Bonjour à tous !
Me revoilà pour la suite ! :D Pour ce chapitre, petit changement d'ambiance, j'espère que ça vous plaira !
Bonne lecture !
Chapitre 3 - Le voeu
Les ruines du pays de Clow luisaient sous la lumière froide de la lune. Le vent du désert avait échancré ces vestiges au fil du temps et les avait galbés en forme d'ailes dont les pointes s'étiraient l'une vers l'autre, comme pour se toucher. Sous ces témoins silencieux du passé serpentaient de longs escaliers qui conduisaient à une salle souterraine. Immense et circulaire, la grotte était couronnée d'ogives situées à plusieurs dizaines de mètres de hauteur, qui se rejoignaient pour former une monumentale voûte de granit. Sous cette coupole s'échelonnaient, sculptées de la main même de la nature, des dizaines de vasques de pierre à la surface polie par une eau claire. Elles descendaient, tels les gradins d'un théâtre grec, vers le cœur de la grotte. Là où aurait dû se trouver la scène antique, un large bassin miroitait sous la lumière dansante de flammes qui flottaient à quelques centimètres de la surface sans jamais s'éteindre. L'eau fraîche débordait des vasques supérieures vers les vasques inférieures pour finalement se jeter dans le bassin principal. Leur écoulement cristallin tissait un rideau lisse et brillant autour du bassin. L'ondulation de l'eau, éclairée par les flammes magiques, se réverbérait sur les voûtes en longues traînées mouvantes et bleutées. La mélodie des cascades, lente et régulière, rompait à peine le silence sacré qui imprégnait le lieu.
Au milieu du bassin, entourée d'un cercle de feu follets, Sakura tendit la main devant elle et ferma les yeux. L'eau s'agita et un cercle magique luminescent apparut à sa surface : en son centre brillaient deux étoiles à cinq branches, superposées l'une sur l'autre. Elles étaient toutes deux contenues dans un cercle, de part et d'autre duquel étincelaient un soleil et un croissant de lune. Des rafales dorées s'élevèrent du cercle magique, les cheveux de la jeune fille s'envolèrent, le vent fit claquer les pans de sa robe et ses manches. L'eau tout autour d'elle s'anima, les gerbes s'entrelacèrent, dansèrent, formèrent des arabesques avec un son cristallin. La jeune fille sentit son corps s'élever lentement, ses pieds quitter le fond du bassin et émerger de l'eau. Bientôt, elle flotta au-dessus du pentagramme éblouissant, dont les deux cercles s'étaient mis à tourner, chacun en sens opposé à l'autre. La main toujours tendue, les yeux toujours fermés, Sakura crispa légèrement ses doigts et rassembla toute son énergie : elle devait y arriver. C'était la douzième fois qu'elle le tentait, ce jour-là, elle savait qu'elle était tout proche de son but.
Elle concentra toute la puissance de son esprit dans sa paume droite et invoqua le sortilège. Des volutes bleutées jaillirent du cercle magique, aussi souple et liquide que l'eau du bassin. Elles l'enveloppèrent lentement, telles des gouttes de rosée qui se refermeraient sur une fleur. La magie caressa sa peau comme une brise douce et fraîche. Pourtant, le sort qu'elle invoquait ne réussissait pas totalement à se concrétiser ; Sakura fronça les sourcils, crispa plus encore sa paume. Elle visualisa le visage de Shaolan et se servit de l'énergie que cette vision lui inspirait pour renforcer son sortilège. Soudain, son corps lui sembla plus léger et bientôt elle ne sentit plus du tout son poids.
Elle ouvrit les yeux, le cœur battant : ses pieds, ses bras et ses mains commençaient à se dissoudre. D'ici peu, elle allait disparaître entièrement. Au sentiment d'exultation qui l'envahit se mêla aussitôt la panique : elle devait arrêter, vite ! Ce n'était pas encore le bon moment ! Elle agita la main droite et rompit le sortilège. Aussitôt, son corps se rematérialisa, le cercle magique s'évanouit et ses pieds s'enfoncèrent dans le bassin. Le ballet de filets d'eau retomba dans une pluie scintillante qui mouilla ses cheveux et ses vêtements. Puis, le silence retomba sur la grotte où ne murmuraient que les cascades.
Sakura pressa ses deux mains contre son cœur et un sourire étira ses lèvres. Elle avait réussi. Enfin. Après tant d'heures, tant de mois d'exercice, elle avait réussi. Le sort s'était activé si vite qu'elle avait à peine eut le temps de savourer sa victoire. À présent, elle allait pouvoir accomplir son vœu. Rien qu'à cette pensée, la joie l'envahissait toute entière. Même si Yukito pouvait le faire, elle avait souhaité y parvenir par elle-même. Elle voulait se prouver qu'elle en était capable et démontrer à Shaolan qu'elle avait travaillé durement pendant son absence. Toutefois, maîtriser le voyage entre les dimensions était loin d'être simple ; c'était même l'un des sorts les plus difficiles à générer pour un magicien, un sort pour lequel il lui fallait normalement s'exercer pendant plusieurs décennies. Mais Sakura disposait de dons particuliers et elle les avait mis à profit pour accélérer sa formation. Elle s'était poussée dans ses derniers retranchements, avait exploité ses pouvoirs jusqu'à la moelle pour en tirer toute la substance magique dont elle avait besoin. Elle voulait apprendre le plus vite possible, car c'était à ce prix qu'elle réaliserait son vœu. Mais apprendre de manière aussi précipitée aurait pu la conduire à une mauvaise maîtrise de ses dons. Or, elle désirait développer sa magie avec finesse, lui conférer la puissance qu'un magicien expérimenté a su acquérir à force d'entraînement. Pour cela, il n'y avait qu'une solution : doubler, tripler le temps qu'elle dédiait chaque jour à s'exercer. Elle avait donc travaillé entre douze et quatorze heures par jour depuis le départ de Shaolan.
À cet instant, elle entendit des pas descendre les marches de l'un des escaliers qui menaient au bassin central. Elle rouvrit les yeux et se retourna : un jeune homme aux cheveux d'un gris argenté, aux lunettes rondes et vêtu d'un manteau à capuche la dévisageait en souriant. Il tenait dans la main droite un long sceptre dont l'extrémité prenait la forme d'un croissant de lune ailé.
– Ah, Yukito, c'est toi !
– Bonsoir, princesse Sakura. Comme il se faisait tard et que tu n'étais pas revenue au coucher du soleil, je suis venu te chercher. Cela fait deux jours que tu n'es pas rentrée au château.
– Je sais … mais je termine souvent tard mon entraînement et ensuite, je n'ai pas la force de retraverser le désert.
– Il faut te ménager.
– Ne t'en fais pas, j'emporte toujours à manger pour tenir plusieurs jours lorsque je viens ici ! Mais ce soir, je vais rentrer pour dîner avec papa, maman, Toya et toi … parce que j'ai quelque chose à vous annoncer.
Yukito haussa les sourcils : il avait perçu le changement d'intonation dans la voix de la jeune fille, trahissant l'intense émotion qu'elle éprouvait. La princesse releva la tête vers lui et souffla, le regard brillant :
– J'ai réussi, Yukito … ça y est, je peux traverser les dimensions.
Le jeune prêtre écarquilla les yeux, stupéfait. Il savait que Sakura possédait des dons exceptionnels et une volonté de fer qui lui permettrait de persévérer jusqu'à ce qu'elle atteigne son but. Mais tout de même, découvrir qu'elle était parvenue à maîtriser un tel sortilège au bout de deux ans de pratique alors qu'il lui en avait fallu plus de dix pour arriver au même niveau le laissa stupéfait.
– C'est … c'est incroyable ! Mes félicitations !
– Comme la plupart des mages, je ne pourrai le faire qu'une seule fois, ajouta-t-elle avec un petit sourire. Je n'ai pas la puissance qu'avait Yuko-san ou celle que possède Fye-san … mais une fois, ce sera largement suffisant pour ce que je veux faire.
Yukito sourit : cela faisait bien longtemps que Sakura n'avait eu l'air aussi heureuse. Le sourire qui illuminait son visage était entier et la tristesse qui l'avait accompagnée pendant tant de mois avait complètement disparu.
– Rentrons au palais. Toya et tes parents seront sans doute contents d'apprendre la nouvelle. Je t'ai apporté un manteau : les nuits sont froides dans le désert.
– Merci, Yukito.
Trois quart d'heure plus tard, ils pénétraient dans le château royal du pays de Clow et se rendirent immédiatement dans la salle à manger. Fujitaka et Nadeshiko, les souverains du royaume et parents de Sakura, ainsi que Toya, son frère aîné, discutaient près d'une fenêtre en attendant de passer à table. Cette dernière avait été dressée et couverte de mets appétissants où se mêlaient viandes, galettes de céréales et payus, un fruit que Sakura affectionnait particulièrement.
– Et voilà la princesse ! annonça Yukito gaiement.
– Sakura ! s'exclama son père. Yukito a réussi à te convaincre, je suis content que tu dînes avec nous ce soir !
La jeune fille embrassa ses parents et son frère d'un regard, puis, avec un sourire, elle déclara :
– En fait … j'ai quelque chose d'important à vous dire.
Une lueur étonnée passa dans les yeux de Fujitaka et de Toya. Nadeshiko, elle, baissa les yeux.
– Tu as réussi, n'est-ce pas ?
Cette fois, ce fut au tour de Sakura de paraître surprise.
– Comment le sais-tu, maman ?
– Je l'ai vu en rêve. Je savais que cela arriverait bientôt, même si j'ignorais le jour exact.
– Oh, je vois ... eh bien, tu avais raison. Je suis parvenue à invoquer le sortilège qui permet de voyager entre les dimensions : je le maîtrise, désormais.
La princesse vit défiler de nombreuses émotions dans le regard des membres de sa famille, mais deux lui parurent plus forts que les autres : la joie et la peine. Ils savaient ce qu'impliquait cette victoire qu'elle venait d'obtenir et rien qu'à cette pensée, ils sentaient leur cœur se serrer : Sakura allait les quitter. Cependant, si cela lui permettait d'être heureuse, alors ils seraient heureux également. Fujitaka lui sourit et déclara :
– Dans ce cas, nous devrions célébrer cela autour d'un bon repas !
Sakura acquiesça et prit place à table en compagnie de ses parents, de Toya et Yukito. Elle voulait graver leur visage dans sa mémoire, car une fois partie, elle ignorait combien de temps s'écoulerait avant qu'elle ne les revoie. Le dîner fut particulièrement animé, on discuta, on joua aux cartes et on se sépara tard.
Lorsqu'elle monta dans sa chambre, la lune luisait déjà haut dans le ciel. Elle retira sa robe et passa une chemise de nuit, puis écarta les voiles de son lit à baldaquins et se glissa dans son lit. Lorsqu'elle ferma les yeux, elle sourit : cette nuit, elle devait voir quelqu'un.
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Quand Sakura ouvrit de nouveau les yeux, elle flottait dans une obscurité sans relief ni profondeur. Au milieu de ce vide nu et noir se dressait un majestueux cerisier en fleur. Au bout de ses longues branches explosait un feu d'artifice de fleurs délicates. Un vent soufflant de nulle part secoua ces petits nuages roses et dispersa dans l'air une pluie de pétales. Sakura en recueillit quelques-uns dans sa main et sourit. Après tout, la première fois qu'elle l'avait rencontré – ou plutôt, que son clone l'avait rencontré – c'était déjà au pied d'un cerisier.
Ainsi qu'elle l'espérait, une silhouette ne tarda pas à apparaître au pied de l'arbre. C'était un jeune homme brun, de haute stature et vêtu d'un long kimono brodé de lotus. Ses traits étaient ceux d'un adolescent de dix-sept ans, mais le temps n'avait plus d'emprise sur lui. Il ouvrit les yeux, l'un d'un marron presque doré, et l'autre d'un bleu profond. Il remonta ses lunettes sur son nez et reconnut alors Sakura. À la surprise qui se peignit sur son visage succéda aussitôt un sourire bienveillant.
– Bonsoir, Sakura-chan …
– Bonsoir, Kimihiro-kun.
– Je suis content de te revoir. Si tu es là, cela veut dire que …
– Oui, j'ai réussi.
Un sourire doux et généreux illumina le regard de Watanuki. Une lueur qui disait à elle seule le bonheur qu'il ressentait pour elle, car ses efforts avaient fini par payer.
– Tu peux être fière de toi, Sakura-chan.
– Merci. J'arriverai demain matin à la boutique.
– D'accord, je t'attendrai.
– Tu ne trouves pas cela curieux que dans chaque rêve où nous nous rencontrons, il y ait toujours un cerisier ?
– Puisque c'est ton rêve, Sakura-chan, cela ne m'étonne pas.
Les adolescents se sourirent, et à cet instant, le noir mat qui entourait la princesse enveloppa l'atmosphère comme un rideau de gaze. Le cerisier et le visage de Watanuki disparurent sous son voile et bientôt, le néant l'entoura.
Au même moment, Sakura se réveilla. Elle passa une main sur son visage et se rendit compte qu'elle souriait encore. Elle tourna la tête vers la fenêtre de sa chambre : les dunes du désert rosissaient à l'approche de l'aube, il serait bientôt l'heure. Elle se leva, et lorsqu'elle posa le premier pied par terre, elle eut la conviction qu'elle faisait un premier pas vers l'avenir. Elle s'habilla, puis prépara ses affaires.
Un quart d'heure plus tard, elle retrouva ses parents, Toya et Yukito dans salle du trône. À cette heure-ci, le grand hall était désert. Le premier demi-cercle du soleil jaillit de l'horizon et déversa sur le dallage de la salle une lumière rosée pleine d'espoir. La fraîcheur de la nuit se faisait encore sentir et se mêlait aux premiers rayons du jour déjà empreints de tiédeur. Sakura resserra sa cape à capuche sur ses épaules : elle ignorait où se trouvait Shaolan, Fye et Kurogane actuellement. Ces derniers temps, Moko-chan les avait fait beaucoup changer de dimensions et elle avait perdu leur piste, elle devait donc être prête à affronter n'importer quel climat. Elle remonta la lanière de son sac en bandoulière sur son épaule et dévisagea tour à tour son père, sa mère, son frère et Yukito.
– Merci à tous de m'avoir soutenue pendant ces deux ans. C'est grâce à vous que j'ai réussir à maîtriser ce sortilège aussi rapidement.
– C'est surtout grâce à tes efforts, souligna son père.
– Non. Si vous n'aviez pas été là, si vous ne m'aviez pas encouragée, je n'y serais pas arrivé aussi vite.
Fujitaka sourit et prit sa fille dans ses bras. Puis, Nadeshiko l'enlaça à son tour.
– N'oublie pas, murmura-t-elle. Quoi qu'il arrive, nous pourrons toujours nous contacter par rêve. Tous les rêves sont liés. Je te souhaite d'être heureuse, ma petite Sakura.
– Merci, maman.
La jeune fille se détacha de sa mère, puis se tourna vers son frère et Yukito. Toya croisa les bras :
– Avec tout ce que tu as fait pour lui, ce Shaolan a intérêt à prendre soin de toi. Sinon, je lui ferai connaître ma façon de penser.
Sakura sourit.
– Merci de t'inquiéter pour moi.
– Je ne m'inquiète pas ! Je dis juste qu'avec leur manie de se fourrer dans des problèmes pas possibles, ce gamin et ses amis ont souvent risqué leur peau. Je ne veux pas que tu sois malheureuse à cause d'eux.
– Merci de t'inquiéter pour eux aussi.
– Je ne m'inquiète pas, je te dis !
La jeune fille rit.
– Aide bien papa à gouverner le royaume.
– Évidemment, qu'est-ce que tu crois ?
– Yukito, dit Sakura en se tournant vers le prêtre. Je voulais te remercier pour ton aide et tous les précieux conseils que tu m'as donné pour m'améliorer, pendant ces deux ans. Je te dois en grande partie mes progrès. Je suis désolée, je sais que tu aurais voulu faire de moi la nouvelle prêtresse du royaume de Clow, mais ce ne sera finalement pas possible. J'espère que tu trouveras un nouveau disciple à guider.
– Je trouverai. Même s'il lui faudra sans doute beaucoup plus de temps qu'à toi pour apprendre tous les sortilèges que je lui enseignerai.
– Je sais que tu seras un bon professeur.
Elle adressa un dernier regard à sa famille.
– Prenez soin de vous.
Ils hochèrent la tête. La jeune fille tendit alors la main devant elle et ferma les yeux. Le cercle étoilé par lequel se matérialisait sa magie apparut de nouveau sous ses pieds et des rafales dorées s'en élevèrent comme une brise fraîche. Elles enveloppèrent le corps de la jeune fille, tissèrent une goutte d'eau étincelante autour d'elle. Lentement, la goutte se replia sur elle-même, se rapetissa, jusqu'à disparaître. Quand la dernière volute se fut évaporée, le cercle magique s'éteignit et se volatilisa à son tour. Le vent retomba et le silence s'installa dans le palais. Fujitaka, Nadeshiko, Toya et Yukito relevèrent la tête vers le désert, que le cercle encore pâle du soleil de l'aurore illuminait d'une douce lueur : Sakura avait pris sa décision. Elle était maître, désormais, de son destin.
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Watanuki leva les yeux vers le ciel pastel du petit jour. Le soleil faisait flamboyer les cimes des plus hauts immeubles de Tokyo et bientôt, sa lumière s'étendrait à toute la ville. Il posa son plateau sur la terrasse de la boutique et embrassa du regard le jardin soigneusement entretenu : les fleurs et les arbustes brillaient de la rosée du matin, dégageant une odeur d'herbe fraîche apaisante. Sakura-chan arrivait, il le sentait. À cet instant précis, le ciel se déchira, les nuages se tordirent et touchèrent bientôt la pelouse de son jardin. La goutte magique éclata en mille volutes étincelantes et Sakura-chan se redressa, une expression triomphante sur le visage.
– J'ai réussi …
Watanuki lui sourit.
– Félicitations, Sakura-chan. Pour un premier voyage dimensionnel, qui plus est vers ma boutique qui se trouve sur un plan à part, c'était très bien contrôlé. Je sais que tu as sans doute hâte de repartir, mais avant, est-ce que ça te dirait de prendre un petit-déjeuner avec moi ? Je l'ai préparé spécialement pour toi.
– C'est vraiment gentil de ta part, Kimihiro-kun. Ce sera avec plaisir.
Ils s'assirent sur la terrasse et Watanuki leur servit deux bols de thé fumant. Tandis qu'ils mangeaient avec appétit, le jeune homme lui demanda :
– Tu as réfléchi à la compensation ?
Sakura porta un bol de thé à ses lèvres et fronça les sourcils.
– Oui. J'ai conscience que ce que je demande vaut très cher. Le clone de Shaolan, Fye-san et Kurogane-san avaient payé un grand prix pour pouvoir voyager entre les dimensions. Alors, voilà ce que j'ai décidé …
Watanuki l'écouta attentivement, puis hocha la tête.
– Oui, ce sera suffisant. Tu es sûre que tu ne le regretteras pas ?
– Non. Pas si cela me permet d'être avec Shaolan.
Watanuki sourit : rien ne surpassait la force d'un vœu, et plus particulièrement ceux qui concernaient les désirs des hommes. Il l'avait constaté à plusieurs reprises et Sakura lui en offrait à nouveau la preuve. Il se leva et désigna le jardin.
– Alors, je t'en prie : mets-toi au milieu de la pelouse.
La jeune fille s'exécuta. Watanuki se plaça face à elle et tendit la main devant lui. Un cercle apparut de nouveau sous les pieds de Sakura, mais cette fois, il était pourvu en son centre d'un soleil inséré dans trois carrés superposés, bordé d'un croissant de lune contenu dans un cercle. Encore une fois, des volutes magiques s'enroulèrent autour du corps du Sakura. La jeune fille sentit un souffle frais s'échapper lentement de sa poitrine, comme un fluide qui aurait fait partie de son âme ; « ma compensation », songea-t-elle. Puis, la goutte magique se referma sur elle et elle se sentit aspirée à travers un couloir dimensionnel. L'instant suivant, elle avait disparu. Le silence retomba sur le jardin baigné d'un soleil brumeux. Les gouttes de rosée glissèrent sur les feuilles des arbustes et tombèrent sur l'herbe comme des perles de cristal. Watanuki leva la tête vers le ciel et sourit : pourvu que son voyage soit heureux !
