Bonjour à tous !

Eh oui, c'est dimanche, c'est l'heure d'el famoso Decathlon !

Alors, Tony ira-t-il, n'ira-t-il pas ?

Mais avant, quelques anecdotes sur le processus d'écriture de cette histoire (vous pouvez aussi passer mon blabla haha, je sais que je parle trop) : chaque chapitre est scénarisé à l'avance, c'est-à-dire que je n'y pose pas un point final avant qu'un certain nombre d'évènements ne s'y déroule. (Et les chapitres scénarisés, c'est la seule chose qui marche pour quelqu'un qui s'éparpille beaucoup trop comme moi, pour garder un fil conducteur. Je n'écris jamais quelque chose si je ne sais pas où je vais.) Sauf que pour ce chapitre, les mots ont commencé à s'empiler, c'est devenu TRES long, et je n'en étais même pas à la moitié de ce que je voulais faire, j'ai compris que ça n'irait pas mdr. Je l'ai donc d'abord coupé en deux, mais ça n'allait pas non plus car ça cassait l'équilibre que je voulais, donc finalement j'ai abrégé quelques trucs et voilà le bébé ! Et en parlant de longueur, je retouche régulièrement à mon scénario pour rajouter / modifier des évènements et ça commence à devenir... long... très, très long... ! J'ai très hâte d'arriver à un certain point mais ça promet de ne pas arriver avant 10 chapitres ptdr mais c'est si dur d'être patieeent. (Et ne parlons pas du fait que je sais déjà exactement sur quel terrain aller si un jour cette petite histoire devait avoir un deuxième tome *tousse très fort*).

Et, plus important que mes digressions d'auteurs, on a ici du TW qui, je pense, doit vraiment être signalé, donc voilà :

TW ALCOOL / ALCOOLISME.

Bonne lecture !


— Disparu ? Disparu ?! Comme ça : *Pouf !* et puis plus rien ?

— Nous sommes navrés, M. Stark. Nous ne comprenons pas ce qu'il s'est passé — hier soir encore, le Symbiote était là, et ce matin… il n'y en avait plus aucune trace. A croire qu'il s'est volatilisé.

Tony se retint à grand-peine de se frapper le front contre son bureau. De l'autre côté de son écran d'ordinateur, la chercheuse de Stark Industries se tordait les mains, confuse.

— Lorsque nous nous en sommes aperçus, nous avons immédiatement voulu regarder les enregistrements des caméras de surveillance, mais elles… elles avaient été effacées.

— Effacées, répéta Tony, incrédule.

— Les membres de l'équipe ont tous été suspendus, en attendant que des investigations plus poussées aient lieu. Il n'y avait aucune trace d'effraction, rien qui ne puisse laisser supposer qu'une tierce personne ait pu s'introduire au laboratoire. Aucune alarme ne s'est déclenchée, aucune alerte n'a été émise à aucun niveau. Pour l'instant, la seule explication plausible serait que…

— La personne qui ait laissé partir le Symbiote soit un employé de Stark Industries.

La chercheuse acquiesça de la tête.

— Exactement, M. Stark.

— Fabuleux. Vraiment fabuleux.

— J'ai moi-même rendu mon badge à la sécurité de Stark Industries, bien que je n'aie évidemment rien à voir là-dedans. L'enquête est en cours, votre chef de sécurité devrait bientôt…

— … revenir vers moi, je connais la chanson.

La chercheuse esquissa une grimace navrée.

— Je suis vraiment désolée, M. Stark.

— Je suppose que ce n'est pas de votre faute. Ce Symbiote avait plus d'un tour dans son sac, nous le savions, répondit-il d'un ton las, puis, après les habituelles formules de politesse, il mit fin à la conversation.

Confronté à son écran noir, il se laissa aller à un long soupir qui devait s'entendre depuis la chambre de Peter.

Le Symbiote s'était enfui. Cette matière extra-terrestre qui s'en était prise à son fils et avait démontré un certain talent pour le chaos se promenait on-ne-savait-où, et il ne pouvait rien faire pour l'en empêcher.

Formidable.

Il se mordit nerveusement les phalanges de la main gauche, attachant son regard à son bureau qui ne lui était actuellement d'aucun secours. Posée près de son clavier, une photographie de Pepper semblait le narguer.

Pepper.

Si Pepper avait été là, elle aurait su quoi faire.

Pepper savait toujours quoi faire.

Il étouffa un nouveau soupir. Il savait que c'était une très mauvaise idée, mais les mots se bousculèrent sur ses lèvres avant qu'il n'ait eu le courage de les réprimer :

— Friday ? Est-ce que tu aurais des nouvelles de Pepper Potts, par le plus grand des hasards ?

L'IA répondit instantanément :

— D'après les dernières informations en ma possession, Mademoiselle Potts serait actuellement en excellente santé. Elle a été photographiée il y a quelques jours en compagnie d'un scientifique d'Oscorp et, selon les commentaires émis sur les réseaux sociaux, y serait apparue comme étant particulièrement rayonnante.

Ces derniers mots lui donnèrent l'impression de recevoir un coup de massue en plein occiput.

Un scientifique d'Oscorp. De mieux en mieux. Le Symbiote est en liberté, ce qui signifie que d'une façon ou d'une autre, Peter est probablement en danger et, pendant ce temps, Pepper file le parfait amour avec la concurrence.

Son poing droit serra convulsivement l'accoudoir de son siège. Il ne lui fallut que quelques clics sur son ordinateur pour tomber sur l'image de Pepper dont lui avait parlé Friday, riant aux éclats au bras d'un homme portant effectivement l'uniforme d'Oscorp.

— Friday, appelle Pepper, ordonna-t-il sèchement.

— Boss, si je puis me permettre, cela ne me semble pas…

— Appelle Pepper. Maintenant, répéta-t-il entre ses dents.

L'IA s'exécuta.

Cinq longs bips lui vrillèrent les tympans avant que la voix de son ex-compagne ne s'élève dans la pièce, empreinte de méfiance.

— Tony, tu as besoin de quelque chose ?

De toi, songea-t-il en fixant sa photographie. Oh, Pep, si tu savais à quel point j'ai besoin de toi.

— Pourquoi aurais-je nécessairement besoin de quelque chose ? rétorqua-t-il néanmoins, administrant une petite pichenette au cadre posé sur son bureau. Je ne peux tout simplement pas t'appeler pour avoir de tes nouvelles, tel l'homme attentionné et galant que je suis ?

— Je te connais, Tony, dit-elle. Tu ne m'appelles jamais pour parler de la pluie et du beau temps.

Toutefois, il crut déceler un sourire dans sa voix.

— Que se passe-t-il ? Peter va bien ? s'enquit-elle, et Tony fut surpris qu'elle ait retenu son prénom.

— Aux dernières nouvelles, il se porterait comme un charme.

— Vraiment ?

Elle semblait suspicieuse. Tony soupira :

— Bon, okay, je n'en sais rien. C'est un adolescent... Il parle beaucoup, mais jamais de ce qu'il ressent. Il passe beaucoup de temps à bricoler des trucs dans sa chambre, à écrire à ses amis et à se promener sur les toits de la ville. Oh et, accessoirement, c'est Spider-Man. Si tu ne sais pas qui c'est, regarde sur Google. Ne fais pas attention à son horrible costume, je lui en ai fabriqué un autre. Je ne pouvais décemment pas le laisser se promener là-dedans, sinon les services sociaux auraient eu une bonne raison de débarquer.

— Contrairement à toi, je ne vis pas dans une grotte, répliqua Pepper avec un petit rire. Je sais très bien qui est Spider-Man, la moitié de New-York est folle de lui. Mais je ne pensais pas qu'il était si… jeune !

Elle laissa passer quelques secondes de silence, avant d'ajouter :

— Alors comme ça, ton fils est un super-héros, lui aussi ? Je ne sais pas pourquoi, mais ça ne me surprend pas du tout.

— Évidemment, grimaça Tony. Le seul enfant de New-York qui passe ses après-midi à faire des cabrioles à quatre cents mètres du sol, c'est le mien.

— Tu as bien pris les choses, au moins ? s'enquit soudainement Pepper, et Tony fut persuadé d'entendre, dans le ton qu'elle avait employé, une pointe de soupçon qui lui transperça le cœur.

— Que veux-tu dire par "bien pris les choses" ?

— Je te l'ai dit, Tony : je te connais. Tu as parfois tendance à… à…

A… ?

Les épaules de Tony se crispèrent ; le portrait de Pepper vacilla sous les tambourinements nerveux de ses doigts contre son bureau.

— A, euh… à t'emporter un peu, acheva-t-elle d'une voix légèrement hésitante.

Tony sentit la pointe de ses oreilles le brûler désagréablement.

— Je suis sûre que tu t'en sors à merveille avec lui, ajouta précipitamment Pepper. Je n'ai jamais douté que tu serais un père formidable, bien sûr, et Peter a beaucoup de chance de t'avoir. Je posais juste la question comme ça, par, euh, par curiosité.

— Vraiment ? murmura Tony.

Sa propre voix lui paraissait étrange, tout à coup. Fausse. Comme si ses cordes vocales s'étaient désaccordées, ou avait été englouties par le sable mouvant de ses humeurs.

— Un père tellement formidable que la femme qu'il aime, et avec laquelle il avait bâti des dizaines de projets, a préféré le quitter ?

— Tony, tu sais très bien que ça n'a rien à voir…

— Un père tellement formidable qu'au lieu de vouloir construire une famille avec lui, elle… elle a préféré se réfugier du côté de ce… ce mec d'Oscorp aux chaussures bien cirées et aux dents très blanches ?

— Que… Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

Pepper avait l'air sincèrement décontenancée.

— Je fais référence à cette photo de toi dans les médias. Toi, qui rayonnes de bonheur dans les bras de cet homme d'Oscorp qui n'est de toute évidence pas moi.

— Cette pho… oh.

Il entendit presque les rouages de son cerveau se remettre en place.

— Ce n'était qu'un instant pris sur le vif, Tony. Cette image ne veut rien dire, et elle n'aurait jamais dû apparaître sur les médias. Et à ce que je sache, ajouta-t-elle fermement, toi et moi ne sommes plus ensemble. Tu n'as pas à fouiller dans ma vie privée, ni à déverser toutes tes incertitudes vis-à-vis de Peter sur moi.

— Je ne déverse rien du tout sur toi, je dis juste que…

— Tu fais un parallèle entre tes capacités de père et ce qu'il s'est passé entre nous deux. La réussite ou l'échec de notre relation n'a rien à voir avec celle que tu auras avec ton fils, Tony. En nous comparant, tu ne fais que nous mettre une pression démesurée sur les épaules, aussi bien à Peter et moi qu'à toi. Surtout à toi, en fait.

— Tu ne comprends pas…

— C'est toi qui refuses de comprendre. Tu vois, ajouta Pepper d'une voix soudainement lasse, c'est pour ça que je suis partie. Pas pour roucouler avec cet homme d'Oscorp (encore qu'une nouvelle fois, je ne te dois aucune explication sur ma vie privée), mais parce que je savais que tu n'étais pas encore prêt à concilier ta vie en tant que Tony Stark, l'héritier de Stark Industries engagé auprès de la Présidente de celle-ci, et ta vie en tant que père.

— Je…

— Je vais raccrocher, Tony. Si tu souhaites me rappeler à nouveau, je te répondrai, bien sûr… mais si c'est pour me reparler de l'homme de la photo, s'il te plaît, abstiens-toi. Je n'ai pas envie que nous allions sur ce terrain-là. Ni toi, ni moi n'en avons besoin.

Et elle mit fin à la conversation.

Tony fixa un long moment le vide, comme foudroyé par un éclair invisible. Les mots de Pepper tournaient en boucle dans son esprit, l'écho de sa voix écorchant sa fierté et son cœur — et le pire était probablement qu'elle avait raison sur toute la ligne.

Il soupira. Ses émotions se mélangeaient, formaient une masse glacée au creux de son estomac. Sa peur d'être un mauvais père pour Peter, son incapacité à lire en lui, le départ de Pepper, ses reproches, l'homme d'Oscorp qui avait noué son bras autour de sa taille et elle qui riait, plus heureuse et légère qu'il ne l'avait jamais vue…

Tony avait parfaitement conscience que certains des mécanismes ancrés en lui étaient au mieux inconscients, au pire dangereux. Iron Man était incontestablement l'un d'eux, et probablement le meilleur ; pourtant, son activité de super-héros n'était jamais parvenue à éradiquer le reste. Ses autres mécanismes avaient guidé une partie de son existence, lui offrant sur un plateau d'argent une porte de sortie à toutes ses idées noires, ses angoisses, ses doutes.

Et le plus puissant de ces mécanismes était probablement l'alcool. Peu importe lequel, tant qu'il submergeait ses pensées, déposait une délicieux voile d'hébétude sur son cœur et éclaboussait d'étoiles éblouissantes les nuits les plus sombres de son existence.

Il avait l'impression d'être dans un état second lorsqu'il ouvrit le placard de son bureau et s'empara de la bouteille de scotch qui s'y trouvait rangée, ainsi que d'un verre à whisky. La liqueur glouglouta jusqu'à manquer d'en déborder ; Tony ne l'écarta qu'au dernier moment, faisant tomber quelques gouttes ambrées sur son bureau.

— Juste un, murmura-t-il en refermant les doigts autour du verre. Seulement un.

Et il but.

L'alcool lui donnait l'illusion que tout était possible.

Que Pepper pouvait revenir. Qu'elle pourrait l'aimer à nouveau.

Qu'il saurait comment bâtir une véritable relation de famille avec Peter. Qu'un jour, l'enfant l'appellerait spontanément Papa et lui permettrait enfin d'élucider le mystère qu'il représentait.

Le scotch avait un goût de caramel et de fumé. Il répandait une brûlure délicieuse dans sa gorge, son estomac, ses veines. Peu à peu, le vide effroyable qui palpitait dans sa poitrine sembla se colmater et ses pensées se firent plus légères. Quelque chose se décoinça au niveau de ses épaules et il se surprit à sourire tout seul.

Le deuxième verre disparut presque aussi rapidement que le premier.

Au fur et mesure que l'alcool se mêlait à son sang, le monde semblait reprendre des couleurs. Il avait l'impression que, jusqu'à maintenant, il avait été piégé dans un écran en noir et blanc, alors qu'autour de lui tout le monde vivait dans un univers de teintes bariolées et de 4K. L'alcool… il n'y avait bien que ça qui parvenait à retirer le voile de gris que ses incertitudes déposait sur son champ de vision.

Il se renfonça dans son siège de bureau et passa la main contre son visage engourdi. Il savait que c'était une idée désastreuse, mais son sens de la réalité était déjà altéré lorsqu'il décida qu'il était inutile de s'embarrasser d'un troisième verre et qu'il porta directement le goulot de la bouteille à ses lèvres.

Le goût liquoreux du scotch devenait écœurant, mais il se força à déglutir de nouvelles lampées qui incendièrent son œsophage. C'était horrible. C'était exquis. En reposant la bouteille, il fut frappé de constater qu'elle était presque vide.

Il ferma brièvement les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, la pièce tanguait comme s'il se trouvait dans la cale d'un navire. Ou dans un jet privé qui le ramènerait droit dans les bras de Pepper Potts. Quelle tête ferait-elle, si elle le voyait à cet instant ? Probablement une moue sceptique, doublée d'un reniflement désapprobateur.

Elle était si belle lorsqu'elle fronçait les sourcils.

Tony se mit à rire sans raison, s'accrochant à la joie artificielle qui pulsait dans sa poitrine. La sueur commençait à piqueter son front, la salive s'accumulait dans sa bouche. Il avait besoin de boire un verre d'eau. Il voulut se relever, mais la pièce tournait de plus en plus vite et il fut contraint de se cramponner à son bureau pour ne pas perdre l'équilibre. Dans la manœuvre, il fit chuter la photographie de Pepper ; le verre explosa, éclaboussant le sol de miettes acérées.

— Putain de merde…

— Boss, je vous rappelle que vous devez être au lycée de Peter dans une demi-heure pour sa compétition, lança soudainement Friday. Happy vous attend au parking pour vous y emmener.

Il écarquilla les yeux, pris au dépourvu.

La compétition de Peter.

Oh, merde…

LA COMPÉTITION DE PETER !

La nouvelle de la fuite du Symbiote et l'appel qu'il avait passé à Pepper lui avaient totalement fait sortir de la tête qu'il avait promis à Peter — il avait promis à son fils — qu'il irait le voir mettre une raclée verbale à ses concurrents en chemise-cravate sortis des meilleures écoles privées du quartier, accompagné de ses amis nerds dont les prénoms avaient une fâcheuse tendance à lui échapper.

— Putain, putain, putain…

Il avait — par miracle — atteint la porte lorsque celle-ci s'ouvrit brusquement sur une silhouette haute, digne, qu'il reconnut comme étant celle de Rhodey.

— Tones, Happy te cherche, apparemment il doit t'emmener au lycée de Peter pour une sorte de compétition académique ou quelque chose comme…

Rhodey s'interrompit net en voyant l'état dans lequel était son ami.

— Bon sang, Tony, tu es tombé dans une cuve de whisky ou quoi ?

— Pousse-toi, Rhodey, grommela Tony.

Sa voix était pâteuse, comme si les mots jouaient à la corde à sauter sur sa langue. Il voulut repousser Rhodey, mais ses membres refusèrent de lui obéir et il se retrouva brusquement soutenu par son ami. Celui-ci étouffa une exclamation de surprise.

— Woah, doucement ! Combien de verres tu as bu !?

— Presque rien. Pousse-toi, mon fils m'attend.

— Ton fils t'attend ? répéta Rhodey, incrédule. Regarde-toi, Tony, tu ne tiens même pas debout ! Tu ne peux quand même pas…

— Peux pas… quoi ? M'occuper de mon… mon enfant ?

Rhodey secoua la tête. Tony n'aurait su dire si le sentiment qui se reflétait dans son regard noir était de la déception, de la colère ou de l'inquiétude. Lorsqu'il reprit la parole, un mélange des trois transperçait sa voix :

— Certainement pas. Pas dans cet état-là.

— J'vais très bien !

— Tony, tu es complètement saoul.

C'est toi qui me saoules ! voulut-il répondre, mais un profond dégoût s'éleva brusquement dans sa gorge et il ferma les yeux pour ravaler sa nausée. Les murs continuaient d'onduler, le bateau dans lequel il avait l'impression d'être piégé tanguait trop vite, il commençait à avoir sérieusement le mal de mer — ce qui était étrange, puisque ses pieds étaient toujours ancrés sur la terre ferme.

— Viens, il faut qu'on t'allonge, ajouta Rhodey — et cette fois-ci, c'était indéniablement de l'inquiétude qui dominait ses paroles.

Malgré ses protestations, Tony fut incapable de résister à la poigne de fer de son ami. Celui-ci le força à passer un bras autour de sa nuque et, tout en supportant la moitié de son poids, le traîna cahin-caha jusqu'au canapé le plus proche. Tony n'aurait su dire si ce fut Rhodey qui l'y poussa ou la gravité qui l'y entraîna, mais le résultat fut le même : sa joue s'écrasa violemment contre l'accoudoir et tout à coup, le monde fut sens dessus dessous ; la pièce tournait de plus belle, il était piégé tel un hamster dans une roue qu'une main invisible se serait amusée à secouer.

Il serra les dents. Ne vomis pas, ne vomis pas, ne vomis pas, se répéta-t-il en boucle, ravalant péniblement l'acidité qui roulait dans sa gorge.

— … ny, tu es avec moi ?

Le monde mit un certain à se stabiliser. Lorsqu'il fut certain qu'il ne régurgiterait pas le contenu de son estomac sur les chaussures de Rhodey, il releva les yeux vers celui-ci et laissa échapper un grognement d'exaspération.

— U-un Rhodey n'était p-pas suffisant, il en f-fallait trois ?

Son ami soupira :

— Si je pouvais pas me dédoubler pour te surveiller, crois-moi que je l'aurais déjà fait.

Il ajouta, ses traits adoptant un air plus sévère :

— Je ne sais pas ce qu'il t'est passé par la tête, Tones, mais tu ne bougeras pas de ce canapé jusqu'à ce que tu aies décuvé. Et il est hors de question que ton fils te voit dans cet état, compris ?

Capisce, chef, grommela Tony.

Il passa à nouveau la main sur son visage, comme si se frotter les yeux l'aiderait à se débarrasser du voile que l'alcool avait déposé sur ses rétines. Même s'il l'avait voulu, il n'était pas certain qu'il aurait pu se redresser.

— J-j'avais promis à Pete, souffla-t-il après quelques instants de silence. Je lui avais dit que j'irai à s-son… son truc. Il avait l'air si… si… heureux. Et moi… moi, comme d'habitude, j'ai tout gâché.

Rhodey ne répondit pas.

— J'suis nul, hein… ajouta-t-il, luttant pour articuler malgré sa bouche pâteuse. L-le pire père du monde. P-p-pire encore que l'mien. Howard Stark est m-mort, vive Tony S-Stark ! Personne ne v-verra la différence ! Hips !

— Je ne dirai pas que vider une bouteille au lieu d'aller encourager ton fils à une compétition inter-lycée n'était pas l'une des choses les plus stupides que tu n'aies jamais faites, mais ça ne te mènera nulle part de t'auto-flageller comme ça. Au lieu de pleurnicher en te regardant le nombril, réfléchis plutôt à la manière dont tu pourrais t'excuser auprès de lui et essayer de rattraper les choses.

Tony émit un ricanement dépourvu de joie :

— C-comment il pourrait me pardonner ça ? C'était probablement l'une des p-pire chose que je pouvais lui faire. Si tu avais vu sa t-tête lorsqu'il a cru que je v-viendrai le voir…

— Je ne sais pas, admit Rhodey. Je lui parlerai quand il rentrera. Toi, essaies de dormir un peu. Avec un peu de chance, l'alcool aura quitté une partie de ton sang demain matin et tu auras les idées un peu plus claires.

— Et s'il me déteste, Rhodey ? S'il ne veut p-plus jamais me voir ? Qu'est-ce que je serai censé f-faire ? Qu'est-ce que je suis censé faire ?

Il crut voir un sourire triste s'épanouir sur le visage de son ami.

— Tu es son père, Tony. Quoi que tu fasses, quoi qu'il ressente à son égard, il y aura toujours un espoir au fond de lui, même minuscule, que tu l'aimes. C'est un terrible pouvoir que tu as là. Et une très grande responsabilité, dont beaucoup d'adultes n'ont pas conscience. Au moindre faux pas, tu peux briser cette chose en lui qui ne cherche qu'à entrer dans ton cœur... Mais il n'y a aussi que toi qui pourras la réparer. (Son sourire se fit plus doux. Presque navré.) Et réparer l'irréparable, c'est ta spécialité, n'est-ce pas ?

Peter sursauta lorsque le pied de Michelle Jones (alias MJ, ainsi qu'elle l'avait prié de l'appeler) heurta son mollet.

— Parker, concentre-toi ! murmura-t-elle, si bas qu'il dut lire sur ses lèvres pour la comprendre.

L'adolescent s'ébroua mentalement et s'efforça de se concentrer sur le moment présent : la table en bois ciré sur laquelle reposaient ses mains, la présence de MJ à sa droite, celle de Ned à sa gauche, le parfum vanillé de Liz Allen qui dodelinait de la tête dans son champ de vision et, surtout, la masse grouillante des spectateurs de l'autre côté de la scène. Il était inexorablement attiré par cette dernière, ne pouvant s'empêcher d'y jeter régulièrement un regard plein d'espoir — mais au fond de lui, il savait.

Il l'avait su dès que la cohorte des familles s'était engouffrée dans le lycée, rejoignant sa progéniture dans une vague d'encouragement bruyants et de rengorgements qui leur donnaient l'air de coqs dominant leur basse-cour. Les parents s'étaient précipités sur leurs enfants, les avaient étreints avec tendresse tandis que lui-même était resté planté au milieu de la pièce comme un poireau solitaire oublié dans un potager.

Il avait l'habitude d'être seul, de n'avoir aucune famille, aucun proche qui aurait jugé utile de faire le déplacement pour le voir — mais s'y préparer n'empêchait pas le sentiment désagréable, à la fois brûlant et glacé, qui rampait sournoisement dans sa gorge et lui donnait envie de pleurer.

— Peter, est-ce que tout va bien ?

MJ semblait avoir troqué son agacement contre de l'inquiétude et le fixait désormais d'un air incertain, les sourcils légèrement retroussés.

L'adolescent hocha la tête et se força à se concentrer sur les questions qui fusaient, mais il avait parfaitement conscience d'être totalement inutile ; c'était à peine s'il parvenait à répondre correctement aux questions les plus faciles. Son équipe gagna de justesse et, aux regards que lui coulèrent ses camarades à l'annonce de leur victoire, Peter comprit qu'ils se faisaient tous la même réflexion : qu'il soit là ou pas n'aurait strictement rien changé.

Mais le pire fut le moment où les familles vinrent les féliciter. Flash le fixa d'un air goguenard par-dessus l'épaule de son père, un homme guindé en costume qui levait le nez d'un air hautain ; quant à Ned, coincé entre sa mère et sa grand-mère, il ne put que lui adresser un regard désolé.

Seule MJ parvint à échapper à l'étreinte de ses parents ; le regard étrangement fixe et la bouche légèrement pincée, elle vint droit sur lui. Peter fit mécaniquement un pas en arrière, persuadé qu'elle allait se mettre à crier ou, au minimum, lui reprocher d'avoir totalement plombé son équipe. Pourtant, à sa grande surprise, elle se contenta de lui tendre la main d'un air solennel.

— Félicitations, Parker, dit-elle très sérieusement.

— Euh… félicitations pour quoi ? s'étonna l'adolescent. Je n'ai donné presque aucune réponse !

MJ haussa les épaules :

— Et alors ? On s'en fiche. On a gagné, c'est tout ce qui compte. Et puis tu as fait de ton mieux. On a tous des jours avec et des jours sans, c'est normal, on n'est pas des machines. Et si tu n'avais pas donné autant de bonnes réponses aux entraînements, la moitié de l'équipe aurait eu beaucoup moins confiance en elle que ce soir. Quoi que tu en penses, tu as contribué à notre victoire.

Ces paroles réchauffèrent légèrement le cœur de Peter, sans toutefois parvenir à colmater la brèche qui palpitait dans sa poitrine.

Michelle l'observa quelques secondes supplémentaires, avant de faire la moue :

— Bon, Parker, tu comptes me serrer la main, ou je vais rester plantée comme ça jusqu'à la Saint Glinglin ?!

En sortant du lycée, il fut surpris de voir la voiture de Happy garée sur le parking, comme si de rien n'était. Après s'être assuré que personne ne faisait attention à lui, il se glissa dans l'habitacle et referma silencieusement la porte derrière lui.

— J'ai cru entendre les cris de victoire de tes petits copains jusqu'ici. Je suppose que vous avez gagné ? demanda Happy en lui jetant un regard en coin.

— Mhm, marmonna Peter en attachant sa ceinture.

Happy sembla hésiter, avant de prendre une grande inspiration :

— Bon, euh, écoute, petit… à propos de Tony…

— Ce n'est rien, le coupa Peter en collant son front contre la vitre, évitant soigneusement de regarder l'ami de son père.

— Il… enfin… il aurait vraiment voulu te voir, mais…

— … mais il avait du travail, je sais, acheva Peter avec lassitude. Je commence à avoir l'habitude, tu sais ?

— Ce n'est pas ça, il, euh… il valait mieux pour tout le monde qu'il reste à la Tour, crois-moi. Je crois qu'il a un peu... euh... un peu trop forcé sur la bouteille, si tu vois ce que je veux dire.

— Mhm, répéta Peter.

— Je… je suis vraiment désolé, Peter.

L'adolescent se força à sourire.

— Ce n'est pas de ta faute, Hap. Merci d'être venu me chercher.

Il sentit son téléphone vibrer dans sa poche, mais il n'avait ni la force, ni l'envie d'y jeter un regard. Il n'avait pas non plus l'énergie de faire la conversation avec Happy, bien qu'il sentit ses yeux se poser à fréquence régulière sur lui.

Essayant de ravaler la boule de sentiments négatifs qui gonflait dans sa gorge, il tenta de se raccrocher aux paroles de MJ, de se souvenir du contact de sa main contre la sienne pour y puiser un quelconque réconfort — mais rien ne parvenait à éradiquer le froid glacial qui se déployait dans la poitrine.

A la Tour, il fut accueilli par le Colonel Rhodes en personne. L'homme avait l'air sincèrement navré et, durant quelques battements de cils désarçonnés, Peter ne sut pas comment réagir. C'était la première fois que le héros prenait la peine de s'adresser à lui.

— Ton père n'est vraiment pas au meilleur de sa forme, Peter, dit-il d'un ton grave. Tu sais comment il est. Il... il a un peu de mal à gérer tout ça.

"Tout ça" voulait probablement dire "toi". Peter hocha la tête sans insister.

— Je sais, dit-il simplement en préférant fixer ses mains plutôt que le regard scrutateur de son interlocuteur. Il va bien ?

— Euh... je crois qu'il s'est endormi. Et il est vraiment désolé, insista M. Rhodes. Il s'en veut terriblement de n'avoir pas pu se déplacer à ton lycée et de t'avoir déçu. Mais ça ne veut pas dire qu'il ne tient pas énormément à toi, d'accord ? Il t'aime de tout son cœur, il ne sait simplement pas toujours comment te le montrer…

Peter ne sut quoi répondre, tant ces mots lui semblaient, à cet instant, totalement vides de sens.

— Est-ce que je peux aller dans ma chambre ? demanda-t-il, mal à l'aise. J'ai encore des devoirs à terminer pour demain. Et même si on a gagné le Décathlon, je ne crois pas que la prof d'espagnol acceptera que j'arrive les mains vides à son cours.

— Oui, bien sûr, Peter, mais…

— Bonne soirée, M. Rhodes, l'interrompit Peter en s'empressant de se faufiler hors de son champ de vision.

Ce fut avec un certain soulagement qu'il s'engouffra dans sa chambre et referma la porte derrière lui, prenant soin de la verrouiller à double tour.

Son téléphone vibra une nouvelle fois et, cette fois-ci, Peter décida d'y accorder un regard.

Il le regretta aussitôt.

Flash lui avait envoyé le lien d'un thread Twitter qu'il venait de publier, et qui commençait ainsi : Le plus gros mytho du lycée - vous voulez savoir comment un mec de la classe essaie de nous faire croire qu'il est pote avec Tony Stark ? (1/10)

Il avait même créé un hashtag pour l'occasion. ParkerLeMenteur.

Peter éteignit son téléphone et le jeta contre sa table de nuit avec tant de force qu'une profonde éraflure en creusa le bois.