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Manoir.
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Maddy entraînait joyeusement Harry vers le Manoir, babillant avec toute la vivacité qu'il lui connaissait jusque-là : « Le jeune Maître était d'une excellente humeur, n'est-ce pas ? Il est rare qu'il accorde autant d'intérêt à ses serviteurs. C'est plutôt quelqu'un de solitaire. Au fait ! Comment vous appelle-t-on ? »
« Harry. » répondit Harry sans montrer le moindre signe d'enthousiasme.
Ils entrèrent bientôt dans le vaste et lumineux vestibule. Les rayons du soleil s'irisaient en passant à travers les grandes fenêtres en vitrail coloré et Harry trouva cela étonnamment dissonant.
« Vous bénéficierez de votre propre chambre et de votre propre salle d'eau. Normalement, ce n'est pas ainsi que nous procédons, mais nous avons eu à subir une vague massive de démissions, alors nous avons de la place à revendre… Ah, si vous aviez vu le manoir à sa splendeur ! Les soirées étaient grandioses, remplies de rires, de danses, de musique... Mais maintenant, il n'y a plus grand monde. » expliqua piteusement Maddy.
Harry, sarcastique, répliqua : « Je peux comprendre pourquoi tout le monde a fui. »
Maddy lui jeta un regard curieux : « Vous avez entendu parler de… de cette tragédie ? »
« Une tragédie ? »
« Au sujet de la famille du jeune Lord. Son… son oncle les a tous assassiné, il y a plus de dix ans maintenant ! Il est le seul survivant. Vous vous rendez-compte ! Si jeune… Pauvre jeune Maître. »
Oui… pauvre Voldemort… pensa ironiquement Harry. Pauvre petite victime. Il allait presque en pleurer. De tristesse, hein. Mais il se reprit de justesse : « Si c'était il y a plus de dix ans, pourquoi les serviteurs ont-ils tous quitté le Manoir récemment ? »
Maddy se tordit les mains, hésitante : « C'est-à-dire que… hé bien… le Jeune Maître peut se montrer parfois… un peu difficile. Il a bon cœur, je n'en doute pas, mais… mais c'est compliqué de le comprendre. »
Harry sourit face à ces explications précautionneuses. Il n'y avait pas besoin d'être devin : Tom Riddle était un tyran. Un tyran à petite échelle, pour le moment, puisque seul le Manoir semblait touché, mais un tyran tout de même. Rien de bien surprenant jusqu'ici. Quant au « bon cœur » que Maddy prétendait avoir discerné chez lui, encore aurait-il fallu qu'il en ait un tout court, de cœur.
Cependant, bien que réticent à l'idée de résider dans le même manoir que Voldemort, il ne pouvait nier la nécessité d'un bon bain. Il aurait tout le temps de… chercher une autre solution plus tard.
Il accepta donc avec gratitude la chambre au rez-de-chaussée, qui, malgré sa modestie, était un paradis comparé au placard sous l'escalier qu'il avait connu plus jeune.
La petite femme lui montra la salle de bain avec fierté, soulignant l'installation récente d'eau courante, froide et chaude, comme une démonstration de progrès révolutionnaire au sein du manoir.
Elle y déposa des vêtements qui avaient appartenu à un ancien serviteur démissionnaire et laissa un blaireau et une lame pour le rasage sur le rebord du lavabo.
Une fois qu'elle l'eut laissé seul, Harry se laissa couler dans le bain avec un soupir de satisfaction. Il s'abandonna à la sensation apaisante de l'eau chaude sur sa peau et sentit tous ses muscles se relâcher un par un.
« Bon. Et maintenant ? » Servir Voldemort était inenvisageable, le tuer, compliqué (Harry ne s'était jamais senti l'âme d'un meurtrier) … mais fuir ne semblait pas non plus être une solution durable.
Est-ce que tout était déjà écrit d'avance ? Est-ce qu'il lui restait réellement une once de libre arbitre ? Il jeta un regard au plafond et tenta à nouveau de s'adresser à l'espèce de déité qui lui avait joué ce sale tour : « Tu veux que je fasse quoi, exactement ? »
Comme toujours, aucune réponse ne lui parvint.
Il soupira et rejeta sa tête en arrière. Il revit le visage hautain de Tom Riddle et grimaça de déplaisir. Ce sale petit… Il devait avoir quoi ? La trentaine à tout casser ? Harry fit un rapide calcul : il n'était déjà plus, depuis longtemps, innocent de tout crime, mais il n'était pas non plus encore le monstre qu'il serait… Le journal, la bague, la coupe… cela faisait pour l'instant un total de trois horcruxes créés.
Il y avait encore un espoir.
Peut-être… une idée un peu stupide germa dans sa tête. Peut-être qu'il pourrait… le… non, pas le dissuader, ça aurait été beaucoup trop présomptueux, mais… le saboter… dans sa quête aux horcruxes ? Jouer double jeu… Le faire renoncer à fragmenter encore plus son âme ? Et peut-être même… pourquoi pas… le sauver ? Si seulement Voldemort pouvait ressentir un peu, juste un tout petit peu de remords…
Après tout, ils ne s'étaient encore jamais rencontrés, ici, en 1956. D'ailleurs Harry n'était même pas né.
Qu'est-ce que ça faisait de lui, exactement ? Une anomalie temporelle ?
Il sortit du bain un peu moins contrarié qu'il n'y était entré. Une fois rasé (plusieurs coupures sur son visage témoignaient de son inexpérience avec ces outils-là) et vêtu des habits propres prêtés, Harry se sentit étrangement revigoré.
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