales qui feraient office de bandage le temps qu'elle revienne à Toumi. Elle détacha sa petite cape de fourrure qui reposait sur ses hanches et, lui jetant un regard navré, le déchira pour prendre le coton et en faire des bandes.
« Tu n'étais pas obligée de détruire ton vêtement pour moi, murmura le jeune homme.
- Dans la vie, il faut savoir faire des choix. Un vêtement peut se remplacer, mais pas une vie. »
Il poussa un grognement quand Nimka compressa sa blessure avec le nœud.
« Quel est ton nom ? désira-t-elle savoir.
- … Hiwata.
- De quel village viens-tu ?
- Tohata… »
Elle arqua un sourcil. Tohata était un des rares villages Yakue, comme Toumi, à être composé majoritairement de Yakue pur souche.
« Que faisais-tu dans le coin alors ? Tu as de la parenté à Toumi ?
- Beaucoup trop de questions…
- Je suis curieuse. Quand je vais te ramener à mon village, ce sera pire avec les guérisseurs.
- Je n'allais pas vers Toumi de base. Je partais de la Capitale pour retourner chez moi… mais j'ai fini par m'égarer, car contrairement aux autres membres de ma famille, je ne sors pas souvent et… mon orientation est particulièrement médiocre.
- Ça fait longtemps que tu es étendu ici ?
- Je pense que c'est survenu au petit matin…
- On est rendu l'après-midi. »
Nimka regarda aux alentours et trouva une grosse branche solide et longue. Elle en cassa les extrémités pour pouvoir former un Y, qui servirait de béquille temporaire.
« Hiwata, je vais te demander de faire un effort et de te redresser maintenant. Je dois te ramener à Toumi, mais je ne peux pas te trimballer comme une maman et son fils. »
Cette explication le fit rire, mais se faisant, il arrêta bien vite en recevant une douleur fulgurante dans les côtes. Il réussit à s'asseoir et serrant les dents, arriva à se lever, prit appuie sur la branche et sur le tronc, le temps que Nimka ramasse son panier et lui serve d'appui. Elle remarqua qu'il était presqu'aussi grand que sa mère.
« Tu as quel âge, Hiwata ?
- Quatorze ans. Toi ?
- Treize ans et demi. Es-tu fiancé ou marié ?
- Non, pas encore. Toi ?
- Non plus. »
Le silence qui suivit ces deux questions fut étrange et malaisant. Le chemin sembla prendre une éternité, mais Hiwata se montra aussi curieux que Nimka avec lui. Ils traversèrent les portes et immédiatement, les villageois se rassemblèrent autour d'eux.
« Il est blessé et a besoin de soin, dit haut et fort Nimka. Où est la guérisseuse du village ? Sarlia ?
- Elle arrive à votre rencontre, sortit une des femmes Yakue. Mais je crois que ça ira mieux si vous allez la rejoindre.
- Tu peux encore marcher Hiwata ? »
Hiwata suait par tous les pores de sa peau, mais il affirma positivement qu'il pouvait encore marcher petit peu. Sarlia arriva et aida Nimka en prenant la relève. Ils entrèrent dans la demeure et Hiwata se vit de nouveau coucher sur le tapis de jonc tressé. Après avoir expliqué sa mauvaise aventure, Nimka prit congé en lui promettant qu'elle reviendrait le voir une fois qu'il aura repris des forces.
Lorsqu'elle sortit, elle vit une foule agglutinée devant la maison de Sarlia.
« Il vient d'où ?
- Il s'est passé quoi ?
- Quel est son nom ? »
Bref, les habituelles questions de gens trop curieux. Nimka réussit à les éviter en leur disant que s'ils voulaient des informations, ils n'auraient qu'à demander au principal concerné ou Sarlia.
Dans les trois jours qui suivirent le rétablissement d'Hiwata, la jeune femme avait été le voir comme promis. Ils apprirent à se connaître, pouvant parler pendant des heures jusqu'à une heure tardive de la nuit. Il guérissait rapidement et il sentait qu'il pouvait repartir bientôt. Pendant ces trois journées où Nimka et lui échangeaient, elle avait eu l'impression, l'espace d'un instant, d'être en mesure de passer à autre chose. L'absence du Prince et l'impossible histoire d'amour entre eux semblait moins accentuée, moins vive.
« Dis, Nimka, sortit Hiwata. Je me demandais si je pouvais demander ta main… ? »
Nimka fit un regard surprit.
« Je sais qu'on ne se connait pas très bien encore, et ce, depuis pas longtemps… et qu'il doit y avoir plusieurs prétendants qui te veulent… mais… voilà. Je lance la bouteille à la mer.
- Hiwata, je…
- Prends le temps d'y réfléchir, pendant que je retourne à Tohata et en avertisse mes parents. Je suis en âge de me marier et suis considéré comme un adulte. »
Il se leva et s'inclina. On lui remit une besace avec de la nourriture et même des vêtements propres. Au vu la couleur des vêtements qu'il portait, le village de Tohata saurait qu'ils provenaient du village de Toumi. Nimka le regarda partir au loin. Hiwata se retourna une dernière fois et lui fit un salue timidement avant de disparaître entre les arbres.
Les mains de sa mère sur ses biceps la firent sursauter.
« As-tu réussi à te trouver un prétendant ? demanda Soriya.
- Co-comment tu le sais ?!
- Les rumeurs courent vite au village… mais une maman voit bien des choses que ses enfants tentent de lui cacher. Si Hiwata capte ton intérêt, ton père et moi ne s'y opposeront pas. »
Alors qu'elles marchaient vers la maison familiale, Nimka avoua à sa mère qu'il lui avait effectivement demandé sa main, mais qu'il attendrait sa réponse, le temps qu'il retourne à Tohata. Il était le seul qui avait réussi à capter son intérêt parmi toutes ses demandes, et elle n'avait, pas une seule fois, pensé à Chagum. Nimka était de nature prudente généralement. Elle réfléchissait bien souvent aux enjeux d'une situation, voire même un peu trop. Mais au fond d'elle-même, dans son cœur, une petite voix lui criait d'accepter la main d'Hiwata.
« À quel âge a-t-on le droit de se marier ? questionna Nimka à sa mère.
- Une femme peut se marier aussitôt qu'elle commence ses premières menstruations.
- Mais je les ai depuis que j'ai onze ans, Maman.
- Tu étais encore trop jeune pour moi. Je voulais que ton corps ait le temps de continuer à vieillir avant de pouvoir le donner à un homme. Un homme bon, qui prendra soin de toi, saura t'écouter et te cajoler. Comme ton père, Saru, et moi. Tes hanches n'étaient pas assez développées pour porter un enfant. Une naissance aussi jeune aurait tôt fait d'apporter des problèmes pour faire sortir un bébé, et ça t'aurait donné trop de souffrance. Une mère peut refuser que sa fille, même si elle a eu ses premières règles, soit mariée avant quinze ans.
- Et les jeunes hommes, ils se marient à partir de quand ?
- Quinze ans. Quand ils sont officiellement adultes. Pas plus jeunes.
- C'est du sexisme, ça, Maman.
- Les mœurs et mentalité du village sont ainsi faites. Je n'ai pas de pouvoir pour les changer, malheureusement. »
Un mois plus tard, le village de Toumi reçut des visiteurs. Quelle ne fut pas sa surprise d'y voir Hiwata, accompagné par ses deux parents. Souya, le doyen du village, les invita au bâtiment principal. La famille de Nimka fut également invitée. Les adultes avaient fait exprès de placer les deux jeunes côtes à côtes, alors qu'ils discutaient d'une possible union entre les deux villages.
Nimka savait déjà qu'Hiwata était le plus jeune d'une famille de cinq enfants. Tous ses aînés étaient mariés et avaient déjà une descendance. Lorsque la tête des adultes se tournèrent vers eux, Nimka sentit de la pression.
« Est-ce que tu veux épouser Hiwata, Nimka ? demanda Souya. Tu as eu un bon mois pour y réfléchir.
- La… La visite était un peu à l'improviste…, bégaya-t-elle.
- Nimka, l'interpella sa mère. Pas besoin d'être aussi nerveuse. Tu m'as souvent donné ta réponse pendant le mois.
- Le mariage est pour quand ?
- Juste avant les récoltes, la renseigna Saru. À la fin de la saison estivale. »
La nervosité l'avait pris d'assaut. Pendant un moment, elle voulait fuir. Mais était-ce mieux de recevoir un mariage arrangé dans lequel elle serait malheureuse ? Oui, c'était bien d'être préparée, d'être prévoyante et avertie, mais sauter à l'eau et foncer pouvait également être une des meilleures décisions qui soit. Refuser la main d'un homme qui pouvait sûrement la rendre heureuse et la respecter ne changerait pas son statut pour le Prince Chagum. Ça ne le ferait pas revenir non plus.
« Si j'accepte, qu'est-ce qui viendra ensuite ?
- Vous serez fiancés pour un moment, et tu recevras une ceinture Yakue qui indique que tu te marieras dans l'année actuelle.
- Est-ce que je vais être obligée de quitter Toumi ?
- Pas cette fois-ci, la rassura sa future belle-mère, du nom de Himawari. Hiwata a décidé qu'il viendrait habiter ici. Comme il est le cinquième fils, il n'aurait pas eu les terres familiales de toute façon. C'est donc l'occasion pour lui de se bâtir un avenir prospère ailleurs.
- Alors… »
Nimka regarda Hiwata.
« Je crois que ça pourrait aller… si c'est ce que Hiwata désire également. »
Pour toutes réponses, il prit doucement sa main et sourit.
« C'est moi qui ai fait la demande de venir habiter ici… et qui ai demandé ta main. Ma décision n'a pas changé depuis. »
Himawari tendit un paquet enveloppé dans du papier huilé à Soriya. Elle l'ouvrit devant les invités et y découvrit un magnifique châle orange vif en soie, avec des clochettes sur une des lisières.
« Nous avons décidé de le laisser vierge de tout écriture afin que vous puissiez broder le nom de votre fille, si elle acceptait la demande en mariage, indiqua Himawari.
- Il est magnifique, s'émerveilla la maman de Nimka. Qu'en penses-tu ma chérie ? »
Nimka regarda la ceinture avec attention et acquiesça. Hiwata demanda à sortir de table, idée d'aller se promener avec sa promise dans la forêt. Et puis, l'air ambiante commençait à devenir un peu trop lourde, stagnante et chaude pour lui. Les adultes acceptèrent sans broncher et les nouveaux fiancés sortir du bâtiment, en faisant bien attention à ne pas se faire remarquer.
La jeune Nimka se mit à prendre les devants, connaissant les endroits par cœur et même quand ils seraient seuls, ou non, aux places qu'elle voulait aller.
« Et dire que notre destin nous a fait nous rencontrer alors que j'étais blessé et me suis perdu, sortit Hiwata.
- Peut-être que les divinités avaient prévu que nos chemins se croisent, hasarda Nimka. Est-ce que tu étais déjà tombé amoureux avant ce jour-là ? »
Hiwata hocha négativement la tête.
« Tu… tu es la première femme qui me fait autant chavirer le cœur comme ça. Je ne promets pas de savoir comment faire lors de notre nuit de noces, mais…
- Je ne saurai pas comment faire, non plus. Peut-être apprendrons-nous ensembles. Si tu promets d'y aller doucement.
- Je le promets. »
Ils finirent par arriver dans un endroit où un petit ruisseau s'échappait du cours principal de la rivière pour former un étang. À sa surface flottaient d'innombrables nénuphars aux fleurs blanches, mais ce n'était pas des sig salua.
« C'est joli ici, commenta Hiwata. C'est un endroit qui est reconnu pour ses nymphéas ?
- Ce sont des mizuyue, des lunes d'eau, dans la langue ancienne des Yakue. D'après une légende, elles poussent grâce à une énergie spirituelle. J'ignore pourquoi les gens de mon village disent qu'elles sont liées à l'amour, ou la longévité des couples… »
Ils se penchèrent et regardèrent les plantes un moment. Hiwata finit par avoir mal au dos et s'accota contre le tronc d'un arbre. Patiemment, il attendit que Nimka vienne le rejoindre, ce qu'elle fit au bout d'un moment.
« Comment vont tes blessures ? se renseigna-t-elle.
- Elles sont toutes guéries maintenant, tu n'as pas à t'en faire. »
Comme pour prouver ses dires, il détacha sa ceinture et ouvrit son chandail pour lui montrer les marques. Les cicatrices montraient qu'elles n'avaient pas été profondes, mais sa peau marquait beaucoup. Il se dépêcha de refermer son chandail si on venait à les surprendre. Certains pouvaient croire qu'ils faisaient de l'adultère avant même le mariage. Ils revinrent au bâtiment principal, où Souya offrit un hébergement aux parents d'Hiwata.
Soriya commença alors à broder le nom de sa fille avec un fil doré sur la ceinture afin qu'elle puisse la porter autour de sa taille jusqu'à la vraie cérémonie. Hiwata ne reviendrait que pour le grand jour. Saru avait trouvé une maison pour Nimka quand elle sera définitivement une épouse. Au fils des journées, Nimka se découvrit un amour naissant qui prenait de plus en plus d'ampleur dans son cœur. Elle voulait avoir son fiancé à ses côtés, lui prendre la main et le serrer dans ses bras.
Le mariage arriva enfin. La famille entière d'Hiwata l'avait accompagné ce jour-là et tous attendaient avec impatience que les mariés se présentent et prononcent les vœux. Accrochée au bras de son père, Nimka fut emmenée à l'autel devant son futur époux. Juste avant de la laisser, Saru offrit un discours émouvant. C'est là où les villageois remarquèrent à quel point il tenait à sa fille. Il tint les mains de son futur gendre dans les siennes.
« Je te passe ma précieuse fille. Je sais que tu aimes ma fille énormément, alors je te la passe en pensant à cet amour. À la façon de l'aimer et prendre soin d'elle, et la mettre toujours en priorité dans chaque situation.
- D'accord, je le ferai, s'émut Hiwata. »
Saru hocha la tête.
« Et je vais prier pour toi et ma fille. Que ton amour pour elle soit éternel, et que les divinités brillent sur vous, et vous donnent le bonheur… et aussi la santé et te place à la bonne place au bon moment, dans tout ce que tu as planifié. »
Il y eut un moment de pause. Pause parmi laquelle le public s'était mis à pleurer d'émotion, touché. Et aussi parce que le père de Nimka cherchait ses mots. Les futurs mariés et lui avaient tous les yeux remplit de larmes.
« Si jamais un jour, tu changes d'avis, que tu n'aimes plus ma fille, s'il te plait, ne la blesse pas. Juste… fais juste me la rapporter et redonne-là moi. D'accord ?
- D'accord, dit son futur gendre, la gorge serrée. Je ne laisserai jamais ça arriver.
- Très bien… ma précieuse fille est à toi désormais.
- Merci. »
Ils cherchèrent tous un morceau de tissu pour pouvoir essuyer leurs larmes et se moucher légèrement. Les vœux furent prononcés. L'étape la plus importante du mariage arriva, le miki. C'était le service du saké concrétisé. Ce rituel, aussi nommé sankon no gi, « cérémonies des trois coupes » se faisait avec une coupe, la sakazuki, que les deux mariés buvaient trois coups à tour de rôle.
Hiwata prit la coupe et but avant qu'elle ne soit remplit de nouveau pour que Nimka boive à son tour, malgré le goût de l'alcool auquel elle n'était pas habituée. Au deuxième tour, ce fut elle qui commença à boire, avant de faire remplir pour que son mari-en-devenir la boive de nouveau. Et enfin, une dernière fois, Hiwata but le saké, et sa femme-en-devenir termina le rituel. Ils se tournèrent vers la prêtresse qui portait les futures alliances. Ils prirent les anneaux et se regardèrent. Hiwata prit l'alliance de Nimka, qui avait été ajustée à la taille de ses doigts, et déclara :
« Nimka du village de Toumi, je te donne cette alliance, signe de notre amour et de notre fidélité. »
Il glissa l'anneau à son fin doigt. Nimka prit à son tour la bague de son époux et récita les mêmes paroles.
« Hiwata du village de Tohata, je te donne cette alliance, signe de notre amour et de notre fidélité. »
Elle glissa l'anneau à son doigt. La cérémonie se termina sur leur baiser. On leur lança des pétales de roses et du riz pour la prospérité dans leur couple.
Il leur fallait maintenant consommer le mariage. Sauf que le problème, c'est qu'aucun des deux n'avaient de l'expérience dans ce domaine. Nimka n'avait jamais été intéressée par la masturbation et ne s'était jamais touchée. Et elle était la première femme avec qui Hiwata était tombé amoureux et venait tout juste de marier.
Elle n'était pas habituée d'être seule dans une maison à son nom, sans ses parents. Ça faisait étrange.
« Hum… comment on fait ? demanda Hiwata, embarrassé.
- Je suppose que l'on apprendra sur le tas. Pourquoi ne pas commencer par des bisous ?
- Alors viens par ici, ma chérie. »
Nimka s'approcha de lui et il tapota ses cuisses. Elle finit par s'asseoir sur ses genoux et entoura ses épaules de son bras. Elle resta immobile, d'abord étonnée par la rondeur et la fermeté de ses cuisses sous elle.
« Hum… c'est la première fois que je suis assise sur les genoux d'une personne, avoua-t-elle.
- Je t'assure que ton derrière est bien confortable et ne me dérange pas. »
Elle se détendit petit à petit, et poussa un profond soupir d'aise. Hiwata l'enlaça et posa sa joue dans le creux de son cou, écoutant les battements de son cœur. Il tourna la tête et posa ses lèvres sur sa peau à découvert, sous son oreille et à la fin de sa gorge. Il lui offrit un premier baiser, puis un second. Il laissa son corps parler, effleurant maintenant ses hanches et sa taille de ses mains, remontant tranquillement vers l'attache de sa robe. Il fit sauter le bouton de son col maho et tira doucement sur le tissu en grognant faiblement.
« Ça va toujours, Hiwata ?
- Là, j'ai vraiment envie de toi… je ne l'ai peut-être jamais fait, mais je sens la pulsion d'excitation m'envahir. »
Nimka gloussa et prit son visage entre ses mains. Pour ce soir, elle pourrait se montrer très aguicheuse et franchir des limites qu'elle n'avait pas eu le droit de faire avant cet événement. Elle l'embrassa sur les lèvres et il entrouvrit sa bouche. Il effleura de sa langue ses lèvres, cherchant à ce qu'elle ouvre à son tour sa bouche. Inconsciemment, Nimka poussa un gémissement et recula sa tête, par peur de manquer de souffle.
« … Je t'ai peut-être soufflé dans la bouche, pardon, s'excusa-t-elle.
- Mais non, tu te débrouillais bien. Et si on allait dans un endroit un peu plus confortable ?
- Où ça ?
- Le lit, pardi ! »
Elle se mit à rire avec lui et se retira de ses cuisses pour lui permettre de se les désengourdir. Sans aucune réserve, il retira son habit de cérémonie Yakue, ne gardant que ses pantalons. Nimka, sur ses genoux, fit sa curieuse. Elle observa ce torse d'homme, encore tout nouveau pour elle.
« Jouons à explorer, sortit Hiwata dans un murmure. »
Elle rencontra ses yeux bruns, presque noir, et sa barbe naissante qui lui donnait un air plus âgé qu'il ne laissait paraître. Il prit doucement sa main et la posa sur le milieu de son torse. Elle mêla ses doigts aux poils qui la recouvraient, les fit frôler sur les muscles qui couraient sous sa peau. Comme si un autre côté de sa personnalité entrait en jeu, Nimka finit par ouvrir complètement son chandail, bien qu'elle fût un peu réservée et cachait sa poitrine du mieux qu'elle le pouvait.
« Tu ne vas pas te moquer de moi ? questionna-t-elle, soudainement, ayant toujours un bras sur sa poitrine dénudée.
- Pourquoi me moquerais-je de toi ?
- Parce que... on m'a souvent fait la remarque comme quoi je n'avais pas "assez" de poitrine...
- Encore d'autres gens obnubilés par un standard de femmes qui n'existe même pas encore. Cesse de t'en faire, ton corps est magnifique. Chaque corps est unique. »
Nimka ne sembla pas certaine des dires de son nouveau mari.
« Je te promets que je ne me moquerai pas de toi, promit Hiwata. »
Après un long moment, elle soupira et retira lentement ses bras de sa poitrine, regardant ailleurs, intimidée.
« Mais ils sont normaux tes seins, la réconforta-t-il. Je les aime bien. Ils sont tous jolis et tout petits.
- Alors...
- Je l'aime, moi, ta poitrine. Cesse de t'en faire. Quand tu tomberas enceinte, ils vont grossir.
- C'est vrai ?
- Oui. J'ai observé ça avec les femmes de mon village. Je n'ai peut-être pas d'expérience, mais j'ai eu le temps de remarquer ces détails et— Nimka ? »
Sa femme s'était approchée de lui et le regardait avec une moue suspicieuse.
« Tu es un pervers déguisé sous des airs innocents, Hiwata de Tohata.
- No-non ! se défendit son époux. Ce n'est pas de ma faute si mes yeux d'hommes savent reconnaître la beauté de la gent féminine !
- Hmmm… »
Il renversa Nimka sur le matelas en riant et l'embrassa dans le cou. Il lui jeta un regard altéré par le désir et posa des mains légères et chaudes qui rependirent une chaleur confortable en Nimka sur sa poitrine. Hiwata n'avait jamais su avant cette nuit-là à quel point les seins de femmes étaient à ce point doux au toucher. Il prit appuie en posant ses deux mains sur le matelas pour se tenir en équilibre et colla son corps contre celui de sa femme. Le contact de leur deux poitrines l'enchanta, et Nimka commença à frotter contre lui le bout de ses mamelons durcit. Ses lèvres sont de nouveau scellées par les siennes.
Lentement, il glissa sa main vers son entrejambe, se faufilant sous la taille de son pantalon, caressa son pubis. Son corps réagissant bizarrement à ces caresses, Nimka écarta légèrement les jambes. Elle gémit en sentant un toucher à cet endroit si sensible, par-dessus son sous-vêtement. Hiwata s'arrêta.
« Je t'ai fait mal ?! »
Réservée, elle fit un grand signe négatif, lui disant qu'elle avait apprécié ce toucher. Hiwata recommença alors son geste que sa femme aimait tant. Elle ne put empêcher ses hanches de bouger au rythme de sa main. Elle sentit alors quelque chose de dur frotter sur sa cuisse.
« Eh, murmura-t-elle.
- Je commence à me sentir coincé avec mon pantalon, avoua-t-il.
- Moi aussi…
- Alors on le retire en même temps ?
- Ça me va. »
Hiwata se redressa et se mit dos à Nimka, retirant son vêtement. Elle l'imita et garda ses cuisses collées pour ne pas qu'il voit son entrejambe, pas encore. Comme il tardait à se retourner vers elle, elle commença à s'inquiéter.
« Eh… chéri ? tenta-t-elle avec un nouveau petit surnom. Tout va bien ?
- Oui, mais…
- Mais quoi ? s'impatienta Nimka.
- Je ne veux pas te faire peur avec mon engin, avoua-t-il.
- Ça ne peut pas être aussi pire que ça, oui ? »
Embarrassé, Hiwata se retourna et les yeux de sa femme se posa sur son entrejambe. Elle plissa les lèvres, décidemment surprise de la vue. Elle ne pensait pas que le membre d'un homme pouvait ainsi s'allonger et être raide, et, pour être franche, la vue était légèrement troublante et effrayante. Elle ne qualifierait pas ça de beau, en fait, c'était particulièrement laid.
« Et… ça doit aller dans mon entrejambe, vrai ? comprit Nimka.
- Il semblerait…
- Ça, ça ne va jamais rentrer… c'est bien trop énorme ! »
Au lieu de pleurer d'embarras, elle se mit à avoir un fou rire intense, signe de nervosité accumulée. Le contaminant, Hiwata l'accompagna à son tour. Ils finirent par se calmer et Nimka arrêta de respirer quand les mains de son époux se posa sur ses genoux, l'invitant à écarter ses cuisses.
« Tu as vu mon membre. À moi de voir et découvrir la porte de ton jardin. Je l'ai effleuré de mes doigts, mais je n'ai jamais vu à quoi il ressemblait. »
Elle eut de la réticence. Il lui demanda de respirer profondément. Tranquillement, la résistance se fit de moins en moins sentir et il parvint à écarter ses cuisses. Nimka se cacha les yeux, gênée.
« Le tien est bien plus beau que le mien, sortit-il pour la détendre. Tu es prête ?
- Je ne suis pas sûre…
- Moi non plus. Mais comme tu l'as dit, apprenons ensemble. Si tu as mal, tu me le dis. Je ne veux pas te blesser. »
Nimka hocha la tête et lui fit une confiance aveugle. Elle tiqua en sentant le bout chaud de son membre accoté contre son entrejambe. Il sentit qu'elle était tendue quand elle redressait le bassin par réflexe.
« Nimka, respire.
- J'essaie fort, je te le jure…
- Tu es encore toute raide. Je vais y aller doucement. Dans le pire des cas, nous arrêtons un moment pour se calmer et nous recommencerons. »
Hiwata essaya une première fois. Sa femme se crispa et recula un peu. Il la calma un bon dix minutes avant de réessayer encore une fois. Même résultat. Elle était sur le point de pleurer.
« Ne pleure pas, Nimka…
- On dirait que ça ne veut pas…, geignit-elle.
- Veux-tu que nous réessayons demain ?
- Non ! riposta-t-elle. Je veux le faire maintenant ! Si ce n'est pas ce soir, le village va nous questionner… en plus, ils doivent regarder nos draps pour voir si j'ai saigné.
- Tu es certaine ?
- Oui ! On doit juste faire le passage… la première fois…
- Mais tu trembles…, s'inquiéta-t-il.
- Je suis un peu nerveuse…
- Et si malgré tout on y parvient, et que tu ne saignes pas ?
- … Je ne sais pas ce qu'il adviendra.
- Je vais réfléchir à ça en temps et lieu. Pour l'instant, on va essayer fort de consommer notre mariage, d'accord ? Ça prendra une heure ou cinq heures pour y parvenir, alors sois. »
Il l'embrassa sur les lèvres. Elle prit une bonne respiration et il essaya encore... elle se raidit. Elle tenta de se détendre, rien n'y fit. Avec patience, Hiwata essaya encore et encore. Aucun résultat. Nimka abandonna et se roula dans le lit avant de perdre sa tête dans un oreiller.
« Chérie ? »
Hiwata caressa ses cheveux et tenta par tous les moyens de la retirer de "sa cachette". Il réussit finalement à lui faire perdre son oreiller et la vit, le visage couvert de larmes.
« Désolée…, renifla-t-elle.
- Pourquoi es-tu désolée ?
- … Tu n'arrives pas à entrer…, baragouina-t-elle en le regardant. Je ne fais pas exprès…
- Je n'ai jamais pensé que tu faisais exprès, n'amour. Et je le sais, mais j'y vais à ton rythme et doucement.
- Dis… t'es encore excité ? se renseigna-t-elle en jetant un œil mouillé à son entrejambe.
- Il en faut de très peu pour que je le sois depuis que je t'ai rencontrée. Ne t'en fais pas pour moi. Depuis le temps où j'attendais ce moment-là. Tu tiens vraiment à ce que ce soit cette nuit ?
- Oui…, couina-t-elle. S'il te plait…
- Cette nuit, c'est notre nuit. D'accord ?
- Oui…
- Alors cesse de pleurer et tout ira bien. Je ne veux pas que tu pleures la première fois. »
Il lui sourit et elle essaya un sourire malgré ses larmes. Il les essuya de ses pouces et la recoucha sur le dos.
« Ne me déteste pas pour ce que je vais faire, sortit-il.
- Hein ? »
Il rassemble assez de salive dans sa bouche et finit par lui baver sur l'entrejambe.
« Ewwww… Hiwata ! C'est dégueulasse !
- Ça ira mieux comme ça. Je suis désolé, mais je n'ai pas trouvé d'autre moyen pour y parvenir. »
Il se coucha de nouveau par-dessus elle, gardant une main entre ses jambes. Nimka sentit qu'il bougeait ses doigts afin de trouver "l'entrée". Elle le sentit de nouveau forcer un peu pour se frayer un chemin dans son intimité.
« Plus doucement, murmura-t-elle.
- Pardon… tiens. »
Il attendit plusieurs secondes entre chaque poussé. Elle grimaça légèrement, mais endura la faible pression, respirant par intervalle. Soudain, quelque chose sembla débloquer et Hiwata s'enfonça un peu trop vite et loin en elle. Elle lâcha un gémissement de douleur profond.
« Aouch… ça, ça a fait mal ! lâcha-t-elle.
- J'ai glissé, Nimka, se désola Hiwata. Il y avait de la résistance et soudain, plus rien ! »
Il essaya de bouger, mais Nimka poussa une plainte aiguë.
« Oh non, maintenant ne me dis pas que je ne peux pas me libérer ! paniqua-t-il. »
Hiwata resta en elle sans oser remuer ses hanches contre les siennes. Elle chercha de nouveau à l'embrasser et ils s'enivrèrent de leurs touchers. La douceur de sa peau et de son corps réveilla de nouveau les instincts primaires d'Hiwata qui recommença à bouger tranquillement en elle. La douleur se réduisit à un léger pincement, mais la lubrification naturelle aida à ressentir moins le frottement.
Aucun des deux ne parvinrent à l'orgasme. En fait, ils ne savaient même pas ce qu'il y avait d'amusant à avoir un rapport sexuel comme ils n'avaient pas éprouvé autant de plaisir que les adultes prétendaient avoir pendant. Hiwata se retira tranquillement, observant l'entrejambe de sa femme.
« Je ne comprends pas comment j'ai pu… venir, alors que je n'ai même pas eu d'orgasme, avoua-t-il.
- Je n'ai pas de réponses pour toi, mon chéri, tu m'en vois désolée. »
Nimka se redressa à son tour et regarda s'il y avait une trace de sang. L'horreur la prit d'un seul coup en remarquant que même s'ils avaient « glissé » un dans l'autre avec une vive douleur, elle n'était pas parvenue à saigner.
« Oh non… qu'est-ce que je vais faire ?! s'effraya-t-elle. Ça nous a pris du temps et il n'y a pas de sang !
- Calme-toi, Nimka, ça ira. J'ai une solution.
- Hein ? »
Hiwata se leva, remettant maladroitement son pantalon et alla chercher son petit couteau de poche. Il revint proche d'elle et, sans crier garde, il se coupa le pouce pour faire sortir du sang. Nimka hoqueta de surprise.
« Hiwata…
- On n'a pas le choix… nous savons tous les deux que toi et moi étions vierges de toutes relations et ça n'a pas suffi. Tout ira bien. »
Il tâcha volontairement les draps, puis alla chercher un petit bandage de coton afin d'y enrouler son pouce avec. Ils finirent par se recoucher et s'endormir, l'un contre l'autre, en tant que nouveau couple marié. Le lendemain, la famille immédiate de Nimka s'empressa de vérifier si les draps avaient des traces de sang. Hiwata prit la main de sa femme durant l'inspection. Leur petit passe-passe avait porté ses fruits, comme une joie se répandit à travers la maisonnée.
C'est ainsi que Nimka tomba profondément amoureuse d'Hiwata, sachant qu'elle pouvait se fier sur lui. Elle ronronna en le sentant caresser ses cheveux à la base de son cou.
Pendant un an et demi, Nimka et Hiwata apprirent à mieux se connaître, apprivoisèrent les relations sexuelles et découvrirent qu'il s'agissait d'une pratique qui se développait sur le long terme. Faire l'amour était devenu magique quand ils eurent leur tout premier orgasme, où la passion était libérée et quand ils laissaient leurs instincts premiers prendre le dessus. Il n'y avait pas que la position du missionnaire qui existait, ils en essayèrent pleins d'autres. Ils étaient même sortis de leur zone de confort et avaient essayé deux ou trois fois dans une forêt, accotés contre un tronc d'arbre, une grotte naturelle et même un festival, dans un petit coin sombre.
Les villageois se demandaient quand les enfants arriveraient dans leur vie, comme un an et demi s'était écoulé depuis leur union et que Nimka n'avait jamais eu un ventre qui indiquait une grossesse. Pour le couple marié, cette période de calme leur avait permis de devenir solide et profiter un peu de leur jeunesse qui restait. Ils étaient épanouis et heureux.
C'était probablement ce que le fil rouge du destin attendait d'eux, car un bébé trouva sa place dans le ventre de Nimka dans l'année où elle eut seize ans. Hiwata se découvrit un certain fétichisme à faire l'amour avec une femme enceinte et même faire sortir du lait par sa poitrine. Bien que les villageois leur avaient dit qu'ils devaient s'abstenir de tous rapports sexuels pendant cette période, Nimka et lui n'avaient jamais écouté leurs propos et avaient continué à se faire plaisir sous la couette.
Au bout de neuf long mois, la naissance s'était déroulée à merveille. Tellement bien, que c'est par le prénom Maho que l'enfant fut baptisé, qui signifiait magie. La tenue vestimentaire de Nimka changea de couleur : la couleur bleu marine prenait le dessus sur la couleur rose, qui indiquait qu'elle était maintenant une mère. Nimka laissa passer cinq ans avant de réussir à concevoir un second bébé. Elle n'avait pas de problème de fertilité, peut-être était-il plus lent. Elle, ou Hiwata.
Hiwata désirait avoir un fils pour donner ses terres en héritage. S'il avait de nouveau une fille, ils feraient d'autres enfants jusqu'à avoir le fils tant désiré. Le moment fatidique afin de savoir si un garçon allait naître ou pas se pointa en été. Nimka, ayant déjà accouché une première fois, crut que la seconde naissance serait plus facile, comme plusieurs femmes lui avaient souvent dit.
Mais jamais elle n'avait eu aussi tort de toute sa vie. Le travail s'était déroulé rapidement, mais le bébé était peut-être plus gros que le premier. Même en position traditionnelle, sois, accroupie, et utilisant la gravité pour faciliter la descente dans le bassin, la tête du bébé, bien que visible, ne progressait pas.
« Maman, je n'y arrive pas, pleura Nimka, presqu'à l'agonie. Le bébé est coincé…
- Tout va bien ma chérie, tu t'en sors très bien. Pousse fort.
- Je pousse comme je peux ! »
Sarlia, également sage-femme en plus d'être guérisseuse, finit par faire coucher Nimka sur le dos. Du renfort arriva et trois autres femmes du village entrèrent dans la maison, mise au courant que la naissance était difficile. Nimka pleurait, désespérée.
« Ramène tes jambes proches de ton corps, ordonna froidement l'une d'entre elle, du nom de Eliyah.
- J'ai besoin d'aide, je n'y arrive pas. »
Sa mère l'aida avec une jambe et une autre femme, du nom de Lili, l'aida également avec la seconde. Nimka avait les oreilles qui bourdonnaient à force de se faire ordonner de pousser. Mais ce qu'elle n'aimait pas, était les mains intrusives qui écartaient son entrejambe au maximum. On lui fit donc une expression abdominale pour aider l'enfant à sortir. Jamais elle n'avait vécu pareille douleur. Elles étaient deux à pousser sur son ventre. N'en pouvant plus, elle hurla des cris de douleur, quitte à ce que tout le village l'entende. Elle voulait mourir. La tête réussit à sortir et Sarlia tira le bébé vers le bas pour libérer une épaule. Cette manœuvre apporta de l'angoisse dans toute la pièce. Nimka fut même entraînée légèrement lors de la traction. On continua d'appuyer très, très fort sur son ventre en même temps.
« Pousse Nimka, ne fais pas semblant ! l'apostropha Lili. Tu ne sais pas pousser, ou quoi ?! »
Nimka était assez mal en point comme ça, cette phrase fit monter Soriya sur ses grands chevaux. Elle empoigna la femme Yakue Lili et la força à reculer du corps de sa fille sur lequel elle avait mis de la pression sur le ventre.
« Personne ne parle sur ce ton à ma fille, suis-je clair ? Faire sortir un bébé, c'est dur ! »
Le temps qu'elle intervienne, l'enfant sortit du ventre de sa mère. Le bébé se mit à pleurer faiblement, puis de plus en plus fort. Soriya frissonna en voyant la mare de sang qui reposait entre les jambes de Nimka. Le sang était normal dans les naissances, mais à ce point-là, c'était une première. Craignant une hémorragie, elle secoua l'épaule de sa fille qui avait les yeux fermés. Elle espéra que le sang était majoritairement du liquide amniotique teinté…
« Nimka ! Nimka ! Hey, tu m'entends ?! Chérie ?! »
Nimka finit par ouvrir les yeux. Elle faisait présentement de la dissociation.
« Il est vivant ? demanda-t-elle faiblement.
- Oui, il respire. C'est un petit garçon.
- Hiwata va être content… »
Elle perdit conscience quelques minutes, mettant la maison presqu'en panique. Elle reprit soudain conscience, juste assez alors que d'autres contractions la prenaient d'assaut. Elle devait faire sortir l'arrière-faix, mais elle n'avait plus l'énergie de pousser. Elle avait mal partout. Soriya l'aida à se redresser légèrement et l'encouragea en prenant sa main, lui disant qu'elle faisait bien ça. L'organe sortit intact, apportant du soulagement. Lorsqu'on lui présenta son fils, Nimka demanda un petit moment pour remettre ses esprits en place. On respecta sa volonté.
Elle se mit à pleurer, revivant les instants que la naissance traumatique de son second enfant avait apporté comme terreur. Le non-respect qu'elle avait vécu, et la violence de l'événement. Elle eut même besoin de beaucoup de points, à froid, car elle avait sévèrement déchiré. La brutalité qu'on avait exercé sur son corps dans un geste de bienveillance et de désespoir n'avait sûrement pas aidé. Ils auraient pu utiliser un analgésique pour réduire la douleur, mais dans le feu de l'action, personne n'y avait pensé.
Sa mère resta à ses côtés aussi longtemps qu'elle en avait besoin, tenant son petit-fils dans ses bras, et lui permettant de mettre des mots sur sa souffrance. Les draps furent changés et son état se stabilisa, évitant une hémorragie de justesse. Nimka fit enfin la connaissance de son enfant, l'accotant contre son sein.
« Bienvenu, mon cœur, murmura-t-elle. »
Hiwata se présenta quelques heures plus tard avec Maho, âgée de cinq ans. Nimka lui remit son fils et ils choisirent son nom ensembles : Noya. Lorsque son mari se renseigna sur le déroulement de sa naissance, elle lui raconta tout dans les moindres détails, en pleurant. La colère grandit en lui.
« J'ai l'impression d'avoir été violée, Hiwata… on m'a volé mon accouchement et dépossédé de mon pouvoir.
- Ici, tout le monde se connait. Je vais aller voir ces garces de Lili et Eliyah et leur dire le fond de ma pensée. On ne violente pas ma femme comme ça !
- Comme tu as ton fils, je ne veux plus avoir d'autres enfants… je peine à me lever, et à marcher…
- Ce sera le dernier. Et jusqu'à ce que tu te sentes prête et que ton corps se remette, je n'irai pas plus loin que les caresses. Je te le promets.
- Je m'en veux tellement Hiwata… j'avais l'impression d'avoir été un morceau de viande…
- C'est quelque chose qui est hors de ton contrôle, ma belle. Tu ne pouvais pas savoir comment elles te traiteraient. »
Malgré le soutien que ses amies pouvaient lui apporter et les conseils d'une chamane du village, Mirogai, sur une naissance traumatisante, Nimka ne se défit jamais de son stress post-traumatique. Parfois, elle en cauchemardait encore. Elle aimait Noya plus que tout au monde, étant prête à mourir pour lui, mais même si son fils était vivant et en bonne santé, ce n'était pas une raison pour mettre de côté sa détresse psychologique et la faire culpabiliser. Son rétablissement physique fut long et douloureux, mais Hiwata, follement en amour avec elle, s'était montré patient et compréhensif. Il ne l'avait jamais forcé à lui donner son corps. Nimka se trouvait chanceuse d'avoir un tel mari.
Quand une femme mettait au monde un bébé, Nimka partait dans la forêt avec Maho et Noya. Elle n'était plus capable d'entendre parler de naissance et d'accouchement.
Hiwata avait eu assez de couilles pour faire face aux deux femmes qui l'avaient le plus brutaliser et les avait dénoncé au nouveau Doyen du village, Saika, avec sa belle-mère Soriya qui en avait également été témoin. Ce dernier avait agi et n'avait pas mis ça sous silence, leur retirant leurs droits d'exercer cette profession. Cette action fut comme un baume apaisant sur la conscience de Nimka. Elle avait aussi le soutien de sa propre mère qui était aussi d'avis qu'on avait violenté sa fille sous ses yeux. Sarlia reconnut qu'elle avait mal fait les choses cette fois-ci, et s'excusa sincèrement pour le traumatisme qu'elle avait affligé à Nimka. Elle avait été pressée et n'avait pas attendu que la nature fasse les choses par elle-même. Ces excuses, selon Hiwata, étaient très peu comme compensation…
Nimka était constamment épuisée et se fatiguait souvent. Rien ne l'aidait à récupérer son énergie, même si, désormais, plusieurs années s'étaient écoulées depuis la naissance de Noya. Cet événement avait changé sa vision, tantôt parfaite, sur son propre village. Elle se demandait si les circonstances de la naissance de son fils avaient pu être différentes si elle avait habité dans un endroit isolé comme la maison de Tanda ? Ils n'étaient pas nombreux, vivaient comme reclus, mais ils avaient toujours leur propre pouvoir personnel en main. Imposer ses attentes à deux personnes, c'était bien plus facile que devoir repousser la pression et les mœurs d'un village en entier.
À Toumi, tout le monde se connaissait, et il y avait un soutien communautaire. La belle facette qu'ils montraient aux invités était devenu hypocrite aux yeux de Nimka, même si elle continuait d'aimer son village dans lequel elle était née. Elle savait que dans toutes communes, il y avait aussi anguille sous roche. Des facettes sombres jamais mis sous la lumière du jour. Et ce qu'elle avait vécu en témoignait la présence…
