CHAPITRE 4 - UN RENDEZ-VOUS IMPOSE

Ce matin-là, don Diego et Bernardo avaient sellé leurs chevaux et s'étaient rendus à Los Angeles pour avoir des nouvelles des deux voleurs que Zorro avait combattu la nuit dernière. Lorsqu'ils arrivèrent sur la plazza de Los Angeles, les habitants étaient en pleine effervescence. Intrigué, don Diego fit arrêter son cheval et Bernardo l'imita.

- Que se passe-t-il Bernardo ? Ce n'est pas jour de marché pourtant, s'interrogea le jeune homme.

Son compagnon fit signe que non et qu'il n'en savait rien.

Ils se rapprochèrent au pas. La foule s'amassait devant la taverne mais don Diego ne parvenait pas à voir ce qu'elle y faisait et les raisons de cet attroupement. Les gens s'arrêtaient quelques instants puis repartaient pour laisser la place aux suivants, discutant ensuite par petits groupes.

Un bruit de sabots fit trembler le sol. Le sergent Garcia, accompagné de quelques lanciers, sortait de la caserne, donnant l'ordre de disperser la foule de peones. Un murmure d'indignation se fit entendre mais le rassemblement finit par se dissocier, sans beaucoup de bonne volonté toutefois, récriminant souvent et insultant parfois les soldats. Don Diego et son serviteur sourd-muet descendirent de cheval et les attachèrent à la barrière en bois qui se trouvait devant la taverne. Il s'approcha du sergent qui houspillait les traînards.

- Buenos días, sergent, souhaita-t-il amicalement.

Le sergent se retourna et sa face s'illumina.

- Oh, buenos días, don Diego. Et toi aussi, Bernardo, ajouta-t-il en faisant un signe de la main.

- Eh bien, sergent, reprit le jeune homme, vous semblez avoir des ennuis, ce matin.

- Oh, don Diego, c'est que la vie d'un militaire n'est pas toujours facile et la population ne comprend pas toujours que nous faisons notre devoir.

- Expliquez-moi, sergent, reprit le jeune homme. Pourquoi cette foule autour de la taverne ? Une mauvaise nouvelle ?

- Oh non, don Diego ! Enfin, je veux dire, pas qui concerne le village, se reprit le sergent. C'est une affiche qui s'adresse à Zorro.

- Vraiment, sergent ? Je suis impatient d'en savoir plus. Mais racontez-moi tout cela plutôt à l'intérieur, voulez-vous ? Il fait une chaleur étouffante aujourd'hui. A l'intérieur, autour d'un verre, bien sûr, précisa don Diego avec un sourire éblouissant.

Le sergent afficha soudainement une mine réjouie.

- Oh, gracías, don Diego.

Et il suivit avec beaucoup d'empressement le jeune hacendado.

- Maria, une bouteille de vin et deux verres, s'il vous plaît, appela ce dernier, une fois qu'ils se furent assis à une table.

- , don Diego, tout de suite, répliqua la jeune serveuse avec un sourire enjôleur.

Elle revint bientôt avec la commande et don Diego lui tendit deux pesos.

- Alors, engagea le jeune homme, dites-moi, sergent, que dit cette affiche ?

- C'est un message à l'adresse de Zorro. J'ai reçu ça, ce matin, avec ordre de le placarder.

- Tiens, c'est étrange...

- Vous trouvez ? Cela provenait de Monterey, de la demeure du gouverneur.

- Ah, si c'était du gouverneur ... Et que dit l'affiche ? interrogea don Diego.

- Elle somme Zorro de se rendre à Monterey dans les plus brefs délais sans quoi son refus entraînera des conséquences graves pour tous ceux que Zorro a protégés par le passé.

Le jeune homme fronça les sourcils malgré lui : ce comportement était étrange de la part du gouverneur.

- Comment ça, sergent ? Je ne comprends pas, fit-il avec un sourire engageant.

- C'est pourtant bien simple, don Diego, expliqua le sergent. Zorro doit se rendre à Monterey pour discuter avec le gouverneur. Si Zorro refuse, hem ... eh bien ... je ne sais pas exactement ce qu'il se passera mais le peuple risque d'en souffrir.

- Ah, je vois, fit don Diego. Et vous n'en savez pas plus ?

- Non, don Diego. Vous savez, je suis un militaire, moi, j'obéis aux ordres qu'on me donne.

Le jeune homme n'insista pas alors qu'il brûlait d'en savoir plus.

- Au fait, j'ai appris que deux voleurs avaient été capturés cette nuit grâce à vous, sergent. Comment cela est-il arrivé ? s'informa-t-il.

Le sergent Garcia reposa la chope qu'il venait de vider d'une traite.

- Ah ça, don Diego, c'est le fruit d'une longue poursuite dans les collines de Los Angeles. J'ai mené mes hommes dans des sentiers escarpés à la poursuite de ces deux bandidos, nous avons chevauché longtemps et au bout de plusieurs heures de course dans les collines, j'ai finalement réussi à les capturer par moi-même. Ils sont maintenant en cellule, sous bonne garde. Ils seront jugés après-demain.

- Félicitations, sergent, se réjouit don Diego en lui donnant une claque amicale dans le dos. Voilà qui vous conforte dans votre rôle de commandant de la place de Los Angeles.

- Gracías, don Diego, se rengorgea le gros homme.

Le jeune don échangea un regard entendu avec son serviteur et ami. Ils savaient tous deux ainsi bien l'un que l'autre que Zorro n'était pas tout à fait étranger à cette capture. Malgré tout, lorsqu'il sortit de la taverne, suivi de Bernardo, il avait le front soucieux.

- Tu as bien entendu comme moi, Bernardo ? lança-t-il, caché par les chevaux. Que Zorro devait se rendre à Monterey sous peine de voir souffrir ses amis…

Le sourd-muet hocha la tête. Cela ne présageait rien de bon mais ils n'en savaient pas plus.

- Voilà un nouveau travail pour notre ami Zorro, soupira le jeune homme en enfourchant sa jument bai.

Bernardo l'imita, le front soucieux lui aussi et tous deux s'éloignèrent bientôt du pueblo de Los Angeles en direction de l'hacienda des De la Vega.