Coucou !
Ravie de vous retrouver pour ce nouveau chapitre ! On reste dans le court mais dans l'intense - du moins, j'espère !
Bonne lecture et n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, vous savez comme c'est précieux :3
A très vite !
La première chose que vit Peter en se réveillant, ce fut une chevelure rousse penchée au-dessus d'un Starkpad. Il fronça les sourcils, l'esprit encore embrumé par les médicaments.
— Nat ? voulut-il demander, mais le son qui sortit de sa bouche ressemblait plus à : « Aaawttt ? ».
Toutefois, Natasha Romanoff l'entendit car elle redressa le visage et lui adressa un doux sourire.
— Hey, Spidey. Comment tu te sens ?
Sans attendre de réponse, elle reposa sa tablette — Peter eut le temps de voir qu'elle naviguait sur un site d'armes à feu et se demanda si Tony était au courant de l'usage qu'elle faisait de son réseau internet — et se rapprocha de lui, s'asseyant sur son matelas comme l'avait fait son père quelques heures (jours ?) plus tôt.
Peter ouvrit de nouveau la bouche, mais tout ce qu'il parvint à dire fut :
— S-soif.
Natasha s'empressa de lui servir un verre d'eau. En l'observant faire, il nota, sans vraiment savoir pourquoi, qu'elle ne semblait pas spécialement sur ses gardes. Elle n'avait aucune arme visible sur elle et il y avait peu de chance qu'elle dissimule une lame dans ses chaussures : elle portait de grosses Uggs roses fourrées qui lui donnaient l'allure d'un ours en peluche. Probablement un cadeau de Tony.
— Tiens. Essaie de ne pas boire trop vite, dit-elle en l'aidant à porter son verre d'eau à ses lèvres — il manqua de se le renverser dessus, les gestes rendus maladroits par les médicaments et les sangles nouées autour de ses poignets.
Natasha jeta un coup d'œil inquiet à ces-dernières ; puis, voyant que Peter avait suivi son regard, elle lui adressa un sourire d'excuse.
— Désolée pour ça, Spidey. Je sais que ce n'est pas très confortable, mais c'est provisoire.
Désolés, désolés… ils n'ont que ce mot à la bouche. Ils croient que tu es si faible que ça ? Qu'une simple excuse effacera le fait qu'ils t'ont enfermé dans cette chambre d'hôpital et qu'ils t'ont attaché comme un animal ?
Peter serra les dents. Il avait l'impression d'avoir le cerveau en feu. Voyant que le regard de Natasha s'ombrait d'inquiétude, il se força à détourner la conversation :
— Où est mon p… je veux dire, Tony ?
— Oh, il doit être sous la douche. Rhodey l'a forcé à aller se passer de l'eau sur le visage et à changer de vêtements avant que l'odeur ne devienne incommodante.
Le sourire de Natasha était un peu crispé.
Ou alors il voulait seulement s'éloigner de toi…
— Il ne devrait pas tarder à revenir. Avec des croissants, j'espère. Je suis affamée, pas toi ?
Peter hocha la tête, bien que soit gorge soit si nouée que même sa propre salive avait du mal à traverser son œsophage.
Des croissants ? Pendant que dehors, des tonnes de gens n'attendent que nous pour les punir, les empêcher de faire du mal ? De qui se moquent-ils ?
— Euh… est-ce que tu sais ce qui est arrivé à Sk… Steven Westcott ? s'enquit Peter en s'agitant, essayant tant bien que mal de dissimuler la douleur que la voix faisait naître dans son esprit.
Natasha ne cilla pas, mais Peter entendit distinctement son rythme cardiaque s'accélérer.
— Non, répondit-elle, et elle semblait sincère.
Elle ment. Ils te mentent tous. Elle, ton père, les Avengers… tu ne peux te fier à aucun d'eux. Ils pensent peut-être te protéger, mais nous savons tous les deux que c'est inutile.
Tu n'as pas besoin de leur protection. Tu n'as pas besoin d'eux.
— Hey, tu es sûr que tu vas bien ? Tu es très pâle…
Natasha effleura son visage du bout des doigts. A son contact, son regard s'emplit de sollicitude.
— Oh, trésor, tu es glacé. Tiens, prends ma veste, proposa-t-elle en recouvrant ses épaules d'un blouson en cuir noir.
— M-merci.
Il s'enroula tant bien que mal dans le vêtement, regrettant de ne pas pouvoir enfoncer ses bras dans les manches. Le voyant remuer sur son matelas, Natasha attacha une nouvelle fois son regard aux sangles qui l'emprisonnaient, se mordant la lèvre d'un air ennuyé.
C'est le moment, Peter.
L'adolescent écarquilla les yeux. Non, non, il devait pas écouter la voix, il ne devait pas…
Cesse donc de lutter ! Une fois que Stark sera de retour, tu n'auras plus aucune chance. Il ne te lâchera jamais des yeux, il t'injectera de nouvelles drogues et sûrement un GPS qui lui permettrait de te retrouver même sur la Lune.
Ta seule chance de t'en sortir, c'est de m'écouter. C'est maintenant que nous devons partir ; après, il sera trop tard.
— Hey, Spidey, tu es avec moi ?
L'adolescent secoua la tête. Il n'avait pas réalisé que Natasha lui avait parlé.
— Je te demandais si tu voulais que je dise à Bruce de revoir ta dose de médicaments, reprit-elle en le fixant avec inquiétude. Tu as l'air un peu… ailleurs, et j'ai peur qu'il ait eu la main un peu lourde.
— Oh, hum, oui, pourquoi pas, bonne idée !
Natasha sourit une nouvelle fois. Elle semblait sincèrement compatissante.
Allez, Peter. Ne te laisse pas attendrir. N'oublie pas que derrière ce visage faussement bienveillant se trouve une tueuse surentraînée.
Maintenant. Maintenant. Maintenant !
— Euh… Nat ? s'entendit-il dire, en ayant la désagréable impression que quelqu'un d'autre parlait à sa place. C'est un peu gênant mais, euh… est-ce que je peux a-aller aux toilettes ?
— Oh… eh bien… je ne sais pas si… bafouilla Natasha, visiblement prise au dépourvu.
— C'est très, euh, très urgent.
— Tu es sûr que tu ne veux pas attendre Tony ? Parce que sinon, c'est moi qui serai obligée de te suivre aux toilettes... ça ne t'ennuierait pas ?
Peter secoua la tête :
— Non... S'il te plaît, Nat…
Sa voix tremblait et, pourtant, il ne ressentait aucune détresse. Seulement un sentiment d'espoir mêlé d'impatience et d'agacement. C'était tellement grisant de se laisser guider par la voix nichée dans son cœur, sans s'encombrer de quelque chose d'aussi écœurant que de la peur ou du regret…
Natasha haussa finalement les épaules.
— Eh bien, je suppose que si c'est seulement pour quelques minutes…
Elle se pencha vers lui et, lentement, commença à défaire les sangles qui retenaient ses poignets.
S'il n'avait pas été un adolescent et, surtout, s'il n'avait pas été le fils de Tony Stark, peut-être serait-elle restée sur ses gardes. Elle était une combattante d'élite, après tout : par définition, personne ne pouvait la prendre par surprise. Elle anticipait les coups et les rendait au centuple, sans témoigner le moindre scrupule.
Mais elle avait de l'affection pour Peter. Elle le voyait comme un enfant — l'enfant de l'un de ses meilleurs amis — et ce fut probablement la seule raison pour laquelle, dès que ses liens furent suffisamment desserrés, il parvint aussi facilement à se jeter sur elle.
Elle devait être trop surprise, ou trop choquée pour songer à crier. Peter enroula un bras autour de son cou, brisa le verre d'eau qu'elle lui avait donné et ramassa l'un des éclats de verre qu'il plaqua sans hésitation contre sa carotide. Il sentait son pouls battre à toute vitesse contre lui, émettant une mélodie qui attisait sa soif de vengeance. Non, ce n'était pas de la soif… plutôt de la faim, une faim qui creusait un gouffre infini dans son corps...
— Fais ce que je te dis, Romanoff, où je n'hésiterai pas à m'en servir, susurra-t-il dire d'une voix glaciale, une voix qui n'était déjà plus la sienne.
Il sentit Natasha hocher la tête avec prudence.
Elle n'osera pas nous faire de mal. Elle est comme Stark, tout juste bonne à faire des leçons de morale dans le vide. Allons-y, Peter.
L'adolescent reprit la parole :
— Dis à Friday de ne pas enclencher d'alarme, ni aucun de ses protocoles idiots, et de nous ouvrir tous les accès qui mènent à l'extérieur. Et surtout, dis-lui de ne rien dire à Tony.
— Tu sais que c'est inutile, rétorqua calmement Natasha. Friday n'a pas attendu mes ordres pour prévenir Tony. Il est actuellement en route pour l'aile médicale, avec une armée d'armures prête à t'arrêter.
Elle ajouta, non sans une certaine ferveur :
— Et je sais très bien que ce n'est pas à Peter que je parle. Pourquoi ne le laisses-tu pas tranquille ? Ce n'est qu'un enfant ! A moins que tu n'aies peur d'affronter un adulte ? Pourquoi n'essaies-tu pas de t'en prendre à moi, plutôt ?
— Tu crois que tu me fais peur ? Laisse-moi rire... Mais nous n'avons pas de temps à perdre en discussions stériles : dis à Friday de nous ouvrir la porte, ou sinon… (Il enfonça très légèrement l'éclat de verre contre sa peau blanche.) Ou sinon, nous découvrirons si ton sang est aussi rouge que tes cheveux.
Elle avait dû réaliser qu'il était sérieux, car elle dirigea son regard vers le plafond et énonça d'une voix claire :
— Friday, code 1008, mot de passe : 2001. Lève les protocoles de sécurité et ouvre tous les accès de la Tour à Peter, s'il te plaît.
— Très bien, Miss Romanoff.
— Eh bien voilà, je savais que nous trouverions un terrain d'entente, ricana Peter en la relâchant, mais Natasha n'en avait pas fini avec lui :
— Inutile de sourire comme ça. Je ne fais pas ça pour sauver ma peau ; je le fais uniquement pour que Peter n'ait aucune mort sur la conscience, le jour où il t'aura vaincu. Tu crois vraiment que tu gagneras contre lui ?
L'espace d'un battement de cœur vertigineux, Peter — ou la Chose qui palpitait sous sa peau — fut tenté d'enfoncer le morceau de verre dans sa chair — de voir le sang gicler, de goûter à la vie qui s'échapperait de ses artères à gros bouillons — mais il entendait le bruit caractéristique de l'armure d'Iron Man s'approcher de l'aile médicale et il s'empressa de s'enfuir.
Ce ne fut qu'une fois dehors, perché sur un gratte-ciel voisin de la Tour des Avengers, qu'il réalisa qu'il portait encore le blouson de Natasha. Il l'arracha et s'apprêtait à le lancer dans le vide, lorsqu'une effluve du parfum de son amie remonta jusqu'à son visage.
Il écarquilla les yeux.
Oh mon Dieu, Peter, qu'est-ce que tu as f—
Une migraine fulgurante transperça son crâne ; la douleur fut si intense que le blouson de Natasha lui échappa des mains.
Ce qu'il fallait. Tu as fait ce qu'il fallait.
⁂
— Spider-Man ?
Le malfrat que Peter venait d'arrêter sembla sourire derrière la cagoule qui masquait ses traits. Il tenait encore dans la main le sac de médicaments qu'il venait de dérober dans une pharmacie.
— C'est quoi, cette nouvelle tenue ? Tu t'es cru à la fashion week ou quoi ?
Peter ne prit pas la peine de répondre. Il ne s'était pas changé depuis qu'il s'était échappé de la Tour des Avengers, mais cela aurait été inutile : quelle que soit la Chose qui s'était insinuée en lui, elle avait eu le pouvoir de lui matérialiser un nouveau costume, presque identique à celui que Tony lui avait confectionné. La seule différence était la couleur : d'un noir d'encre, son nouvel habit se fondait dans la nuit.
— Et qu'est-ce que tu comptes faire ? Me jeter une toile d'araignée dessus ? On te connaît, Spidey : t'oserais même pas faire de mal à une mouche !
La créature tapie dans les veines de l'adolescent se pourlécha.
Maintenant, Peter. Montre-lui qui nous sommes. Montre-lui ce que nous faisons aux personnes comme lui, lorsque Tony Stark n'est pas là pour nous retenir !
Son poing s'abattit sur la mâchoire de l'homme. Une gerbe de sang éclaboussa l'asphalte gris, seule tache de couleur dans l'obscurité ambiante.
Lorsqu'il repartit, bondissant avec agilité sur les murs d'un immeuble, le malfrat était immobile dans le caniveau. Sa cagoule à moitié retirée dévoilait un visage dégouttant d'écarlate ; sa poitrine exécutait de douloureux soubresauts, trahissant la douleur qui le paralysait.
⁂
— Non, arrête ! Laisse-moi tranquille !
Un jeune homme au visage boudeur, le front barré d'une mèche châtain clair, repoussa un autre garçon de son âge.
— Mais laisse-moi au moins m'expliquer ! Attends !
L'autre garçon attrapa son bras, le tira vers lui avec empressement, mais n'eut pas le temps d'ajouter le moindre mot.
Peter fondit comme un rapace sur sa proie, s'interposant violemment entre les deux hommes. D'un geste précis, il attrapa le poignet du deuxième homme et le tordit, lui arrachant un cri de douleur :
— Tu n'as pas entendu ce qu'il t'a demandé ? Laisse-le tranquille !
— Hé, qu'est-ce que tu fous ? s'exclama l'autre garçon en levant les mains, interloqué.
— Il a essayé de te faire du mal. Je ne le laisserai pas… te faire… du mal…
La migraine incendiait ses nerfs, si puissante que Peter commençait à ressentir les prémisses d'une nausée. Ses mains se crispèrent, le poignet du garçon craqua sous la pression de ses doigts et un hurlement lui échappa.
— Mais bordel, t'es sérieux ? T'as pété un câble ou quoi, Spider-Man ? On faisait que discuter, c'est mon petit ami ! Il ne m'a rien fait, alors fous-lui la paix !
Un couple qui se disputait... ce n'était qu'un couple qui se disputait...
Peter relâcha enfin sa proie et porta les mains vers son front. Il avait l'impression d'être dans un rêve. Ou un cauchemar.
Il ne savait plus ce qu'il se passait. Il ne savait plus si ce qu'il faisait était bien ou mal. Des éclairs l'aveuglaient et, pourtant, la nuit était d'un noir insondable. Pénétrant. Elle l'envahissait, prenait possession de sa peau, de ses pensées.
Cesse donc de réfléchir, laisse-moi faire !
Il rouvrit les yeux. Face à lui, les deux hommes se tenaient en retrait, l'air effrayé. Le premier posait une main protectrice sur l'épaule du second ; Peter pouvait entendre les battements frénétiques de leurs cœurs, les sifflements de leurs respirations précipitées.
Ils avaient peur.
Peur de lui.
N'est-ce pas ce que tu voulais ? Faire naître la peur dans le regard de tes ennemis ? Allons, ne me dis pas que tu vas te dégonfler…
Non… non… Peter voulait que les choses s'arrêtent, il voulait retourner à la Tour des Avengers, il voulait… il voulait Tony… il voulait son père…
Arrête, Peter ! Arrête de penser à lui ! Il ne t'est d'aucune utilité, d'aucun bien !
Il pressa son poignet et s'enfuit, peinant à retrouver sa respiration. L'air était glacé, ses oreilles sifflaient. Un écran de neige parasitait ses pensées.
Puis un rideau noir.
Lorsqu'il reprit ses esprits, il était au sommet d'un autre bâtiment. Il promena un regard hagard autour de lui et reconnut avec stupeur l'endroit dans lequel il s'était réfugié : c'était le toit de son lycée. Là où Ned et lui avaient l'habitude de réviser, loin des rictus narquois de Flash ; là où il s'échappait lorsque la présence de ses camarades devenait trop épuisante ; là où MJ et lui se retrouvaient pour s'entraîner pour le Décathlon, laissant parfois leurs regards dériver vers l'horizon, leurs mains posées à quelques centimètres l'une de l'autre…
Il se recroquevilla sur lui-même, des frissons glacés se répandant sur sa peau.
— Je ne veux pas… je ne veux plus… tenta-t-il de dire, mais la Voix l'interrompit :
Tu n'as plus le choix. Désormais, tu es moi et je suis toi.
Peter porta les mains à son visage. Ne reconnut pas les formes qui se dessinaient sous ses doigts. C'était comme si son corps ne lui appartenait plus.
— Qui es-tu ? Qui suis-je ? souffla-t-il.
Tu es mon hôte. Et moi, qui je suis ? Oh, j'ai beaucoup de noms. Toi-même tu m'en as donné un, n'est-ce pas ? Schwartzy, c'est ça ? Mais si cela ne te dérange pas, je préférerais que tu m'appelles par mon vrai nom.
Ou plutôt devrais-je dire : ton vrai nom, puisque nous ne faisons désormais qu'un.
Venom.
