Cet OS, comme le suivant, a été écrit dans le cadre des Nuits du FOF, un jeu organisé par le Forum Francophone, dont le but est d'écrire un texte en une heure à partir d'un mot imposé. Cette fois-ci, le mot était "Question".


Questions et points de vue : une affaire de perspective

« Heureux, nous sommes tous, qu'une réussite, votre mission ait été, maître Kenobi. Mais plus de précisions, le Conseil voudrait, sur la manière dont les coordonnées de la base séparatiste, vous avez obtenu. »

Maître Kenobi décroisa les bras. À sa droite et en retrait d'un pas derrière lui, son padawan Anakin Skywalker se tenait immobile et droit comme une colonne.

« Nous avons fait la connaissance de notre informatrice lors d'une étape de ravitaillement nécessaire sur la lune ennemie de Tiodosk.

‒ De ravitaillement ? intervint maître Windu. Vous n'étiez partis que depuis deux jours, ou est-ce que je compte mal ?

‒ C'est exact, maître. Mais nous avions été forcés la veille de nous séparer de nos vivres pour acquérir des montures dans les plaines de Tiond. Des pillards avaient en outre siphonné une partie de notre carburant. L'arrêt me parut prudent. »

Le visage du jeune Skywalker demeurait impassible. Aucune ombre, aucune contraction musculaire ne vint agiter le calme de ses traits : son front de marbre honorait l'instruction tardive mais poussée que les Jedi lui avaient offerte. Maître Gallia, qui connaissait déjà les détails de l'histoire, pour avoir récupéré les deux protagonistes à bord de son croiseur, à la fin de leur mésaventure, crut toutefois percevoir un frémissement dans la Force, alors qu'elle observait plus particulièrement le garçon.

Obi-Wan perçut bien davantage. Lui non plus n'en laissa rien paraître, naturellement, mais cela suffit à satisfaire Anakin : de savoir que son maître se doutait bien que, si seulement il avait le droit d'ouvrir la bouche en pareille circonstance, il en sortirait quelque chose comme :

« Bien sûr, nous aurions encore eu de quoi manger si maître Kenobi n'avait pas décidé de délester tous nos sacs dans la course-poursuite au départ de Tiond. Alors que j'avais la situation entièrement sous contrôle. Et que je lui ai répété que la différence de masse serait négligeable et sans impact sur notre vélocité à la sortie de l'atmosphère. »

Non, le padawan Skywalker ne se sentait pas rancunier. Écouter Obi-Wan se dépêtrer pour expliquer leur situation passée le dédommageait en vérité de toutes ses peines.

« Ladite informatrice fut hélas assez perspicace pour comprendre que nous étions des Jedi.

‒ À quels indices vous a-t-elle reconnu ? demanda maître Piell, que Yoda et plusieurs autres soupçonnaient de bien s'amuser.

‒ Je pense que ce sont nos sabres laser qui nous ont trahis.

‒ Vous pensez ? » répéta Windu.

Personne, pas même Yoda, ne l'aurait soupçonné de s'amuser.

« Les pensées de l'individu, une Toydarienne mature, étaient peu accessibles à la Force. »

Maître Yoda se recula sur son fauteuil. Ce bref mouvement coupa court, de part et d'autre, à toute velléité d'insolence ou de divertissement.

« Nous ayant identifiés, elle décida d'entrer en contact et nous proposa un marché. »

À cet endroit de son récit, Obi-Wan veilla bien à ne marquer aucune pause, afin de ne surtout laisser le temps à personne de repenser aux conséquences des précédentes missions au cours desquelles un Jedi avait fait des affaires avec un Toydarien. La plus célèbre de ses conséquences, sinon la plus regrettable, restant, bien entendu, l'apprenti à ses côtés. Il se hâta donc de continuer :

« Elle désirait des renseignements sur nos tactiques.

‒ Elle ne voulait pas d'argent ? l'interrompit encore Windu. Et qu'était-elle censée vous apporter en retour ?

‒ Je ne saurais me prononcer avec certitude, car les négociations ne sont jamais parvenues à leur terme.

‒ Notre propre certitude, nous nous forgerons », rétorqua Yoda.

Maître Kenobi inclina la tête en assentiment.

« Disons, une meilleure connaissance des capacités humaines et des limites de notre corps biologique. Elle a cherché à nous… questionner.

‒ Une informatrice, tu l'appelles, alors qu'interrogé, elle t'a ? Sage, il n'est pas toujours, celui qui double, voit et triple, parle, grommela le vénérable maître.

‒ Tu veux dire qu'elle vous a passés à la question », reformula maître Kolar.

Obi-Wan Kenobi était trop discipliné pour se laisser peiner par pareille manière de présenter les choses. Vraiment.

« En quelque sorte, oui. Mais dans l'histoire c'est elle qui est… passée à table.

‒ Et à quoi dut-on finalement ce renversement de situation ? »

Maître Rancisis prenait rarement la parole. Au Conseil comme ailleurs, il était connu pour préférer ses plaisanteries courtes et ses sandwichs pris sur le pouce. Pour le reste, il cultivait une patience exemplaire.

« Elle manquait de certaines connaissances élémentaires sur les aptitudes que procure la Force à ceux qui la servent. Feindre les douleurs de l'écartèlement tout en retenant les roues de la machine nous fut chose aisée. Les feindre avec assez de conviction pour qu'elle relâchât sa garde, qu'elle ordonnât à son assistante de préparer son vaisseau pour aller à la rencontre du comte Dooku, divulguant alors devant nous la localisation de la base que nous cherchions, ce n'était que le prochain rouage d'une mécanique toute huilée. Ensuite, détacher nos menottes, nous enfuir, retourner à notre chasseur, transmettre l'information désirée, ne présenta, vous l'imaginez, aucune espèce de difficulté. »

Cette fois-ci, Obi-Wan marqua une pause. Avant de reprendre :

« Somme toute, notre position s'avéra indubitablement plus confortable que la sienne. »

Et parce que Kenobi, en l'occurrence, ne méritait certainement pas d'avoir le dernier mot, maître Ti se décida à intervenir pour conclure :

« Dooku, sans doute, aura eu quelques questions à lui poser. »