Celui-ci également, pour le mot "pendule".


La pendule qui ne tournait pas rond

Son rapport achevé, Obi-Wan s'inclina. Il s'apprêtait à prendre congé, quand maître Plo Koon le retint d'un geste la main, relevant son majeur griffu.

« Nous souhaiterions évoquer une autre question avec toi, Obi-Wan. »

Il s'immobilisa.

« Oui, maîtres ? »

Maître Koon clarifia de sa voix paisible, rendue légèrement caverneuse par son appareil respiratoire :

« Maître Trebor et moi-même avons examiné en profondeur la pendule que toi et ton apprenti avez rapportée de votre expédition sur Sekot. »

Obi-Wan haussa un sourcil. La pendule en question avait été une trouvaille d'Anakin : il l'avait repérée parmi les centaines d'objets entassés dans les hangars aux toitures de bambous où les habitants de Sekot entassaient le butin de leurs rapines. Le design de l'objet, en effet, sortait de l'ordinaire. Une boule de feu contenue dans un caisson en pierre de sel rosée lui servait de balancier. Elle projetait contre ses parois humides une buée opaque qui se condensait à l'intérieur de minces tubes en résine dorée qui, progressivement alourdis, se déplaçaient ainsi le long d'un cadran de bois où ils marquaient les heures. Anakin avait été tellement séduit par l'ingénieuse simplicité de sa conception qu'il avait troqué ses services de mécanicien contre la pendule auprès de leur intermédiaire sekotun, pendant qu'Obi-Wan avait le dos tourné.

L'affaire serait restée sans suite si Obi-Wan et son apprenti, durant leur vol retour, n'avaient pas constaté un phénomène surprenant : même briquée, dégrippée et bichonnée par les soins d'Anakin, cette pendule n'était jamais à l'heure.

Il n'y aurait rien eu d'étonnant à ce qu'elle ne marchât pas : les Sekotuns ne leur avaient permis de pénétrer que dans les entrepôts contenant leurs acquisitions les plus modestes, le bric-à-brac ordinaire. Non, ce qui était proprement sidérant, c'était qu'elle ne marchait jamais. Alors qu'en temps normal, une horloge en panne indique l'heure juste au moins une fois par jour, cette pendule réussissait l'exploit de se tromper vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Elle semblait décidée à éviter l'exactitude. Peu importait combien de fois on la remettait à l'heure, peu importait la précision avec laquelle on calibrait sa réalimentation en eau, peu importait même le système solaire auquel on se référait pour la régler, elle était parfois en avance, souvent en retard, mais jamais à l'heure.

« Le décryptage des symboles gravés à l'intérieur de son casier central m'a permis de conclure qu'il s'agit sans doute possible de l'une des clepsydres sacrées produite par l'antique civilisation des Zonomiens, dont les derniers représentants se sont éteints il y a mille six cents ans », confirma maître Coleman Trebor, ponctuant sa phrase à coup de hochements enthousiastes de sa corne frontale.

« C'est donc une pièce extrêmement précieuse que le jeune Skywalker a dénichée. Les conservateurs du Musée d'Histoire galactique seront heureux de l'héberger dans leur collection. »

Ni cette nouvelle, ni l'intérêt bien connu de maître Trebor pour les vestiges singuliers du passé ne surprirent Obi-Wan. Son padawan avait l'œil pour détecter les machines exceptionnelles. Quant à Plo Koon, on le savait curieux de tout. Une pendule fuyant l'heure ne pouvait que l'intriguer.

« En étudiant son comportement sur la durée toutefois, reprit maître Koon, nous avons révisé certaines de nos présomptions. Il s'avère que cette pendule ne marque pas systématiquement la mauvaise heure. Par deux fois il nous a été possible de la remonter correctement et elle a alors signifié l'heure juste pendant une partie de la journée, avant de se décaler à nouveau. »

Obi-Wan s'efforça de mémoriser ces détails, afin de les retransmettre à Anakin, qui ne manquerait pas de le bombarder de questions dès qu'il mentionnerait cette conversation.

« Ces deux succès ont été remportés un passardi en fin de matinée, compléta maître Trébor.

‒ Un passardi ? répéta Obi-Wan, qui ne s'attendait pas à une telle précision.

‒ À deux reprises, oui. Tu n'aurais pas, par hasard, le souvenir d'un événement particulier qui se serait produit ce jour-là ? Et qui fournirait une explication à ces occurrences ? »

Le ton de maître Plo Koon frétillait d'innocence.

Oh la crapule. Passardi dernier, il avait traîné Anakin chez l'un des couturiers de l'Ordre pour rallonger ses tuniques, devenues trop petites. Et la semaine d'avant, son apprenti avait été gracieusement convoqué par le Chancelier suprême en personne, qui semblait s'être pris d'affection pour le garçon. C'étaient, ces derniers temps, les deux seules matinées où Anakin n'avait pas disposé d'un instant de libre.

Obi-Wan redressa la tête.

« Je ne suis pas tout à fait certain, maîtres. Mais je vais mener mon enquête et interroger mon padawan : peut-être saura-t-il me rafraichir la mémoire. »

Ou bien je me chargerai de rafraichir la sienne… Et de lui apprendre, à l'occasion, ce qu'il en coûte de troller son maître et tout le Conseil.

Tandis qu'il sortait de la salle, Obi-Wan s'avoua à lui-même qu'il était légèrement impressionné. Concevoir un programme qui imitât l'aléatoire sur le long terme, tout en prohibant certaines valeurs, et l'intégrer à des engrenages antiques – plus dissimuler cette intention à son maître – n'était pas chose facile. (Mais dans le but de préserver sa dignité et le respect dont il jouissait dans l'esprit de son apprenti, il se garderait bien, en le réprimandant, de laisser filtrer cette admiration.)