Harry était retourné au Ministère pour demander à voir Drago Malefoy une nouvelle fois mais la policière en charge des cachots lui avait fait savoir qu'il n'en était pas question. Malefoy était retenu en cellule en attente de son procès, il n'était pas là pour recevoir des visites de courtoisies tous les jours. Et Nestor Achab avait expressément ordonné que toutes les visites faites à Malefoy soient au préalable autorisées par lui-même. Harry s'énerva, jura, mais cela n'y changea rien. La policière le fixa sans broncher et derrière elle, plusieurs de ses collègues mirent la main sur leur baguette, prêts à maitriser Harry s'il le fallait. Ce dernier finit par s'en aller, triste et humilié. Dans l'un des couloirs, Harry croisa Edmund qui le heurta volontairement en lui jetant un regard méprisant. De toute évidence, il n'avait pas aimé que Harry se fiche de lui et le laisse s'excuser alors qu'il était effectivement coupable de ce dont Edmund l'accusait. Et puis, à travers le mépris d'Edmund, il y avait de la déception et une blessure. Ils étaient coéquipiers, ils avaient travaillé ensemble et Harry avait trahi son serment. Un Auror ne pouvait pas défendre et sauver un criminel. Harry avait failli à son devoir et Edmund ne lui pardonnait pas. C'était une chose que Harry comprenait mais elle lui fit mal tout de même et il rentra chez lui avec l'impression d'être encore plus misérable qu'il ne l'était déjà.

Dans sa grande maison vide, Harry s'assit sur le canapé et sentit monter en lui la douleur d'une crise. Il prit sa tête entre ses mains, gémit et devina que son elfe ne viendrait pas l'aider. D'un coup de baguette, Harry fit venir à lui le flacon de potion, en prit une longue gorgée et s'allongea sur le canapé. La douleur dans sa cicatrice lui brouilla la vue et il replia ses jambes sur lui-même en entendant la voix de Voldemort dans sa tête. Il se moquait de lui. « Je te prendrai tous les gens que tu aimeras, Harry… Tu ne seras jamais heureux, j'y veillerai. » Harry était persuadé que Voldemort tiendrait sa promesse, il n'en doutait pas. Il attendit que la douleur passe puis il resta avachi sur le canapé, en sueur, le souffle court. Il aurait dû tuer Voldemort lui-même, de sa propre main. Il regrettait de ne pas l'avoir fait. Peut-être que ça l'aurait libéré et qu'il n'aurait pas été envahi d'angoisse comme il l'était. S'il l'avait poignardé comme Nott avait poignardé Clay Manure, s'il avait senti le sang chaud de Tom Jedusor sur ses mains, cela lui aurait rappelé qu'il n'était qu'un homme comme un autre, rien de plus. Harry fixa le vide devant lui. Il disait n'importe quoi.

Il passa trois jours sur son canapé, ne se levant que pour aller aux toilettes. Kreattur lui apportait à manger, l'air clairement réprobateur. Il ne faisait aucune remarque sur l'incurie de Harry, les bouteilles qui se vidaient et la détresse évidente de son maitre. Il devait penser – à juste titre, estimait Harry – qu'il méritait bien de souffrir pour avoir trahi Drago Malefoy. Harry passait son temps à somnoler d'un sommeil alcoolisé et angoissé et quand il était éveillé, il ne pensait qu'à des choses plus angoissantes encore. Qu'allait-il faire de sa vie maintenant qu'il avait démissionné ? Serait-il jamais heureux ? Le bonheur qu'il avait entrevu dans les bras de Drago, allait-il le perdre pour toujours ? Et Drago, comment allait-il ? Rêvait-il encore de Kyle maintenant qu'il l'avait tué ? Était-il libéré de son emprise ? Il ne lui avait même pas posé la question.

Harry fut réveillé par une voix familière qui n'avait cependant rien de doux. Il reçut un coup sur l'épaule, un coup qui n'était pas très fort mais qui était agacé. Il ouvrit les yeux, devina les deux silhouettes qui se tenaient debout devant le canapé et poussa un soupir. A tâtons, il chercha ses lunettes, ne les trouva pas sur la table basse et finit par mettre la main dessus sur le tapis. Harry se releva lentement, courbaturé par les heures immobiles passées sur le canapé, dans des positions douteuses qui lui donnaient mal au dos. Face à lui, Hermione et Ron le fixaient avec un mélange de pitié, de colère et de réprobation.

- Il est plus de midi, dit Ron. Tu devrais être levé depuis longtemps.

- Pour quoi faire ? rétorqua Harry.

Il y eut un silence. Hermione se râcla la gorge et s'avança pour s'asseoir sur le canapé, près de Harry.

- C'est vrai alors ? demanda-t-elle doucement. Tu as vraiment démissionné ?

- Oui, avoua Harry.

Il avait trop honte pour les regarder dans les yeux et il sursauta quand Ron posa un exemplaire de la Gazette sur ses genoux. Harry se rendit compte que c'était avec ça que Ron l'avait gentiment tapé pour le réveiller.

- C'est l'édition d'aujourd'hui, expliqua Ron. Je suppose que tu ne l'as pas vue, si tu dormais… Tu devrais regarder.

Harry se pencha et fixa la Une. Il ne sut pas s'il devait être en colère, effrayé, indigné ou simplement… indifférent. Le journal titrait : L'histoire d'amour tragique entre Harry Potter et le criminel Drago Malefoy. On y racontait comment Harry, qui avait récupéré Drago lors de la fameuse arrestation de Kyle Long, était tombé amoureux de la pauvre victime blessée dont il avait eu la charge. Ils s'étaient rapprochés, on voyait une photo d'eux au match de Quidditch, malgré la volonté de Harry de se cacher. On racontait comment Drago s'était servi de Harry – qui passait pour un pigeon naïf au cœur brisé – pour tuer Kyle Long. Ensuite, le journaliste disait que Harry, furieux et désireux de se venger, était allé le chercher lui-même à Munich pour l'arrêter. Puis, effondré d'avoir mis son amant derrière les barreaux, Harry avait démissionné du Bureau des Aurors. En gros. Harry lut tout l'article comme s'il n'était pas concerné. Il fut lâchement soulagé de voir que les journalistes ne savaient pas qu'il avait en réalité voulu partir avec Drago et que c'était Edmund qui l'avait arrêté. L'histoire inventée par les journalistes n'était pas entièrement fausse, elle n'était pas vraie non plus. Il se demanda qui avait parlé de leur relation à la Gazette. Edmund peut-être, pour se venger ? Non, Harry n'y croyait pas. Edmund était trop intègre pour faire quelque chose d'aussi vil. Qui alors ? Harry se rendit compte que ça n'avait aucune importance.

- Harry ? demanda Hermione.

Il s'obligea à lever les yeux vers elle.

- Ils se trompent sur la fin, dit-il d'une voix monocorde.

Harry n'osa pas leur dire qu'il était prêt à s'enfuir avec Drago si ce dernier l'avait accueilli avec plus de chaleur. Il se contenta donc de leur dire qu'il voulait simplement discuter avec Drago pour avoir ses explications et qu'Edmund était arrivé sur ces entrefaites. Il raconta comment Drago avait essayé de le protéger et comment Harry avait risqué le tout pour le tout en disant la vérité à Nestor Achab. Il avait démissionné pour éviter de se faire virer mais de toute façon, sa carrière dans les Aurors était terminée.

- Ils auraient pu t'envoyer à Azkaban ! s'écria Hermione, inquiète et choquée par l'inconscience de Harry.

- Tant pis, je ne pouvais pas laisser Drago se faire accuser d'un crime qu'il n'avait pas commis.

- Moi je trouve que c'est plutôt juste qu'Achab ferme les yeux pour une fois, déclara Ron d'un ton sérieux. Après tout, le Ministère te doit bien ça, après tout ce qu'ils t'ont fait et surtout, ce qu'ils n'ont pas fait. Ils sont bien contents que tu te sois débarrassé de Tu-Sais-Qui à leur place.

Hermione pinça les lèvres dans une attitude hautaine qui signifiait qu'elle était d'accord. Le fait que Ron réagisse de la même façon que Drago amusa Harry pendant une seconde.

- Mais quand même, Harry… Tu aimais être Auror, c'est… A cause de Malefoy, tu ne pourras plus jamais…

Harry haussa les épaules pour couper Ron.

- Tant pis, souffla-t-il.

Il ne ressentait plus rien, il n'en voulait pas à Drago. C'était le prix à payer pour l'avoir fait arrêter.

- A cause de moi, il va aller à Azkaban. Ils vont lui mettre la perpétuité, c'est sûr, et c'est ma faute. Il…

- Je n'en suis pas si sûre, dit Hermione d'un ton hésitant.

Harry la regarda sans comprendre.

- Je ne suis pas sûre que le Magenmagot le condamne à la perpétuité, ajouta-t-elle. Il va avoir des circonstances atténuantes. Cela dépendra surtout de l'opinion des membres du Magenmagot et de l'avis qu'ils avaient sur Long.

- Nous sommes fichus alors, dit sombrement Harry.

- Papa a des infos sur la question, déclara brusquement Ron. C'est pour ça que tu dois venir avec nous, nous sommes venus te chercher. Maman t'attend pour déjeuner.

Harry tressaillit.

- Quoi ? Non, je ne peux pas, je ne suis pas en état, il faut que…

- C'est dimanche midi, tu n'as que ça à faire.

Ron jeta un coup d'œil à sa montre.

- Tu as sept minutes pour aller te laver et t'habiller, dépêche-toi.

- Pourquoi sept ? demanda Harry, suspicieux.

Ron eut un léger sourire.

- Parce que je l'ai décidé. Tu as déjà perdu vingt secondes.

Harry lui lança un regard agacé et ils se fixèrent un instant en silence. Ron n'avait pas l'intention de céder et souriait toujours, d'un air un peu moqueur comme il le faisait souvent. D'une certaine façon, cela fit du bien à Harry. Il se leva du canapé et monta l'escalier en courant pour aller se préparer. Ron se tourna vers Hermione avec satisfaction.

- Tu vois, il n'est pas encore totalement au fond du trou, il suffit de le secouer un peu.

- J'espère, oui, soupira Hermione.

Au Terrier, il y avait beaucoup de gens, plus que ce que Harry avait imaginé. Il avait pensé qu'il n'y aurait que Molly et Arthur mais il s'était trompé. Ginny était là, en compagnie de Bill et Fleur et de Charlie qui avait passé la dernière année à travailler avec Hagrid à Poudlard. Sans doute allait-il repartir prochainement dans un pays étranger pour continuer ses études des dragons mais après la guerre, comme beaucoup de sorciers, il avait eu envie de rester auprès de sa famille. George n'était pas là mais Harry savait que c'était uniquement parce que la boutique ouvrait le dimanche et qu'il devait y être. Heureusement, il n'y avait pas Percy.

Le repas était prêt et tout le monde l'attendait. Molly n'y alla pas par quatre chemins, comme à son habitude, et commença tout de suite par déclarer qu'ils étaient tous inquiets pour lui. Ils avaient lu l'article, évidemment, ils étaient surpris et ils voulaient bien que Harry leur en dise un peu plus sur cette affaire. Arthur leva la main en signe d'apaisement.

- Pas vraiment sur ton histoire avec Drago Malefoy ça, ça ne concerne que toi. Mais sur le reste. Que s'est-il passé ? As-tu réellement démissionné ?

Harry évita le regard de Ginny et retint un soupir de lassitude. Il fallait tout recommencer. Il fit un récit plus court qu'à Ron et Hermione, oui Drago s'était servi de lui mais Drago l'aimait quand même, oui il était allé le chercher en Allemagne, non, il n'avait jamais voulu l'arrêter et oui, il avait démissionné.

- Tu as eu de la chance que Nestor Achab ne t'inculpe pas, conclut Arthur Weasley.

- Peut-être, dit Harry en haussant les épaules. Mais Drago va aller en prison et ce sera ma faute.

Arthur et Molly eurent l'air un peu mal à l'aise.

- Drago a tué quelqu'un, c'est surtout sa faute à lui s'il va en prison, fit remarquer Ron.

- J'aurais préféré qu'il n'y aille pas, rétorqua Harry d'un air buté. Kyle Long méritait amplement ce qui lui est arrivé.

- Crois-tu vraiment que quiconque mérite de mourir de cette façon ? demanda doucement Charlie.

Harry n'avait aucune envie de débattre de cela mais il trouvait leur droiture morale agaçante et hypocrite. Il s'apprêtait à répondre quand Ginny le devança.

- Arrête Charlie, dit-elle avec aplomb. Il existe des gens qui sont des plaies pour l'humanité. Je ne cautionne pas le meurtre mais franchement, je trouve cela juste que de temps en temps, une victime ose se venger de cette façon. La mort de Long a rendu service à notre communauté. Et quoi ? Quand tu tortures et que tu violes des gens, tu ne peux pas être surpris qu'ils te fassent du mal en retour. Long a récolté la violence qu'il a semée et donc oui, même si c'est choquant, moi je trouve qu'il méritait de mourir, tout comme Bellatrix, Voldemort et tous ceux qui font le mal autour d'eux.

Les noms de Bellatrix et Voldemort provoquèrent un léger tressaillement autour de la table mais personne n'osa contredire Ginny. Molly pâlit un peu et Charlie regarda sa sœur avec un air méditatif, comme s'il réfléchissait sérieusement à ses arguments. Harry, lui, leva la tête vers la jeune femme et se sentit rempli d'une profonde reconnaissance.

- Merci, dit-il.

- Je ne dis pas particulièrement cela pour défendre Drago, je dis seulement ce que je pense.

- Au fond, je suis assez d'accord avec Ginny, dit Bill. Bien sûr, d'un point de vue légal, nous ne pouvons pas cautionner ce que Malefoy a fait mais personnellement, je peux le comprendre.

- Nous le comprenons tous, rétorqua Ron. Mais ça ne change rien ! Tuer quelqu'un, c'est la pire chose que l'on puisse faire, c'est trop radical et définitif. Long aurait dû aller en prison, c'est tout.

Bill et Charlie eurent une moue presque identique signifiant « Ce n'est pas faux ». Hermione semblait hésiter mais Harry savait qu'elle pensait la même chose que Ron. La conversation commençait à lui taper sur les nerfs et il avait peur de perdre son calme. Son agacement monta encore quand Fleur prit la parole. Il n'avait aucune envie d'entendre son avis sur la question, il la connaissait à peine.

- Puisque nous en sommes tous à dire ce que nous pensons, je tiens à ajouter, Ron, que je ne suis pas d'accord avec toi. Tuer quelqu'un n'est pas la pire chose que l'on puisse faire. Il y a des fois où tuer est nécessaire pour se défendre, pour défendre ceux qu'on aime ou son pays. Personne n'a reproché à Harry d'avoir tué Vous-Savez-Qui et personne n'a reproché à Molly d'avoir tué Bellatrix Lestrange. Si quelqu'un menaçait ma famille, Bill, Victoire, Gabrielle, j'espère bien que je serais capable de tuer pour les sauver. En revanche, il n'y a jamais de circonstance où violer quelqu'un est nécessaire, jamais. C'est toujours égoïste et cruel, il n'y a jamais d'excuse pour un acte de ce genre. Alors moi je pense que ce que Kyle Long a fait à tous ces jeunes gens, c'est bien pire. Il n'y a qu'un monstre pour faire une chose pareille.

Un silence pesant suivit le discours de Fleur. Harry n'était finalement pas si agacé que ça, au contraire. Il était soulagé de voir que certaines personnes prenaient le parti de Drago ou du moins, ne le condamnaient pas trop durement. Il se sentait moins coupable de l'aimer encore. Harry s'agita sur sa chaise.

- De toute façon, malgré toute l'amitié que j'ai pour vous, ce n'est pas vraiment à vous de juger ce que Drago a fait. Vous n'avez jamais été violés ou torturés, vous ne pouvez pas savoir. Et… Kyle a brisé Drago, je veux dire, il… C'est facile de juger quand on a encore tous ses esprits mais Drago ne les a plus et c'est à cause de Long. Ce qui aurait été le mieux, dans toute cette histoire, c'est qu'on ne laisse pas Long les bousiller comme il l'a fait.

- Tu as raison, dit doucement Arthur. Ce sera au Magenmagot de juger cette affaire, nous verrons bien ce qu'ils décideront. Quant à toi, je suis désolé pour ce qui est arrivé. Malefoy t'a trahi et tu as quitté ton travail, ça doit être dur pour toi. Tu dis que ses sentiments sont sincères et je te crois mais ça ne change pas le fait que tu as perdu beaucoup de choses dans cette histoire.

- Je sais mais je… Ce que je voudrais c'est qu'il… Je n'arrive pas à lui en vouloir vraiment.

Harry avait honte de le dire mais c'était toujours moins honteux que d'avouer qu'il aimait Drago comme un fou et qu'il ne désirait qu'une seule chose : le retrouver pour être avec lui. Mieux valait donc se contenter de ça. Molly le regarda avec compassion et poussa un soupir.

- Nous faisons tous des erreurs quand nous sommes jeunes, déclara-t-elle.

Arthur, Ron et les autres hochèrent la tête et Harry resta immobile sur sa chaise. Pour eux, il avait fait une erreur en tombant amoureux de Drago et en lui faisant confiance. Harry ne pouvait même pas vraiment leur donner tort étant donné ce qui était arrivé par la suite mais c'était tout de même blessant. Il n'arrivait pas à voir tout ceci comme une erreur car les moments qu'il avait passés avec Drago à l'écouter, le regarder et le toucher avaient sans doute été les plus heureux de sa vie et de loin. Le bonheur n'était pas une erreur.

Arthur l'informa que le procès aurait lieu dans deux semaines, ce qui fit grincer les dents de Harry. Ah ça, on serait plus rapide à condamner Drago qu'à condamner Kyle Long, c'était sûr ! Arthur lui fit remarquer que les cas étaient différents : Drago avait immédiatement avoué alors qu'il n'y avait pas assez de preuves contre Long.

- Drago est donc plus courageux et honnête que Long, nous pouvons le noter, conclut Harry d'un ton acide.

Arthur hocha la tête. D'après lui, le procès allait être compliqué. Beaucoup de membres du Magenmagot avaient été choqués et horrifiés par les actes de Long tandis que l'autre partie le soutenait clairement. Tout dépendrait de cela : si on estimait que Drago avait des circonstances atténuantes, sa peine serait moins élevée. Dans le cas contraire, il prendrait perpétuité. Harry accueillit toutes ces informations en silence, les entrailles tordues d'anxiété. Même si la peine de Drago était réduite, il irait à Azkaban pendant longtemps et leur histoire serait fichue.

La discussion bifurqua sur autre chose et on laissa Harry tranquille. Il avait eu peur qu'ils lui demandent ce qu'il comptait faire maintenant qu'il avait démissionné mais heureusement, il n'y eut aucune question de ce genre. Ils devaient deviner que Harry n'en savait rien pour le moment, il avait le temps de réfléchir à son avenir par la suite. Il écouta la conversation sans vraiment la comprendre, l'esprit ailleurs. Après manger, il alla s'asseoir dehors au soleil avec Hermione tandis que Ron aidait Charlie à débarrasser tout en parlant avec Bill. Le mois de juillet venait de commencer et il faisait chaud, c'était agréable. Ça changeait du canapé de Harry qu'il n'avait pas quitté depuis des jours.

Quelqu'un vint leur faire de l'ombre et Harry ouvrit les yeux. C'était Ginny. Elle regarda Hermione avec un sourire.

- Est-ce que je peux lui parler ?

Hermione devait savoir ce que Ginny entendait par là car elle se leva immédiatement et rentra dans la maison. Ginny prit sa place sur le banc en pierre et Harry attendit, un peu gêné.

- J'ai été surprise d'apprendre que tu étais avec Malefoy, dit Ginny sans tourner autour du pot.

Harry rougit légèrement.

- Est-ce que c'est pour ça que tu n'as pas voulu sortir avec moi après la guerre ? Parce que tu préférais les garçons ?

- Non, balbutia Harry. Non, ça n'a rien à voir. D'ailleurs, je ne sais pas si je préfère les garçons. A vrai dire, je ne pensais pas non plus que ça m'arriverait.

- D'accord.

Il fut incapable de déterminer si elle était soulagée ou déçue de la réponse. Harry se sentit obligé de rajouter quelque chose.

- Il était tellement malheureux et tellement brisé que… avec lui, je pouvais être malheureux aussi, sans me cacher. Avec toi, j'aurais eu l'impression de te contaminer avec ma souffrance, je ne voulais pas… De toute façon, juste après la guerre, je n'étais pas capable de penser à ce genre de chose.

- Je vois, c'était ce que tu avais dit, oui… Je voulais simplement en être sûre.

- J'étais quand même content que tu prennes sa défense devant tout le monde. J'avais peur que vous me détestiez tous.

- Oh non, assura Ginny en souriant. Ils ne comprennent pas, c'est sûr, mais personne ne te déteste. Et moi, je suis passée à autre chose depuis déjà un moment.

- Tant mieux, dit Harry, mal à l'aise.

- Le procès, ça va être dur, déclara brutalement Ginny. Il va falloir que tu sois courageux. Nous serons là pour te soutenir. En tout cas, moi je serai là.

- Merci Ginny, répondit Harry en souriant, touché.

Il hésita à ajouter quelque chose, pas certain que ce soit une bonne idée mais finalement, il en eut trop envie. Il avait besoin d'un peu de douceur.

- Tu m'as manqué, dit-il.

- Tu m'as manqué aussi, murmura Ginny en souriant.

Après le déjeuner chez les Weasley, Harry avait repris sa place sur son canapé. Il n'avait rien envie de faire, il n'avait rien à faire. Il ne voulait voir personne à part Drago, qui était justement la seule personne qu'il ne pouvait pas voir. Il se complaisait dans les souvenirs qu'il avait de leur brève relation, comme un enfant grattant ses croûtes. Cela lui manquait d'écrire des lettres à Drago, il avait aimé ces semaines d'attente fébrile où il guettait les hiboux. C'étaient des moments doux et complices où ils avaient réussi à se dire des choses qu'ils n'auraient jamais prononcées à voix haute. Il avait un souvenir aigu du match de Quidditch où il avait regardé l'éclat dans les yeux de Drago à la victoire de l'équipe qu'il supportait. C'était là qu'il avait compris qu'il l'aimait. Il se rappelait quand ils s'étaient embrassés, dans la chambre de Harry. Les larmes de Drago, aussi, quand il s'était réfugié dans les bras de Harry. Et puis le jour où Drago avait pansé ses blessures dues aux limaces mangeuses de chair et lui avait dit qu'il l'aimait. Touche-moi encore et encore jusqu'à ce que j'oublie Kyle, avait ordonné Drago. Tout celui lui donnait envie de pleurer.

Harry fut surpris de recevoir un message d'Andromeda Tonks qui l'invitait à venir prendre le thé chez elle mercredi qui arrivait. Harry n'eut pas la force de refuser, d'autant qu'elle indiquait que Teddy serait ravi de voir son parrain. Au cas où Harry ne se sentait pas déjà comme une merde, cela ne fit que renforcer l'opinion qu'il avait de lui-même. Remus Lupin lui avait fait suffisamment confiance et l'avait suffisamment aimé pour lui confier son fils et Harry n'était clairement pas à la hauteur. Il n'était jamais à la hauteur de rien, de toute façon. Il se dit donc qu'il pouvait bien faire un effort et rendre visite à son filleul.

Il arriva à l'heure et frappa à la porte avec appréhension. Andromeda le mettait un peu mal à l'aise, sans doute parce qu'elle ressemblait à Bellatrix, qu'il ne la connaissait pas et qu'il se sentait, de par son rôle de parrain, un peu trop lié à la mort de Nymphadora Tonks. C'est elle qui aurait dû s'occuper du petit Teddy, pas Andromeda et encore moins Harry. Malgré ses sentiments craintifs d'imposteur, Harry fut accueilli par un sourire chaleureux qui venait démentir tout ce qu'il avait imaginé. Andromeda lui indiqua qu'il arrivait pile à temps, Teddy venait de se réveiller de sa sieste.

Elle entraina Harry dans le salon où il se figea une seconde en voyant qu'ils n'étaient pas seuls. Deux autres femmes étaient là, assises à la table de la salle à manger. Elles avaient toutes deux environ le même âge, celui d'Andromeda et de Mrs Weasley. L'une avait des cheveux très noirs coiffés élégamment en un chignon agrémenté de tresses et des yeux tout aussi sombres. Elle était belle et ne semblait pas souffrir du temps qui passait. Harry rougit un peu des pensées qui lui venaient à savoir qu'elle avait peut-être l'âge d'être sa mère mais qu'il ne pouvait s'empêcher de la trouver très séduisante. L'autre femme avait un style plus sobre, des cheveux châtains parsemés de mèches grisonnantes et des yeux bleus. Elles adressèrent toutes deux un large sourire à Harry quand il entra dans la pièce, comme si elles étaient ravies de le voir. Il fut effrayé à l'idée que c'était sans doute vrai.

Près de la table, Teddy fixait Harry avec ses grands yeux sombres et ses cheveux brun foncé. Il avait hérité des traits de Remus, à n'en pas douter, sauf pour les yeux et les cheveux, qu'il tenait clairement de la famille Black. Harry se fit la réflexion qu'il n'avait jamais vraiment vu Tonks sans cheveux colorés et qu'il n'avait aucune idée de ce à quoi elle ressemblait au naturel. Son visage était proche de celui de sa mère et peut-être, sans ses coupes courtes et roses, aurait-elle ressemblé à Bellatrix elle aussi. Cette idée déprimait Harry et il se demanda pourquoi il pensait à des choses comme ça.

- Je te présente deux excellentes amies, déclara Andromeda en ramenant Harry à la réalité.

Les deux femmes se levèrent pour le saluer et il leur adressa un sourire maladroit.

- Voici Agatha Greengrass, qui fait partie du Magenmagot et Serena Black, qui travaille également au Département de la Justice.

Harry leur serra la main, brusquement attentif. Elles n'étaient sans doute pas là par hasard, c'était évident. Ses yeux s'attardèrent un instant sur Serena Black. Elle avait un petit quelque chose qui perturbait Harry et qu'il identifia très vite, à cause de son nom. Elle ressemblait à Sirius.

- Vous êtes donc de la famille Black, dit Harry, un peu bêtement.

- Je suis une lointaine cousine, répondit Serena en souriant.

- Il me semble que sa grand-mère était la cousine de mon grand-père, expliqua Andromeda. Ils ont eu la bonne idée de couper les ponts avec le reste de la famille, tout comme moi. C'est la branche tolérante et progressiste de la famille Black.

La dernière phrase avait été dite sur le ton de la plaisanterie mais Harry devinait qu'il y avait du vrai. Il s'assit avec elles et accepta une tasse de thé avec plaisir. Il ne savait pas s'il était à l'aise ou non. Sans doute que non, donc. Il se rendit alors compte qu'il connaissait déjà ces femmes et il se sentit stupide de ne pas l'avoir compris plus tôt.

- J'ai déjà entendu parler de vous, s'écria Harry. Vous avez aidé des Nés-Moldus pendant la guerre, vous faisiez partie de la Résistance.

Les trois femmes se tournèrent vers Harry pour le regarder avec douceur.

- Avec d'autres gens, oui, nous avons essayé d'aider comme nous le pouvions, dit Agatha Greengrass.

- Moi je n'ai pas fait grand-chose, rétorqua Serena. C'est surtout mon fils qui…

- Tu nous as donné de très précieux renseignements et tu le sais, inutile de faire la modeste, coupa Andromeda. Ça ne te va pas.

Serena eut un large sourire un peu suffisant. Elle n'était pas modeste, non. Teddy grimpa sur les genoux de sa grand-mère et attrapa un gâteau sur la table. Andromeda lui montra Harry.

- C'est Harry, dit-elle doucement. C'est ton parrain.

Teddy répéta approximativement le prénom de Harry et ne comprit clairement pas ce que parrain voulait dire. Il avait un peu plus de deux ans, il avait un visage fin et pâle comme celui de son père et comme Harry, il avait sans doute un trou béant en lui de n'avoir jamais connu ses parents.

- Quand nous aurons fini le goûter, nous pourrons aller jouer, proposa Harry sans trop savoir ce qu'il disait.

Teddy eut l'air ravi et Andromeda adressa un sourire reconnaissant à Harry. Ce dernier se tourna vers Agatha Greengrass.

- Vous avez quelque chose à me dire, n'est-ce pas ?

- Je pourrai attendre que vous ayez joué un peu avec votre filleul, assura Agatha.

- C'est à propos de Drago ?

Une expression de culpabilité passa sur le visage d'Agatha mais Harry ne la comprit pas.

- J'ai simplement quelques questions à vous poser, rien de très important.

- C'est officiel ? demanda Harry, tendu.

- Vous serez témoin lors du procès, vous vous en doutez. J'ai parfaitement le droit de savoir ce que le témoin compte dire. Que cela se passe ici ou au Ministère, cette conversation est officielle, oui. Du moins, elle n'a rien de secret.

Harry hocha la tête et jeta un regard à Serena Black.

- Vous aussi vous avez des questions ? Vous travaillez au Département de la Justice, c'est ça ? Où exactement ?

- Oh non, répondit Serena avec un sourire charmant. Moi je suis réellement venue pour prendre le thé avec mes amies.

Il nota qu'elle n'avait pas répondu à ses questions sur son travail mais il n'insista pas. Ces femmes avaient œuvré pour les Nés-Moldus et s'étaient battues contre Voldemort elles aussi. Harry estima qu'il pouvait leur faire confiance et qu'elles n'étaient pas ses ennemies. Il s'occuperait de leurs questions plus tard. Pour l'instant, il répondit à Andromeda qui s'inquiétait de sa santé et de son moral. La situation devait être difficile pour lui. Evidemment, elles avaient toutes lu l'article de la Gazette et Harry rougit devant leurs sourires affectueux. Il eut l'étrange sentiment que, contrairement à Molly Weasley, elles ne considéraient pas son histoire d'amour comme une erreur. Agatha Greengrass semblait trouver plus triste que stupide que Harry ait pu s'éprendre d'un meurtrier et Serena Black parlait de sa relation avec Drago sans être mal à l'aise, comme si le fait que ce soit deux hommes lui semblait naturel. Andromeda dit clairement qu'elle avait de la peine pour son neveu. Elle le plaignait, elle savait ce que c'était de grandir dans cette famille et qui sait ce qu'on l'aurait forcée à faire si elle n'était pas partie. Sa sœur Narcissa avait toujours été trop romantique et trop amoureuse de Lucius, elle l'avait suivie dans ses choix les plus sombres et voilà où ça l'avait menée. Honte à elle d'avoir entrainé son fils dans cette horreur au lieu de le protéger de Voldemort et de Kyle Long. Harry ne pouvait que hocher la tête, un peu heurté par la dureté qu'il devinait dans le ton d'Andromeda. Ce n'était pas si surprenant toutefois, elle avait tout de même été élevée par Druella et Cygnus elle aussi, avec Bellatrix et Narcissa. Il n'arrivait pas à l'imaginer.

Quand il eut terminé son thé et ses biscuits, Harry suivit Teddy dans sa chambre et joua une heure avec lui. Il avait de nombreux jouets pour enfants sorciers que Harry ne connaissait pas et qui l'enthousiasmèrent presque autant que Teddy lui-même. Harry se promit de venir plus souvent et de prendre la place qui lui revenait dans la vie de son filleul. Après tout, en dehors de sa grand-mère, qui lui restait-il ? Harry se souvenait à quel point il avait été heureux de rencontrer Sirius, à quel point il avait aimé l'entendre parler de son père. Il ferait la même chose avec Teddy, il lui dirait à quel point son père avait été un bon professeur, comme il était humble, généreux et courageux. Andromeda se chargerait de parler de Tonks, elle la connaissait mieux que Harry. Et Teddy saurait qu'il pouvait être fier d'être le fils de ses parents, même s'il ne les rencontrerait jamais.

Harry finit par redescendre avec Teddy. Les trois femmes bavardaient calmement, de leurs enfants manifestement. La fille de Serena travaillait à Ste Mangouste, d'après ce que Harry comprit, tandis que Daphné s'entrainait dur pour le prochain spectacle de Harry ne savait quoi. Et Astoria, comment allait-elle ? Agatha eut une seconde d'hésitation avant de répondre.

- Elle va bien, merci. Elle est plus forte qu'elle en a l'air.

Harry savait qu'il avait déjà croisé les filles Greengrass, Daphné surtout. Elle était souvent avec Pansy et Millicent. Pour autant, il n'arrivait pas vraiment à se la rappeler. Les trois amies se turent en entendant Harry arriver et Andromeda lui sourit.

- Vous avez bien joué ? Demanda-t-elle.

Harry bredouilla quelque chose sur le fait que Teddy était drôle et mignon, ce qu'Andromeda savait certainement bien mieux que lui. Serena tendit les bras et souleva le petit garçon de terre pour l'embrasser sur la joue.

- Viens voir tante Serena.

- Tu n'es même pas sa tante, fit remarquer Agatha avec un sourire moqueur.

- Oh par la barbe de Merlin, Agatha ! Je suis ce qui s'en rapproche le plus ! Je suis aussi prête d'avoir des petits-enfants qu'Elliott de faire pousser des tomates, je peux bien passer ma frustration sur cet adorable petit garçon.

- Ce n'est pas gentil, Elliott fait ce qu'il peut, il n'a pas la main verte, c'est tout.

- Il les tue, ces pauvres plantes, voilà la vérité ! Il ferait mieux d'arrêter et de se trouver un autre hobby.

Agatha fit un geste qui signifiait qu'elle n'y pouvait rien et que ce n'était pas son problème. Harry les observait, souriant bêtement. Maintenant, il se sentait à l'aise. Ces femmes avaient quelque chose de réconfortant. Il se demanda si sa mère leur aurait ressemblé, en vieillissant. Agatha posa ses yeux sur lui et reprit son sérieux. Serena également. Elle garda Teddy sur ses genoux, sans doute pour l'occuper pendant que les autres parlaient.

- Je n'ai qu'une seule question à te poser, en réalité, dit Agatha. Je voulais savoir si Drago avait déjà tué quelqu'un, avant Kyle Long.

Harry fut surpris par la franchise de la question. Il écarquilla un peu les yeux et hésita à répondre.

- Pourquoi me le demander à moi ? fit-il avec méfiance.

- Parce que tu connais Drago depuis longtemps et que vous êtes assez proches pour qu'il ait pu te confier certaines choses.

Harry resta silencieux quelques secondes avant de répondre.

- Non, il n'a jamais tué personne à part Kyle.

- Tu en es sûr ?

- Oui. J'ai même des preuves de ça, j'ai des souvenirs. Voldemort a ordonné à Drago de tuer Dumbledore mais il n'a pas réussi à le faire, j'étais là. J'ai aussi entendu Bellatrix se moquer de Drago parce qu'il n'avait soi-disant pas assez de courage pour achever les prisonniers.

Le visage d'Andromeda se ferma et devint aussi dur que de la pierre. Serena eut une moue méprisante et Agatha n'eut aucune réaction.

- Très bien, merci Harry. C'est tout ce que je voulais savoir.

- Vous serez au procès ? demanda Harry à brûle-pourpoint. Vous allez le défendre ?

- Je ferai mon travail et j'essaierai de rétablir la justice, dit prudemment Agatha.

Harry lui lança un regard insatisfait, il avait espéré mieux. Comme d'habitude, il ne put s'empêcher de se sentir hargneux dès qu'on parlait de Drago et de cette affaire.

- Kyle Long méritait amplement de se faire massacrer après ce qu'il avait fait à Drago. J'aurais fait la même chose à sa place. Drago ne devrait pas aller pourrir à Azkaban toute sa vie pour ça !

S'il espérait choquer les trois femmes, Harry fut déçu. Agatha resta parfaitement impassible, comme s'il venait simplement de lui raconter sa journée. Andromeda, le visage toujours fermé, se pencha légèrement au-dessus de la table. Elle n'avait jamais autant ressemblé à Bellatrix.

- Bien sûr, dit-elle avec une rage latente qui sourdait dans sa voix.

Harry tressaillit.

- Andromeda… souffla Serena d'un ton d'avertissement.

- Quoi ? cracha Andromeda. Tu ne vas tout de même pas me dire, Serena, que tuer des gens pour le bien d'une cause plus grande te tracasse ! Surtout pas toi !

Serena Black la fixa sans répondre, l'air pas vraiment heurtée par l'accusation. Son silence énerva davantage Andromeda.

- S'il n'y avait pas eu Teddy, j'aurais…

- Ils sont morts, coupa durement Serena. Bellatrix et Dolohov, ils sont morts.

- Oui, mais ce n'est pas assez. J'aurais dû tuer ma salope de sœur moi-même, plus tôt, bien plus tôt, avant qu'elle tue ma fille ! Voilà ce que j'aurais dû faire !

Harry la regarda, bouche bée. Il n'avait jamais vraiment réalisé que c'était Bellatrix qui avait tué Tonks mais il en eut la chair de poule. Il se souvint que Ted et Andromeda avaient été torturés pendant la guerre, quand les Mangemorts étaient à sa recherche à lui. Il savait que Ted avait été tué par des Rafleurs, bien sûr. Puis Tonks et Lupin… Harry contempla Andromeda avec compassion et horreur. Il oubliait, parfois, qu'il n'était pas le seul à avoir souffert et à avoir tout perdu. Harry se sentit encore plus misérable de ne pas être venu voir Teddy plus tôt. L'enfant, d'ailleurs, regardait sa grand-mère avec de la crainte, se demandant pourquoi elle avait crié.

- Andromeda… dit doucement Agatha.

Andromeda cacha son visage derrière ses mains, comme si elle avait honte de s'être emportée. Harry devina qu'elle pleurait plus qu'il ne le vit.

- J'aurais dû être là, ce jour-là. Au lieu de garder un bébé, j'aurais dû aller me battre aussi, pour mon mari, pour ma liberté, pour protéger ma fille. J'aime beaucoup Molly, mais c'est moi qui aurais dû combattre Bella et en finir. Elle aura été mon poison durant toute ma vie et elle continuera à l'être jusqu'à ma mort. J'aurais dû me débarrasser d'elle bien avant.

Harry s'aperçut que Serena Black avait posé ses mains sur les oreilles de Teddy pour l'empêcher d'entendre. Elle se pencha vers son amie avec un mélange de compassion et de réprobation.

- Ce bébé, c'est le fils de ta fille ! Tu devais le protéger, il n'y a aucune honte à cela. Qui d'autre aurait pu le faire sinon toi ? Il est tout ce qui te reste, il faut le chérir.

- Nymphadora aurait dû rester et s'occuper de son bébé, elle venait d'accoucher. Elle aurait dû rester et j'aurais dû y aller. Jamais je ne me pardonnerai pour ça.

- Elle était Auror, elle voulait se battre, c'est normal qu'elle y soit allée, dit Agatha d'un ton apaisant.

- Elle était surtout mon seul et unique enfant, rétorqua durement Andromeda.

Un silence triste et pesant accueillit sa dernière déclaration. Serena et Agatha n'avaient pas perdu d'enfant et elles mesuraient la chance qu'elles avaient. Elles savaient aussi, au fond d'elles, que la peine d'Andromeda était justifiée et qu'elles ne pouvaient pas atténuer sa douleur.

Andromeda essuya les larmes sur son visage et se leva pour disparaitre dans la cuisine. Harry n'avait pas osé prononcer le moindre mot et il n'osa toujours pas. De l'autre côté de la table, Agatha Greengrass lui fit un pâle sourire, comme pour lui dire que c'était ainsi et que personne n'y pouvait rien. Andromeda revint, les yeux rouges et bouffis mais l'air calmée. Elle prit Teddy dans ses bras et le serra contre elle tout en se tournant vers Harry.

- Je suis désolée, dit-elle. Tu ne viens pas souvent et pour une fois que tu es là, je perds mon sang-froid.

- Non, pas de problème, assura Harry. Je vous comprends parfaitement.

En fait, cela lui plaisait d'avoir vu Andromeda dans cet état et il se rendit compte que c'était de cela dont il avait besoin. Il avait besoin de gens qui étaient emplis de haine et de colère autant que lui, de gens qui n'essayaient pas de se raconter des mensonges de pardon et tolérance. Il en avait marre de ces discours fades et débiles qu'on lui servait, de la droiture de Ron et d'Hermione, de la résilience des Weasley. On avait tué leur fils, pourquoi n'étaient-ils pas en colère ? Harry ne les comprenait pas. Il était en colère, lui, il débordait de colère. Sirius, Cédric, ses parents, Remus, Tonks, Fred, Dumbledore. On les lui avait arrachés et il était submergé de haine et de fureur. Il avait besoin de l'exprimer, besoin d'être avec des gens qui étaient comme lui et qui étaient capables d'entendre ses émotions sans en être choqués. Des gens comme Drago, Andromeda et même Serena et Agatha qui ne semblaient pas particulièrement heurtées que leur amie veuille assassiner sa propre sœur. Elles étaient tristes pour elle, oui, mais pas choquées. Et Harry sentait qu'elles avaient essayé de retenir les propos d'Andromeda uniquement parce qu'il était là et qu'il y avait Teddy. Il se sentit apaisé tout à coup, comme si la rage d'Andromeda avait un peu atténué la sienne. Décidemment, oui, il reviendrait la voir.

OoOoOoO

L'attente du procès était longue mais passait en même temps trop vite. Harry ne savait même plus ce qu'il attendait vraiment. Il savait qu'après le procès, tout serait terminé, qu'il perdrait Drago pour de bon et que sa vie perdrait le peu de sens qui lui restait. Harry passa donc ces journées à errer chez lui, à tourner en rond et à se ronger les sangs. Il alternait entre des moments d'exaltation où il dressait des plans pour faire libérer Drago et s'enfuir avec lui, des moments de désespoir accablant et des moments de résignation rationnelle où il se disait que Drago méritait tout de même d'aller en prison. Il ne savait lesquels de ces moments lui apportaient le plus de paix. Et parfois il se demandait s'il n'avait pas hâte que Drago soit condamné pour que tout cela se termine enfin.

Deux jours avant le procès, Harry écrivit un message à Nestor Achab pour le supplier de le laisser voir Drago une dernière fois avant qu'il soit envoyé en prison. Normalement, les proches y avaient droit et puisque Drago n'avait aucun proche à part Harry, il demandait à Achab de bien vouloir lui faire cette faveur. La lettre manquait de dignité, Harry en avait conscience mais tant pis. De toute façon, il pouvait difficilement tomber plus bas. Nestor lui répondit qu'il pourrait venir voir Drago la veille du procès à sept heures du soir. Harry trouva l'horaire étrange mais ne protesta pas et se rendit au Ministère à l'heure dite, fébrile et anxieux.

Nestor Achab en personne l'attendait et l'entraina rapidement vers les cachots. Il n'y avait plus grand monde dans les couloirs du Ministère, la plupart des employés étaient rentrés chez eux. Harry leva les yeux vers le dos raide d'Achab. Il n'osa pas demander s'ils étaient en train de faire quelque chose d'illégal ou non mais Harry en avait l'impression. Ou du moins, il avait l'impression que Nestor n'avait pas l'intention de crier sur tous les toits qu'il avait laissé Harry rendre visite à Malefoy. Ils franchirent les grilles qui séparaient les différents couloirs, saluèrent les policiers de garde qui s'y trouvaient mais ne s'attardèrent pas. Enfin, Achab s'arrêta devant une porte, la tapota de sa baguette et l'ouvrit d'un geste déterminé. Harry s'avança pour contempler la cellule de Drago, petite, étroite mais tout de même dotée d'une vraie couchette, d'un vrai lavabo et de vraies toilettes. Drago se leva de son lit, surpris sans doute de voir Harry mais ne prononça pas un mot. Achab se râcla la gorge.

- Tu as deux possibilités, Harry, prévint-il. Tu peux rester une heure avec Malefoy au bout de laquelle je viendrai te récupérer en partant ou bien tu peux passer la nuit ici, auquel cas je viendrai te chercher à la première heure demain matin.

Harry regarda son ancien chef avec une expression d'ahurissement vaguement stupide. Nestor eut l'air agacé et fit un geste de la main comme pour balayer d'éventuelles remarques.

- Une… amie proche m'a demandé d'être généreux et de te faire une dernière faveur. Alors voilà.

Harry se demanda qui était cette amie en question mais bien sûr, il ne posa pas la question. Gêné, il se tourna vers Drago.

- Est-ce que tu préfères que je reste toute la nuit ou est-ce que tu préfères rester seul pour te préparer à… au procès ?

Drago fut reconnaissant à Harry de poser la question de cette manière. Il lui permettait de refuser sa présence sans que cela n'ait l'air blessant.

- Je veux bien que tu restes toute la nuit, dit Drago.

Il s'empêcha de croiser le regard d'Achab, conscient que cette formulation évoquait des sous-entendus embarrassants.

- Bien, alors, conclut Nestor. Je viendrai tôt demain matin. Tu… Tu n'es pas obligé de raconter à qui que ce soit que je t'ai autorisé à dormir là.

- Bien sûr chef. Merci.

- Je ne suis plus ton chef, rétorqua Achab d'un ton amer.

Une fois ce que ce fut dit, il referma la porte derrière lui et le verrou magique se bloqua tout seul. Harry se rendit compte qu'il était prisonnier dans une cellule du Ministère et cela l'angoissa légèrement. Ce ne serait que pour la nuit, bien sûr mais…

- Je suis content de te voir, dit la voix de Drago.

Harry se tourna vers lui et le regarda avec émotion. Il se rapprocha de Drago en essayant d'ignorer la pâleur de son visage, la maigreur de son corps ou les cernes sous ses yeux. Il caressa la joue rugueuse de Drago et sourit.

- C'est la première fois que je te vois avec de la barbe, commenta Harry.

Drago poussa une sorte de grognement d'acquiescement et caressa la main de Harry avec sa joue. C'était trop pour le cœur de Harry, il allait déborder. Harry retira sa main et serra Drago dans ses bras, à l'étouffer. L'autre lui rendit son étreinte et ils restèrent ainsi un moment, sans rien dire, à se tenir sans se lâcher. Ils finirent tout de même par se séparer et s'assirent côte à côte sur la couchette. Harry posa des questions banales sur la santé de Drago et sur ces derniers jours en prison. Drago répondit vaguement, il était bien traité, il ne souffrait d'aucune privation en dehors du contact humain. Il avait rencontré Nestor Achab et Leonora Clark plusieurs fois, pour répondre à des questions et préparer le procès. Il avait répondu honnêtement à tout ce qu'on lui avait demandé, sauf quand ils avaient voulu la confirmation que Gregory et Pansy avaient commis des meurtres. Il voulait bien avouer pour Theodore, il était mort de toute façon. La femme de Braxton Turd avait assuré que c'était Pansy Parkinson qui avait torturé et tué son mari donc il n'y avait pas vraiment de doute sur la question mais Drago n'avait pas voulu répondre. Il ne dénoncerait pas ses amis.

- En me disant ça, tu n'as pas peur que je rapporte tes propos à Achab ? Tu viens de me confirmer que ce sont bien tes amis qui ont tué les autres.

Drago se tourna vers Harry et haussa les épaules.

- Pas vraiment, admit-il. Tu comptes le répéter à Achab ?

- Non.

- C'est bien ce que je pensais.

Ils parlèrent d'autre chose. Drago avait-il peur du procès ? Oui, un peu mais il savait qu'il allait être condamné donc il s'était fait à l'idée. Au fond, il avait surtout envie qu'on en finisse.

- Il n'y a plus de Détraqueurs à Azkaban et il y a eu des améliorations, je le sais. On peut rendre visite aux prisonniers et quand j'allais voir mes parents, ils me racontaient un peu. On mange tous ensemble maintenant, dans des grandes salles. C'est dangereux car il y a des risques de bagarres mais c'est surtout bien parce que ça permet de voir d'autres gens et de parler. Apparemment, on dort par deux ou trois dans les cellules.

Drago se tendit en le disant et joua nerveusement avec ses mains.

- Si je tombe sur un codétenu sympathique, ça me fera peut-être un ami.

Ou alors ce sera l'enfer, pensa Harry. Il essaya d'imaginer ce que le codétenu pourrait faire à Drago si les choses tournaient mal et il n'eut pas beaucoup de difficultés à le faire. Il ne put retenir un frisson d'angoisse.

- Je ne laisserai plus jamais personne poser la main sur moi de toute façon, dit Drago.

Son esprit avait suivi le même chemin que celui de Harry. Ce dernier hocha la tête et serra la main de Drago dans la sienne. Il n'y croyait pas, il savait que Drago ne pourrait pas toujours se défendre mais il avait envie de lui faire confiance. Peut-être que tout irait bien et que ce ne serait pas si horrible que ça.

- Je viendrai te rendre visite, assura Harry.

- Oui, j'aimerais bien, répondit Drago avec un soulagement évident. Et puis, je vais retrouver mon père, ce sera au moins ça.

- Tu… es au courant de l'article qui est sorti sur nous, n'est-ce pas ?

- Oui.

- Et, tu crois que ton père…

- S'il le prend vraiment trop mal, je pourrais toujours lui faire croire que j'ai menti pour me servir de toi.

- Je vois, charmant, répondit Harry d'un ton sec.

Drago poussa un soupir et appuya la tête contre le mur de la cellule.

- Ecoute Harry, la vie à Azkaban, ça ne va surement pas être très agréable. Ma mission première, ça va être de survivre. Si pour survivre je dois faire croire que je te déteste ou que j'adhère encore aux idées de Tu-Sais-Qui pour que mon père et ses amis me protègent, je le ferai. J'espère que tu comprends.

- Oui, avoua Harry à contre-cœur. Je comprends. Au fond, je préfère encore savoir que ton père et Rodolphus te protègent plutôt que de penser que… enfin… que tu pourrais avoir des ennuis.

- Voilà.

Après cela, ils restèrent un long moment sans parler mais ils aimaient ce silence entre eux. Il était peut-être moins angoissant que les mots qu'ils échangeaient. Leurs corps qui se touchaient les réconfortaient et se disaient des choses qu'ils n'arrivaient pas à dire avec des mots. Drago fit savoir à Harry que l'extinction des feux se faisait à 9h30.

- C'est tôt !

- Oui mais les gardiens veulent avoir la paix le plus tôt possible.

Ils bavardèrent un peu, se turent à nouveau, puis enfin, ce fut l'heure d'éteindre. Ils se retrouvèrent dans le noir, mais pas complètement. Il y avait une sorte de lueur qui provenait de la fausse fenêtre. Même les prisonniers avaient droit à la lumière des étoiles et des réverbères. Harry fut rassuré de ne pas être dans l'obscurité totale.

Ils s'allongèrent l'un contre l'autre sur la petite couchette, ce n'était pas très confortable mais ça irait pour une nuit. De toute façon, Drago n'avait pas prévu de dormir profondément comme un bébé la veille de son procès.

- Est-ce que tu te sens mieux maintenant que tu as tué Kyle ? demanda Harry au bout de plusieurs minutes de silence.

Drago ne répondit pas tout de suite, comme s'il réfléchissait.

- Je fais toujours des cauchemars où je dois retourner à une soirée, souffla Drago. Je suis toujours mal à l'aise quand quelqu'un, surtout un homme, se rapproche trop de moi. Non, pas toi, toi c'est différent. Parfois je… je me sens sale comme si… comme s'il m'avait contaminé ou refilé une maladie dégueulasse. J'ai l'impression que ça se voit sur mon corps, qu'il n'est plus comme avant, que quelque chose cloche. J'ai des envies de vomir incontrôlables et inexplicables régulièrement. Je n'ai globalement pas très faim. Donc non, je ne vais pas vraiment mieux depuis que j'ai tué Kyle. En revanche, je me sens libéré d'une angoisse qui me pesait beaucoup. J'avais peur qu'il me retrouve, j'avais peur qu'il me fasse payer de l'avoir dénoncé, j'avais peur qu'il me fasse du mal encore et qu'il… Maintenant, je sais qu'il ne pourra plus jamais rien me faire et ça me soulage un peu. Et quand je me sens trop mal, ça me soulage aussi un peu de me rappeler ses suppliques pathétiques au moment de mourir. Je me sens un peu moins comme une merde.

Silence puis Harry expira doucement dans le noir.

- D'accord… Tant mieux quand même si tu n'as plus peur de lui.

- Oui. Harry, je t'ai raconté tout ça parce qu'il fait noir et parce que demain je vais aller à Azkaban et que je doute pouvoir raconter à qui que ce soit tous les… je ne sais pas comment le dire… toutes les répercussions ? que ça a sur moi. Alors je voulais le dire quand même à une personne, au moins. Mais maintenant que je l'ai dit, n'en parlons plus, d'accord ? Avec de la chance, les cauchemars et tout le reste, ça finira par passer au fil du temps.

- Comme tu veux. Et oui, j'espère aussi.

Harry resta immobile un instant puis il se tourna vers Drago et fit doucement glisser son bras sous la nuque. Drago se tourna lui aussi pour fixer le mur et se serra contre Harry. C'était réconfortant de penser que Harry le tenait dans ses bras de cette façon. C'était mieux que d'affronter tout cela tout seul.

- J'aurais bien aimé faire l'amour avec toi une dernière fois, pour garder ce souvenir avec moi, murmura Drago.

Harry s'apprêta à répondre mais Drago n'avait pas fini.

- Mais je ne vais pas en être capable, finalement.

Sa voix avait changé, comme s'il se retenait de pleurer. Harry le serra un peu plus dans ses bras.

- Je ne m'attendais pas vraiment à faire l'amour ici, admit Harry. Je n'en ai pas très envie non plus.

- On ne le fera plus jamais, dit Drago à voix si basse que Harry l'entendit à peine. Pourtant j'aimais ça, ça me faisait me sentir un peu moins cassé et dégoutant.

Harry fut incapable de répondre, il ne savait pas quoi dire. Il avait envie que Drago se taise et en même temps, il savait qu'il emporterait cette déclaration avec lui quand ils se diraient adieu. Et puis, c'était sans doute bien que Drago puisse exprimer ce qu'il ressentait. Harry, lui, avait toujours du mal à le faire, il ne trouvait jamais les mots, il ne voulait pas déranger ou inquiéter, il ne voulait pas paraitre faible. Drago, lui, depuis qu'ils s'étaient retrouvés, ne cessait de lui confier des choses intimes et effarantes. En réalité, ça attirait Harry et ça lui faisait peur aussi, à peu près de la même manière.

D'ailleurs, Drago n'avait pas fini. Harry pouvait sentir qu'il pleurait, aux mouvements de son corps contre le sien.

- J'ai peur, dit Drago à travers les sanglots. J'ai peur d'aller à Azkaban.

- Je sais, bafouilla Harry, bouleversé.

- J'avais peur de Tu-Sais-Qui, j'avais peur de Kyle, j'ai eu peur quand je l'ai tué et maintenant j'ai peur d'aller en prison, j'ai peur de te perdre parce que tu vas continuer à vivre alors que moi je serai enfermé là-bas. Je passe ma vie à avoir peur, je n'en peux plus, ça va me rendre fou. J'aurais aimé être courageux comme toi mais je n'y arrive pas, je suis sans arrêt terrifié de tout.

Harry ne voyait pas non plus quoi répondre à ça, il sentait qu'il allait pleurer lui aussi. Il resserra son étreinte autour de Drago en enfouit son visage dans ses cheveux blonds.

- Pardon, murmura Harry. Pardonne-moi. Je ne peux pas te sauver, je ne sais pas quoi faire, je ne peux pas.

Il avait mis fin aux autres cauchemars de Drago mais celui-là, il ne pourrait pas l'arrêter. Drago agrippa les bras de Harry et continua à pleurer sans répondre. Ils restèrent longtemps allongés de cette manière sans rien dire puis ils finirent par s'endormir, épuisés. Ils dormirent quelques heures à peine avant que l'angoisse ne les réveille à nouveau et ils attendirent la lueur de l'aube ensemble, incapables de parler ou de se regarder.