Bonjour à tous !
J'espère que vous allez bien ! Tout d'abord, je veux vous souhaiter une belle et heureuse année 2024, avec la santé, la réussite dans vos projets et de belles découvertes de lectures :) Je m'excuse une fois encore d'avoir tardé à actualiser, mais me voici de retour avec un nouveau chapitre !
Sakura a réussi à s'infiltrer dans la forteresse d'Ingvar pour délivrer Shaolan. Fye et Chii devront quant à eux se rendre à Ingvar s'ils souhaitent que le sorcier ne libère pas sur le pays de Dal Gleánn les insectes dévoreurs d'âmes qu'il a créé ...
Bonne lecture à tous et à toutes !
Chapitre 44 - Stratégie
Gowan descendit les escaliers qui au troisième sous-sol, Sakura sur ses talons. La jeune fille avait recouvert sa tête d'une capuche et monté une écharpe jusque sous ses yeux, craignant repérée. Par chance, le nombre de soldats qui vivaient dans la forteresse était si important qu'elle n'eut aucun mal à se fondre dans la masse. Ingvar avait averti ses hommes de l'arrivée de Fye et Chii, tous les attendaient de pied ferme. Gowan et Sakura fendirent la foule d'un pas assuré et parvinrent rapidement aux cachots. Un homme montait la garde devant la geôle de Shaolan, agitant l'une de ses jambes avec impatience : visiblement, il aurait préféré être avec ses camarades pour préparer l'arrivée de leurs prisonniers, plutôt que de faire le pied de grue dans ce couloir sombre.
– Hé, toi ! le héla Gowan.
L'homme se redressa au garde à vous.
– Général ! Que se passe-t-il, général ?
– Le maître a ordonné que tous les hommes se rassemblent à l'extérieur, va rejoindre les autres.
– Oui, général ! Mais, qui va assurer la surveillance du prisonnier ?
– Lui.
Du pouce, Gowan désigna Sakura, qui veilla à garder la tête baissée. Le soldat adressa un regard intrigué à ce confrère.
– Pourquoi cache-t-il son visage ?
– Le corps que le maître lui a donné a jadis été atteint d'une maladie qui l'a défiguré. Ce n'est donc pas très beau à voir.
– Oh … je comprends mieux. C'est vrai qu'on ne choisit pas le corps que nous donne le maître …
L'homme passa devant eux et dans un geste de compassion, tapota l'épaule de Sakura au passage. La jeune fille fit appel à tout son sang-froid pour ne pas sursauter à ce contact.
– Bon courage !
L'homme disparut prestement dans les escaliers. Sakura ne reprit son souffle que lorsque le bruit de ses pas se fut totalement éloigné.
– Heureusement qu'il n'était pas trop curieux …
– Maintenant qu'on s'est débarrassé du lui, il reste encore le kekkai.
Elle releva la tête et fixa la porte de la cellule de Shaolan. Ingvar était un magicien puissant, capable de mobiliser plusieurs sortilèges pendant de longues durées : ainsi, à la barrière qui irradiait toute la forteresse, il avait apposé un second sceau sur la prison de Shaolan. À l'aide de son dé, Sakura avait l'intention de le briser, mais pour cela, elle devait faire appel à sa magie sans éveiller les soupçons de leur ennemi. Heureusement, grâce à Gowan, elle allait de nouveau pouvoir dissimuler son aura. Après qu'elle s'était changée, le général l'avait cachée dans l'un de celliers de la forteresse et avait disparu durant une heure, pour réapparaître avec un sac de jute à la main.
– J'ai pu tuer un insecte voleur d'âme.
– Comment avez-vous fait ? Vous ne possédez pas de pouvoirs magiques, n'est-ce pas ?
– Non, mais j'ai toujours la hallebarde que le maître m'a donnée et qui est, elle, imprégnée de sa magie. Une fois l'insecte attrapé, je l'ai asphyxié grâce aux vapeurs mortelles que crachent les serpents de mon arme.
– C'était astucieux.
Le général avait ouvert le sac et Sakura avait constaté de ses propres yeux qu'un cadavre gélatineux y reposait. À présent qu'ils se trouvaient devant les cachots, cette masse visqueuse allait lui permettre de camoufler son aura. Gowan lui tendit le sac de toile et elle l'ouvrit. Précautionneusement, elle recueillit de la gélatine et en passa sur l'ensemble du manteau qu'elle portait, y compris sur la capuche qu'elle rabattit sur sa tête. Elle leva un bras au niveau de ses yeux : l'aura d'Ingvar masquait de nouveau la sienne. Parfait, je vais pouvoir m'attaquer au kekkai. Elle s'avança jusqu'à la porte de la geôle, posa la main gauche sur le bois et saisit son dé dans sa main droite. Elle ferma les yeux, prit une grande inspiration et lança le dé dans les airs.
– Cinq, clé !
La face du dé à cinq points s'illumina, des filaments d'un rose scintillant s'en échappèrent et se posèrent sur la porte de la prison comme des branches de ronces. Le kekkai commença à grésiller, Sakura sentit de léger picotement sous sa main gauche. Lorsqu'avec ses compagnons, ils avaient trouvé le roi Hideki enfermé dans un pilier de glace, dans les sous-sols du palais de Valeria, elle n'avait pas réussi à briser seule la barrière qui le retenait prisonnier. Ce n'était qu'en unissant ses pouvoirs à ceux de Shaolan qu'ils avaient pu libérer le père de Fye, mais cette fois-ci, elle était seule. Allait-elle réussir à venir à bout de cette barrière ? Elle lui semblait aussi puissante que celle qui cernait le pilier de glace d'Hideki. Cependant, Ingvar maintenait actuellement deux kekkai dans sa forteresse, ce qui devait lui demander une énergie colossale. La barrière qui enveloppait l'île étant plus grande, il était possible qu'elle mobilise la plus grande partie des pouvoirs du sorcier, lui laissa une marge plus faible pour alimenter le kekkai qui enfermait Shaolan. Sakura fronça les sourcils : c'était sa seule chance. Sous sa main, les picotements s'intensifièrent, se transformant en une sensation de brûlure. Elle appuya plus fermement sa paume : elle devait tenir, coûte que coûte. Fasciné et inquiet, Gowan l'observait faire, tout en surveillant le couloir pour prévenir tout irruption. Sakura commença à sentir sa main et son bras s'engourdir, la sueur perla sur son front crispé. Pourvu que le sortilège de son dé tienne assez longtemps pour rompre le sortilège … des élancements douloureux irradiaient jusqu'à son épaule.
Soudain, un étrange souffle se fit entendre, comme une soupape qu'on aurait brusquement décompressée. Les brûlures qui pulsaient dans la main de Sakura s'apaisèrent et la magie regagna son dé, qui retomba au sol. Elle rouvrit les yeux, le souffle court et vit que Gowan lui adressait un regard interrogateur. Elle ramassa son dé et essuya son front.
– C'est ouvert.
– Bien joué. Rentre là-dedans et vois si le gamin est en état de marcher. Tiens, une torche, il fait sombre dans la cellule. Je reste ici pour monter la garde, si j'entends un bruit suspect, je frapperai deux fois.
– Merci.
La jeune fille poussa la lourde porte et pénétra à l'intérieur de la cellule. D'abord, elle ne distingua pas les contours de la pièce. La lueur de sa torche laissait plusieurs zones dans l'ombre, mais elle repéra un soupirail qui filtrait une lumière blafarde. Sous cette maigre ouverture, une silhouette était adossée contre le mur. Sakura porta une main à sa bouche, les yeux écarquillés.
Plusieurs hématomes bleuissaient le visage de Shaolan et des sillons de sang séché striaient sa. Tel un pantin jeté sur une étagère, ses bras pendaient le long de son corps, il avait les yeux clos. Ses vêtements empêchaient de prendre la mesure du reste de ses blessures, mais plusieurs tâches, notamment au niveau de sa cuisse gauche, firent battre le cœur de Sakura plus fort.
– Shaolan !
Au son de cette voix, le jeune homme ouvrit les yeux. Son regard, d'abord trouble, s'écarquilla en reconnaissant la princesse.
– Sakura !
Elle se précipita près de lui, posa sa torche au sol et le prit dans ses bras. Elle ignorait s'il avait un membre cassé, si ce contact allait lui faire mal, mais elle n'avait pas pu s'en empêcher. Elle avait cru mourir sur les rives de l'île d'Ingvar, elle pensait ne jamais le revoir et encore moins le délivrer ... Pourtant, elle l'avait retrouvé et le serrait à présent contre elle. Elle sentait la chaleur de son corps, ce corps malmené mais encore en vie, ce corps qui lui rappelait qu'elle aussi, elle avait réussi à survivre à la mer du nord.
– Shaolan …
– Sakura …
La voix du jeune homme était entrecoupée et elle réalisa qu'elle lui faisait sans doute mal. Elle desserra son étreinte, mais à sa grande surprise, les bras de Shaolan se refermèrent sur elle et il la ramena contre lui.
– Sakura … tu es venue …
Il l'enlaçait avec force, comme s'il craignait qu'elle ne disparaisse. Sakura sentait ses mains sur son dos, son visage dans le creux de son cou. Reconnaissait-il son odeur comme elle reconnaissait la sienne, sentit-il son cœur battre de la savoir en vie, comme elle avait senti battre le sien ? Il murmura d'une voix rauque :
– J'ai d'abord cru à une illusion créée par Ingvar pour me tourmenter, mais non, c'est bien toi …
Elle frémit à ces mots, puis l'entoura de ses bras dans un geste protecteur. Elle le sentit tressaillir, lui confirmant la gravité de son état. Elle serra les dents de rage : elle ne laisserait plus les sbires d'Ingvar lui faire de mal. Elle ne laisserait plus personne porter la main sur lui. Le simple fait d'entendre sa respiration, de lui communiquer sa chaleur et de recevoir la sienne suffisait à apaiser son cœur. Quand ils se séparèrent, il la dévisagea longuement.
– Comment es-tu parvenue jusqu'à l'île ?
– En barque, puis à la nage.
– À la nage …?
– Ensuite, je suis entrée dans la forteresse grâce à Gowan.
– Gowan ? Le … général ?
– Oui, il est de notre côté désormais. Je t'expliquerai.
Shaolan la fixa un instant, stupéfait.
– Et la prison ? Comment l'as-tu ouverte ?
– Avec mon dé magique.
– Comment peux-tu utiliser la magie dans la forteresse ? Le kekkai d'Ingvar ne bloque-t-il pas tout pouvoir étranger ?
– Pas exactement. Le kekkai bloque toute magie qu'il ne reconnait pas comme émanant d'Ingvar. En camouflant mon aura, je peux utiliser ma magie à l'insu de notre ennemi, car le kekkai ne me reconnaît pas comme une étrangère.
– Et comment as-tu réussi à masquer ton aura ?
Avec un regard malicieux, Sakura lui expliqua le stratagème dont elle avait usé.
– Incroyable, souffla Shaolan. Donc, si je m'enduis de gelée d'insecte, je pourrais utiliser ma magie et détruire le kekkai qui enveloppe la forteresse ?
– Oui. Ainsi, nous réaliserons la première étape de mon plan pour aider Fye et les autres.
– Ton plan ?
– Ingvar t'utilise comme appât pour forcer Fye et Chii à se rendre.
– Je sais.
– Une fois que tu seras libre, il ne disposera plus de ce moyen de pression pour contraindre nos amis. Il lui reste cependant un moyen de nous menacer.
– Lequel ?
– Il a créé un grand nombre d'insectes depuis notre dernière bataille, et om menace de les envoyer sur Dal Gleánn pour y dérober le plus d'âmes possibles.
– Par les dieux …
– Nous devons détruire ces insectes avant qu'il ne passe à l'action. À deux, penses-tu que nous puissions y parvenir ?
– Je ne sais pas si nous en viendrons à bout, surtout s'ils sont nombreux, mais nous devons en détruir le plus possible.
Sakura hocha la tête.
– Pour l'instant, nous devons sortir d'ici. Tu penses pouvoir te lever ?
– Je ne crois pas avoir de fractures. Je n'ai que cette blessure à la cuisse, mais elle n'est pas très profonde. Ça devrait aller.
Le jeune homme se redressa lentement en s'appuyant contre le mur. Il grimaça au moment de s'appuyer sur sa jambe blessée et vacilla. Sakura se précipita pour le retenir.
– Ça va ?
– Oui, ne t'en fais pas.
La jeune fille lui adressa regard inquiet et il se força à lui sourire. Il voulait la rassurer, mais les coups que lui avait porté Moira avaient laissé des séquelles sur son corps. Chaque mouvement réveillait l'inflammation de ses bleus et la douleur ses plaies, l'obligeant à serrer les dents. Sakura n'était pas dupe, il la sentait serrer plus fort le bras par lequel elle le soutenait. D'une voix ferme possible, il déclara :
– Ne t'inquiète pas. Ce n'est pas très agréable, mais je peux bouger et me battre.
– Je ne veux pas que tu souffres.
– Je pourrai me reposer lorsque nous aurons mis Ingvar hors d'état de nuire.
Sakura pinça les lèvres, puis hocha la tête.
– Tu as raison. Nous avons une mission à achever. Et cette fois, tu ne seras pas seul.
Shaolan sentit une vague de reconnaissance inonder sa poitrine : avec la princesse à ses côtés, il serait capable de faire fi de sa douleur. Il se redressa, sans s'appuyer sur Sakura, pour lui montrer qu'il en était capable. La jeune fille n'avait pas hésité à s'infiltrer dans la forteresse, munie de son seul dé magique, sans compter sur l'aide de personne. Elle s'était jetée dans la mer glaciale pour lui, pour le sauver de ses geôliers, sans faillir. Il n'imaginait pas la détermination qu'il lui avait fallu pour braver le froid mordant de l'eau ; il devait faire preuve du même courage qu'elle. Il lui caressa doucement la joue.
– J'aurais préféré que tu ne viennes pas, te savoir en danger est ce qui m'effraie le plus. Pourtant, une partie de moi ne peut s'empêcher de se réjouir que tu sois là. Merci.
Elle lui sourit, de ce sourire plein de tendresse qui rallumait toujours l'espoir dans son cœur. Il se pencha vers elle et posa ses lèvres sur les siennes. Il sentit Sakura frémir à ce contact. Il se rapprocha, la serra contre lui et l'embrassa à nouveau. Un baiser entier, chaud et doux. Sakura glissa ses bras dans son dos et répondit à son étreinte. Séparément, ils possédaient chacun une grande force intérieure, mais ensemble, ils n'avaient plus peur.
Ils se détachèrent lentement l'un de l'autre et se sourirent. Puis, Sakura dénoua un objet qu'elle gardait à sa ceinture. Les yeux de Shaolan s'agrandirent :
– Mon épée …
– Tu vas en avoir besoin.
Il la remercia, attacha l'arme à sa propre ceinture et releva la tête, déterminé. La jeune fille glissa la main dans sa poche et en extirpa son dé magique.
– Je vais essayer de contacter Fye. Si les autres savent que tu es libre, ils n'auront plus peur de s'attaquer à la forteresse.
– Décidemment, ce dé nous est vraiment utile. J'ai du mal à croire que Watanuki ne l'ait pas exigé en compensation.
– Il a dû avoir pitié de moi, glissa la jeune fille avec un sourire. Et heureusement. Sans ce petit objet, je n'aurai pas pu te retrouver.
Elle le lança dans les airs.
– Trois, vision ! Fye !
La jeune fille ferma les yeux, puis les rouvrit. Shaolan la vit battre des cils, perplexe, puis le front de la princesse se plissa dans une expression d'incompréhension.
– Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Shaolan.
– Je … je ne vois rien. Mon sortilège ne fonctionne pas. Comment cela se fait-il, alors que j'ai pu briser le kekkai qui scellait ta prison en utilisant le même dé ?
– Il est possible que la barrière d'Ingvar ne bloque pas ta magie si tu en fais usage dans l'enceinte de la forteresse. En revanche, il inhibe peut-être les sortilèges qui en sortent.
– Quelle poisse.
– Cela ne nous empêche pas d'agir. Faisons en sorte de neutraliser les insectes d'Ingvar avant que Fye, Kurogane et les autres arrivent.
Sakura acquiesça. À cet instant, deux coups résonnèrent contre la porte de la cellule.
– C'est Gowan, dit Sakura. Il a dû entendre du bruit.
Ils sortirent avec précaution de la cellule. Gowan se rapprocha d'eux et chuchota :
– J'ai entendu du mouvement à l'étage. Mieux vaut ne pas nous attarder ici.
Shaolan dévisagea le général d'un regard suspicieux.
– Pouvons-nous réellement vous faire confiance ?
– J'ai sauvé la vie de ton amie. Je ne l'aurais pas fait si je n'attendais pas quelque chose de votre part. Après tout, vous aussi, vous pourriez me trahir et m'abandonner à mon sort une fois que je vous aurai aidé.
Les deux hommes se toisèrent, chacun jaugeant la fiabilité. Sakura posa une main sur l'épaule de Shaolan.
– Gowan dit la vérité. Moi, j'ai confiance en lui.
L'adolescent finit par hocher la tête, mais il remarqua que Gowan, lui, ne le lâchait pas de yeux.
– Qu'y-a-t-il ?
– Non, rien. Je pensais seulement que tu serais plus amoché. Quand Moira est sortie de ta cellule, hier, elle avait les mains rouges de sang.
– Elle n'y est pas allée de mainmorte, pourtant. Mais, c'est vrai, je n'ai subi aucune fracture. J'en ai été le premier surpris, car Moira est une excellente guerrière. Pourtant …
– … pourtant ?
– Elle m'a frappé à des endroits stratégiques, qui saignent beaucoup, comme l'arcade sourcilière et la bouche, mais elle n'a visé aucun point vital.
Les yeux de Gowan se froncèrent : Moira avait affirmé qu'elle était prête à tuer Shaolan si le maître l'exigeait. Malgré cela, elle n'avait infligé aucune blessure grave au jeune homme. Avait-elle eu pitié de lui ? Était-elle moins soumise aux ordres d'Ingvar que Gowan le croyait ?
– Ne perdons pas de temps, dit-il aux adolescents. Je vais vous montrer où Ingvar gardent ses insectes. Suivez-moi et dissimulez vos visages sous vos capuches.
Ils acquiescèrent et lui emboîtèrent le pas. Ils remontèrent les escaliers, traversèrent plusieurs couloirs et salles, tout en prenant garde de ne pas attirer l'attention. Enfin, ils émergèrent des bas-fonds du château. Ils parcourent une salle d'armes, puis Gowan ouvrit une porte qui donnait sur l'extérieur. Ils débouchèrent dans une cour située au-dessus de celle où les soldats s'entraînaient au combat. Deux tours à l'appareillage serré s'élevaient dans cette enceinte, l'une carrée et l'autre ronde, coiffées de toits en bois.
– Les insectes voleurs d'âmes sont enfermés dans la tour carrée, expliqua Gowan. Les âmes dérobées, elles, se trouvent dans la tour ronde. Vous ne devriez trouver que quatre gardes dans la tour aux insectes, en revanche, une dizaine d'hommes surveillent en permanence l'intérieur de la tour des âmes.
– Commençons par les insectes, déclara Shaolan.
Ils s'avancèrent vers la tour carré, où une porte avec un arc en accolade, découpée dans la pierre, donnait accès à un escalier en colimaçon. Shaolan et Sakura s'y engagèrent prudemment, Gowan s'apprêta à les suivre, quand une voix le héla.
– Gowan ! Je t'ai cherché partout !
Le général fit volte-face : Moira venait de pénétrer dans la cour haute et se dirigeait vers lui d'un pas décidé. Il sentit son sang se figer : avait-elle vu Shaolan et Sakura ? Se doutait-elle de quelque chose ? Avait-elle vérifié que Shaolan se trouvait bien dans sa cellule ? Non, seul le maître pouvait lever le kekkai qui sceller la prison du jeune homme, Moira n'avait pas de moyen de savoir que leur prisonnier s'était échappé. Mais alors … ?
– Qu'est-ce que tu fiches, Gowan ? Le prince maudit et sa mère ne vont plus tarder, le maître a exigé que nous rassemblions le maximum d'hommes sur les remparts. Nous devons empêcher leurs amis ne tentent d'entrer dans la forteresse.
– J'arrive tout de suite.
– Que faisais-tu au pied de la tour des insectes ?
– Le … le maître a ordonné que des soldats continuent de monter la garde dans cette tour et dans celle des âmes, même lorsque le prince et sa mère arriveront. Nous ne pouvons pas nous permettre de les laisser sans surveillance.
– Je vois. As-tu terminé de donner tes ordres ?
– Oui, nous pouvons y aller.
Gowan jeta un bref coup d'œil par-dessus son épaule, puis rejoignit sa coéquipière en tâchant de ne montrer aucun signe d'hésitation. À présent, Shaolan et Sakura allaient devoir se débrouiller seuls.
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Dissimulé derrière les derniers arbres de la lande, Fye glissa un œil vers le plateau rocheux. Une fois qu'ils quitteraient l'ombre de la forêt, ils avanceraient à découvert et les soldats d'Ingvar les repèreraient. Ils devraient ensuite descendre la falaise, gagner la plage et trouver une embarcation pour rejoindre l'île de leur ennemi. Ingvar avait forcément prévu à un bateau à leur attention, peut-être même une escorte. Le magicien se retourna vers ses parents, Kurogane et Mokona.
– Vous êtes prêts ?
Tous acquiescèrent, le visage résolu. Fye posa son regard sur Mokona :
– Ça va aller ?
– Tu peux compter sur Mokona !
Le mage se tourna vers Kurogane et son père.
– Faîtes attention à vous.
– Vous aussi, déclara Hideki en embrassant du regard sa femme et son fils.
Ils acquiescèrent, tandis que le ninja et l'ancien roi se positionnaient devant Mokona.
– C'est bien parce que c'est toi que j'accepte, déclara Kurogane en croisant les bras.
– Avoue que tu es jaloux de ne pas pouvoir y arriver sans Mokona, répliqua ce dernier avec un sourire narquois.
– Aller, grouille-toi de nous avaler.
Mokona ouvrit grand sa bouche et en quelques secondes, un puissant courant aspira les deux hommes qui, malgré leur haute taille, parurent rapetisser pour disparaître dans son ventre. Puis, Mokona bondit jusqu'à Fye, sauta dans ses bras et se glissa dans l'un des pans du manteau que le magicien venait d'écarter pour lui. Fye rabattit la fourrure sur son corps, dissimulant totalement la petite créature. Il se tourna vers Chii : la mère et le fils échangèrent un regard résolu, puis ils sortirent du couvert des arbres et s'avancèrent vers la falaise.
Sur les remparts de la forteresse d'Ingvar, les soldats du guet se redressèrent :
– Le prince maudit et l'ancienne reine de Valeria sont en vue !
