Coucou !

Pour cette année, on essaie de reprendre les bonnes habitudes avec un nouveau chapitre en ce dimanche glacial !

Bon, on sera sûrement sur un rythme minimum d'un chapitre tous les 15 jours mais c'est toujours mieux que tous les 6 mois !

Bonne lecture !


Il flottait quelque part entre rêve et réalité. Avait-il encore un corps ? Un nom ? Une identité ? Où n'était-il qu'un pur esprit, animé par la colère qui bouillonnait à la frontière de sa conscience ?

Il avait beau se débattre, il était prisonnier des ténèbres. Son corps ne lui obéissait plus, ses paupières refusaient de s'ouvrir. Il avait l'impression qu'il y avait des mains sur lui, des doigts d'acier qui le maintenaient fermement contre une surface molle, chaude. Il était incapable de hurler, incapable de se défendre. Il pouvait seulement entendre des voix qui lui ordonnaient de se calmer, qui lui assuraient que tout allait bien se passer. Il croyait aussi voir des silhouettes autour de lui, pourtant il ne se souvenait pas avoir ouvert les yeux. Il reconnut le visage soucieux de son père, la blouse blanche de Bruce Banner, les regards inquiets de Natasha, Clint et Steve… que faisaient-ils là ? Pourquoi l'empêchaient-ils de se battre ? Où était passé Skip ?

— Ne lutte pas, bambino. Nous allons t'aider, mais tu dois nous faire confiance, d'accord ? Me faire confiance. Tu peux faire ça pour moi ?

Il ne savait pas si la voix de son père était réelle ou imaginaire. Pourquoi y avait-il un tube enfoncé dans son bras, quel était ce liquide glacé qui se répandait dans ses veines ?

— N-n… non, arrêtez, je ne veux pas…

— Shhh, Pete. Tout va bien. Je suis là, murmura son père.

Son corps était lesté de plomb, ses paupières se refermèrent malgré lui.

— Son rythme cardiaque ralentit, lança une voix à sa gauche. Le produit fait effet.

Skip… il fallait qu'il retrouve Skip… il devait se battre… se… battre…

Quelle que soit la drogue qu'on lui avait administrée, celle-ci finit par gagner le combat.

Sa conscience s'éteignit.

Tony alluma la lumière de son laboratoire et se laissa tomber devant l'une des paillasses encombrées de fioles et de pipettes en verre. Ses mains étaient secouées de violents tremblements ; il dut lutter plusieurs minutes avant de reprendre son souffle.

Il n'avait jamais éprouvé un tel sentiment — un mélange d'horreur, de terreur, de désespoir et de colère. Il revoyait Peter frapper cet homme dont le visage n'était plus qu'un amas de chair tuméfiée dégouttant de sang frais ; il entendait encore le bruit des os qui se brisaient sous la puissance de ses coups de poings.

Lorsqu'il lui avait injecté un calmant, lorsque les yeux de l'adolescent s'étaient voilés et qu'il s'était effondré dans ses bras, Tony s'était haï — mais quelle autre solution avait-il ? Peter était hystérique, il devait l'arrêter avant qu'il ne finisse par se blesser… ou par tuer l'homme qu'il avait attaqué.

Il retint un profond soupir.

Il aurait dû voir que quelque chose n'allait pas. Remarquer que Peter était plus renfermé, plus secret. Que son histoire de bagarre avec Eugene Thomson trahissait autre chose qu'un simple mal-être dû au harcèlement qu'il subissait. Il aurait dû remarquer que son fils n'était plus lui-même.

Au lieu de cela, il avait fermé les yeux, persuadé que l'adolescent avait seulement besoin d'espace. Il avait fallu que Steve Rogers lui fasse part de ses soupçons quant au récent comportement de Peter et, surtout, que Friday l'informe qu'il avait quitté la Tour entièrement vêtu de noir et armé d'un lance-toiles qu'il avait confectionné lui-même, pour qu'il commence à s'inquiéter. Il ne savait pas vraiment à quoi il s'attendait en pistant le téléphone de l'adolescent, mais certainement pas à le retrouver chez un parfait inconnu, occupé à le frapper de toutes ses forces. Le regard du garçon était sans équivoque : il ne voulait pas blesser cet homme, il voulait le tuer.

Et Tony n'avait aucune idée de la raison qui aurait pu pousser son fils à aller à contre-courant de tous les principes qu'il avait toujours revendiqués.

— Friday, dis-moi tout ce que tu peux trouver sur…

Quel était son nom, déjà ? Il avait entendu Peter le murmurer dans le semi-sommeil artificiel provoqué par le sédatif qu'il lui avait injecté.

— Steven Westcott.

La réponse de son IA ne tarda pas :

— Steven Westcott alias Skip, quarante et un ans, cheveux blonds, yeux bleus, un mètre quatre-vingt deux, profession : bibliothécaire…

— Okay, est-ce qu'on peut passer directement à la partie où tu m'expliques ce qu'il a à voir avec Spider-Man ?

— Rien.

Tony fronça les sourcils :

— Comment ça, « rien » ? Il doit bien y avoir quelque chose !

— Ce n'est pas avec Spider-Man que Steven Westcott a un lien. C'est avec Peter.

— Peter ? répéta Tony, incrédule. Qu'est-ce que…

Un sentiment de malaise s'insinua sous sa peau.

— Tu veux dire qu'ils se connaissent personnellement ?

— Ce n'est qu'une supposition. Toutefois, Steven Westcott a travaillé à mi-temps à la bibliothèque de l'orphelinat où avait été placé Peter. Il a été embauché peu de temps avant son arrivée et, selon toute vraisemblance, ils ont déjà interagi, étant donné l'intérêt que porte Peter aux livres.

— Okaaay…

Le malaise s'épaississait, se transformait en sirop écœurant dans sa gorge.

— Cet homme et Peter… tu penses qu'ils étaient proches ?

— J'ai trouvé de nombreux témoignages qui vantent la gentillesse et le professionnalisme de Steven Westcott. Il serait compétent et passionné... et très patient avec les enfants.

— Tu insinues que cet homme est un modèle de vertu, et que Peter a décidé de l'attaquer gratuitement ? demanda sèchement Tony.

— Je n'insinue rien du tout, Boss, je me contente de vous décrire des faits. Toutefois, je vous rappelle que c'est vous qui m'avez appris la chose suivante : ce que l'on trouve dans l'espace public reflète rarement la réalité privée. Sinon, vous-même ne seriez qu'un imbécile obsédé par l'alcool et le danger, fin de citation.

Tony se redressa et commença à marcher de long en large dans le laboratoire, donnant des coups de pied dans les tabourets qui avaient le malheur de se trouver sur son chemin.

Ses pensées étaient en ébullition. Quoi qu'ait fait cet homme, il était persuadé que Peter avait eu une excellente raison de vouloir le faire taire. Il savait que son fils avait des principes et des idéaux qu'il défendait becs et ongles ; or, attaquer des quadragénaires sans défense n'en avait jamais fait partie. Steven Westcott avait forcément fait quelque chose, mais quoi ?

— Est-ce que cet homme, ce… Skip… il n'a aucun casier judiciaire ? Aucun antécédent, pas même une arrestation pour trouble à l'ordre public ?

— Il n'y a rien contre lui, hormis que…

Friday s'arrêta. Si elle n'avait pas été une intelligence artificielle, Tony aurait juré qu'elle était hésitante.

— … avant d'être embauché dans l'orphelinat de Peter, il travaillait dans la bibliothèque d'une école primaire, mais il a démissionné du jour au lendemain, sans aucune raison apparente et alors même qu'il avait un nombre important de dettes à rembourser. S'en est suivie une année de chômage durant laquelle ses comptes bancaires font état d'importantes difficultés financières, avant qu'il ne soit recruté par l'orphelinat.

— Une école primaire puis un orphelinat, mmh… on dirait qu'il aime la compagnie des enfants, observa Tony — et à ses mots, le malaise se transforma en frissons d'horreur. Est-ce qu'il aurait pu…

Il dut avaler sa salive avant de poursuivre :

— Certaines personnes aiment être au contact de personnes considérées comme plus faibles qu'elles pour mieux pouvoir en profiter. Pour pouvoir les bousculer, les embêter… Peut-être qu'il maltraitait les gamins ?

Mais même lui n'y croyait qu'à moitié — toutefois, l'autre raison qui aurait pu pousser Westcott à vouloir travailler au contact d'enfants était bien trop affreuse, bien trop glaçante pour qu'il puisse l'énoncer à voix haute.

— Boss, je suis navrée d'interrompre vos pensées mais Bruce Banner souhaiterait vous parler, lança soudainement Friday.

Comme Tony ne lui répondait pas, elle ajouta :

— Il est derrière la porte.

— Et bien, s'il a trouvé la porte, il trouvera bien la poignée tout seul.

Quelques secondes plus tard, le docteur pénétra dans le laboratoire, affichant un air mi-soucieux, mi-agacé.

— Qu'est-ce que tu fais ici, Tony ? Je te cherchais partout, c'est le dernier endroit où je pensais te trouver !

— C'est peut-être pour ça que j'y suis.

Son ami leva les yeux au ciel :

— Ce n'est pas le moment d'être désagréable. J'ai des nouvelles à propos de Peter.

L'intérêt de Tony augmenta aussitôt d'un cran et il se pencha vers son ami, le cœur battant plus fort.

— Alors ?

— Alors les analyses confirment que quelque chose interfère avec son organisme et pourrait altérer son jugement. Une sorte de… substance extraterrestre. Et cette substance coïncide parfaitement avec celle que Peter avait justement capturé sur son costume, il y a quelques semaines, et que tu avais enregistré sous le nom de « sujet d'étude numéro 853 ».

— Schwartzy… murmura Tony, s'attirant un haussement de sourcil intrigué de Bruce.

— Quoi ?

— Non, rien. Comment tu t'y es pris pour lui retirer ce truc ?

Bruce pinça les lèvres. Un très mauvais pressentiment s'éveilla dans la poitrine de Tony.

— Bruce, comment tu lui as retiré ce putain de truc ? répéta-t-il avec empressement.

— C'est bien là tout le problème, Tony. Cette… chose, ce symbiote, il… il est trop profondément ancré en Peter. Nous ne pouvons pas le lui retirer sans risquer de blesser le petit.

— Tu veux dire qu'il est toujours en lui ?!

Le regard navré de Bruce confirma ses craintes.

Tony se remit à marcher, serrant si fort les poings que les jointures de ses doigts avaient viré au blanc. Il ne s'était jamais senti aussi frustré, aussi nerveux, aussi terrifié de sa vie.

Il y avait un putain d'extra-terrestre à l'intérieur de son fils — et le pire était que s'il en avait eu conscience, Peter aurait probablement trouvé ça super cool.

— Il faut qu'on le sorte de là. Ce machin est en train de le… de le…

— … de le changer, compléta Bruce, mais Tony secoua la tête :

— Non : cette saloperie est en train de le tuer à petits feux. Elle se nourrit de tout ce qu'il y a de bon en lui pour le changer en… en un double d'elle-même. Et moi…

Il déglutit et planta ses yeux dans ceux de son ami.

— Je ne peux pas perdre mon fils, Bruce.

Bruce hocha doucement la tête et posa une main hésitante sur son épaule. Tony se crispa ; toutefois, il ne le repoussa pas.

— On fera tout ce qui est notre pouvoir pour l'aider, je te le promets. On travaillera jour et nuit s'il le faut, mais on le débarrassera de ce machin. Et bientôt, tout ceci ne sera qu'un horrible souvenir.

— Oui. Oui, tu as raison, approuva Tony. Il faut qu'on continue les recherches sur ce symbiote. Il faudrait que tu me transmettes les données sur…

Bruce l'interrompit :

— Non, pas toi. Tu as une équipe pour s'occuper de trouver un remède. Toi, ta place n'est pas dans ce laboratoire. Tu as une autre mission à accomplir.

Il allait protester mais, une nouvelle fois, Bruce le devança :

— Va au centre médical et reste près de Peter. Rassure-le, prends soin de lui. A l'heure actuelle, je crains que tu ne sois le dernier rempart entre sa raison et le symbiote qui essaie de prendre possession de lui.

Ses sensations revinrent d'un coup.

Une seconde, il flottait dans les ténèbres. La seconde suivante, une lumière agressive lui brûlait les paupières ; chaque fibre de son corps l'élançait, lui rappelant qu'il avait encore des jambes, des bras et une tête — qui lui faisait atrocement mal, comme si une lame invisible fourrageait derrière ses globes oculaires.

Il n'avait aucune idée de l'endroit où il se trouvait. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il avait l'impression d'avoir fait un cauchemar particulièrement intense, qui lui revenait par vagues : les rues obscures du Queens, la façade ocre d'un immeuble, l'intérieur silencieux d'un appartement, puis les prunelles bleues de…

Sa respiration s'affola et Peter ouvrit les yeux.

Au-dessus de lui, il n'y avait que du blanc. Ce n'était pas le plafond de sa chambre, ni celui du salon de la Tour dans lequel il s'était plusieurs fois endormi, blotti sur le canapé. Ce plafond là était immaculé, percé de petites lumières blafardes qui ressemblaient à des insectes luisants.

A travers la brume qui obscurcissait son esprit, Peter reconnut le centre médical de la Tour des Avengers.

Que faisait-il là ? Il ne se souvenait pas d'avoir été blessé. Pourtant, il y avait un goût bizarre au fond de sa bouche ; il avait l'impression d'avoir mordu dans un morceau de métal. Et il avait conscience, confusément, que quelque chose n'allait pas — il était trop faible, trop lent pour être dans son état normal.

Il voulut se redresser mais quelque chose l'arrêta net. Peter écarquilla les yeux, horrifié ; il y avait des sortes de sangles autour de chacun de ses poignets, entravant ses mouvements.

— Euh… il… il y a quelqu'un ? appela-t-il d'une voix mal assurée, se dévissant le cou dans l'espoir de voir ce qu'il se passait autour de lui. Euh… wouhou ! T-Tony, tu es là ?… Tony ?

La panique commençait à le gagner.

— Tony, s-s'il te plaît ! Tony !

Le chuintement familier d'une porte que l'on ouvre…

— Tony ! Tony !

— Peter ? Qu'est-ce qu'il se… oh, merde…

Son père fut à ses côtés en un clin l'œil. Il s'agenouilla près de son lit et posa une main rugueuse sur la sienne.

— T-T-Tony… balbutia-t-il, alors que l'air commençait à lui manquer.

— Doucement… je suis là, petit, je te tiens… inspire, expire… voilà...

L'adolescent s'aperçut alors que ses phalanges étaient dissimulées sous d'épais bandages et il se souvint, avec une précision quasi chirurgicale, du visage de Skip qui se teintait de rouge sous les martèlements de ses poings — puis la vision de sa main disparut sous celle de son père.

Quelque chose se fendit sa poitrine et il éclata en sanglots. Il entendit Tony se redresser et, l'espace d'un battement de cils paniqué, il crut qu'il allait repartir ; puis il l'entendit s'asseoir à ses côtés, faisant ployer le matelas sous son poids. Il sentit ses bras s'enrouler autour de ses épaules et s'abandonna désespérément dans son étreinte, le visage enfoui parmi les replis de son t-shirt Deep Purple.

— T-Tony, je suis désolé, tellement désolé, je ne voulais pas…

De quoi es-tu désolé, Peter ? Tu as fait exactement ce qu'il fallait.

Peter se raidit en entendant la voix froide, coupante, qui s'élevait dans son esprit, se superposant à ses propres pensées.

Tony ne sembla pas avoir remarqué son malaise. Il le berçait très doucement, enveloppant sa nuque d'une main chaude, rassurante, qui semblait avoir été conçue spécialement pour se nicher là.

— Tout va bien, petit. Oncle Brucie est sur le coup, il va nous dégoter un super-remède contre la saloperie qui a décidé de s'en prendre à toi. Toi, tu n'as qu'un seul job et c'est de te reposer, okay ? Dormir, manger et regarder des séries horriblement compliquées qui se passent dans l'espace avec ton vieux père, ce n'est pas un programme qui te tente ?

La voix de Tony essayait d'être enjouée, mais Peter avait l'impression qu'elle sonnait horriblement faux. Il pleurait tellement que sa tête commençait à tourner, tandis que ses hoquets lui donnaient la nausée, et il avait toujours la désagréable sensation que quelque chose en lui ne fonctionnait pas correctement.

— Je… je ne me sens pas très bien… parvint-il à prononcer, mais son père se contenta de resserrer son étreinte.

— On t'a donné quelques médicaments assez costauds, c'est sûrement pour ça que tu te sens un peu bizarre. Mais ne t'en fais pas, tout est sous notre contrôle.

— Je n'aime pas ça… je veux sortir d'ici…

— Bientôt. Je te le promets.

La joie factice que Tony essayait d'insuffler dans ses paroles ne parvenait pas à cacher une certaine angoisse.

La voix reprit, plus impitoyable que jamais :

Il a peur de toi. Peur que tu lui échappes.

Je suppose que c'est normal. Tous les pères ont peur de voir leurs enfants grandir. Mais ce que Tony Stark ne comprend pas, c'est que tu n'es plus un enfant. Tu as cessé de l'être bien avant que tu ne décides d'être Spider-Man, avant même que cette araignée radioactive ne te morde. On ne t'en a pas laissé le droit.

Alors de quel droit serais-tu aujourd'hui SON enfant ? Qu'a-t-il fait pour mériter ce privilège ? A-t-il effacé le passé, les traumatismes, les horreurs que tu as enduré ?

Peter ferma les yeux de toutes ses forces, priant pour que la voix se taise. Se méprenant sur ce geste, son père l'aida à se recoucher contre ses oreillers, arrangeant ces derniers pour qu'ils soient plus confortables. Se faisant, il frôla ses poignets entravés et Peter rouvrit péniblement les paupières.

Son corps était lourd, quelque chose lui soufflait que Tony avait discrètement augmenté la dose de médicaments qu'on lui injectait via l'intraveineuse enfoncée dans son bras, mais il eut tout de même la force de demander :

— P-Pourquoi je suis attaché ?

— C'est pour ta sécurité. Si ça ne tenait qu'à moi, tu serais entièrement libre de tes mouvements, mais les autres ont estimé que ce serait plus prudent. Mais je peux desserrer un peu ce truc, si tu veux.

— O-oui, s'il te plaît…

Les mains de Tony s'activèrent aussitôt. Peter l'observa faire, les paupières mi-closes, luttant contre le sommeil artificiel qui se prélassait dans ses veines.

Si ça ne tenait qu'à lui… ricana la voix dans son esprit. Tu ne vois pas qu'il te ment ? Il est le premier à vouloir te maintenir prisonnier ici.

— C'est mieux ? s'enquit Tony d'un air légèrement anxieux.

Peter remua faiblement les bras. Il ne pouvait toujours pas se lever mais, au moins, il pouvait se redresser complètement sur son lit.

— Oui… merci…

— Je t'en prie.

De quoi tu le remercies ? De te retenir dans cette chambre d'hôpital alors que dehors, d'autres monstres comme Skip pullulent — et que personne n'a le courage de s'occuper d'eux ?

— Skip… répéta Peter, et ses yeux s'arrondirent de peur. Skip !

— Shhh, Pete, ne t'en fais pas, il n'est pas ici.

La main de son père se posa sur son front et écarta doucement une mèche rebelle.

— Ne pense pas à lui.

— Est-ce qu'il… est-ce qu'il est…

Est-ce que nous avons réussi à l'avoir, au moins ?

Mais Tony se contenta de remuer la tête, les traits formant un masque de tristesse, d'appréhension et de tendresse.

— Repose-toi. Nous en reparlerons plus tard.

Il ne t'en reparlera jamais. Il n'approuve pas ce que nous avons fait. N'est-ce pas terriblement hypocrite ? Si ça lui était arrivé à lui, crois-toi qu'il se serait contenté de l'envoyer à l'hôpital ? Non, il serait allé jusqu'au bout. De quel droit te refuse-t-il ce luxe ?

— C-ce… c'est mon père, essaya de dire Peter, mais sa bouche était devenue pâteuse ; sa langue refusait de former correctement les mots.

Ton père ? Cet homme qui n'a appris ton existence qu'il y a quelques mois ? Cet homme qui, il y a peu de temps encore, préférait boire une bouteille de scotch entière plutôt que d'aller encourager son fils à son championnat de Décathlon ?

Peter aurait voulu protester, défendre Tony, mais il était trop épuisé, il ne parvenait plus à garder les yeux ouverts. Il sentait la main de son père contre ses cheveux, son pouce qui caressait ses tempes alors qu'il continuait de lui murmurer que tout allait bien — puis tout à coup, il n'y eut plus que l'autre voix, acerbe et acérée, prenant toute la place dans son esprit…

Tu ne peux pas compter sur lui. Tu ne peux compter que sur toi-même… et sur moi. Ecoute-moi et je te guiderai dans un monde plus juste, un monde dans lequel les abuseurs d'enfants n'auront pas leur place. Nous les arrêterons, nous les vaincrons et, une fois qu'ils aurons expiré leur dernier souffle, nous nous nourrirons de leur trépas…

Fais-moi confiance. A moi, et à moi seul.

Et si Tony Stark tente de nous stopper, si Tony Stark refuse d'être de notre côté…

Alors il est contre nous. Et nous devrons nous en débarrasser.