Hello !

On continue cette histoire avec un peu de douceur et de la sickfic parce que j'avoue que c'est un de mes trope chouchou.

Bonne lecture !


Lorsque Tony se réveilla, il lui fallut un certain temps pour reconnaître son environnement.

La toile de la tente ondulait doucement au-dessus de sa tête. Recroquevillé près de lui, Peter dormait à poings fermés. Les rayons de soleil qui se faufilaient jusqu'à eux déposait des touches de lumière cuivrée dans ses boucles en pagaille.

Tony hésita à le réveiller, mais l'adolescent semblait avoir besoin de se reposer : il était un peu pâle et des ombres s'étiraient sous ses paupières closes. Après avoir doucement repoussé une mèche qui barrait son front moite, il décida de le laisser tranquille.

Quelques minutes plus tard, alors qu'il faisait bouillir du café dans le réchaud qu'il avait emporté dans son sac à dos, assis près de l'entrée de la tente, il repensa aux révélations que Peter lui avait faites la veille au soir.

Le regard de l'adolescent ne lui avait jamais semblé aussi grave. Aussi hanté. Ce n'était pas le regard d'un adolescent de quinze ans désinvolte et insouciant, mais le regard d'un super-héros qui savait ce que signifiaient les mots sacrifice et plus jamais.

Peter avait connu la mort. Le deuil. Et, pire que tout : la culpabilité du survivant.

Si cela avait été possible, Tony aurait tout fait pour que son fils ne goûte jamais à ce sentiment. Que les crises d'angoisse lui soient étrangères, qu'il évolue dans un nuage de bonheur où tout ce qui l'aurait intéressé soit que la jeune personne pour laquelle battait son cœur — qu'il s'agisse de l'enthousiaste fille de George Stacy, de la mystérieuse capitaine de son équipe de Décathlon ou de n'importe quel autre adolescent de son âge — accepte de l'accompagner à son bal de fin d'année.

Mais à son grand désarroi, Peter lui ressemblait bien plus qu'il ne l'aurait souhaité.

Il devait être près de dix heures et demi lorsque Peter pointa enfin le bout de son nez hors de la tente. Ses joues avaient repris quelques couleurs ; il était même un peu rouge, ce que Tony mit sur le compte de la chaleur dégagée par son sac de couchage en nanoparticules. Ses cheveux étaient si ébouriffés qu'un perroquet semblait y avoir élu domicile et Tony résista difficilement à l'envie d'y passer les doigts pour les démêler. Il n'était pas certain que Peter apprécie les soudains élans d'affection qui le transperçaient lorsqu'il se trouvait dans son champ de vision ; encore récemment, il avait lu un article particulièrement convainquant sur la nécessité de laisser de l'espace aux adolescents. Et leur ébouriffer les cheveux toutes les cinq minutes semblait de facto incompatible avec une telle nécessité.

Alors Tony se contenta de demander, s'efforçant de conserver un air dégagé :

— Bien dormi, petit ? Tu veux du café ? Je peux te préparer du chocolat, si tu préfères. J'ai aussi des gâteaux. Et des boîtes de haricots blancs, mais je te déconseille de prendre ça à jeun.

— Mmmhh.

— Désolé, Pete, mais je n'ai pas encore inventé de décodeur pour les grognements des adolescents. Ceci dit, j'y pense de plus en plus.

— Pas faim, marmonna Peter.

Il s'installa devant lui en se frottant vigoureusement le visage.

— Oh. Un peu d'eau, alors ?

Malgré son air dubitatif, l'adolescent accepta la gourde que lui tendit Tony. Il la sirota du bout des lèvres, interrompant ses déglutitions de reniflements nerveux.

Voyant qu'il semblait épuisé, Tony proposa :

— Je pense que ce serait plus sage qu'aujourd'hui, nous nous contentions de retourner à la voiture et de rentrer à la Tour. On a déjà eu suffisamment d'émotions pour le week-end, hein ?

— Ouais, grommela Peter après un nouveau reniflement qui parut remonter jusqu'aux tréfonds de sa gorge. Carrément.

Tony esquissa une grimace :

— Tu veux un mouchoir ?

— Oh, non, pas la peine…

— Okay. Évite de répandre tes mucus dans la manche de ce sweat, alors.

— Mmhhm.

— En tout cas, je suis ravi de te voir de si bonne humeur. S'il te prend l'envie de chanter, n'hésite surtout pas. Ce serait dommage que tout le monde ne profite pas de ta joie de vivre, ne put s'empêcher de faire remarquer Tony avec un léger sourire forcé qui trahissait son inquiétude.

— Désolé, geignit Peter en se frottant les yeux. C'est juste que… je n'ai pas très bien dormi. Vous savez que vous ronflez, M. Stark ?

Tony adopta aussitôt un air indigné :

— Moi, ronfler ? C'est bien la première fois qu'on me le dit.

— Ah bon ?! Parce qu'à un moment, j'ai même cru qu'un ours nous attaquait ! Je vous ai enregistré avec mon téléphone, vous voulez écouter ?

— Okay, okay, j'ai compris, Spider-Kid. Je ne fais plus aucune remarque sur ton humeur et toi, tu effaces cet enregistrement illico presto.

Pour la première fois depuis le début de la matinée, Peter esquissa un sourire et hocha la tête.

— Marché conclu, M. Stark.

— Oh, et la situation n'a pas changé, depuis hier. Je suis toujours Tony. T-O-N-Y.

— D'accord, M. Stark !

— Okay, il y a encore quelques efforts à faire, dit Tony en roulant des yeux. Répète après moi : Tony. Tu. Tony. Tu. Ce n'est pas si difficile, non ?

— Question de point de vue, rétorqua Peter, d'un air si sérieux que Tony ne put s'empêcher d'étouffer un rire dans sa tasse en fer blanc — et, après quelques grimaces qui donnèrent l'impression qu'il avait avalé par mégarde une épluchure de pamplemousse, Peter ne tarda pas à l'imiter, non sans recracher une partie de son eau sur ses propres genoux.

Alors, c'était ça, d'avoir un fils ?

C'était aussi… naturel ?

Peter s'endormit quelques minutes après que la voiture ait démarré. Tony baissa le volume de la radio et s'efforça de se concentrer sur la route, mais son regard était sans cesse attiré par la petite silhouette recroquevillée sur le siège passager. L'adolescent pressait son front contre la vitre, la bouche légèrement entrouverte et les mains enfouies dans les poches de son sweat-shirt Stark Industries. Une nouvelle fois, Tony fut frappé par la familiarité de ses traits fins, réguliers, dont les angles ciselés étaient encore adoucis par son jeune âge. Des grains de beauté se dessinaient ça et là sur son visage, formant une constellation inédite qu'il remarquait pour la première fois.

Une fois de retour à la Tour, il le secoua doucement pour le réveiller. Peter mit plusieurs secondes à émerger, papillonnant des paupières d'un air déboussolé.

— On est arrivés, Pete, annonça Tony.

Comme Peter ne paraissait pas comprendre, il précisa :

— On est rentrés à la maison. Home, sweet home !

— La maison ? Quelle maiso… oh. La Tour.

— Oui, la Tour, acquiesça Tony.

Puis, voyant que Peter avait commencé à se débattre sur son siège :

— Peut-être que ce serait mieux, si tu commençais par te détacher ?

— Oh… o-oui, c'est vrai.

L'adolescent rougit et appuya sur le bouton adéquat, se libérant de la ceinture de sécurité qui entravait ses gestes.

Tony fronça les sourcils.

— Tu vas bien ?

Il se pencha vers lui, réalisant, pour la première fois depuis le début de la journée, que ses yeux étaient un peu plus brillants qu'à l'ordinaire.

Peter protesta faiblement :

— Oui, j-je vais très bien, Monsieur… euh, Tony. Je vous… je te… je l'ai dit : je suis juste un peu fatigué. Je n'ai sûrement pas assez dormi…

— Mhm. Dans ce cas, que penses-tu de terminer la journée tranquillement ? Toi, moi, des pop-corns et le film de ton choix, par exemple ?

A ces mots, Peter écarquilla les yeux, comme si Tony venait de lui proposer de l'emmener à Disneyland et de lui offrir des oreilles de Mickey.

— V-vous… vous voulez qu'on regarde un film… ensemble ? V-vraiment ?

— Ce n'est pas grand-chose, répondit Tony. Je crois pouvoir affirmer sans me tromper que Friday a, dans sa base de données, tous les films dignes d'intérêt sortis au cours des cinq dernières décennies.

Mais il réalisa alors qu'il n'avait jamais pris le temps de regarder quoi que ce soit avec Peter. Il savait que l'adolescent adorait Star Wars — difficile de l'ignorer, avec tous les posters et les figurines qu'il avait rassemblés dans sa chambre — mais il ne savait même pas quelle était sa réplique préférée, ni quel était le personnage qui suscitait le plus sa passion.

Le plus douloureux, toutefois, n'était pas sa propre incompétence sur cette question.

C'était que Peter le fixait comme s'il venait de lui proposer quelque chose d'extraordinaire. Comme si personne, jusque là, ne s'était jamais soucié de partager quelque chose d'aussi simple qu'un film avec lui.

— Je… j'aimerais bien… vous avez déjà vu le dernier Men in Black ? On avait essayé de le télécharger avec Gwen, mais la qualité n'était pas géniale, alors… si je pouvais le revoir…

Quelque chose, dans le sourire plein d'espoir que lui adressait son fils, insuffla une pointe d'euphorie dans le cœur de l'homme. C'était comme lorsqu'il buvait un shot de vodka, cul sec — sans la promesse de gueule de bois, ni l'impression d'avoir reçu une piqûre d'anesthésie en plein visage.

— Va pour Men in Black 3. Pop-corns sucrés ou salés ?

— Euh… sucrés ? Avec du beurre et du caramel ?

— Excellent choix. Je m'en occupe, attends-moi au salon.

— D'accord, M. Star-euh Tony, je veux dire Tony !

Et l'adolescent se précipita dans l'ascenseur, avec tant de fébrilité que Tony en eut brièvement le tournis :

— Calme-toi, Pete. On a toute la journée devant nous.

— Oui, désolé !

Mais il appuya si fort sur le bouton de l'ascenseur qu'il s'enfonça de plusieurs centimètres dans le mur.

— Euh… je… oups ?

Tony leva les yeux au ciel, mais ne parvint pas à dissimuler son léger sourire.

— Okay, petit. Ne touche plus à rien, d'accord ? Ce n'est pas le moment de casser quoi que ce soit.

— O-oui ! Excusez-moi, M. Sta… Tony !

Peter était épuisé.

Malgré sa joie de regarder un film et de partager un sceau de délicieux pop-corn croustillants avec M. Stark — avec Tony —, la fatigue prenait peu à peu le pas sur sa volonté de rester éveillé. Ses paupières étaient lourdes, il avait l'impression qu'elles étaient lestées plomb... il voulait juste les fermer quelques secondes... quelques... secondes...

Une main secoua rudement son épaule, l'arrachant à des songes peuplés d'aliens, de lunettes noires et de lumière blanche. Il cilla, désarçonné. Il ne s'était même pas aperçu qu'il s'était endormi.

Devant lui, Tony le fixait d'un air indécis.

— Hey, Spider-Kid. Tu es avec moi ?

Quelque chose, à sa façon de parler, fit comprendre à Peter qu'il essayait déjà de le réveiller depuis plusieurs minutes.

— Mmh… je crois que oui… balbutia-t-il en fronçant les sourcils, essayant de faire une mise au point sur le visage de son interlocuteur.

Il se redressa lentement sur les coudes et frissonna. Peut-être était-ce la fatigue, mais il avait l'impression que ses veines étaient glacées.

Il s'aperçut alors que l'écran de la télévision était noir.

— Le film est terminé, l'informa M. Stark en suivant son regard. Depuis déjà une bonne demi-heure. Tu as commencé à piquer du nez vers le milieu de l'histoire.

— Oh… je… désolé.

— Ne t'excuse pas pour ça. Ahem, Peter… tu es… tu es sûr que tu vas bien ?

Le premier réflexe de l'adolescent fut de lui assurer qu'il était en parfaite santé, mais un nouveau frisson caracola le long de sa colonne vertébrale et il n'eut pas la force de mentir. Il admit, resserrant vainement les pans de son sweat-shirt autour de son corps saisi de tremblements frénétiques :

— J-je… je suis peut-être un peu plus fatigué que je ne le croyais. Et j'ai un peu froid.

— Va te reposer dans ta chambre, alors. Tu vas attraper un torticolis si tu restes sur ce canapé. Il y a des couvertures dans ton placard, prends-en autant que tu veux. Pendant ce temps, je vais, euh… préparer le dîner. Je te réveillerai quand ce sera l'heure de manger. Ça te va ?

M. Stark semblait aussi perdu que lui. D'une certaine manière, Peter s'en sentit rassuré.

— D'accord, Monsieur… Tony !

Il se releva si vite qu'un bref instant, un essaim d'étoiles noires l'aveugla. Dissimulant tant bien que mal son malaise, il s'agrippa fébrilement au dossier du canapé et pria pour que M. Stark n'ait rien remarqué ; par chance, l'attention de l'homme avait brièvement été happée par son téléphone et il ne semblait pas avoir pris garde à ses mouvements incertains.

Tout en rejoignant sa chambre, Peter sentit un filet de sueur dégringoler le long de sa nuque. C'était étrange : il mourrait de froid mais, d'un autre côté, il avait l'impression qu'une chaleur anormale, un peu moite, s'échappait de chaque fibre de son corps.

Peut-être qu'une douche lui ferait du bien.

Fort de cette idée, il se débarrassa de ses vêtements qui sentaient l'herbe et le feu de camp et se rendit dans la salle de bain attenante à sa chambre, réglant la température de l'eau à son maximum. Les jets brûlants qui se ruèrent contre son visage n'eurent toutefois pas l'effet escompté et lorsqu'il ressortit de la douche, il grelottait de plus belle, malgré la sensation que son sang s'était mis à bouillonner dans ses veines. Il eut le plus grand mal à enfiler son pyjama : il venait à peine de faire passer son t-shirt Jurassic Park par-dessus sa tête que les étoiles revinrent de plus belle, emplissant son champ de vision d'une nuée noire et blanche qui lui donnait l'impression d'avoir été propulsé dans un écran de télévision rempli de neige.

Il se laissa lentement glisser sur le carrelage froid de la salle de bain, fermant les yeux dans l'espoir que les étoiles s'envolent.

— Hey, petit, Tony m'a dit que tu as oublié ton téléphone dans… Peter ? Qu'est-ce que tu fais par terre ?

La voix semblait venir de loin. Pourtant, l'instant d'après, il sentit quelqu'un s'agenouiller près de lui et une main se posa délicatement contre sa joue — mais n'était pas celle de M. Stark. Elle était plus grande, plus sèche, mais d'une fraîcheur qui lui arracha un grognement de satisfaction.

— Est-ce que tu peux me regarder, bonhomme ?

Peter se força à ouvrir les yeux, se heurtant à la vision d'un Colonel Rhodes qui fronçait les sourcils d'un air soucieux.

— B'jour, M'sieur R'des, balbutia Peter en fronçant les sourcils à son tour. Qu'est-ce que vous faites ici ?

— Je suis venu te rendre ton téléphone, tu l'avais oublié dans le salon. Ton père sait que tu as de la température ?

— Je n'ai pas de température, protesta faiblement Peter. Suis juste… fatigué.

— Désolé de te contredire, mais tu es très chaud, petit.

— Mmhh non. Froid.

Le visage de M. Rhodes se creusa davantage. Sa main quitta sa joue pour envelopper délicatement son front où battaient des mèches encore humides.

— Tu as définitivement de la fièvre. Que fais-tu par terre ? Tu es tombé ? Tu ne t'es pas cogné la tête ?

Il semblait anormalement inquiet. Peter secoua la tête, mais le regretta aussitôt lorsque de nouveau vertiges le saisirent.

— N-non… juste fatigué… avais besoin de souffler un peu, admit-il à contrecœur.

— Mhm, je vois... Ton père t'a au moins donné quelque chose à manger ou à boire, depuis que vous êtes rentrés de votre randonnée ?

Peter haussa les épaules. M. Stark lui avait bien préparé des pop-corns, mais il avait pu n'en avaler qu'une poignée avant d'avoir l'impression que son estomac était tapissé de briques.

M. Rhodes leva les yeux au ciel et sembla jurer dans sa barbe. Une pointe de culpabilité traversa le cœur de Peter. Après tout, c'était de sa faute si M. Rhodes était ennuyé...

— Désolé, M'sieur Rhodes…

Le visage de l'homme s'adoucit aussitôt.

— Non, bonhomme, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas toi, le problème. Mais que dirais-tu de poursuivre cette conversation dans un endroit un peu plus confortable ? Tes fesses vont se transformer en glaçon si tu restes sur ce carrelage.

Il passa un bras autour de ses épaules et l'aida à se redresser, avec une assurance et une fermeté auxquelles Peter n'était pas habitué.

— Je peux marcher tout seul, se sentir-il obligé de dire, mais M. Rhodes ne relâcha pas son étreinte d'un millimètre.

Son odeur était très différente de celle de M. Stark, mais Peter se surprit à humer l'agréable mélange de miel et de cannelle qui s'attachait à sa peau.

— Friday, dis à Tony de venir tout de suite, ordonna M. Rhodes en le guidant d'une poigne solide jusqu'à son lit. Toi, Peter, allonge-toi et reste tranquille.

— Je vais très bien, je ne suis pas en sucre, marmonna l'adolescent tandis que l'homme le forçait à se glisser sous ses couvertures.

Mais M. Rhodes se contenta de secouer la tête, faisant légèrement claquer sa langue en signe d'agacement.

— Aussi tête de mule que ton père, murmura-t-il.

Bien que cela n'ait probablement pas été son intention, ses mots firent curieusement plaisir à Peter et il ne put s'empêcher de sourire — ce qui lui attira un nouveau soupir de M. Rhodes.

Malgré ses protestations, toutefois, il était réellement épuisé et avant d'avoir pu s'en empêcher, il ferma les yeux. Seulement une minute... le temps que le monde se stabilise autour de lui…

Lorsqu'il les rouvrit, il y avait deux silhouettes à côté de son lit et quelque chose de très désagréable dans son oreille. Il remua, mais une main se posa sur son épaule et le força à rester tranquille.

— 40,5, annonça finalement la voix de M. Rhodes. C'est une sacrée fièvre que ton fils nous a ramené, Tones.

— Oh, Pete…

Une nouvelle main se posa sur son front, mais cette fois-ci, Peter reconnut immédiatement celle de Tony. Au lieu de se contenter d'évaluer sa température, comme l'avait fait M. Rhodes, elle s'attarda près de ses cheveux humides, dégageant avec douceur les mèches que la sueur collait à ses tempes.

— Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu étais malade, Spider-Kid ? demanda-t-il lorsque le regard de l'adolescent croisa la sien. Rhodey m'a dit que tu étais tombé dans la salle de bain, tu aurais pu te faire très mal. Tu n'as donc aucun égard pour le pauvre cœur fatigué du vieil homme qui veille sur toi ?

— Je ne savais pas que j'étais malade, admit-il d'une voix un peu étranglée. Et je ne suis pas tombé. Je… je trouvais juste le sol plus confortable que de rester debout.

M. Stark esquissa un rictus incrédule.

— Ça ressemble beaucoup à ce que j'appelle « tomber ».

Peter voulut le contredire mais avant d'avoir pu prononcer le moindre mot, il fut saisi d'une quinte de toux qui lui donna l'impression d'avoir avalé de travers une botte de paille. Le sourire de M. Stark s'envola aussitôt, remplacé par une expression sur laquelle Peter n'aurait pu poser de mot. Préoccupé, peut-être. Inquiet.

— Hey, hey, doucement, Pete. Respire.

— Tiens, bois ça, dit M. Rhodes en lui glissant un verre d'eau que Peter accepta de bon cœur.

L'eau fraîche lui fit du bien, mais ne parvint à dissiper son impression d'avoir une boule de poils enfoncée dans la gorge.

Lorsqu'il eut fini de toussoter et de déglutir, il s'aperçut que M. Rhodes parlait à Tony d'un air particulièrement sérieux, ignorant la moue butée qu'affichait son interlocuteur.

— Tu dois le garder hydraté. Surveiller sa température régulièrement. Le paracétamol, c'est toutes les six heures, pas plus. Fais attention avec les antihistaminiques, ça risque de le rendre un peu somnolent, ne dose pas ses médicaments à la louche comme tu as l'habitude de le faire. Souviens-toi que les notices ne sont pas uniquement là pour faire joli.

— Je sais, Rhodey, répondit Tony en levant ostensiblement les yeux au ciel. Félicitations, d'ailleurs, je ne savais pas que tu étais devenu docteur. Tu aurais quand même pu m'inviter à la remise des diplômes.

— Pas la peine d'être sarcastique, Tones. Tu sais comme moi que tu n'as aucune idée de la façon de prendre soin d'une personne malade, parce que tu serais le premier à aller botter les fesses de tes ennemis en te traînant 40 degrés de fièvre.

— Je sais faire la différence entre mon fils et moi, merci.

— Mais lui, il ne le sait peut-être pas, rétorqua M. Rhodes.

Peter suivait cette échange comme il aurait suivi un match de tennis, mais il avait un peu de mal à comprendre le sens de leurs paroles. Il avait de nouveau le tournis et il ferma les yeux, étouffant un vague grognement dans son oreiller. Tony et M. Rhodes cessèrent aussitôt de parler et il sentit la main de son père, hésitante, se poser à côté de la sienne.

— Repose-toi, Spider-Kid, lui murmura-t-il finalement. Quoi qu'en dise Grumpy ici présent, je gère, okay ? Je suis là, et on va lui botter les fesses, à cette fièvre. Elle ne sait pas à qui elle s'attaque, mais elle va vite regretter de t'être tombée dessus.

Peter eut un léger rire, entrecoupé d'une nouvelle quinte de toux.

— De toute façon, ce n'est q-qu'un rhume. Ça va vite passer, assura-t-il à Tony que ces mots semblèrent rasséréner.

Il s'avéra rapidement qu'il ne s'agissait pas « juste d'un rhume ».

Quelques heures plus tard, Peter avait l'impression que son mal-être s'était mystérieusement multiplié par dix. Il avait du mal à dormir : il avait trop chaud, il transpirait abondamment sous ses couvertures, mais à peine s'en débarrassait-il qu'il se mettait à grelotter de façon incontrôlable. Tout son corps l'élançait, à commencer par sa tête qui paraissait prête à exploser — sans compter l'impression que la boule de poils invisible qui obstruait sa gorge s'était transformée en cactus…

Mais les symptômes physiques n'étaient à rien, à côté des cauchemars. Dès qu'il fermait les yeux, il y avait ces visions qui naissaient dans les tréfonds de son cerveau et qui lui faisaient amèrement regretter la douce inconscience de sa nuit précédente...

Il revoyait la baie de New-York. La femme qui s'enfonçait dans les abysses, ses longs cheveux noirs qui ondulaient comme un voile sous les assauts de l'eau… le visage de Steve Rogers, mais dans ses cauchemars, il ne lui souriait pas de cet air héroïque que Peter admirait tant, il le contemplait avec un mépris qui lui tordait les entrailles… puis son visage se transformait et Flash prenait sa place... Flash et ses moqueries, Flash qui lui disait qu'il devrait consulter un psy, qui faisait des grimaces censées représenter sa folie, sous les ricanements de ses camarades... et voilà que Ned et MJ lui tournaient le dos, peut-être pensaient-ils que Flash avait raison, finalement... Ou peut-être avaient-ils seulement réalisé qu'il valait mieux se tenir loin de lui, parce que Peter Parker était un loser qui ne parvenait qu'à faire s'écrouler tout ce qu'il touchait… Gwen Stacy aussi se détournait de lui, sa première amie, sa meilleure amie refusait de lui adresser la parole, meurtrier, tu n'es qu'un meurtrier hurlaient ses yeux bleus... Et derrière sa silhouette hostile, c'était le fantôme de Ben qui prédominait, et Peter avait l'impression de tomber… tomber…

— Shhh, Spider-Baby. Shhh, tout va bien.

Il ne savait pas d'où venait cette voix. Il savait seulement qu'elle représentait comme une lumière dans les ténèbres qui l'environnaient.

— Ne pleure pas, bambino. Je suis là.

Il avait de nouveau froid, ses dents claquaient. On passa quelque chose contre son visage, quelque chose d'humide et de frais qui se mêlaient aux larmes qui brûlaient ses joues.

— Merde, tu es bouillant… Tu veux bien prendre ce médicament ? Il devrait faire baisser un peu ta température.

Il avala difficilement un cachet et referma les yeux, de nouveaux cauchemars s'épanouissant aussitôt dans l'ombre de ses paupières. Ses premiers parents adoptifs lui disaient de faire sa valise, il était seul sur un parking, il attendait leur retour mais au fond, il savait… alors que le soleil mourait à l'horizon, répandant des nuées sanglantes sur la voûte céleste, il savait qu'ils ne reviendraient jamais...

— Non... ne p-partez pas...

— Je ne vais nulle part, Peter. Ne t'inquiète pas.

Il avait chaud, maintenant. Une chaleur terrible, moite et maladive, qui le trempait de la tête aux pieds. Il entrebâilla les paupières et crut voir une silhouette sombre et visqueuse se mouvoir dans l'obscurité. Il poussa un gémissement de terreur.

— Shhh, il n'y a que moi.

Mais il était persuadé qu'un monstre aux dents très blanches, tranchantes comme des lames de rasoir, se mouvait dans l'obscurité...

— C'est la fièvre qui te joue des tours, Peter.

— T-T… Tony ? parvint-il à croasser. T-T-Tony, c'est toi ? T-tu es là ?

La silhouette menaçante disparut, remplacée par un sourire doux, chaleureux.

— Oui, c'est moi. C'est Tony.

Il eut l'impression d'osciller entre un long moment entre rêves et cauchemars, entre songes et réalité. La seule chose tangible était la silhouette assise à son chevet, la silhouette qui essuyait tendrement son visage, l'aidait à boire de l'eau, rajustait ses couvertures et lui murmurait inlassablement que tout allait bien, qu'il n'était pas seul…

Ce furent les premières lueurs du soleil qui le réveillèrent.

Peter battit des cils, désorienté. Il se sentait encore très faible ; il frissonnait, ses muscles lui faisaient aussi mal que s'il avait passé son week-end à faire du catch, mais ses pensées lui semblaient un peu plus claires, comme si l'aube avait emporté avec elle les délires fiévreux qui l'avaient harcelé toute la nuit. Comme si la lumière du jour avait chassé les monstres qui se tapissaient dans son cœur et ses pensées…

Il se redressa lentement contre ses oreillers.

Non… ce n'était pas ses oreillers.

Ceux-là était plus fermes. Plus épais. Et il y avait un parfum sur ses couvertures, un parfum qui n'était pas le sien.

Peter ouvrit grand les yeux, incrédule.

Il n'était plus dans sa chambre. La photographie de Pepper Potts sur la table de chevet, la bibliothèque remplie de manuels de mécanique, les CDs d'AC/DC et de Deep Purple qui s'entassaient près de la chaîne hi-fi… il ne pouvait être qu'à un seul endroit.

La chambre de M. Stark.

Mais que faisait-il là ? Il ne se souvenait pas s'être levé pendant la nuit. Mais à bien y réfléchir, il ne se souvenait pas de grand-chose… Dans son état, Tony n'aurait eu aucun mal à le prendre dans ses bras et à l'emmener dans son propre lit, peut-être pour veiller plus facilement sur lui… à moins qu'il n'ait vomi sur ses draps ? Ça aurait expliqué la sécheresse de sa bouche.

Tout à ses réflexions, il lui fallut quelques minutes pour s'apercevoir qu'il n'était pas seul dans la pièce. Il y avait quelqu'un sur le pas de la porte, une jeune femme qui le fixait d'un air aussi interdit que celui qu'il devait lui-même afficher, et qui balbutia, lorsque leurs yeux se croisèrent :

— Que… qui es-tu ? Et que fais-tu dans la chambre de Tony Stark ?

— Euh… quoi ?

— Qui es-tu ? répéta son interlocutrice plus fermement, et la pointe de menace qui s'était logée dans sa voix n'échappa pas à Peter qui l'observa plus attentivement, intrigué.

Elle devait avoir quelques années de plus que lui, bien qu'il n'aurait su déterminer son âge avec précision. Elle avait de longs cheveux rouges ondulés et ses yeux clairs le dévisageaient avec méfiance. Lorsqu'elle se tourna vers la porte, Peter eut la surprise de voir y apparaître un homme qui arborait également une peau très... rouge.

— Qui est-ce ? Un prisonnier ? lui demanda-t-elle, sans cesser de le fixer du coin de l'œil.

Peter se recroquevilla machinalement en la voyant écarter les bras, comme si elle s'apprêtait à se battre contre lui.

— Il ne semble pas dangereux, dit l'homme rouge d'une voix apaisante, posant toutefois une main protectrice sur l'épaule de la jeune femme. Et je ne pense pas que Tony Stark donnerait un pyjama Jurassic Park à ses prisonniers.

Ce fut à cet instant que leurs noms revinrent à Peter. Ils étaient un peu plus petits en vrai que sur les écrans, mais il aurait été impossible de ne pas les reconnaître.

— J-je… oh, mon Dieu… vous êtes Wanda Maximoff et… et Vision ! Je vous ai vus à la télé, s'exclama Peter malgré lui, écarquillant les yeux de stupeur. Vous êtes des Avengers !

Wanda Maximoff plissa les yeux.

— Effectivement. Et toi, tu es..

— Qu'est-ce que c'est que ce raffut ? Vous faites une contre-soirée dans la chambre de Tony ou qu-oh, salut Peter ! Qu'est-ce que tu fais ici ?

Peter se ratatina un peu plus dans le lit de Tony — car la silhouette élancée qui venait de rejoindre celles de Wanda Maximoff et de Vision était celle de Steve Rogers, Steve Rogers qui pensait qu'il était le stagiaire de Tony, Steve Rogers qui n'avait aucune idée qu'il était Spider-Man et qu'ils s'étaient rencontrés moins de quarante-huit heures plus tôt et oh purée, comment allait-il se sortir de ce pétrin ?

Et où était donc passé Tony ?