Cela faisait des jours, voire des semaines qu'elle y travaillait. Tôt était le début de sa journée, les oiseaux ne chantaient pas encore et le soleil n'avait pas pointé le bout de son nez. Même si c'était l'été et que la chaleur pointait souvent le bout de son nez, la jeune femme était heureuse de se retrouver à son travail avec l'air climatisé.

Elle s'était trouvé un petit appartement dans le centre-ville près du laboratoire. Quelques minutes en voiture et la voilà rendu à destination. À son grand étonnement, le laboratoire lui avait offert un logement directement sur le lieu de travail. Elle avait refusé par politesse et elle avait l'impression d'avoir blessé le Dr. Brenner, mais elle lui avait expliqué que ce n'était pas personnel. Après tout, elle avait besoin de prendre l'air et voir le soleil de temps en temps.

Comme presque tous les matins, Annabelle se levait, se préparait, déjeunait, embarquait dans sa voiture pour se rendre au laboratoire, stationnait sa voiture dans l'espace réservé à son nom, rentra et présenta sa carte pour y entrer. Une routine de la vie d'adulte qu'elle suivait sans se plaindre.

Des gardiens de sécurité surveillaient le stationnement et l'entrée. N'importe qui aurait remarquer que la sécurité était l'une des qualités dans cet établissement. Elle était partout. Des gardiens de sécurités, des caméras, des agents et un système informatique dernier cri que ce soit à l'extérieur ou à l'intérieur. C'était comme si Brenner avait des yeux partout. Rien ne lui échappait et il ne voulait que rien lui échappe. Cela ne la dérangeait pas beaucoup. Après tout, on était supposé se sentir en sécurité dans cet endroit qui cachait des enfants aux pouvoirs surnaturels. Rien ne pouvait arriver.

-Bon matin! Comment allez-vous aujourd'hui ? Demanda le garde du nom de Stanley.

Il était jeune. Peut-être environ son âge. Fidèle au poste, l'homme l'accueillait les employés avec son sourire. Il était avec un certain Miller, responsable des gardes, et de Blackmon. Ces derniers la regardèrent légèrement avec un sourire, mais elle renvoya son sourire seulement à Stanley. Elle ne faisait pas confiance aux autres...

-Je vais bien, merci. Et vous? Demanda-t-elle par politesse.

-Oui. Très bien. Merci! Passez une agréable journée.

Ce furent les seuls mots échangés avec lui. Elle détestait la façon dont Miller la regardait. Il y avait quelque chose de malsain dans son regard. Elle n'avait pas le temps pour les bavardages. La Dr. Ellis devait l'attendre dans son bureau. Ce dernier se trouvait proche de la salle arc-en-ciel, sur le même étage. Elle devait prendre l'ascenseur pour y descendre, ce qu'elle fit en présentant encore une fois sa carte employée pour y accéder.

Il était incroyable la quantité de fois ou elle devait présenter sa carte pour passer chacune des portes. L'ascenseur, le bureau, les chambres, les salles de tests...Sans doute, voulait-on s'assurer qu'on soit autorisé à pénétrer les pièces.

La porte s'ouvrit à sa destination et dans sa précipitation pour sortir, la jeune assistante rentra dans un autre employé. Ses affaires s'écrasèrent sur le sol tel un tableau de vitrail. Ses papiers se retrouvèrent éparpillés, mélangés et ses crayons roulèrent un peu plus loin. Cela n'avait pas vraiment d'importance, car elle se tourna vers la personne qu'elle avait importunée et voulut s'excuser. Cependant, les mots restèrent dans sa gorge.

- Toutes mes excuses, se désola Peter en la regardant encore une fois dans les yeux. Je n'ai pas fait attention. Laissez-moi ramasser vos effets personnels. C'est le mieux que je peux faire.

Et il le fit avant même qu'elle puisse dire quoi que ce soit. Quelques instants plus tard, son corps réagissait en sortant de sa stupeur et elle se précipita pour aller ramasser ses crayons et les remet dans son coffre en murmurant des excuses. Peter avait déjà tout ramassé et attendait qu'elle eût terminé. Il se tenait debout, presque devant elle dans une attitude dominante, mais rassurante.

-Merci! Mais c'est plutôt moi qui dois s'excuser. Je suis sorti et je n'ai pas regardé ou j'allais, dit-elle en se relevant.

Elle constata qu'il était grand. Très grand. Il la dépassait d'une tête, voire plus.

-Oh! Ce n'est rien. Vous n'êtes pas blessé, c'est l'essentiel, dit-il en lui tendant ses affaires.

Lorsqu'elle prit ses affaires, ses doigts effleurèrent les siens avec douceur et elle sursauta légèrement au contact de sa peau. Les doigts de Peter restèrent un peu plus longtemps sur ses mains comme s'il voulait vraiment la toucher. Le contact déclencha un appel dans sa tête, puissant, lui donnant un mal de tête. Soudain, il se retira rapidement lorsqu'il remarqua qu'elle avait observé son geste.

-Qu'est-ce que c'était ? Demanda-t-elle brusquement, surprise de son ton.

-Tu l'as toi aussi, murmura-t-il presque.

Il sourit une fois de plus avec une lueur d'espoir dans le regard. Elle eut presque envie de fondre, mais aussi de courir. Elle eut l'impression aussi que son sourire était sincère autant que ses excuses, mais que tout cela semblait aussi faux que vrai. C'était la première fois qu'ils avaient une conversation tous les deux. La plupart du temps, ils se croisaient uniquement dans la salle arc-en-ciel. Elle ne lui parlait pas, mais elle ne pouvait s'empêcher de l'observer.

-La prochaine fois, penser à regarder des deux côtés avant de sortir.

-Oui, pardon….Mais ce n'est pas ce que je v.. s'excusa-t-elle encore perplexe.

-Je vous souhaite une magnifique journée, Annabelle Walker.

Aussitôt, il partit. D'un pas rapide et les mains derrière son dos, il ne se retourna pas. Mais il souriait, heureux. Encore troublée, elle partit vers sa propre destination. Elle mit cet événement dans le coin de sa tête en arrivant dans le bureau du Dr. Ellis.

La veille femme l'accueillit avec un petit sourire et son air professionnel. Par chance, Annabelle n'était pas en retard. Cela ne lui était jamais arrivé. Elles se mirent immédiatement au travail lorsqu'Annabelle eut terminé de déposer ses objets personnels sur sa table. Elles remplirent et préparèrent les documents pour la journée, allumèrent les ordinateurs, s'assurèrent des protocoles de sécurités et discutèrent des améliorations à apporter sur certaines choses. Dr. Ellis semblait très satisfaite de ses progrès en matière de rédaction et la complimenta sur son talent de faire des graphismes. Tout semblait dans l'ordre. Et si Dr. Ellis était satisfaite, il était probable que le Dr. Brenner l'était également. Certes, sa supérieure n'avait rien à lui reprocher.

-J'espère que vous avez passé un agréable week-end. Il a fait très beau.

-Oui. J'ai profité un peu du soleil, mais vu que ma peau est sensible, je ne reste pas longtemps.

Elle était rousse. Par conséquent, sa peau était beaucoup plus sensible au soleil que la plupart des autres personnes.

-Le Dr. Brenner est très satisfait de votre travail sur vos graphismes. Vous pourrez continuer sur cette voie. Nous devons nous rendre pour un test. Allons-y.

Puis, elles quittèrent leur bureau pour se diriger dans la salle d'observation. Il y avait un test ce matin concernant tous les sujets. Il s'agissait d'un test simple à première vue, mais complexe. Un pichet d'eau était déposé sur une table et un verre vide s'y trouvait à côté. Les sujets devaient faire léviter le pichet pour verser l'eau dans le verre, sans en mettre partout. La patience et la minutie allaient être des alliés dans celle-ci.

Les femmes rentrèrent et constatèrent qu'elles étaient les dernières arrivées. Les deux autres scientifiques, Robert et Adam, s'y trouvaient déjà prêts. Leurs notes y étaient installées. La rouquine avait compris qu'elle devait sans cesse innover pour rester ici et c'est exactement ce qu'elle faisait.

Brenner rentra dans la pièce où elles se trouvaient. Elles étaient derrière une vitre. Si les sujets ne pouvaient pas les voir, les scientifiques pouvaient voir les sujets s'adonner aux tests.

-Bonjour, Mademoiselle Walker et Dr. Ellis. Qu'elles sont vos prédictions pour aujourd'hui concernant les différents sujets? Demanda-t-il à l'adresse des deux femmes.

-Je crois que les sujets deux, trois, quatre et cinq vont réussir l'épreuve. Quant aux autres, ils risquent de se corser. Le test sera sans doute plus difficile pour les sujets plus jeunes, expliqua la Dr. Ellis en approuvant ses dires de la tête.

-Je suis d'accord, approuvai Annabelle. Je dois rajouter que le sujet de test onze et dix-sept seront les plus décevants.

Des rats de laboratoire. C'était l'image qu'elle avait en tête pour ces pauvres enfants. Elle tenta de rester neutre vis-à-vis d'eux.

-Très bien. C'est ce que je pense aussi. Surtout via nos analyses.

Deux réussit l'épreuve avec succès sans renverser une seule goutte. C'était surprenant étant donné qu'elle trouva le garçon comme celui des plus agressif des sujets.

Trois et quatre réussirent également. Cinq réussit même si elle manqua de renverser l'eau et six égalements.

Sept fit briser le pichet d'eau. Il avait mis trop de pression.

Neuf et dix renversèrent de l'eau à côté. Onze aussi, mais elle manqua de briser le pichet.

Quant aux autres, ils firent presque tous en échec.

Puis, la routine reprit sans encombre. Elles retournèrent au bureau pour finaliser les rapports avec le test de ce matin et faire des comparaisons avec les anciens résultats pour constater des changements. Annabelle fit ses graphismes et ses feuilles sans aucune faute. Puis, elles allèrent manger.

Personne ne mangea en même temps. Tout le monde avait un horaire différent. Annabelle se retrouva seule dans la cafétéria à ce moment-là. Sa supérieure la quitta pour une routine de travail et elle la reverrait après son heure de dîner. Se retrouver seule ne la dérangeait pas. Le silence enveloppa ses sens et après avoir mangé son repas, elle prit le reste de son temps pour sortir son livre.

Lire lui donna une sensation de s'évader de la routine du travail, d'effacer le stress et le souci du travail quotidien. Si c'était possible, elle serait sortie pour aller faire un tour à la bibliothèque municipale pour chercher des trésors que ce soit des ouvrages sur les reptiles, des romans de fantaisie ou des bande dessinées. Pour l'instant,elle parcourut plusieurs pages sans regarder ailleurs, trop absorber par les mots écrits de la main de Stephen King. Elle adorait les histoires d'horreur. Trouvant fascinante l'idée de trouver des histoires avec des monstres ou du surnaturel la divertissait et la fascinait.

Cependant, la chair de poule la prit en faisant hérissée les poils de ses bras et ce n'était pas son livre qui lui fit cet effet. Elle leva les yeux et croisa le regard de l'ange déchu assied plus loin. La jeune femme ne l'avait pas remarqué lorsqu'elle s'était installée, à moins qu'il ne soit arrivé après. Lorsqu'elle avait pénétré à la cafétéria, il n'y avait pourtant personne. Elle en était certaine.

Ses yeux se levèrent de sa feuille et il lui sourit. Encore un contact visuel.

Elle remarqua qu'il dessinait. Ne sachant quoi répondre et qu'elle était maladroite socialement, elle retourna à son livre.

-Qu'est-ce que tu lis? Demanda la voix de Peter.

Il était maintenant devant la table à laquelle elle s'était installée. Debout l'observant. Sa présence était moins dominante, juste curieuse de la sienne, tâtant le terrain.

-Oh. Shining de Stephen King. Il est sorti depuis peu. C'est un roman d'horreur.

-J'ai bien aimé Carrie. Je n'ai pas eu la chance de lire Shining, expliqua-t-il en prenant place en face d'elle. Est-ce que tu penses que tu pourrais me prêter ton livre lorsque tu auras terminé?

-Bien sûr. Mais l'attente risque d'être longue. Je ne suis pas une lectrice rapide.

-J'attendrai. J'ai tout mon temps.

-Justement tout à l'heure, je…

-C'est oublier. Tu n'as pas à te faire du souci. Des accidents peuvent se produire, dit-il rapidement.

Ce n'était pas vraiment ce à quoi elle faisait référence. Elle avait l'impression qu'il voulait éviter à tout prix d'en parler ou était-ce son imagination...Peter affichait un calme impeccable tel un chat attendant l'heure du repas.

Un sourire fendit le visage du bel infirmier.

Un silence suivit. Court, mais elle eut l'impression qu'il était dans l'attente à ce qu'elle parle. Ce qu'elle ne fit pas. Puis, il sortit une feuille de son carnet à dessin. Il poussa la feuille pliée en quatre vers elle.

-Pour toi.

Puis, il se leva et parti sans un regard. Les mains de la rouquine déplièrent la feuille et elle constata qu'elle avait été le sujet de son dessin. Avec ses doigts délicats, il avait tracé le moindre détail de ses traits, de ses cheveux et de ses yeux comme un artiste de rue.