Nouvelle pause de publi demain... désolée de prévenir aussi tard


La Selkie trouvait hilarant d'aider à nettoyer Carrow. Il avait été impossible pour Drago de lui interdire de pénétrer la petite salle d'eau avec eux, alors il l'avait laissée faire, et lui avait montré comment laver les dents du détenu pendant que lui-même se débarbouillait le visage et se passait un gant de toilette humide sur le corps sans ôter ses vêtements, remerciant silencieusement la praticité d'une robe simple par rapport à un costume complet. Elle avait toutefois la capacité d'attention d'une enfant, et n'effectua sa tâche qu'à moitié, laissant à Carrow une demi gencive rougie à l'excès et un reste de bouche aussi pâteux que si elle n'y avait pas touché.

Ils discutèrent, et Drago apprit ainsi qu'à l'instar des requins, elle pouvait renouveler ses dents à volonté. Quand Drago s'en étonna, elle lui retourna sa surprise :

« Toi aussi, tes dents repoussent !

– Moi, c'est particulier. Chez la plupart des humains, elles ne repoussent pas. »

La Selkie hocha doucement la tête, comme s'il s'agissait d'une leçon à retenir.

Drago ignorait franchement pourquoi il accordait du temps à la créature. Il éprouvait une espèce de curiosité morbide pour elle, pour sa façon de le mépriser avec douceur, pour son humour malsain, pour son obsession enfantine à vouloir le nourrir comme une petite fille s'occupe mal d'un poupon de plastique.

Elle avait de nouveau ramené ce qu'elle considérait comme une nourriture appropriée pour le corps trop maigre de Drago : Plusieurs longues frites de gras. Quand il s'effraya du nombre et la prévint qu'il était hors de question qu'il n'avale tout ça, elle le rassura à sa façon :

« C'est pour que tu les fasses cuire. Ensuite, tu les mettras dans du sel. Comme ça, ils se conserveront plus longtemps, et tu pourras en manger même en mon absence. Demain, les frais comme ça ne seront plus assez sains pour que tu parviennes à les garder dans ton ventre.

– Je ne suis pas certain d'avoir assez de sel, objecta Drago.

– Il y en a plein, dans les cuisines. »

Drago frissonna. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas pensé aux cuisines. Il se demanda comment Rosier se portait.

Chaque jour, il entendait les Surveillants Brigadiers évoquer les rixes entre détenus, les indisciplines caractérisées, les blessés, les punitions… Il avait entendu plusieurs fois le Brigadier Brahmar du corridor 6, celui des prisonniers de droit commun, prononcer le nom d'Ackerley : L'homme avait une certaine influence parmi les siens, son maigre salaire de cuisinier le rendant infiniment plus riche que ses compatriotes. On retrouvait de la poudre de corne de Licorne ou d'ailes de Fées dans sa cellule, mais il y avait toujours quelqu'un pour endosser la responsabilité du méfait à sa place, et il s'en sortait systématiquement. Il avait été blessé dans la première émeute, mais rien de grave.

A propos de Rosier, cependant, aucune nouvelle. Drago ignorait même dans quel corridor il était emprisonné, n'ayant jamais entendu son nom dans la bouche d'aucun Surveillant, que ce soit en bien ou en mal. Pas de bagarre, pas d'arme, pas de blessure, pas de vagues… Un véritable fantôme. Drago se sentait un peu coupable d'avoir abandonné l'homme. Ils n'avaient jamais véritablement été amis, mais tout de même : Il y avait eu quelque chose entre eux. Il lui avait maintenu la tête pour l'empêcher de se briser la nuque sous la douleur. Il ne l'avait pas lâché, même quand l'huile bouillante s'était renversée. Puis il l'avait encouragé à fuir.

« Je ne suis pas ta seule amie ? » demanda la Selkie d'une voix étonnée, tirant brusquement Drago de ses pensées.

« Comment ça ? marmonna-t-il.

– Tu pensais à quelqu'un d'autre que moi, expliqua-t-elle en fronçant les sourcils et le nez. Mais en émettant la même odeur que tu as quand tu penses à moi. »

Drago ricana nerveusement.

Parfois, elle donnait l'impression de pratiquer une sorte de légimancie primitive, devinant sans problème son état d'esprit ou – avec un peu plus de difficultés – le sujet de ses préoccupations.

Il était vrai que la Selkie et Rosier provoquaient peu ou prou le même genre de sentiments contradictoires chez lui : Un mélange de crainte, d'indécision et de d'attachement immature.

« J'ai un ami », concéda-t-il, et bien que le mot soit largement surfait. « Il s'appelle Rosier. Mais je ne l'ai pas vu depuis longtemps. Je ne sais pas s'il va bien.

– Oh, vous aussi vous avez des noms ?! Tu en as un, toi ? s'exclama-t-elle d'un ton jovial.

– Je m'appelle Malfoy. Drago Malfoy, précisa-t-il. Et toi ? Tu as un nom ?

– Oui, bien sûr ! Je ne suis pas un animal ! »

Elle éclata de rire, puis prononça un son qui ressemblait davantage au bruit des vagues qu'à un mot. Une espèce de « Lshl' » que Drago tenta de répéter, sans y parvenir.

« Ce n'est pas grave, abandonna-t-elle au bout de plusieurs essais. Avec ces lèvres-là, il est difficile à prononcer. Tu peux m'appeler Lucile. C'est comme ça qu'elle le disait, au début.

– Je vais continuer d'essayer », promit-il tout de même, ayant toujours aimé apprendre des langues nouvelles.

« Si tu veux ! sourit Lucile en ayant l'air d'apprécier l'effort. Je m'en vais, maintenant ! A demain, Malfoy-Drago-Malfoy ! »

·

Au moins tous les deux jours, Potter et Kenaran s'exilaient ensemble, soit dans le carrosse, soit dans le Hangar, et travaillaient sur de nouvelles techniques, qui étaient ensuite enseignées au reste des combattants, ou non.

Drago avait pu voir les résultats de quelques-uns de ces conciliabules : Potter parvenait désormais à invoquer plusieurs Patronus en même temps, même s'il les dirigeait alors mal. Il pouvait aussi faire varier la taille du cerf qu'il invoquait, qui prenait alors la taille d'un loup ou d'un éléphant, sans que ni sa force, ni sa rapidité ne varient. Ils avaient également réussi à faire pousser à l'animal des brames graves et profonds, majestueux et terrifiants. Des sons qui ressemblaient un peu trop au Cridurut pour que Drago ne s'en inquiète pas. Il protégeait alors les oreilles de Carrow en s'interrogeant sur la pertinence et l'utilité de l'exercice.

Ils avaient torturé l'animal spectral en le recouvrant de Sang de Détraqueur pour étudier sa vitesse de décomposition.

L'expérience avait visiblement épuisé le Survivant qui avait lentement perdu toutes couleurs jusqu'à presque s'évanouir.

Et pourtant, les Surveillants, les Aurors, les Maléfistiniens, tous continuaient à le blâmer pour les déconfitures successives. Ils s'étaient même mis à l'accuser pour avoir laissé les Welbert tenter d'unir leurs Patronus, lui qui s'était opposé à l'expérience plus longtemps qu'aucun autre…

Et Potter continuait de refuser de s'accorder une pause, tant qu'il n'aurait pas regagné l'estime de cette bande de crétins ingrats.

Le pire là-dedans, c'est que ça fonctionnait : Plus ils étaient cruels avec lui, et plus il s'humiliait, acceptait la critique et se calmait. Les yeux étaient doux et craintifs, le sourire timide et discret. Il n'avait plus adressé un regard cruel à Drago, la voix glaciale ne s'était plus élevée…

Après le repas du midi, Drago laissa un mot d'absence à Potter. Il abandonna Carrow sur la plage avec les mains liées dans le dos et son protège-oreilles passé autour du cou. Il aurait été plus raisonnable de le confier à Nguyen, mais Drago n'avait toujours pas digéré la remarque de celui-ci comparant la relation qu'il entretenait avec Potter avec celle qui le liait à son père.

Il rejoignit les appartements du Directeur. Avec la guérison de sa main droite, il pouvait désormais de nouveau utiliser les plumes d'Agapornis pour avancer rapidement sur les comptes-rendus à rédiger en plusieurs exemplaires. Il récupéra quelques autres affaires utiles, puis se rendit dans la chambre pour faire ce qu'il avait en tête.

Il aurait pu utiliser sa baguette. Il hésita franchement à le faire. Il la sortit même de son étui, la tint fermement dans sa main dominante et la brandit devant lui en réfléchissant à la meilleure façon d'organiser les choses… Puis il la rangea de nouveau dans la manchette de cuir et fit de son mieux, manuellement.

Potter débarqua plus d'une heure plus tard. Drago s'était réinstallé à la table d'acajou où il terminait de trier de nouveau son courrier. Malheureusement, la vaste majorité des missives « non urgentes » avaient dû être reléguées au rang des lettres à ignorer, le retard rendant toute réponse obsolète.

Potter vint immédiatement se poster dans son dos, et déposa devant lui le petit mot qu'il lui avait laissé :

« Aménagement appartement 3ème étage »

« Je peux avoir une explication concernant ton ordre des priorités ? interrogea Potter d'une voix amusée contre son oreille.

– Tu m'as dit que je pouvais prendre les choses en mains, répondit Drago en inclinant la tête pour laisser un meilleur accès à son cou aux baisers de Potter. Donc, j'ai préparé la chambre. »

Les mouvements de Potter cessèrent immédiatement.

« C'est-à-dire ? » demanda-t-il.

C'était à dire qu'il avait évidemment échoué. Il n'y avait pas de draps de soie dans la penderie de Potter, alors il s'était rabattu sur le satin le plus doux qu'il avait dégoté. Il avait bien déniché les dizaines de bougies nécessaires, mais s'était rappelé que ces artefacts, s'ils n'étaient pas correctement enchantés, brulaient et disparaissaient en quelques heures à peine. Ignorant combien de temps il faudrait au Survivant pour venir le rejoindre, il ne les avait donc pas allumés. Concernant les pétales de roses, c'était peine perdue, là aussi. Il avait récupéré des épluchures de mandarines et des feuilles d'agrumes pour créer un motif délicat sur le sol et le lit. Au moins, l'odeur était agréable, bien que moins subtile que celle des fleurs fanées.

Potter n'avait accordé que quelques secondes d'attention à tout ça avant de retourner son regard vers Drago et de respirer un peu plus fort et profondément qu'il n'en avait l'habitude.

Drago qui était pour sa part incapable de le regarder, et sentait son visage brûler d'embarras.

« T'as l'air de regretter de t'être lancé là-dedans, observa finalement Potter d'un ton taquin.

– Un peu, admit Drago, fuyant toujours son regard.

– Ok, je te laisse gérer les choses. Dis-moi quoi faire.

– Enlève déjà tes chaussures. Et… Et tes lunettes, aussi… »

Sa gêne était tellement palpable qu'elle en allégea l'atmosphère. En alternant les ordres, les ricanements nerveux, les fou-rires et les supplications, ils parvinrent toutefois à s'allonger face-à-face dans le lit.

Leurs yeux étaient plus rieurs qu'excités, mais tous deux se calmèrent doucement en se fixant silencieusement. Un éclat heureux et complice les habitait toujours.

Au bout d'un moment, Drago leva une main pour caresser doucement la joue de Potter, puis ses sourcils épais, la ligne de sa mâchoire, ses lèvres roses… Ses doigts étaient légers et agités d'un tremblement discret, comme s'il avait peur d'abimer le visage détendu qui s'offrait à lui. Ça n'avait rien de franchement érotique, et Potter finit par fermer les yeux pour le mettre davantage à l'aise. Drago se permit des gestes qu'il n'avait jamais osé avec personne : effleurer le bout des cils, toucher les paupières fines et sentir les mouvements de l'œil en dessous…

A un moment, un Patronus Messager apparut dans son dos, et les yeux verts se réouvrirent immédiatement, alertés par la lumière soudaine. Drago réagit tout aussi prestement en fermant les oreilles de Potter avec la pulpe de ses majeurs.

Potter lui sourit franchement et ferma de nouveau les yeux.

La voix de Savage s'éleva, mais seul Drago l'entendit : Un message pour informer Potter que telle brigade d'exploration était rentrée et qu'il n'y avait rien à signaler. L'Auror avait toutefois jugé bon d'en faire le signalement.

Quand la lumière du Patronus s'éteignit, Drago se rapprocha un peu pour faire écran de son corps si un autre message devait arriver, et poursuivit ses caresses. Le souffle de Potter ralentit jusqu'à être remplacé par un ronflement discret. Drago ne s'arrêta pas.

Il avait toujours du mal à mettre un mot sur les sentiments qu'il éprouvait pour Potter. Il savait depuis longtemps qu'il s'était trop attaché. Nguyen avait parlé d'abnégation, mais le terme était insultant pour décrire la douceur qui l'habitait quand il pouvait caresser ses cheveux ou croiser son regard au milieu d'une foule de Sorciers. Potter le faisait rire, Potter le faisait espérer, Potter lui donnait envie de lui.

Presque comme un couple.

Potter utilisait l'expression « faire l'amour » comme il utilisait le verbe « baiser », en savourant le fait qu'elle poussait Drago dans ses retranchements…

Aimer…

Le terme ne convenait pas vraiment non plus. Drago aimait la présence de Potter. Il aimait discuter avec lui, rire avec lui, le découvrir, le laisser le découvrir. Il aimait le toucher, il aimait son touché. Il aimait aussi sa personnalité, sa façon de douter, son courage, l'abnégation réelle qu'il avait pour ses semblables. Sa manière de ne pas être comme il le fallait, de se laisser emporter, d'être lui-même, de porter son propre visage

Mais aimait-il Potter ?

Il espérait, au fond de lui, que non.

Aimer était dangereux. Aimer était une faiblesse.

Il fut incapable de calculer combien de temps avait passé quand Potter finit par ouvrir de nouveau les yeux. Ce qui était sûr, c'est que trois Patronus avaient pris le temps de délivrer d'autres messages sans intérêt. A chaque fois, Drago avait protégé le sommeil du Survivant comme une mère Dragone aurait protégé ses œufs. Il avait surveillé que ni la lumière, ni le son ne viennent troubler son repos.

Il avait pourtant senti le réveil approcher : Les yeux s'étaient agités sous les paupières closes, des reniflements un peu plus sonores avaient commencé à ponctuer les ronflements doux…

Quand Potter s'éveilla tout à fait, la première chose qu'il vit fut les iris gris de Drago qui le fixaient. Il sembla interloqué quelques secondes, puis ses yeux s'arrondirent tandis que son visage se décomposait lentement, faisant ricaner l'homme qui l'observait en silence.

« Je me suis endormi ?

– De toute évidence.

– Merde, ça craint ! » gloussa honteusement Potter en se cachant le visage. « Longtemps ?

– Juste le temps dont tu avais besoin. »

Potter laissa briller un œil vert entre deux doigts : « Tu m'en veux ?

– Non, sourit Drago. Je n'avais encore jamais fait l'amour de cette façon-là. J'ai beaucoup aimé.

– Je vais avoir du mal à faire plus romantique la prochaine fois, alors ! » s'exclama Harry avec un grand éclat de rire.

Harry…

« Harry. »


Nouvelle pause de publi demain... désolée de prévenir aussi tard