Hello guys !
Nouvelle semaine, nouveau chapitre, on commence directement à la fin du précédent, cette fois-ci du côté de Tony !
Je blablate un peu plus à la fin du chapitre, pour changer un peu :D
En attendant, bonne lecture !
Trop tôt.
Il était beaucoup trop tôt pour gérer les hormones d'un adolescent qui n'avait même pas soufflé sa quinzième bougie d'anniversaire. Lui qui avait pensé qu'il esquiverait ce genre de situation avant au moins trois, quatre ans…
Nom de Dieu, les adolescents sont de plus en plus précoces. Pourquoi est-ce que personne ne m'a prévenu ?
S'il avait pu, il aurait envoyé quelqu'un d'autre chez les Stacy pour récupérer Peter. Rhodey, Happy, un sosie de lui-même, n'importe qui tant que ça n'aurait pas été lui. Mais à l'instant même où il avait songé déléguer cette tâche à l'un de ses amis, le visage de son propre père s'était imposé à son esprit avec une netteté presque douloureuse et il avait dû inspirer profondément pour s'en défaire, le cœur soudainement lourd.
Les premières fois qu'il avait désobéi aux ordres de Howard et s'était fourré dans des situations plus ou moins déplaisantes — qui impliquaient toutes sortes d'alcools et de tâtonnements maladroits — son père n'avait même pas pris la peine de lui adresser la parole. Son regard, au fond duquel s'entremêlaient dédain et déception, l'avait traversé comme s'il était invisible. C'était Obadiah qui s'était chargé des sermons et des punitions ; Howard, selon son expression, n'avait "pas le temps de gérer ses conneries".
Quel père aurait-il été, s'il avait ignoré l'appel furieux de George Stacy ?
Alors il avait rassemblé son courage et sa patience et s'était rendu chez le policier, prêt à assumer, peut-être pour la première fois, les responsabilités qui pesaient sur ses épaules depuis qu'il avait accueilli l'adolescent sous son toit.
⁂
— Okay. Maintenant que nous n'avons plus le Colonel Moutarde sur le dos, est-ce que je peux savoir ce qu'il s'est vraiment passé, Peter ?
Bien que son regard fût focalisé sur la route, Tony crut voir l'adolescent piquer un fard.
— J-je… je vous ai dit la vérité, M. Stark ! C'était un malencontreux concours de circonstances, je n'ai jamais voulu… on n'a rien fait, vous devez me croire !
Tony ne put s'empêcher de froncer les sourcils.
— Perdre un gant ou un écouteur, c'est un concours de circonstance. Perdre un pantalon, petit, c'est un peu plus difficile à croire.
Il entendit distinctement Peter déglutir. Lorsque l'adolescent reprit la parole, une pointe de frustration faisait vaciller sa voix :
— D'accord, je l'avais peut-être enlevé volontairement, mais je voulais seulement me changer ! Je ne savais pas que son père était là, Gwen avait essayé de me prévenir mais, euh, j'avais l'esprit un peu ailleurs, et puis il a débarqué de nulle part et il a vraiment pété les plombs, j'ai bien cru que de la fumée allait sortir de ses narines, et….
— Hey, hey, ralentis un peu, Speedy Gonzales. Pourquoi voulais-tu te changer ?
Peter s'agita sur son siège, lequel ne tarda pas à émettre un grincement inquiétant.
— Je voulais mettre des vêtements plus confortables, dit-il finalement, s'adressant davantage à ses genoux qu'à Tony.
— Des vêtements plus confortables pour… ?
— Pour, euh, faire du sport ? geignit Peter.
— Okay, c'est l'excuse la plus bizarre que je n'ai jamais entendu.
Tony étouffa un soupir et se gara avec douceur dans le parking souterrain de la tour. Peter posa la main sur la portière et essaya de l'ouvrir, mais Tony ne l'avait pas encore déverrouillée.
— Écoute, Peter… Peter, est-ce que tu veux bien me regarder ? C'est à toi que je veux parler, pas à ton épaule gauche.
— Techniquement, mon épaule gauche fait partie de moi, marmonna Peter mais il consentit à tourner son visage vers lui.
Tony nota que diverses nuances de rouge s'épanouissaient sur ses pommettes. Malgré la détresse qu'il devinait au fond de ses yeux, il se força à soutenir le regard de l'adolescent, ce regard étrangement familier qui le renvoyait trente ans en arrière.
— Bien. Écoute, Peter, il n'y a rien de mal à vouloir… faire des expérimentations à… à ton âge… après tout, tu es à cette période de ta vie où, euh, ton corps change et, euh…
Okay, les mots ne sortaient pas exactement comme il les avait imaginés.
Devant lui, Peter écarquilla de grands yeux affolés et son teint vira au rouge brique. Même la pointe de ses oreilles avait changé de couleur.
— M-M. Stark…
— Laisse-moi finir ma phrase. Crois-moi, j'ai tout aussi hâte que toi de terminer cette conversation, mais je crains que nous devions en passer, euh, par-là, si nous ne voulons pas finir l'un comme l'autre dans une situation encore plus déplaisante. Je suis beaucoup trop jeune pour être grand-père.
Si Peter avait été un homard, il aurait été bouilli à point.
Tony s'éclaircit la gorge et reprit :
— Je sais que tu as envie de… tester de nouvelles choses, et ta copine est probablement charmante, vous êtes tous les deux très enthousiastes, mais tu es peut-être un peu jeune pour… euh… enfin, tu ne voudrais pas, dans un premier temps, te contenter de l'embrasser avec la langue ? Tu verras, c'est presque tout aussi excitant, et ahem…
— M. Stark, s'il vous plaaaîîîît….
— Tu as tout ton temps pour les choses sérieuses, crois-moi. Et lorsque les choses sérieuses arriveront, n'oublie pas que rien, absolument rien au monde ne justifie de risquer d'attraper une MS… Peter, lâche cette portière. Si tu la casses, tu la répares.
— Là là là, je n'entends rien, je suis souuuurd… gémit l'adolescent en se renfonçant dans son siège, portant les mains à ses oreilles.
Malgré sa propre gêne, Tony esquissa un sourire. Il se demanda comment lui-même aurait réagi si un beau matin, Howard s'était planté devant lui et avait commencé à lui parler des "choses de la vie", ainsi que le disaient élégamment les magazines d'aide à la parentalité que Rhodey l'avait forcé à acheter (et qu'il avait pour la plupart entreposé dans les toilettes de la Tour).
Il aurait probablement été plus embarrassé encore que Peter. Et il n'aurait pas hésité à s'enfuir en courant.
Toutefois, il fallait absolument qu'il achève cette conversation et il se força à ajouter, face à un Peter dont les mains étaient toujours fermement plaquées de part et d'autre de sa tête :
— Je disais donc, aucun plaisir passager ne vaut de passer la nuit aux urgences parce que tu aurais attrapé des verrues bizarres à des endroits que je te laisse deviner. Et je ne te parle pas de la responsabilité qui pèse sur toi si tu comptes être un jeune homme convenable et respectueux, ce qui nous mène à une chose très importante que l'on appelle le consentement…
Peter semblait désormais étudier très sérieusement la possibilité de passer par la fenêtre de la voiture pour s'échapper.
⁂
— Ton sac, Peter ! Peter !
Après son sermon, Peter s'était échappé si vite de la voiture qu'il avait oublié son sac à dos par terre. Tony l'attrapa et fronça aussitôt les sourcils, surpris par son poids. Qu'est-ce que l'adolescent pouvait bien trimballer, là-dedans ? Des cailloux ?
Il sortit de la voiture, mais Peter avait déjà disparu. Tony baissa les yeux, arrêtant son regard sur la fermeture éclair du sac qui se balançait toujours à son bras. Elle était légèrement ouverte, mais pas suffisamment pour lui permettre de distinguer son contenu. Tony se mordit la langue, l'hésitation et la curiosité menant un tango endiablé dans sa poitrine.
Ce ne sont pas tes oignons.
Oui mais techniquement, c'est ton fils. C'est ton rôle de garder un œil sur ses affaires.
Imagine qu'il y ait des trucs illégaux, là-dedans.
Pfff, à tous les coups, tu vas juste tomber sur ses bouquins de chimie, ses lunettes de rechange, des chewing-gums et des mouchoirs.
Propres.
Espérons.
Il eut le temps d'ouvrir la fermeture éclair de quelques centimètres et d'entrapercevoir un morceau de tissu rouge et bleu lorsqu'un cri l'interrompit.
— Non, ne touchez pas à ça !
Peter fondit sur lui comme un boulet de canon et le percuta de plein fouet. Il lui arracha son sac des bras et le serra aussitôt contre lui, l'air étrangement terrifié.
Ayant perdu l'équilibre, il fallut plusieurs secondes à Tony pour être de nouveau stable sur ses deux pieds.
— D-désolé, dit Peter sans lâcher son sac. J-je… je ne voulais pas vous pousser, mais j'ai cru que je l'avais perdu et je… j'y tiens beaucoup… Je… je ne vous ai pas fait mal ?
— Ce n'est rien, assura Tony en levant les mains en signe d'apaisement. Il en faut bien plus qu'un adolescent de cinquante kilos pour me mettre K.O.
Peter eut l'air soulagé.
— Je suis quand même désolé, M. Stark.
— Ce n'est rien, répéta Tony, qui commençait à avoir hâte que la journée s'achève. Viens, allons boire quelque chose. Un café pour moi, un chocolat pour toi. A moins que toi aussi, tu préfères les doubles espressos ? (Il se gratta la tête.) Je ne sais pas à partir de quel âge les enfants sont autorisés à prendre de la caféine. Tu en as déjà bu ?
Peter émit quelque chose qui ressemblait à un rire nerveux.
— Non, jamais. M. Stacy ne voulait pas que je touche à sa machine à café, il devenait fou dès qu'on s'en approchait et ça nous faisait beaucoup rire, Gwen et m… commença-t-il, mais il s'interrompit brutalement et son regard devint fuyant, quittant celui de Tony pour s'écraser quelque part au niveau du sol immaculé du parking.
Après quelques secondes de silence, il murmura :
— Enfin, c'est du passé, maintenant. M. Stacy m'a bien fait comprendre qu'il ne voulait plus jamais me voir.
Tony ne savait pas exactement comment réagir à ces mots. Il devinait qu'être ainsi rejeté par celui qui avait été son "père" pendant plusieurs années avait remué quelque chose de désagréable en Peter, mais il n'avait jamais été doué pour consoler les gens. Surtout lorsque lesdits gens faisaient partie de sa famille.
Après quelques secondes d'hésitation — qui parurent durer dix fois plus longtemps — il tendit lentement la main et tapota maladroitement l'épaule de Peter.
— Tu pourras toucher autant que tu veux à la machine à café de la tour, je te promets que je ne m'énerverai pas. Surtout si tu parviens à accélérer son débit. Je n'ai jamais vu un truc couler aussi lentement, depuis le jour où… ahem… non, je crois qu'il vaut mieux que je m'arrête là. En attendant, tu es toujours partant pour un chocolat ?
Peter hocha la tête en émettant un petit rire étranglé, se frotta discrètement les yeux et lui emboîta le pas en direction des ascenseurs, pressant toujours son sac à dos contre son cœur.
⁂
Ils étaient dans la cuisine, chacun perdus dans la contemplation de leurs breuvages respectifs, lorsque les évènements de la journée prirent un éclairage nouveau.
Il y avait une télé dans la pièce, à laquelle ni l'un ni l'autre ne prêtaient attention ; toutefois, lorsqu'une forme rouge et bleue apparut de l'autre côté de l'écran, l'œil de Tony y fut irrésistiblement attiré.
Il s'agissait d'un reportage constitué exclusivement de vidéos amateurs et qui faisait état d'une attaque qui avait eu lieu à New-York quelques heures plus tôt. On voyait une femme braquer une arme sur un homme et, entre les deux protagonistes, une sorte d'olibrius attifé d'un legging moulant, d'un sweat et d'une cagoule rouges et bleus, ainsi que d'une épaisse paire de lunettes qui lui donnait l'allure d'un insecte géant. Il tentait visiblement d'apaiser la femme, mais celle-ci ne semblait pas encline à l'écouter. Après quelques instants de discussion houleuse, elle redressa son arme et son index enfonça vivement la détente.
Les réflexes de l'homme déguisé étaient impressionnants. Il attendit la dernière fraction de seconde pour détourner le canon de l'arme ; la balle se contenta de le frôler et de heurter un lampadaire. L'instant d'après, la femme était ligotée au sol, hors d'état de nuire.
"Une nouvelle fois, Spider-Man sauve la journée !" proclamaient les sous-titres.
Spider-Man.
Tony prit une gorgée de café, les yeux rivés sur l'écran. Un étrange pressentiment s'épanouissait dans sa gorge, il ne savait pas exactement si c'était de l'appréhension, de la surprise ou de la colère.
Spider-Man.
Un costume rouge et bleu.
Le café se coinça au niveau de sa pomme d'Adam. A côté de lui, Peter s'était figé, les mains crispées autour de sa tasse Nasa.
— Peter… commença Tony.
L'adolescent semblait lutter pour conserver un visage lisse.
— M. Stark ?
Spider-Man. L'homme araignée. Le costume bleu et rouge.
Le petit robot araignée confectionné par Peter. La scène chez les Stacy. Le pyjama qu'il avait crut apercevoir au fond de son sac.
Spider-Man. Peter Parker.
Spider-Man. Peter Parker.
Non. NON. Il a quatorze ans. A quatorze ans, on fait du skate avec ses copains et on ne pense qu'à inviter sa petite copine à la boom de fin d'année. On ne va pas se battre dans la rue et sauver de parfaits inconnus, sans autre raison qu'un cœur beaucoup trop grand pour ce monde de brutes sanguinaires.
— M. Stark, vous allez bien ?
Peter avait l'air inquiet, désormais. Ses yeux ne quittaient pas son visage, un léger pli s'était dessiné entre ses sourcils, lui conférant une expression très proche de celle que Tony devait aborder à cet instant.
Tony déglutit sa gorgée de café et s'empara d'une petite cuillère.
— M. Stark, qu'est-ce que… ouïe ! Pourquoi est-ce que vous m'avez jeté cette cuillère dessus ?
— Je testais quelque chose, répondit-il lentement.
Il avait l'impression que sa propre voix venait d'outre-tombe.
— Vous vouliez voir quoi ? marmonna Peter en se massant le front. Si les objets rebondissent sur ma tête ?
— Non. Je voulais savoir si tu n'esquivais que les balles, ou si tu pouvais éviter n'importe quoi.
Le visage de Peter pâlit, ses yeux semblèrent s'agrandir de quelques millimètres.
— Je… je ne vois pas de quoi vous parlez, dit-il avec une telle nervosité que c'était un miracle qu'il ne se renverse pas son chocolat dessus.
— Oh, si. Je crois que tu sais exactement de quoi je parle.
Les mains de Peter s'étaient contractées de plus belle autour de sa tasse. Ses phalanges, tordues sous la pression exercée, étaient devenues blanches.
— Regarde-moi dans les yeux, Peter. Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que tu n'es pas ce Spider-Truc.
— Ce… ce n'est pas Spider-Truc, protesta-t-il. C'est Spider-Man.
— Mh mh. Et les gens qui l'appellent comme ça savent que c'est un adolescent qui porte le masque ?
— Bien sûr que non, sinon ils n'auraient jamais… enfin, je veux dire, quel adolescent ?!
Tony roula des yeux si fort qu'un bref instant, il eut peur qu'ils ne s'échappent de leurs orbites.
— Je ne sais pas, Peter. Un adolescent de quatorze ans, cheveux châtains, yeux marron, plus petit que moi, qui trimballe un pyjama rouge et bleu au fond de son sac… ça ne te dit vraiment rien ?
— J-je… euh…
Sans attendre que Peter ait fini de bredouiller, Tony se pencha et reprit le sac à dos que l'adolescent avait posé à ses pieds. Cette fois-ci, il n'hésita pas à l'ouvrir et se retrouva nez à nez avec une cagoule sur laquelle étaient posées des lunettes noires qui lui reflétaient son propre visage.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Tony en s'emparant du tissu, tapotant les verres des lunettes avec ses ongles. Tu vois vraiment quelque chose, là-dedans ?
— Arrêtez d'y toucher, vous aller tout abîmer !
Avant qu'il ait pu faire autre chose, une toile d'araignée s'enroula autour du costume et le lui arracha des mains. Peter l'attrapa au vol et le serra contre lui avec obstination.
— Tu es Spider-Chose, dit Tony en posant les yeux sur le poignet de l'adolescent, où brillait un petit artefact qu'il ne reconnaissait pas.
— Spider-Man, corrigea Peter en grimaçant.
— Et tu es capable de jeter des toiles d'araignée, grâce à ce…
— C'est un lance-toiles.
— Mh mh. Et c'est toi qui l'as fabriqué ?
Peter acquiesça de la tête :
— J'ai trouvé la formule qui se rapprochait le plus d'une toile d'araignée et je l'ai mise au point. Ce n'était pas si compliqué que ça.
— Où est-ce que tu as déniché de quoi fabriquer ça ? M. Stacy n'a pas le profil de quelqu'un qui cache un laboratoire secret dans son grenier.
— M. Stacy n'est pas au courant. Je l'ai fabriqué avec ce que j'ai pu trouver en cours de chimie, quand la prof avait le dos tourné.
— Oh…
La première réaction de Tony fut d'en être impressionné, mais il se rappela presque aussitôt qu'il ne parlait pas avec n'importe quel adolescent du Queens. L'enfant qui se dressait devant lui et qui avait fabriqué tout seul un costume de super-héros était son enfant. Sa responsabilité. Son fils.
Il fut saisi d'une désagréable sensation de vertige.
— Okay, okay. Je vais prendre ça, si ça ne te dérange pas, dit-il en tendant la main pour récupérer le costume bleu et rouge.
Peter sembla hésiter.
— Ce n'était pas une question.
L'adolescent consentit finalement à le lui fourrer entre les mains.
— Tes lance-toiles aussi, petit.
— Qu'est-ce que vous allez en faire ? s'enquit Peter en s'exécutant, l'air inquiet.
— Je ne sais pas encore, répondit Tony en toute honnêteté. Mais après les images que je viens de voir, je préférerais y jeter un œil avant de te laisser ressortir dans ce costume dont la sécurité me semble très discutable. Tu t'amuses souvent à te promener devant des femmes armées ?
— N-non, pas vraiment. D'habitude, je… j'essaie plutôt d'aider les gens du quartier, d'empêcher les vols, d'aider les vieilles dames à porter leurs sacs de courses ou à traverser la rue, de faire… v-vous voyez ?
— Je crois, répondit Tony.
Il ne savait pas encore si le sentiment qui pulsait dans sa poitrine était de l'appréhension ou de la panique.
Non, tu n'as pas le droit de paniquer. Pas encore. Pas tant qu'il te regarde.
— Tu as autre chose à me montrer, Spider-Guy ? Un lasso magique, une paire de chaussures qui te permettrait de marcher sur le plafond ?
— Spider-Man, pas Spider-Guy ! Et, euh, non, je ne crois pas.
Tony haussa un sourcil.
— Tu n'as pas besoin d'une technologie spéciale pour marcher sur les murs ?
Peter secoua la tête.
— D'accord… Et la façon dont tu as évité cette balle, sur cette vidéo…
L'adolescent haussa les épaules :
— Oh, ça, ce n'est pas grand-chose. Depuis qu'il m'est arrivé ce qu'il m'est arrivé, c'est comme si j'avais un radar qui me disait quand quelque chose de mal allait arriver. Une sorte de sixième sens, mais en beaucoup moins flippant que dans le film, vous voyez ?
— Je… crois que oui, répondit Tony en plissant les yeux. Et qu'est-ce qu'il t'est arrivé, exactement ?
— Eh bien, il y a eut cette sorte d'araignée radioactive qui… vous voulez vraiment écouter toute l'histoire ?
Entendre les mots "araignée radioactive" sortir de la bouche de son propre fils lui donna l'impression de recevoir un coup de poêle en pleine face. Tony soupira :
— Je crois que je vais avoir besoin de café. De BEAUCOUP de café. Mais je t'écoute, petit : raconte-moi tout.
⁂
Il savait.
M. Stark savait.
Allongé dans son lit, Peter tripotait nerveusement son téléphone portable, fixant le plafond de sa chambre plongé dans l'obscurité. Il devait être deux heures du matin, mais il était incapable de trouver le sommeil. Tout se mélangeait dans son corps et dans son esprit, il ne parvenait pas à endiguer le flots de pensées qui tourbillonnait dans sa tête. Gwen, M. Stark, Spider-Man… les visages s'entremêlaient, leurs paroles se fondaient les unes dans les autres. La colère du père de Gwen, la confusion de son amie, sa main contre son bras, M. Stark qui découvrait son secret, son costume qui lui avait été arraché…
Qu'allait-il se passer, maintenant ? M. Stark allait-il l'empêcher d'être Spider-Man ? Allait-il décider qu'il valait mieux se débarrasser de lui, avant qu'il ne lui attire des ennuis ? A cette pensée, son cœur s'emballa et il se força à inspirer profondément, songeant aux exercices de respiration que Gwen lui avait appris lorsqu'elle avait découvert qu'il était sujet aux cauchemars et aux crises de panique.
Respire, Peter. Respire.
Inspirer, retenir son souffle, expirer. Recommencer. Encore et encore, jusqu'à ce que son pouls s'apaise, que ses pensées se calment, que le sommeil ne dépose un voile de coton sur ses sentiments et que les ténèbres recouvrent tout…
Du sang. Du sang, partout. Des perles écarlates qui ruissellent sur ses phalanges…
C'était toujours le même rêve. La même scène.
Les cris, l'horreur, la sensation que ses pensées s'échappaient, fuyaient la scène, le plongeaient dans un état d'hébétude dont il était incapable de s'arracher. Les mains sur ses épaules qui le secouaient, les hurlements de ceux qui avaient été ses premiers parents adoptifs, leurs visages tordus par la haine...
— Tu aurais dû le sauver ! Pourquoi n'as-tu rien fait ? Il t'aimait, et tu l'as laissé mourir !
Les mots ricochaient autour de lui, entaillaient ses tympans, il aurait voulu se boucher les oreilles et ne plus jamais les entendre…
Aujourd'hui, les choses auraient été différentes. Aujourd'hui, il aurait pu faire quelque chose.
Parce qu'il était Spider-Man. Parce qu'il était un super-héros.
Mais si M. Stark l'en empêchait, si M. Stark décidait qu'il n'avait plus le droit d'être un héros… sans ce costume, il n'était rien — plus rien…
Les visage de ses premiers parents adoptifs se métamorphosaient, adoptaient les traits sévères de M. Stark, et soudainement c'était la voix de l'homme qui s'échappait de leurs lèvres :
— Tu n'es pas mon enfant. Tu n'as jamais été mon enfant.
Il lui jetait son costume à la figure. Il l'avait découpé, réduit en lambeaux. Peter ne parvenait pas à refermer les mains sur les morceaux de tissus, ils glissaient de ses doigts comme s'ils étaient liquides.
— Va t'en. Tu ne seras jamais un héros, Peter Parker. Et tu ne seras jamais mon fils.
Peter ouvrit brusquement les yeux. Son cœur battait la chamade, une onde glacée se répandait dans ses veines. Il était pétrifié, incapable d'esquisser le moindre geste.
Il lui fallut de longues minutes pour reconnaître son environnement — les immenses placards, l'étagère encombrée de manuels de chimie, les baies vitrées. Le soleil entrait à flot dans sa chambre, déposait des stries dorées sur ses draps blancs. Il les repoussa et se redressa lentement. En posant les pieds par terre, il réalisa qu'il tremblait.
— Peter ? M. Stark a laissé quelque chose pour toi dans le salon, lui dit la voix douce de Friday.
L'adolescent leva mécaniquement le nez vers le plafond.
— Oh… d'accord, Fri. Merci de m'avoir prévenu.
Il se frotta le visage, chercha à effacer les images que son cauchemar avait sournoisement implanté dans son esprit.
— Tu vas bien, Peter ? demanda l'IA avec gentillesse. Ton pouls et ta température corporelle sont légèrement plus élevés que d'habitude. Souhaites-tu que j'avertisse M. Stark ?
— Je vais bien, Fri. Et tu sais que c'est un peu flippant, que tu sois capable d'avoir ce genre d'informations sur moi sans même avoir besoin de me toucher ?
— Ces informations sont confidentielles, je ne suis pas autorisée à les partager sans ton autorisation expresse, répondit simplement Friday.
— Ouais, voilà qui me rassure vachement, marmonna l'adolescent en s'habillant à l'aveuglette, prenant les premiers t-shirt et jean qui lui tombèrent sous la main.
Ce ne fut qu'après les avoir revêtus qu'il s'aperçut que le t-shirt noir, frappé du logo d'un groupe de rock, ne lui appartenait pas. Pour lui, AC/DC était une référence à ses cours de physique, pas à de la musique. Il hésita à se changer, mais décida que puisque quelqu'un l'avait rangé dans son placard, ce t-shirt était désormais à lui.
Dans le salon, il eut la surprise de trouver une curieuse valise métallique dans laquelle il aurait aisément pu se recroqueviller. Il s'en approcha, curieux, et l'effleura du bout des doigts.
Il fit un bond en arrière lorsque la valise s'ouvrit… et ouvrit grand la bouche, n'osant croire à ce qu'il voyait.
A l'intérieur se trouvait un nouveau costume beaucoup plus élaboré que le précédent, orné de fines lignes noires et doté d'immenses yeux blancs qui le fixaient au milieu d'un masque indéniablement plus seyant que celui qu'il avait fabriqué en secret dans la salle de TP de son lycée. Une petite araignée noire était adroitement brodée sur la poitrine du costume.
— J-je… je… wo… WOAHHH ! C'est… c'est vraiment pour moi ?
Il y avait un petit post-it à côté du costume. Peter s'en empara et le déchiffra avec curiosité, le cœur battant plus fort que jamais :
"Prends-en soin, je ne t'en ferai pas deux.
PS : pas d'arme à feu pour toi. Contente-toi d'aider les chats à descendre des arbres et les vieilles dames à traverser la rue. Sinon, je reconsidérerai ma permission à te laisser être un super-héros. Et pas de patrouille si tu n'as pas fait des devoirs.
A plus tard, Spider-Kid."
Et voilà, Tony est au courant !
Bien qu'il soit encore paumé vis-à-vis de Peter, je trouvais ça important qu'il ait une bonne réaction après la scène chez les Stacy. Je voulais aussi qu'il réagisse plutôt bien à Spider Man, l'idée n'étant pas de reprendre les dialogues du film mais d'essayer de rester dans cet esprit sans s'y appesantir plus que de raison (d'ailleurs c'est pour ça que j'ai coupé au moment où Peter explique l'histoire de l'araignée radioactive ! On connaît tous l'histoire, pas besoin de la répéter :))
Mais ça ne veut pas dire que Tony est devenu le père idéal et je peux juste vous assurer que les prochains chapitres auront leur lot de loupés et de drama :D
A la prochaine !
