Bonjour à tous !

Tout d'abord, je m'excuse pour ce mois d'absence, je suis vraiment désolée ! J'ai dû déménager, changer de région et commencer un nouvel emploi, ce qui ne m'a laissé que peu de temps pour l'écriture. Je suis de retour, mais étant donné que j'ai perdu l'avance que j'avais sur mes chapitres déjà écrits, je vais peut-être espacer un petit peu mes actualisations le temps de reprendre le rythme. Rassurez-vous, ça ne devrait être que temporaire.

Ce mea culpa effectué, je vous souhaite à tous une bonne et heureuse année 2023 ! Qu'elle vous offre la santé, la joie et de belles découvertes.

Et pour bien commencer tout ça, je vous propose de retrouver nos héros juste après leur bataille contre les insectes cauchemardesques qui leur ont sauté dessus dans le chapitre précédent. Aujourd'hui, accrochez-vous bien, Mokona fait travailler ses méninges !

Bonne lecture à toutes et à tous :)


Chapitre 32 - Les insectes d'Ingvar

Épuisés par la résistance qu'ils avaient opposée aux insectes et encore médusés par la puissance de Fye et de sa mère, Shaolan et Sakura reprirent lentement leurs esprits. Le mage s'approcha d'eux, inquiet :

– Sakura-chan, Shaolan-kun, vous allez bien ? Ces créatures ne vous ont pas fait de mal ?

– Non, ça va, acquiesça Shaolan. Merci à vous d'être intervenus …

Hideki fit un pas en direction de sa femme.

– Chii … tu as … retrouvé l'usage de tes pouvoirs ?

La jeune femme le dévisagea et dans son regard, son mari lut une fermeté qu'il ne lui avait pas vue depuis longtemps.

– Je n'avais pas le choix. Fye était en danger.

– Les insectes s'en sont pris à toi ? comprit Sakura en se tournant vers leur ami.

– Oui, mais je vais bien, ne vous inquiétez pas.

– Mais enfin, qu'est-ce que c'était ces trucs ? s'exclama Kurogane.

Chii et Fye échangèrent un regard.

– Je ne sais pas, répondit Fye sombrement. Mais il s'en dégageait un pouvoir d'une noirceur répugnante …

Mokona fronça les sourcils : ces insectes pouvaient-il avoir un rapport avec la paire d'ailes qu'il avait cru apercevoir dans le dos d'un passant, à Tirmeíth ? Et cette sensation qu'il avait éprouvée en percevant l'aura de Chii … Pendant une brève seconde, il avait cru détecter la présence de Fye, avant de comprendre qu'il ne s'agissait pas leur ami. Quand le magicien recourrait à ses pouvoirs, Mokona reconnaissait son aura comme une sorte d'empreinte qui lui serait personnelle, mais avec Chii, la sensation était différente. Les sorts qu'il l'avait vue lancer avaient résonnés en lui avec force, comme si quelque chose dans ce pouvoir faisait écho à son être intime. Et brusquement, Mokona comprit.

– Mokona sait !

Ses amis sursautèrent et se tournèrent vers lui.

– Qu'est-ce tu sais, la brioche ? dit Kurogane. Quelque chose à propos des bestioles qu'on a affrontées ?

– Non, non, pas du tout ! Mokona sait pourquoi il a pu vous transporter à l'intérieur d'un même monde, depuis le palais de Valeria jusqu'à Tirmeíth !

– Vraiment ? s'étonna Shaolan. Pourquoi ?

– Parce que Chii était là.

– Comment cela ? fit la jeune reine, interloquée.

– Juste avant que Mokona ne déploie ses ailes, il a ressenti une énergie. À ce moment-là il ne savait pas d'où elle venait, mais maintenant il le sait : elle provenait de Chii, de sa magie qui devait être sur le point de se réveiller. C'est cette magie qui a donné à Mokona la force de vous téléporter à l'intérieur d'un même monde.

– Mais pourquoi la magie de son altesse Chii te donnerait cette faculté …? dit Sakura perplexe.

– Ça, Mokona ne sait pas.

Ses amis froncèrent les sourcils, intrigués, et soudain une lumière s'alluma dans le regard de Fye.

– Et si tu ressentais une énergie particulière à proximité de ma mère parce qu'elle tire directement son pouvoir du dieu Mokona ?

– Oui, ce n'est pas bête, acquiesça Shaolan. Si on part du principe que notre Mokona a été créé à l'image du dieu primordial, il serait logique qu'il ressente différemment la magie d'une personne qui a reçu directement ses pouvoirs du dieu … et que cette personne lui donne des facultés qu'il ne possède pas en temps normal.

– Dans ce cas, intervint Kurogane, pourquoi le manjuu ne ressentirait-il pas la même chose avec Fye ?

– Peut-être parce que le lien de filiation est moins direct, réfléchit Sakura. Son altesse Chii était la première à recevoir ses pouvoirs du dieu primordial, tandis que pour Fye, une génération s'était écoulée.

– Oui, acquiesça le mage, ça se tient.

– Mokona aimerait bien garder ce pouvoir, déclara la boule de poils. C'est pratique de pouvoir vous transporter à l'intérieur d'un même pays, surtout quand il y a du danger.

– Malheureusement, nous ne savons pas si ce sera possible, lui dit Shaolan avec un sourire désolé.

Au même moment et sans que le manjuu ne s'y attende, la perle au niveau de son front s'activa. Elle projeta un hologramme devant elle et la silhouette de Watanuki apparut sur l'écran de magie. Le jeune homme avait les cheveux en bataille et son kimono était débraillé, comme s'il venait tomber du lit.

– Shaolan, Sakura, Fye, Kurogane ! Où êtes-vous ? Vous allez bien ?

– Watanuki ! s'exclama Shaolan. Du calme, nous sommes tous là !

Il s'écarta pour permettre au gérant de la boutique d'apercevoir la silhouette de ses compagnons. Lorsque ce dernier constata qu'il disait vrai, il se rasséréna peu à peu.

– J'ai fait un rêve, lâcha-t-il en s'asseyant sur un canapé, le front en sueur. Un rêve où des insectes effrayants vous assaillaient …

– Tu as rêvé de ces créatures ? s'étonna Sakura.

– Ah, je savais bien que ce n'était pas qu'un rêve !

– Nous avons effectivement été attaqués par des insectes, mais nous les avons éliminés, expliqua Fye.

– Quel soulagement … aucun de vous n'a été blessé ?

– Non, tout va bien, le rassura Kurogane.

– Est-ce que tu sais ce qu'étaient ces choses ? demanda Shaolan. Nous avons senti qu'elles émettaient de la magie, mais nous n'en savons pas plus.

– Désolé, je n'ai pas plus d'informations que vous. Tout ce que je peux vous dire, c'est que dans mon rêve, ces créatures m'inspiraient un profond dégoût ….

Mokona en profita pour poser la question qui lui brûlait la langue.

– Watanuki ?

– Oui, Mokona ?

– Quand nous étions à Tirmeíth et que nous avons découvert les victimes du voleur d'âmes, Mokona a aperçu un homme avec des ailes dans le dos, au milieu de la foule. Comme il ressemblait à un humain normal, Mokona s'est étonné qu'il ait des ailes. Tu crois que ça pourrait avoir un rapport avec les insectes qui nous ont attaqués ?

À ces mots Watanuki se figea. Son cœur s'accéléra tandis qu'un souvenir refaisait surface dans sa mémoire : c'était peu de temps après qu'il ait commencé à travailler pour Yûko, à l'époque où il allait encore au lycée avec Domêki. Il avait croisé une jeune fille dans les couloirs de l'école et avait aperçu une petite paire d'ailes blanches dans son dos. Personne, à part, ne paraissait remarquer ces ailes, et Watanuki en avait déduit qu'il s'agissait d'une manifestation surnaturelle que lui seul pouvait voir. Par la suite, Domêki et lui avaient recroisé la jeune fille à plusieurs reprises. Elle s'était d'abord montrée désagréable avec eux, puis de plus en plus agressive, et à chacune de leur rencontre, Watanuki avait remarqué que la taille de ses ailes croissait. Jusqu'au jour où la jeune fille, prise d'un accès de fureur, avait blessé Domêki. Jamais ses ailes n'avaient été aussi grandes, et une créature pourvue de tentacules était sortie de son dos. C'était à cet insecte hideux qu'appartenaient les ailes, et le monstre s'en serait pris à Watanuki sans l'intervention de Yûko. Après l'incident, la Sorcière des Dimensions lui avait révélé la véritable nature de cette créature ailée.

Et aujourd'hui, Mokona lui parlait d'un homme portant une paire d'ailes dans le dos, juste après que Shaolan et ses amis avaient été attaqués par une armée d'insectes. Cela ne pouvait pas être une coïncidence. Watanuki, blême, comprit à quel péril ses amis venaient de réchapper.

– Ces insectes, balbutia-t-il la bouche sèche. Ce sont eux, les voleurs d'âmes.

– Quoi ? s'exclama Sakura.

– Vous pensiez qu'Ingvar volait les âmes des habitants de Tirmeíth grâce à un sortilège, mais c'est grâce à ces insectes. J'en ai déjà vu un agir par le passé, ils sont redoutables. Ils s'infiltrent dans le corps d'un hôte et suscitent des émotions négatives en lui afin de distraire son attention pour se nourrir de son âme.

– Oui, ça ferait sens, dit Shaolan. Toutes les victimes d'Ingvar sont devenues agressives avant de perdre leur âme.

– Les ailes que tu as vues, Mokona, continua Watanuki, appartiennent à l'un de ces insectes. Plus leur emprise sur leur hôte est forte, plus leurs ailes grandissent. Elles leur permettent, une fois qu'ils se sont rassasiés de l'âme humaine, de sortir du corps de leur hôte et de s'envoler vers le magicien qui les a créés.

Les yeux de Mokona s'écarquillèrent : voilà pourquoi les trappeurs avaient tous un trou dans leur manteau. C'était la déchirure qu'avaient pratiquée les insectes quand ils étaient sortis de leur corps.

– Vous avez eu beaucoup de chance, dit Watanuki. Vous vous en sortis indemnes alors que vous étiez cernés. L'un de vous aurait très bien pu perdre son âme.

Kurogane se tourna vers Fye. Quand il avait vu cet insecte s'introduire dans le corps de son compagnon, il avait deviné qu'il s'agissait d'un être néfaste, mais pas à ce point-là. Qu'aurait fait Ingvar de l'âme du mage ? Rien qu'à l'imaginer, Kurogane sentait ses poils se hérisser de colère.

À cet instant, Sakura étouffa un cri de terreur et plaqua sa main sur sa bouche.

– Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquiéta Shaolan.

– Vous croyez … que tous les insectes contre lesquels nous nous sommes battus transportaient une âme ? Et qu'au moment où Fye et Chii les ont détruits, ils ont aussi détruit l'âme des victimes d'Ingvar ?

Ses amis pâlirent, mais Fye et Kurogane secouèrent la tête en même temps.

– Ces insectes ne contenaient pas d'âmes, je l'aurais senti, déclara le magicien.

– Pareil pour moi, renchérit le ninja. Je n'ai détecté aucun qi dans ces monstres, ils étaient encore vides.

– Ah … quel soulagement, alors ! s'exclama Sakura.

– Si ces insectes ne transportaient aucune âme, intervint Chii, cela signifie qu'elles étaient en route pour se trouver un hôyte.

Les voyageurs déglutirent : les créatures qu'ils avaient éliminées comptaient plusieurs centaines de membres. Rien qu'à l'idée qu'elles puissent dérober autant d'âmes, ils en avaient la nausée.

– Heureusement qu'on les a tués, souffla Shaolan.

– Vous devez redoubler de prudence, les avertit Watanuki. Ingvar va rapidement se rendre compte que vous avez détruit ses créatures et il pourrait envoyer ses soldats contre vous.

– Il va aussi créer de nouveaux insectes pour compenser la perte de ceux que nous avons tués, dit Fye. Nous devons nous dépêcher, ou les habitants de Tirmeíth et de tous les pays voisins seront en danger.

– Faîtes attention à vous, leur dit Watanuki.

– Oui, acquiesça Shaolan.

Ils allaient se détourner, mais Watanuki les retint.

– Avant que je ne coupe la communication, il y a une dernière chose que je dois vous dire. Le magicien qui avait créé les insectes dévoreurs d'âme que j'ai vu avec Yuko n'était autre que Fei Wang Reed.

Les yeux de Shaolan, Sakura, Fye et Kurogane s'écarquillèrent.

– J'ignore comment cet Ingvar, si c'est bien lui, a appris le sortilège permettant de créer ces monstres, mais méfiez-vous : il s'agit sans nul doute d'un sorcier puissant.

À cet instant, l'écran qui transmettait l'image de Watanuki disparut. Les voyageurs échangèrent un regard et Sakura murmura d'une voix inquiète :

– Fei Wang Reed est bien mort, n'est-ce pas ?

– Oui, aucun doute là-dessus, dit Kurogane. On l'a vu se désintégrer sous nos yeux, il ne reviendra pas.

– Alors, comment Ingvar connaît-il le sortilège permettant de créer les insectes ?

– Un même sortilège peut être maîtrisé par des sorciers de différentes dimensions s'ils sont assez doués pour y parvenir, déclara Shaolan. Ce n'est sans doute qu'une coïncidence.

Fye pinça les lèvres. Shaolan avait peut-être raison, mais si Yûko s'était tenue parmi eux, elle aurait probablement répété que les coïncidences n'existaient pas. Ils devraient découvrir le fin mot de cette histoire lorsqu'ils mettraient enfin la main sur Ingvar.

– Nous devrions aller dormir quelques heures, dit-il. Après les combats que nous avons menés, nous en avons tous besoin.

– Une minute, l'arrêta Kurogane. Avant qu'on aille se pieuter, j'aimerais éclaircir une chose : pourquoi toi et ta mère étiez déjà sortis quand les insectes nous ont attaqués ?

– C'est vrai, nous nous sommes inquiétés pour vous ! renchérit Hideki.

– C'est ma faute, intervint Chii avant que Fye n'ait pu prendre la parole. J'ai senti le pouvoir de ces insectes, je me demandais de quoi il s'agissait … alors je suis venue voir Fye, sans réveiller personne. Il avait senti la puissance magique qui émanait des choses, lui aussi, et nous avons décidé d'aller voir ensemble de quoi il en retournait.

– Même en sachant qu'à ce moment-là, vous étiez incapable d'utiliser vos pouvoirs ? s'étonna Kurogane.

– Je croyais qu'elle serait en sécurité avec moi, dit Fye. Je ne me doutais pas que ces insectes seraient si nombreux.

Kurogane dévisagea son compagnon, sourcils froncés. Espèce de menteur. Fye percevait la magie de manière extrêmement précise, s'il avait détecté le pouvoir des collecteurs d'âmes, il avait forcément deviné qu'ils avançaient par centaines. Pourquoi n'était-il pas venu les réveiller ? Pourquoi n'était-il pas venu le réveiller ? D'habitude, il était le premier vers lequel le mage se tournait, pourquoi l'avait-il laissé derrière lui cette fois ? Parce qu'ils se faisaient la gueule depuis deux jours ? Non, c'était trop puéril. Pourquoi, alors ? Parce qu'il avait deviné que ces insectes ne pouvaient être vaincus que grâce à la magie ? Parce qu'il savait, dès le départ, que le ninja ne pourrait lui être d'aucune utilité ? À cette pensée, Kurogane eut l'impression qu'on lui enfonçait un pieu en pleine poitrine.

– Est-ce que l'insecte qui t'a attaqué a eu le temps de te faire du mal ? demanda Sakura au blond.

– Non, ne t'inquiète pas. Ma mère est intervenue à temps pour me sauver. J'ai eu de la chance que sa magie se réveille, sinon, je ne sais pas ce qu'il se serait passé.

Kurogane déglutit : pourquoi, en entendant ces simples mots, éprouvait-il ce sentiment de culpabilité ? Pourquoi se sentait-il si mal à l'aise ? Au fond de lui-même, il connaissait la réponse : parce qu'il avait été incapable de protéger Fye. Si Chii n'avait pas retrouvé ses pouvoirs, peut-être Fye ne serait-il plus qu'un corps sans âme à présent, peut-être même qu'il serait … les entrailles de Kurogane se gelèrent. Le mage avait failli mourir à de nombreuses reprises et il avait souvent douté de sa capacité à le sauver, mais il avait toujours trouvé une solution, une échappatoire, quitte à consentir à un sacrifice pour éviter l'inéluctable. Cependant, il n'avait pas réussi à faire sortir cet insecte de son corps et il avait eu peur, pendant un bref instant, que la vie de son compagnon lui glisse entre les doigts. Ce sentiment d'échec le mettait face à sa propre faiblesse. Il détestait ça. Depuis tout ce temps, il pensait pouvoir préserver Fye de tous les hommes et toutes les créatures qui s'en prendraient à lui, mais il s'était trompé. Il n'était pas encore assez fort, et s'il n'était pas assez fort, il ne méritait pas la confiance du mage.

Tétanisé par cette prise de conscience, il releva lentement la tête vers le mage. Celui-ci le dévisagea en retour, mais le ninja ne put déchiffrer les émotions qui habitaient son regard. Que se passait-il ? Pourquoi ne pouvait-il pas deviner ce qu'il éprouvait, comme d'habitude ? Pourquoi se sentait-il perdu ? La rage le prit aux tripes, et il se dirigea vers leur yourte.

– Bonne nuit tout le monde.

Ses compagnons lui jetèrent un regard surpris, mais ils étaient tous trop épuisés pour se poser des questions. Shaolan bailla et fit disparaître son épée dans sa paume.

– Kurogane a raison, il est temps d'aller nous coucher.

Il se dirigea vers leur tente, Mokona sur son épaule et Sakura sur ses talons. Hideki les imita et regagna sa propre yourte. Ce ne fut que lorsqu'ils eurent tous disparu que Fye relâcha enfin ses épaules. Lui et ses compagnons venaient d'échapper à quelque chose de pire que la mort. Lorsqu'il avait détecté la présence des insectes dans la montagne, au-dessus de leur caverne, il avait immédiatement su qu'il s'agissait de créatures néfastes, créées par un sorcier malveillant, mais jusqu'à leur conversation avec Watanuki il ignorait leur véritable nature.

Heureusement, songea-t-il avec un frisson. S'il avait su ce qu'étaient vraiment ces insectes, peut-être aurait-il paniqué en voyant Kurogane débarquer. Il n'était pas surpris que le ninja ait trouvé le moyen de le rejoindre, mais il aurait préféré qu'il reste auprès de Shaolan et Sakura. Après avoir subi l'attaque de cette immonde bestiole, Fye avait craint qu'une créature ne s'en prenne à son compagnon. S'il lui était arrivé quoi que ce soit, Fye s'en serait voulu jusqu'à sa mort. Dès le départ, il savait que ces insectes étaient différents des monstres qu'ils avaient pu affronter jusqu'à présent. Aussi, quand Chii était venu le trouver, il n'avait pas hésité.

– J'y vais, avait-il dit à sa mère.

– Tu ne réveilles pas tes amis et ton père ?

– Je ne veux pas les mettre en danger. Si ces créatures ne sont sensibles qu'à la magie, il vaut mieux que ce soit moi qui y aille.

– Ça ne te dérange pas que je t'accompagne ?

– Je ne suis pas sûr que …

– Je t'en prie. Un jour, je retrouverai mes pouvoirs, j'en suis sûr. Peut-être cela se produira-t-il cette nuit ?

– Mais …

– Je ne veux pas que tu y ailles seul.

Fye l'avait dévisagée, réticent, mais avait fini par céder : s'il refusait son aide, il savait qu'elle le suivrait en cachette. Il n'était pas son fils pour rien, et quitte à ce qu'elle s'obstine, autant l'avoir près de lui pour la protéger.

– … bon, d'accord.

– Tu ne réveilles pas Kurogane ? J'ai remarqué que tu lui faisais toujours confiance.

Fye avait jeté un œil en direction de son compagnon : c'est vrai, dans un combat, il comptait toujours sur le ninja pour l'épauler et couvrir ses arrières. Seulement, si les créatures dans la montagne étaient aussi dangereuses qu'il le pensait et que seule la magie pouvait en venir à bout, alors Kurogane serait en danger face à elles. Fye ne voulait pas lui faire prendre de risques aussi conséquents. De toute façon, il se reposait un peu trop sur le ninja dernièrement. Kurogane l'avait soutenu après la mort de Chitose, lorsqu'ils étaient entrés dans le palais des rois de Valeria, lorsqu'il avait retrouvé ses parents. Il ne pouvait pas toujours s'appuyer sur lui, il devait affronter l'adversité par lui-même. Il était donc allé explorer la montagne seul avec sa mère. Après tout, s'il s'agissait de créatures magiques, il ne voyait pas pourquoi il n'aurait pas pu les éliminer par ses propres moyens.

Seulement, il avait surestimé ses capacités et s'était fait surprendre par le nombre d'ennemis. Si sa mère n'avait pas retrouvé ses pouvoirs, il aurait très bien pu perdre son âme. Rien qu'à cette pensée Fye sentit son sang se geler. Ingvar ne devait surtout pas s'emparer de son âme, à aucun prix. Les conséquences pouvaient être désastreuses pour ses amis, pour les habitants de Tirmeíth, et plus largement de toutes les dimensions. Il allait devoir redoubler de vigilance.

– Pardon, Kuro-chan, de n'avoir été assez fort pour me protéger tout seul, murmura-t-il pour lui-même. Tu as encore dû intervenir pour m'aider, tu t'es encore mis en danger à cause de moi.

À cet instant, une petite main se posa sur son bras. Il sursauta et se retourna : Chii se tenait derrière lui, un sourire aux lèvres. Il croyait qu'elle était allée se coucher et ne l'avait pas entendue approcher. Elle lui adressa un regard rassurant.

– Ne te tourmente pas pour ce qui s'est passé cette nuit. Tu es toujours avec nous, tes amis et ton père vont bien, c'est tout ce qui importe. Les insectes que nous avons vus étaient effrayants, mais grâce à cette attaque nous savons désormais de quelle manière Ingvar collecte ses âmes.

– Oui, tu as raison.

– Et puis, tu sais, c'est normal de s'inquiéter, lorsqu'on tient à quelqu'un. Kurogane ressent sûrement la même chose à ton égard.

– … tu m'as entendu parler ?

Sa mère lui sourit.

– Toi aussi, tu t'inquiètes pour lui, n'est-ce pas ?

Fye la dévisagea, surpris, puis esquissa un sourire entendu.

– En effet.

– Tu es fort, Fye. Quand je te regarde, je mesure le fossé des ans qui nous sépare. Je me rends compte combien tu as changé et combien ta personnalité s'est forgée. Même si j'aurais aimé te voir grandir, je suis fière de voir l'homme que tu es devenu. Alors, ne sois pas trop exigeant envers toi-même.

Une chaleur inonda la poitrine de Fye, une chaleur douce et rassurante. Ce sentiment de reconnaissance envers une mère, il ne pensait pas l'avoir déjà éprouvé au cours de sa vie.

– Merci.

Chii lui sourit encore une fois, puis se détourna.

– Bonne nuit, Fye.

Le magicien l'observa rejoindre sa yourte, puis se dirigea vers la sienne : il avait grand besoin de sommeil.