Résumé: Tandis que Lucius et Severus se redécouvrent doucement, le dîner avec Matthieu et Charlie est marqué par un accrochage entre Severus et son fils adoptif au sujet de Harry. Le lendemain matin, Severus s'en excuse auprès de son calice et parvient à poser les premiers mots sur leur relation.

Je rappelle aux Guests que je ne peux pas leur répondre si elles n'ont pas de compte sur FFNet ;) Ceci dit, merci pour vos messages...

Pour ceux qui attendaient son point de vue, on va percevoir peu à peu l'évolution du ressenti chez Harry ;)

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– Harry ! PapiLuce ! Mais il est où Sévie ?

En quelques secondes, ils furent assaillis par trois têtes blondes et brunes, piaffant d'impatience, tandis que Draco se levait pour venir à leur rencontre.

– Patience, Princesse... Harry va aller le chercher dans quelques minutes, mais on est venus d'abord pour mettre les sortilèges. Tu sais bien que Sévie ne supporte plus la lumière...

Après quelques embrassades et autant de baisers sur les joues des enfants, ils purent enfin saluer Draco et Daphnée en toute quiétude. Harry reposa Scorpius qui s'agitait dans ses bras pour lui montrer sa dernière création artistique, s'extasia sur le dessin sous le rire moqueur de Daphnée puis s'avança vers la cuisine où Sky officiait sans doute depuis un long moment pour préparer le déjeuner.

– Merci, fit-il avec un clin d'œil. Je ramène Severus et puis je viens t'aider. Après tout, tout ça, c'est surtout pour moi !

Dans le vaste salon, Lucius avait commencé à installer des rideaux épais et quelques chandeliers qui fascinaient toujours les enfants, plus habitués à la lumière électrique de leur maison dans le monde non-magique. Harry le rejoignit pour poser le sortilège qui occultait toute lumière en provenance des fenêtres, ce qui n'était pas du luxe étant donné le soleil qui régnait à l'extérieur ! Il jeta un regard global sur ce qui pourrait encore gêner Severus et trouva l'ensemble relativement satisfaisant. Pour le bruit des enfants, il ne pouvait rien faire, et Severus devrait ou s'y habituer, ou bien s'isoler...

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– Tu es prêt ?

Surpris par l'apparition inopinée de son calice dans le Petit Salon, Severus se leva, soudain fébrile et nerveux. Malgré les paroles rassurantes de Lucius, il doutait toujours d'être accepté pour ce qu'il était, surtout par les enfants, et l'appréhension devenait brutalement envahissante. Il avait beau être puissant, que ce soit chez les sorciers ou les vampires, cela n'achèterait jamais le respect et l'amour de ses « petits-enfants ».

– Oui.

Harry le prit par le bras et Severus savoura en silence ce premier contact physique à l'initiative de son calice. Ce n'était que purement utilitaire, pour guider le transplanage, mais hormis ses doigts et sa bouche sur le poignet de Harry, Severus ne l'avait plus touché depuis le deuxième rituel d'union, quelques semaines plus tôt. Et la pensée avait beau être ridicule et honteusement mièvre, avoir Harry ainsi pendu à son bras lui donnait l'impression qu'ils allaient partir en promenade comme un couple normal, ou bien se diriger vers un mage pour une cérémonie d'union...

– Laisse-toi faire, dit Harry. Du moins, autant que tu le peux...

La main sur son avant-bras s'illumina d'une lumière émeraude et Severus sentit la magie l'envelopper. Incertaine, hésitante, elle cherchait à tâtons comment procéder pour l'emmener avec son calice. La sensation était déroutante, comme lorsque Harry, autrefois, promenait sa magie dans son corps pour l'exciter... Quand enfin, elle sembla trouver un point d'accroche, Severus eut l'impression de plonger dans un tourbillon très lent, très long, qui le déposa dans l'obscurité avec un léger vertige.

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– Où sommes-nous ? demanda Severus qui ne reconnaissait pas l'endroit.

– Dans la chambre de l'étage inférieur, où tu pourras venir s'il y a trop de lumière en haut... J'ai pensé que tu voudrais éviter d'arriver au milieu du salon de manière trop... brusque et effrayante.

Severus salua d'un signe de tête l'attention appréciable de son calice, avant de songer qu'il ne devait rien y voir. D'un sortilège, il alluma une vague lueur dans la pièce tandis que Harry lâchait son bras bien trop rapidement à son goût.

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La chambre d'ami était bien plus grande qu'une chambre ordinaire, pourvue d'un petit bureau qui lui permettrait de travailler à son aise, et aucune lumière extérieure ne filtrait par la fenêtre. Harry avait utilisé le même sortilège que ce matin dans la Salle à Manger, et Severus devait reconnaître qu'il était très efficace.

C'était Harry, aussi, qui avait eu l'idée de le faire transplaner avec lui jusqu'à Torquay. Severus aurait pu s'y déplacer seul, mais les sortilèges de protection de la maison l'empêchaient d'apparaître à l'intérieur, et il était hors de question d'apparaître sur la colline, hors de toute protection, avant la nuit noire... Seul Harry était capable de transplaner n'importe où, à sa guise, jusque dans la maison, et il était même capable de l'emmener avec lui. Du moins, il avait réussi à le faire avec Mihai.

– Ça va ? C'était pas trop bizarre ? demandait justement Harry à mi-voix. J'ai eu plus de mal... Ta magie est plus... dense que celle de Mihai.

– C'était parfait, affirma Severus avec un sourire reconnaissant. Merci.

– Vas-y, fit Harry en désignant la porte d'un signe de tête. Je crois que tu es attendu, là-haut !

L'espace d'un instant, Severus hésita à prendre son calice dans ses bras, pour le remercier d'un baiser, ou d'une simple étreinte... tout comme il avait hésité à l'enlacer pour le transplanage. Mais il avait eu peur de surprendre Harry alors que le trajet était délicat et lui demandait beaucoup de magie, et il renonça à nouveau à son geste, de peur de lui imposer une proximité qu'il ne souhaitait pas. Il se contenta d'un sourire face au regard fuyant de son calice et sortit de la chambre, le cœur lourd et inquiet, pour gravir l'escalier et se confronter à sa « famille ».

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– SÉVIE !

Des cris. Aigus. Assourdissants. Une cavalcade et deux chocs contre ses jambes, enlacées de bras minuscules. Le cœur broyé d'émotions écrasantes. Et avant d'avoir eu le temps de comprendre quoi que ce soit, Severus avait un genou à terre et deux enfants entre ses bras.

Des cris enthousiastes dans ses oreilles. Des petits pieds trépignants. Des mains qui saisissaient ses vêtements pour chercher à grimper sur son genou, contre lui, plus haut encore. Des bras autour de son cou qui l'étranglaient presque. Des baisers plaqués sur sa joue, humides, grossiers, pleins d'amour. Une émotion ravageuse qui lui faisait presque verser des larmes de sang. Quoi qu'il soit devenu, les enfants ne se détournaient pas de lui... Iris, la première, cherchait déjà à évincer son petit frère pour s'accaparer la place principale et toute l'attention de son Sévie adoré. Et la tignasse de sa Princesse était bien utile pour cacher son sourire bien trop ému et ses yeux bien trop brillants.

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Severus mit de longues secondes avant de parvenir à se reprendre, mais l'agitation des enfants et leurs babillages incessants suffisaient pour détourner l'attention. Personne ne fit attention à ses réactions, juste souriants devant cette scène attachante... Personne, sauf peut-être Harry, qui se tenait un peu en retrait avec Minerva à ses côtés qui lui parlait à l'oreille.

– Tu avais raison, murmura la fillette.

– À propos de quoi ? gloussa Harry. J'ai souvent raison, après tout !

– Sévie est encore plus beau qu'avant !

Du coin de l'œil, Severus surprit un sourire de connivence entre son calice et la fillette, et ce sourire-là l'émut plus que leurs paroles, et au moins autant que la confiance retrouvée de Scorpius et de sa Princesse.

Depuis son retour, il n'avait pas vu Harry sourire une seule fois, même à Lucius, même lorsque Charlie et Matthieu étaient venus dîner. Cela devait sans doute arriver, mais pas devant lui. Sa présence semblait enlever toute sa joie de vivre à Harry, il était froid, fermé, distant, le visage austère; hésitant, au mieux, mais le plus souvent impassible ou les sourcils froncés. Le mot qui venait à l'esprit de Severus était hermétique. Devant lui, Harry était incapable de s'ouvrir.

Mais là, il souriait et la vie semblait être revenue dans son regard.

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Après les petits, ce fut Minerva qui vint faire un câlin à Severus, sans une question mais observatrice et pleine de curiosité. Puis Draco, le regard ému, lui aussi, et dissimulant sa joie sincère dans un murmure et une étreinte lourde de sens.

– Merlin ! Ça fait du bien de te revoir !

Severus laissa échapper un geste qu'il osait rarement – sans doute plus depuis que Draco avait eu seize ou dix-sept ans – une caresse dans ses cheveux et sur le côté de son visage, tendre, puis sa main glissa sur sa nuque, dans son dos et ils se prirent à nouveau dans les bras pour cacher leur émotion à ce geste qui n'avait de sens que pour eux.

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Quelques instants plus tard, il salua Daphnée alors que Harry était déjà parti dans la cuisine pour aider Sky à la préparation du déjeuner. Et tandis qu'il prenait dans ses bras une Iris impatiente de le retrouver pour elle seule, Severus sentit sur son épaule la caresse furtive de la main de son mari. Un sourire. Un regard qui comprenait tout. Lucius n'avait rien dit mais il devinait nombre de ses tourments.

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Le repas autour de la grande table à la lueur des chandeliers, Harry qui mangeait à sa faim et Scorpius qui tentait de manger tout seul, des rires, nulle assiette devant lui mais une tasse de thé, des questions par dizaines, innocentes, joyeuses, que Harry ne prenait pas mal et Severus non plus, un brouhaha continuel qui provoquait chez lui une légère ivresse, comme l'alcool autrefois, et des jeux d'ombres chinoises sur le plafond du salon à la lueur des chandeliers...

– Regarde ! On dirait un chien qui aboie !

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– Pourquoi tu bois du thé ? Je croyais que les vampires buvaient que du sang ?

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– 'Ry ? L'est où Yaya ?

– Aria est en vacances avec ses mamans, bonhomme... Elle revient la semaine prochaine.

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– C'est vrai que tu vois même la nuit ?

– Aussi bien qu'un chat ! affirma Severus, l'air très sérieux. Ou qu'une chauve-souris.

Le sourire en coin de Draco...

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– Je suis désolée pour l'autre jour ! murmura Daphnée à Harry avec un air effaré. Tu as dû mourir de faim ! Je n'imaginais pas que tu avais besoin de manger autant, je suis vraiment...

– Ne t'en fais pas, répondit Harry en souriant. J'ai grignoté un bout en rentrant. Et puis c'est compliqué de vous imposer de préparer autant de nourriture juste pour un repas. Avec Lucius, on a décidé d'emmener un elfe avec nous à chaque fois qu'on viendrait manger chez vous. Ne le prends pas mal, surtout, mais ça tranquillisera tout le monde... Tu seras débarrassée de la corvée de cuisine et moi, j'aurais assez à manger.

– J'avoue que j'en aurais pour des heures si je devais préparer ça toute seule, ou même avec ton aide ! gloussa Daphnée. Déjà que les repas pour cinq me paraissent énormes... !

– À présent, il vaut mieux m'avoir en photo qu'à table ! fit Harry en riant.

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Pendant quelques heures, Severus eut l'impression d'avoir de nouveau un cœur qui battait. Quelque chose de chaud au creux de sa poitrine, qui palpitait, qui s'emballait, qui vivait... Un battement prodigieux, effervescent, qui rayonnait dans tout son corps et qui pulsait d'une énergie incroyable.

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Et Harry avait retrouvé la même énergie. Avec les enfants, il vivait, il souriait, il riait; il restait loin de lui, à discuter à voix basse avec Minerva, ou bien assis par terre à jouer avec Scorpius ou à plat ventre sur le tapis à lire un livre avec lui, mais il avait l'air heureux. Et dans les émotions de son calice, Severus ne percevait plus aucun mal-être.

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L'ombre au tableau surgit quand les enfants, lassés de jeux calmes et de lecture, lassés de la pénombre et de l'enfermement, voulurent sortir dehors. Ils avaient envie de grand air, de soleil, de descendre à la plage, de nager et de jouer dans le sable, de courir sur la colline, de faire de la balançoire et de jouer au ballon... Comme des enfants.

Et l'incompréhension fut totale.

Si Minerva réalisa rapidement sa méprise, si Scorpius se fichait un peu de qui l'accompagnait du moment qu'il pouvait courir dehors... Iris piqua une colère monumentale. Des cris, des hurlements, des larmes et des sanglots. Plus qu'un caprice, une vraie détresse.

– Je veux que tu viennes ! Je m'en fiche que t'aimes pas le soleil ! Je veux aller à la plage avec toi ! C'est pas juste ! T'as pas le droit ! Moi, j'ai envie que tu viennes ! Non ! Je veux pas y aller avec Papa, et pas avec PapiLuce ! Je veux toi ! Tu viens, maintenant ! Vous êtes pas gentils ! Moi, je veux Sévie !

Des poings serrés de colère, des mains qui l'attrapaient pour l'entraîner dehors, qui s'agrippaient à ses vêtements, des pieds qui trépignaient, furieux de ne pas y arriver, un nez qui coule, un visage défait, des cheveux hirsutes et des yeux noyés de larmes.

Et chacun avait beau y mettre du sien pour tenter de justifier l'injustifiable, rien ni personne ne parvenait à raisonner la fillette dont la colère farouche, sauvage, désespérée, s'opposait à toute explication.

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Severus voyait Draco et Lucius commencer – doucement mais sûrement – à s'agacer, en bons Malfoy toujours maîtres d'eux-mêmes, et Daphnée purement désemparée. Scorpius, un peu perdu, semblait même sur le point de se mettre à pleurer devant la colère presque hystérique de sa sœur. Severus, lui, se sentait coupable de la détresse d'Iris, et sa douleur lui broyait le cœur.

Il fallait couper court à cette situation. Iris ne pouvait pas continuer à souffrir comme ça, sans parvenir à se calmer, et tout cela devait s'arrêter avant que Lucius ou Draco n'explosent à leur tour. Severus déploya son aura de vampire, massive et écrasante, prit Iris dans ses bras et se dirigea vers l'escalier.

– Allez prendre l'air. Je m'occupe d'elle.

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Il descendit dans la chambre que Harry avait préparée pour lui, alluma un chandelier et s'assit sur le lit. Iris, toujours dans ses bras, avait cessé de pleurer à chaudes larmes, figée dans une espèce d'état de sidération par l'influence dont il avait usée sur elle. Severus s'adossa contre les oreillers et allongea ses jambes sur le lit, légèrement de travers pour garder ses chaussures hors des draps. Assise à califourchon sur ses cuisses, Iris laissait de temps en temps échapper un sanglot qui faisait tressauter ses épaules, puis elle reniflait un grand coup, son visage humide contre le col de sa chemise, dans le creux de son cou.

Comment pouvait-elle comprendre et admettre pareille injustice ? Il était revenu mais il n'était plus le même. Il ne pouvait plus faire les mêmes choses avec elle, leurs habitudes, leur connivence, leur complicité étaient perturbées, leur relation serait différente et Iris ne voulait pas de ça. Mais elle avait beau ne pas vouloir, elle ne pouvait rien contre la réalité, même si c'était dur, même si c'était injuste, même si c'était inacceptable.

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Severus ne s'en faisait pas trop. C'était douloureux sur le moment, il faudrait certes faire le deuil de certaines choses, mais avec le temps, ils inventeraient d'autres jeux, d'autres moments rien qu'à eux, d'autres occasions de tendresse... Pour l'instant, Iris n'était juste pas capable de l'entendre ou de l'imaginer. Sa frustration immédiate et légitime emportait tout.

Doucement, il caressait son dos et ses cheveux, jusqu'à ce qu'elle finisse par s'endormir contre lui. Alors, il dissipa lentement son aura, sans doute trop présente pour ceux qui la subissaient, même s'ils s'étaient à présent éloignés de la maison.

Harry avait semblé particulièrement gêné quand il avait imposé son influence. Enfin, pas gêné, mais mal-à-l'aise. Inquiet. Appréhendant visiblement ce qu'il allait faire... Cela lui rappelait certainement de mauvais souvenirs des moments passés ensemble dans le pavillon chinois. Severus ne comptait pas du tout se servir de son pouvoir contre Harry, mais la peur avait été réflexe. Il lui restait encore tant de choses à reconquérir avec son calice... et en premier lieu, la confiance.

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– Comment ça va ? fit Lucius en attrapant Harry par la taille. À part la petite crise d'Iris, tu supportes ?

Avec un grand sourire, Harry chaparda le baiser que lui offrait l'aristocrate puis le prit par le bras pour s'éloigner sur le chemin qui longeait le bord de la falaise.

– Ça va. C'est moins pire que je ne m'y attendais... Moins pire que le dîner hier soir. Draco est moins... curieux, moins à l'affût de ce qu'il y a entre Severus et moi... Et les maladresses des enfants sont moins difficiles à supporter. Mais la pauvre Iris, elle m'a fait de la peine...

– Oui, admit Lucius en détournant le regard vers le large. Ça ne va pas être facile pour elle. Elle est tellement proche de Severus... Elle s'habituera avec le temps, mais tout ça reste incompréhensible pour l'instant. Quant à Draco, il sait bien qu'il n'a rien à dire sur ta relation avec Severus, que ça ne le regarde pas... Je crois que là, il avait surtout besoin de le revoir, de s'assurer qu'il allait bien, qu'il était vivant, quelle que soit la réalité de ce mot. Severus est son parrain, et sans doute bien plus que cela... Draco était terriblement angoissé à l'idée de le perdre.

Le vent du large plein la figure, Harry songea à ce mot, échappé de la bouche de Minerva la dernière fois qu'ils étaient venus, à propos de son père : terrifié. Draco avait cru que Severus allait mourir ou qu'il n'allait jamais revenir. Une fois rassuré parce qu'il l'avait vu en chair et en os, il s'était considérablement détendu et de vrais sourires étaient réapparus sur son visage.

– Et comment tu as trouvé Severus ?

Du coin de l'œil, Harry observa Lucius qui ne le regardait pas, les yeux fixés sur l'horizon et ses cheveux longs soulevés par l'air iodé. Draco n'était pas le seul à s'être détendu, et Harry n'avait pas manqué les quelques gestes furtifs de tendresse entre son amant et Severus.

Il ne voulait pas trop réfléchir à ce que lui inspirait le vampire mais Lucius attendait une réponse. Lui aussi cherchait sans doute inconsciemment à être rassuré sur son mari.

– Un peu troublé par la réaction d'Iris, mais globalement, il avait l'air plutôt heureux de les revoir... Très heureux, même.

Le sourire de Lucius rayonna quelques secondes. Pour personne. Pour lui-même. Parce que Severus avait beaucoup souri, lui aussi, cette après-midi.

– Tu as vu à quel point il était ému quand Scorpius et Iris lui ont sauté dans les bras ? fit-il d'une voix songeuse.

– Je n'ai pas fait attention, mentit Harry en reprenant Lucius par le bras pour poursuivre leur promenade.

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Ils marchèrent un moment en silence, savourant la fraîcheur due au vent alors que le soleil cuisait leurs visages. Le sentier était sinueux, escarpé, à peine assez large pour marcher de front tous les deux, mais la splendeur du paysage valait le détour. Un ciel limpide s'étalait sur tout l'horizon, sur une mer presque turquoise et brillante de mille feux sous le soleil. Et puis, au détour d'une courbe du chemin, juste après un parterre de bruyère, de lichen et de mousse, l'immensité et la blancheur de la falaise, l'à-pic sur les vagues et le bruit incessant des remous sur les rochers. Une vue majestueuse.

– Je croyais que tu n'aimais pas le bord de mer, ricana Harry en voyant son amant presque subjugué.

– Je n'aime pas la plage, le sable, la mer pour se baigner... Mais un bord de mer comme celui-là, ça n'a rien à voir.

– Il faut toujours que ce soit un minimum grandiose pour te plaire, n'est-ce-pas ?

Lucius leva les yeux au ciel devant la taquinerie de son amant, mais il n'allait pas protester. Harry, lui aussi, avait l'air heureux aujourd'hui. Même s'il se tenait loin de Severus, même s'ils n'échangeaient aucun regard, ni aucun geste, même s'ils ne se parlaient pas directement, ils participaient aux mêmes conversations, ils restaient présents dans la même pièce, ils arrivaient, chacun de leur côté, à sourire et à passer un moment agréable, et c'était déjà beaucoup.

– Et c'est pour ça que tu me plais ? ironisa Lucius. Ton côté grandiose, unique et fascinant...

– On aura tout entendu ! fit Harry en éclatant de rire.

– Je ne pouvais pas choisir n'importe qui pour être à mes côtés, ajouta Lucius, moqueur. Ni toi, ni Severus...

– Pour Severus, tu n'as pas eu tort, maintenant qu'il est un vampire puissant et prestigieux. Mais pour moi, tu as dû te tromper !

Lucius s'avança et enlaça la taille de Harry pour le rapprocher de lui.

– Sache qu'il y a certains domaines où je ne me trompe jamais, Monsieur Potter-Malfoy, et l'amour en fait partie... Je vous aime tous les deux, et ça n'est pas prêt de s'arrêter.

Lucius scella sa déclaration d'un profond baiser, satisfait de pouvoir parler plus librement de Severus, et surtout, de montrer à Harry qu'il les mettait toujours sur un même pied d'égalité.

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Quand ils retournèrent dans la maison de Draco, souriants et passablement échevelés, Iris jouait tranquillement dans le salon, comme si de rien n'était. Radieuse, inventant des histoires sur ses personnages qui captivaient Scorpius, égale à elle-même... Le jour et la nuit avec la petite fille écrasée de chagrin qui avait disparu tout à l'heure avec Severus.

Les rideaux grands ouverts et la lumière qui inondait le salon par les baies vitrées indiquaient tout de suite que Severus, lui, n'était pas là. Pourtant, tout le monde était de retour à l'intérieur, chassé du jardin et de la terrasse par le vent qui soufflait un peu fort et un soleil qui ne suffisait plus à les réchauffer.

– Est-ce que je peux fermer... ? demanda Harry à Draco qui retirait jouets, livres et coloriages de la table pour mettre le couvert.

– Bien sûr ! Je crois que les enfants se sont assez dépensés pour aujourd'hui ! ajouta-t-il en souriant.

Pour ne pas risquer une nouvelle crise, Harry préféra aller s'accroupir à côté d'Iris qui le regarda d'un œil méfiant.

– Ma puce... tu veux encore sortir dehors ou bien tu restes à l'intérieur ? Si plus personne ne sort, je peux peut-être remettre le sortilège pour que Severus puisse revenir avec nous...

– Oh oui, oui ! Remets le sortilège ! Je veux jouer aux cartes avec Sévie !

– Minerva ? demanda Harry en levant la tête vers elle.

D'un signe de tête, la fillette déclina son offre; Scorpius était parti vider le sable emmagasiné dans ses cheveux au fond de son bain... Harry se releva pour aller fermer les rideaux puis jeter le sortilège sur les fenêtres.

– Attends deux minutes que le sortilège soit bien efficace, fit-il à Iris qui s'impatientait déjà, et tu pourras aller chercher Severus...

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Ce soir-là, le dîner fut vraiment agréable et détendu. Iris mangeait à côté de Severus qui, comme il ne mangeait pas, était complètement disponible pour elle, ce qui la ravissait au plus haut point. Draco et Lucius, pour une fois, discutaient de manière apaisée sans qu'aucun conflit latent ne vienne s'immiscer entre eux. On entendit même Harry rire deux ou trois fois des paroles de Minerva ou d'une bêtise de Scorpius... Et quand la nuit fut enfin tombée, il put lever le sortilège, ouvrir grand les rideaux et les fenêtres, et Severus eut l'impression de dîner dehors, sur une table dressée au bord de la falaise et sous les étoiles.

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– Qu'est-ce que tu fais là ? murmura Severus. Tu devrais dormir...

Harry frissonna et se frotta machinalement les bras. La nuit était fraîche, humide de l'air du large et un souffle de vent faisait claquer par moments les voilages du lit de repos installé sur la terrasse.

– J'ai entendu un bruit... Et j'avais soif.

Harry ne portait qu'un simple boxer. Il était pieds nus. Presque nu... Mais rapidement, les arabesques sur sa peau s'illuminèrent de vert émeraude dans l'obscurité de la nuit. Il avait dû activer son sortilège de chaleur car ses tremblements s'arrêtèrent en quelques secondes.

– Désolé si c'est moi qui t'ai réveillé.

Ces arabesques illuminées par la magie étaient vraiment de toute beauté, songea Severus. Des entrelacs émeraudes, sortis de nulle part, rayonnant dans la pénombre... Le corps de son calice à portée de main... mais intouchable.

Harry haussa les épaules, commença à faire demi-tour pour rentrer dans la maison, puis sembla se raviser.

– Pourquoi as-tu si faim, d'un seul coup ?

Severus sourit; Harry n'en verrait sans doute rien.

– Je suis descendu à la plage pour aller nager. Il y a un peu plus de vagues et de courant que dans les piscines du Manoir... Ça m'a coûté un peu plus d'énergie que d'habitude...

Ou bien c'était la présence de son calice quasiment nu qui éveillait une autre sorte de faim...

– Tu as besoin de boire ?

– Non. Je te remercie, mais je peux attendre demain soir. Je sais que tu ne voulais pas le faire ici...

– Tu es sûr ?

– J'ai bu hier soir, fit remarquer Severus en souriant. Je peux tout de même tenir deux jours...

– Comme tu veux, fit Harry en haussant les épaules avant de rentrer dans le salon.

Surpris par sa volte-face, Severus eut à peine le temps de lancer un « Bonne nuit »; Harry avait déjà disparu.

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Dans le silence revenu, Severus fronça les sourcils avec l'impression d'avoir manqué une occasion. Une occasion de se taire, visiblement, et l'occasion d'assouvir sa faim et sa gourmandise. À trop vouloir montrer qu'il avait changé, qu'il savait se maîtriser et qu'il n'allait pas sauter sur son calice...

Mais ça allait même plus loin que ça. Un instant, Harry avait paru ouvert, attentif, presque soucieux de son bien-être... et devant son refus, il s'était refermé comme une huître, avant de disparaître. Se pouvait-il que Harry ait eu envie de lui donner son sang ?... Qu'il ait vraiment désiré le faire, et que son refus l'ait vexé ?...

Raisonnablement, Harry ne pouvait pas encore en avoir besoin. Severus avait moins bu que le premier soir, mais la veille, il lui avait malgré tout prélevé une certaine quantité de sang... Harry était loin d'un engorgement ou même d'un inconfort. D'ailleurs, il avait été très calme aujourd'hui, loin de l'agitation et de la fébrilité qui le caractérisaient quand il commençait à ressentir un excès de sang.

Mais cette insistance... ?

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Le don était important pour les calices. Parfois même une fierté. Est-ce que son refus avait été perçu comme un rejet ? Comme une façon de dire qu'il pouvait facilement s'en passer ?...

Severus grogna dans le silence de la nuit tandis qu'une lueur rouge traversait ses yeux. Tout ça était insoluble, et parfaitement rageant! Il avait manqué une occasion de boire, il avait contrarié son calice et il ne pouvait plus le rejoindre pour réparer son erreur. Harry devait déjà avoir retrouvé le lit chaud et douillet où l'attendait Lucius, et où ils allaient sans doute encore faire l'amour ! Bon sang ! S'il ne l'était pas déjà, Severus se serait maudit !

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ooOOoo

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Le lendemain matin, Harry fut un des premiers levés. Le premier, si l'on exceptait les elfes et celui qui ne dormait plus.

Très tôt, il fut dans le salon pour préparer le petit-déjeuner avec Sky, et jeter son sortilège sur les vitres avant le lever du soleil, mais Severus s'était déjà retiré dans sa chambre et il ne se montra pas avant qu'Iris ne vienne le chercher avec insistance.

La journée fila, lente et tranquille, entrecoupée de repas prolongés. Pour éviter la même crise que la veille, Daphnée et Draco proposèrent sans attendre à Iris de descendre à la plage juste après le déjeuner. Elle avait bien compris que Severus ne viendrait pas et ne fit aucune difficulté. Scorpius voulut venir également, et Harry se dévoua pour les accompagner. Minerva préféra rester, sans doute dans l'espoir de chaparder un moment en tête à tête avec Severus. Avec le même espoir, Lucius resta également... bien qu'il visât davantage une sieste crapuleuse avec son mari qu'une conversation policée.

À peine revenu de la plage, Harry se remit en cuisine pour le repas du soir, sans accorder aucune attention à la présence ou non de Severus. Ce ne fut que lorsqu'ils passèrent à table que Lucius suggéra de remettre le sortilège sur les fenêtres pour qu'il puisse les rejoindre.

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Ils avaient convenu de rentrer au Manoir après le dîner, une fois la nuit tombée, pour que Severus puisse faire le trajet seul, sans l'aide de Harry. Et pas une fois durant tout le repas, il ne rencontra le regard de son calice.

Ils s'étaient à peine croisés dans la journée, et pendant les rares moments où ils avaient été dans la même pièce, Harry semblait à nouveau le fuir, ou tout du moins l'ignorer complètement. Un retour en arrière qui faisait grimacer Severus. Il paraissait impossible d'échanger quelques mots avec lui comme cette nuit, il se tenait à distance, hors de portée d'un geste ou d'une quelconque parole, Harry était de nouveau inaccessible. Il lui faisait clairement payer quelque chose – son refus de cette nuit ? –, et Severus en venait à douter que son calice accepte de le nourrir en rentrant au Manoir. Il pouvait tenir sans boire, mais ce moment rituel en tête-à-tête était l'occasion d'échanger quelques mots et de faire des progrès minimes... qu'il savait si bien gâcher le reste du temps.

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Les au revoir furent plus longs qu'à l'accoutumée, parce qu'Iris avait du mal à lâcher Severus et Scorpius du mal à lâcher Harry.

– 'Est quand voir Yaya ?

– Bientôt, mon bonhomme, bientôt...

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Enfin, après un dernier bisou de part et d'autre, Harry prit Lucius par le bras et ils disparurent brusquement.

Severus s'attarda quelques secondes de plus pour saluer Daphnée et surtout Draco.

– Merci de ne pas l'avoir brusqué, lui dit-il en aparté. Je sais que tu aurais aimé lui parler en tête à tête, mais je crois qu'il n'a pas très envie de parler de tout ça en ce moment...

– J'espère que ça ira vite mieux entre vous, répondit Draco avec un sourire désolé. Qu'est-ce qui nous a valu le rafraîchissement d'aujourd'hui ? J'avais l'impression, hier, que ça se passait plutôt bien, et brusquement...

– Quelques mots que je n'aurais pas dû dire cette nuit... Rien à voir avec toi, si ça peut te rassurer.

– Je serai rassuré quand tout aura l'air d'aller bien pour vous deux !

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La porte du Manoir s'ouvrit dès que Severus apparut sur le perron. Il tendit sa cape et ses gants à l'elfe en faction, puis retira ses bottes pour enfiler ses chaussures d'intérieur. Dans le couloir qui desservait les pièces de vie, aucune lumière n'était allumée. Seuls quelques chandeliers, dans le vaste Hall d'Entrée, éclairaient un peu l'endroit. Il était tard. Harry et Lucius avaient dû se retirer directement dans leur chambre pour aller se coucher...

Tant pis. Il avait commencé à Torquay une nouvelle traduction qui l'emmènerait bien assez tard dans la nuit, jusqu'à ce que ce soit l'heure d'aller nager. Severus se dirigea vers la Bibliothèque mais l'elfe de maison le rattrapa sur ses courtes jambes.

– Monsieur Harry vous attend dans votre chambre, Monsieur.

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Severus fronça les sourcils et bifurqua vers le grand escalier d'apparat du Hall. Ses pas étouffés par le tapis des marches s'entendaient à peine dans le silence de la nuit et il ne percevait aucun autre bruit. Pourtant, en arrivant sur le palier qui desservait le couloir de l'étage, il vit deux rais de lumière sous deux portes différentes : celle de la chambre de Lucius, tout au fond du couloir, et celle de sa propre chambre.

Irrité et nerveux, Severus s'avança rapidement, frappa deux coups légers à la porte, puis secoua la tête. Il en était rendu à demander l'autorisation d'entrer dans sa propre chambre ! L'impression d'être un étranger et un indésirable partout le rattrapa avec violence, avant qu'il ne chasse cette idée de son esprit. Il ne demandait pas l'autorisation d'entrer, il signalait simplement sa présence pour ne pas surprendre Harry... S'il était vraiment là.

En ouvrant la porte sans plus attendre, il trouva bien Harry dans la chambre, assis sur le bord du lit. Il se tenait penché, les coudes posés sur les genoux, et à son entrée, il releva la tête avant de se passer une main lasse sur son visage.

– Dépêche-toi, souffla-t-il en se redressant.

De fatigué, Harry parut brusquement alerte et ses gestes empressés pour essayer de remonter sa manche traduisaient sa nervosité. Ses doigts fébriles n'arrivaient pas à défaire le bouton de manchette de sa chemise, il en devenait impatient, imprécis, Severus crut qu'il allait l'arracher pour aller plus vite, quand enfin Harry parvint à s'en défaire et à remonter assez le tissu pour lui tendre son bras.

Severus acheva de s'asseoir à côté de son calice et prit dans sa main le poignet qui se trouvait déjà à quelques centimètres de sa bouche. Il fronça les sourcils; il n'avait même pas eu le temps d'enlever son glamour, mais Harry paraissait trop pressé pour y faire attention. Son visage exprimait presque une douleur, le sang battait sous la peau fine du poignet, presque audible pour son ouïe de vampire, Harry était tout entier tendu dans l'attente de la morsure.

Severus ouvrit la bouche et posa ses dents sur le poignet de son calice. Aussitôt, le sang jaillit, bien plus fort qu'il ne s'y attendait, tandis que Harry laissait échapper un gémissement.

Severus eut du mal à se contenir. La jouissance du sang dans sa bouche, dans son corps, et le gémissement de son calice... le désir dans ses reins s'enflamma brusquement. Intense, incandescent. Et le manque absolu d'une proximité physique et émotionnelle avec son calice devint insupportable.

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Mais sa volonté, plus forte que la sauvagerie de ses envies, le garda finalement maître de lui-même. Il se concentra sur le goût divin du sang de son calice, sur la profusion qui ruisselait dans son corps, sur la magie qui courait dans ses veines... sur le soulagement de Harry.

À présent, il était moins surpris qu'il l'ait attendu avant d'aller se coucher : Harry avait vraiment eu besoin qu'il boive ce soir... Severus s'était nourri seulement deux jours plus tôt, mais la pression du sang était quasiment la même que lors de la première morsure à son retour de Colibita, si ce n'est qu'elle dura moins longtemps. À bien y réfléchir, Harry devait déjà se sentir inconfortable lorsqu'il était venu le trouver la nuit précédente sur la terrasse à Torquay. Sa proposition spontanée de le nourrir ne traduisait que son besoin latent.

Severus avait recommencé à boire de façon régulière, Harry pouvait à peine tenir deux jours sans donner son sang...

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Parce qu'il craignait de moins en moins de prendre trop de sang à son calice, Severus put vraiment boire tout son soûl. Goulûment, puis tranquillement. Jusqu'à ce que ce ne soit plus que de la gourmandise. Jusqu'à ce qu'il se dise que c'était la dernière gorgée... mais l'envie était trop forte d'en prendre une de plus. Jusqu'à ce que vraiment il n'en puisse plus et qu'une gorgée de plus allait devenir celle de trop et gâcher son plaisir...

Rapidement, il lécha la plaie pour la refermer et ouvrit les yeux pour s'assurer de l'état de son calice. Harry avait les yeux fermés, le teint pâle et le souffle court. Et lorsque Severus éloigna la bouche de son poignet, Harry gémit à nouveau d'un ton plaintif.

– Est-ce que ça va ? murmura Severus. Tu as mal ?

– Tu as fini ? demanda Harry en massant compulsivement son poignet.

– Oui. Mais j'ai bu beaucoup... Tu ne veux pas t'allonger ? Ou manger quelque chose ?

Harry secoua la tête et essuya les paumes de ses mains sur son pantalon.

– Je dois y aller.

Il ne prit même pas la peine de se lever pour ouvrir la porte et sortir dans le couloir : Harry disparut en transplanant.

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– Ça y est, vous avez fini votre petite affaire ? gloussa Lucius devant l'apparition inopinée de son amant.

– Oui. Et maintenant, on va s'occuper de notre petite affaire ! Je te donne trente secondes pour bander et me baiser !

D'un sortilège, Harry se déshabilla puis rejeta d'un grand geste les draps avant de s'allonger en travers du lit et sur lui, la bouche directement sur la cible de ses désirs.

– Merlin, Harry ! Doucement !... Han... Oh, Seigneur !... Attends !

Fébrilement, Lucius attrapa sa baguette sous son oreiller avant de lancer un sortilège de silence sur leur chambre, coupant court aux bruits qui parvenaient jusqu'au vampire.

– En tout cas, toi, il ne t'a pas fallu trente secondes pour bander, gloussa Lucius. C'est Severus qui te fait cet effet-là ?!... D'accord, d'accord, j'ai rien dit ! Tu as gagné !

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ooOOoo

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Harry s'éveilla avec une sensation étrange qu'il n'arrivait pas à définir. Ce n'était pas un excès de sang, étant donné que Severus s'était largement rassasié hier soir; il ne se sentait pas fébrile, ni fatigué, ni même affamé. Il avait faim, bien sûr, mais raisonnablement... Cependant, il persistait une gêne, un manque, la sensation presque physique d'un silence inhabituel.

Il prit sa douche avec Lucius, entre deux rires et une main aventureuse, mais il n'avait pas particulièrement envie de sexe. La tendresse d'un câlin au réveil avait suffit à le combler. Avec un sourire amusé, il regarda son amant s'apprêter dans la salle de bains, comme chaque matin, qu'il ait prévu de sortir ou non. Une crème pour ceci, une crème pour cela, un soupçon de parfum, un sortilège de lissage sur ses cheveux... Harry trouvait cela charmant. Lucius était aussi maniaque de son apparence que l'était le Draco de leur huitième année, avant leurs virées nocturnes.

Quand ils descendirent, la sensation feutrée de vide et de gêne refit surface avec plus d'acuité et ne disparut pas au fur et à mesure du petit déjeuner. Ce n'était pas la faim mais cela restait inconfortable et pesant. Et puis d'un coup, Harry réalisa :

– Severus n'est pas là ?

Ce n'était pas seulement son absence à table, c'était son absence tout court. La certitude était brusquement évidente : Severus n'était pas présent dans le Manoir.

– On est lundi matin, fit Lucius avec un sourire moqueur. Il est parti ouvrir la Librairie.

– Mais ? Je croyais qu'il n'était pas sûr, qu'il ne savait pas trop s'il voulait continuer ou non, qu'il craignait de manquer de clients et que...

– Tu n'as pas écouté quand il en parlait hier avec Draco, ironisa Lucius. Il avait des commandes à honorer et qui n'avaient que trop tardé. De toute façon, la Librairie n'a jamais eu vocation à être rentable, c'est juste une histoire de passionnés. Ses clients habituels continueront de venir...

Stupéfait, Harry épluchait si machinalement sa pêche que son couteau dérapa pour venir égratigner son pouce, qu'il mit aussitôt à la bouche.

– Mais la lumière ?!

– Quelques sortilèges et quelques rideaux sur les fenêtres du magasin. Des lampes à l'intérieur et voilà... Severus sait se débrouiller tout seul.

– Mais pour revenir ? Il fait jour !

Avec un petit sourire détaché, Lucius remuait délicatement sa cuillère dans son thé alors qu'il n'y mettait ni sucre, ni lait. Harry, lui, tombait des nues. Pour transplaner, Severus avait besoin de sortir de la Librairie et s'il pouvait transiter par les ombres à l'intérieur même du Manoir ou de son magasin, il ne pouvait pas s'en servir pour entrer ou sortir d'un lieu protégé par des sortilèges.

– Eh bien, je suppose qu'il attendra la nuit tombée..., répondit Lucius. Il a envoyé une requête au Département des Transports Magiques pour relier la cheminée de la Librairie à celle de mon bureau, mais je ne suis plus au Ministère... sa demande mettra sans doute quelques jours à être traitée. En attendant, il devra se contenter d'attendre le coucher du soleil.

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oooooo

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Tandis que Lucius travaillait dans son bureau, la matinée s'étirait en longueur. Harry n'avait envie de rien. Ni de lire, ni d'aller nager, et encore moins de retourner dans le laboratoire. Il aurait bien passé son temps à jouer avec Aria et à lui raconter des histoires, mais sa fille n'était pas là. Sa culpabilité lui disait d'aller aider Lucius pour pouvoir profiter de lui plus rapidement, mais, sans Mark, le courrier et les dossiers paraissaient bien plus rébarbatifs.

Il tournait un peu en rond, de pièce en pièce, traîna un moment dans la salle de cinéma à regarder deux épisodes d'une série qu'il avait découverte avec Mark, puis partit finalement chercher un livre dans la Bibliothèque. Sur la grande table de travail, une pile d'ouvrages anciens et de parchemins attendaient que Severus vienne reprendre sa traduction. Sur le dessus du tas, retenus par un presse-papier, la belle écriture du vampire parlait de sortilèges au lever du soleil, quand la lumière affleure à l'horizon, d'incantations étranges à réciter en jetant dans le vent de la poussière d'or et d'argent...

Sur une des fenêtres, dans un rayon de lumière, chatoyait justement le sortilège d'argent que Severus avait fait poser, pour ils ne savaient quelle raison. Harry s'approcha et y posa sa main. Il percevait la légère élasticité du sortilège, comme un ressaut souple qui le chatouillait avant qu'il ne le traverse pour poser sa paume sur la vitre. Lucius lui avait demandé pourquoi Severus avait fait cela, mais il n'en savait rien. Et il n'allait certainement pas poser la question à son vampire !

À leur connaissance, le sortilège n'était présent que sur la fenêtre du bureau de Severus et sur une de celles de la Bibliothèque. Dans le fond, Lucius s'en fichait mais il n'appréciait pas trop l'idée que des gobelins soient venus au Manoir pour le poser, sans sa permission et surtout sans qu'il soit au courant. Harry, lui, en était plus mal à l'aise. Cela lui rappelait trop leur enfermement dans le pavillon chinois et tout ce qui s'y était passé : une flopée de mauvais souvenirs...

Et puis il persistait à ne pas comprendre pourquoi Severus avait fait cela. Ici, il était libre de ses mouvements, il n'était pas enfermé... Et pourquoi une seule fenêtre dans la Bibliothèque ? Est-ce que c'était pour lui un rappel à l'ordre ? Un avertissement de tout ce qu'il ne devait pas reproduire ? Une sorte de garde-fou ?... Harry ne savait plus qui était, ni comment fonctionnait Severus. Il retira sa main et quitta la Bibliothèque sans emporter le moindre livre. Un peu de nage avant le déjeuner, en revanche, lui ferait du bien. Et cette après-midi, il irait marcher jusqu'au fin fond du Domaine.

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Lucius n'avait pas voulu venir, préférant finir d'éplucher l'énorme compte-rendu d'activité auquel il s'était attelé le matin-même. Qu'importe, il viendrait demain, ou après-demain, mais Harry avait besoin d'air et d'espace aujourd'hui.

Dès la fin du déjeuner, il avait chaussé de vieilles sandales souples et confortables, et troqué sa chemise trop apprêtée pour une chemise de lin blanc toute simple. Pour aller marcher des kilomètres et transpirer sous le soleil, il n'avait pas besoin d'être bien habillé.

Le chemin jusqu'aux écuries lui parut très court tant il était perdu dans ses pensées. Il but un peu d'eau, attrapa dans la réserve une pomme qu'il coupa en morceaux et en croqua un ou deux avant de donner le reste aux chevaux venus le voir à la barrière. Avec un peu de chance, demain il reviendrait avec Lucius et il lui apprendrait à monter à cheval... Ou bien, ils iraient se rouler dans le foin pour batifoler. Quoiqu'il imaginait mal Lucius oublier sa prestance pour finir dépenaillé et couvert d'herbe et de poussière pour une partie de jambe en l'air ! En ricanant pour lui-même, Harry caressa une dernière fois les chevaux et repartit vers les confins du Domaine.

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Marcher lui vidait la tête mais il ne pouvait s'empêcher de penser à Severus. Severus coincé dans sa Librairie comme dans une prison, sans doute depuis avant l'aube et jusqu'à la tombée de la nuit...

Harry avait du mal à s'imaginer ce que pouvait dorénavant être la vie de son vampire. Ne jamais dormir, ne jamais se reposer... jamais aucune coupure dans le temps. La vie devenait une interminable journée sans achèvement, une succession de moments sans échéance, dont la seule contrainte était cette alternance de nuits où Severus était libre et de jours où il était contraint de rester enfermé. L'ennui... l'ennui infini de savoir que rien ne presse, que le temps n'a plus d'importance, qu'il survivrait à tout. Et à tous...

Certaines choses avaient pourtant encore de l'importance pour Severus. Boire, en premier lieu. La façon dont son visage se transformait, s'apaisait, lorsqu'il buvait son sang, bouleversait Harry à chaque fois. Severus ne se rendait probablement pas compte de ce qu'il laissait transparaître mais sa sérénité et son soulagement étaient évidents. Son émotion, presque...

Une émotion qu'il avait eu du mal à cacher également, lorsque Scorpius et Iris lui avaient sauté dans les bras. Tout comme il avait été ému de retrouver son filleul, ou même parfois de certains gestes de son mari. Avec les autres, Severus semblait encore avoir un cœur... Pas avec lui.

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Avec lui, il était question de respect, de distance, de maîtrise. Severus voulait absolument prouver qu'il avait changé et qu'il ne recommencerait jamais ce qui avait eu lieu dans le pavillon chinois. Il était attentif, soucieux, mesuré, prudent dans ses gestes, jamais brusque, toujours respectueux. Il faisait attention à ne pas le froisser, à ne pas entrer en conflit avec lui, il acceptait le moindre de ses caprices, comme cette histoire de glamour, aussi humiliant que ce soit pour lui. Il se pliait à chacune de ses exigences.

Severus était tout sauf spontané. Tellement dans la maîtrise qu'il n'était plus lui-même.

Mais derrière ce contrôle, qu'est-ce qu'il était réellement ? Que se passerait-il s'il craquait ? Est-ce qu'il voulait juste se garantir à un accès régulier à son sang, ou était-il vraiment sincère ?! Les questions étaient sans réponse, mais Harry restait méfiant. D'autant plus méfiant qu'il ressentait diaboliquement les effets de la présence de son vampire.

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Depuis le retour de Severus, beaucoup de choses avaient changé. Sa production de sang, en premier lieu, avait augmenté depuis la première morsure et il tenait à peine deux jours sans éprouver le besoin impérieux de donner. Au bout d'une journée, il commençait déjà à ressentir des effets désagréables qui l'incitaient à se rapprocher de Severus. En permanence, il était focalisé sur la sensation de faim de son vampire. Il ressentait son absence comme un vide. Et plus il passait de temps en présence de Severus, plus il éprouvait l'envie de donner...

La journée du dimanche à Torquay avait été une abominable torture. Severus avait refusé de boire pendant la nuit, et toute la journée, les effets de l'excès de sang s'étaient cumulés avec la présence continuelle de son vampire depuis la veille. Même en s'éloignant à l'autre bout de la pièce, même en l'ignorant, même en fuyant son regard, Harry avait désespéré de parvenir à la fin de cette journée. La sortie à la plage lui avait fait du bien sur le moment, mais en revenant, il était revenu également à son point de départ, et des heures durant, il avait attendu avec une impatience fébrile de pouvoir rentrer au Manoir et enfin donner son sang.

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Mais le sang n'était pas tout. Il dormait mal. Il rêvait de Severus; des rêves extatiques et honteux. Même Lucius commençait à le taquiner sur ses réactions : sur sa soif de sexe, sur ses envies de tendresse, sur la façon dont il cherchait instinctivement une morsure au moment de l'orgasme... Instinctivement aussi, il s'inquiétait pour son vampire : sa faim, sa satiété après avoir bu, l'endroit où il était, et surtout la lumière... Surveiller la moindre clarté, les enfants qui jouaient derrière les rideaux, l'efficacité de son sortilège... Surveiller la course du soleil et le voile nuageux dans le ciel. Craindre que Severus ne puisse pas se mettre à l'abri.

C'était plus fort que lui. Harry avait beau se raisonner, se dire que rien de tout cela ne tuerait Severus, ni même qu'il en avait quelque chose à faire; que sa douleur ou sa faim lui importaient peu et qu'il pouvait bien payer pour tout ce qu'il lui avait fait... C'était plus fort que lui. Quelque chose comme l'instinct du calice, sûrement, aussi essentiel que l'envie de donner. Quelque chose qui transcendait sa volonté et qui le faisait doucement enrager. En présence de Severus, Harry avait l'impression de ne plus se maîtriser.

Et pire que tout, les morsures devenaient un vrai cauchemar. Il n'avait pas mal, il n'en sortait pas épuisé ou affamé, mais ses réactions le révulsaient. À chaque morsure, le dégoût le gagnait un peu plus alors que le besoin de donner était viscéral, presque vital. Indispensable. En réalité, ce n'était pas la morsure à proprement parler qui était en cause, mais la façon dont son corps y réagissait. À mesure que son vampire buvait, le désir courait dans son ventre, un feu brûlant qui descendait dans son entrejambe, dans ses reins, des envies charnelles inextinguibles, une érection systématique qu'il devait aller assouvir avec Lucius. Et le soir, avant le dîner avec Charlie et Matthieu, où Harry était allé s'allonger pour se calmer après le don, il avait fait un rêve érotique qui l'avait fait jouir dans son sommeil. Quand Severus était entré dans la chambre, il s'était réveillé sale et poisseux, honteux comme un adolescent pris en faute.

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Brutalement, Harry fut pris d'un vertige et s'aperçut qu'il avait cessé de marcher. Il se tenait en haut d'une vaste colline, en surplomb de la campagne alentour et d'un petit village qu'il n'avait jamais vu. Il était plus loin qu'il n'avait jamais été, seul ou en compagnie de Lucius. Qu'importe, il rentrerait en transplanant. D'ailleurs, il avait un peu faim. Soif, surtout... Il avait beaucoup marché et le soleil était généreux aujourd'hui. Et Severus qui était toujours coincé dans sa Librairie... Peut-être pouvait-il passer le voir et proposer de le ramener au Manoir sans attendre la tombée de la nuit ?

Avant même de l'avoir consciemment décidé, Harry avait transplané sur le Chemin de Traverse, à quelques mètres de la Librairie. Il ferma les yeux, soulagé de retrouver la présence familière, avant de se faire bousculer par un passant étourdi.

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Dans la pénombre de la réserve, Severus releva la tête de ses rayonnages, surpris par une sensation étrange et familière. Il ferma les yeux. Son calice n'était pas loin. Pourquoi diable il était dans les parages, il n'en savait rien, mais sa présence était certaine.

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Une fois retrouvé son équilibre, Harry s'éloigna de quelques pas pour ne pas rester dans le chemin des promeneurs. De l'autre côté de la rue, le panonceau sur la porte de la Librairie affichait Ouvert alors que de lourds rideaux cachaient l'intérieur de la boutique, laissant juste apparaître quelques livres anciens exposés dans la vitrine. Une porte fermée, que personne ne franchissait. Aucun client qui entre ou qui sorte pendant les cinq minutes qu'il passa à observer le magasin. Severus devait s'y ennuyer.

Harry allait traverser la rue pour rejoindre son vampire avant de se raviser brusquement. Severus n'était pas son vampire ! Il n'était que le vampire auquel il donnait son sang, ils étaient liés mais ils n'étaient rien, et Harry refusait de se sentir inquiet, responsable ou concerné par celui qui lui avait fait tant de mal. Il ne ferait ni le premier, ni le deuxième pas. Quels que soient ses instincts de calice, son envie subite – et subie – de donner son sang à Severus ou d'être proche de lui, il ne laisserait pas ses désirs le gouverner. Il n'était pas qu'un calice et il n'était certainement pas la chose de Severus. Il n'irait pas le voir et il n'irait pas lui proposer de le ramener au Manoir. Severus avait voulu aller à la Librairie, il attendrait la nuit tombée pour en repartir. Il était assez grand pour assumer ses choix.

Harry tourna les talons et entra dans le premier magasin de vêtements venus. Voilà. Il était venu pour s'acheter une nouvelle chemise. Ou un nouveau pantalon.

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oooooo

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Le soir venu, il dîna tranquillement en tête à tête avec Lucius. L'aristocrate était ravi qu'il soit allé se promener en ville et ils réfléchissaient tous les deux à ce que pourrait être leur prochaine escapade. Un spectacle, un théâtre, un concert ou un opéra... Harry avait déjà concédé que cela se passe le soir pour que Severus puisse venir avec eux, et même de l'emmener directement sur place s'il faisait encore jour. Toutes ces petites sorties seraient plus faciles à organiser dès que les jours raccourciraient...

Pudiquement, Harry n'avait pas avoué la raison première de sa présence sur le Chemin de Traverse, ni pourquoi il était revenu avec deux nouvelles chemises et un certain agacement contre lui-même.

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Severus revint bien plus tard, alors qu'ils étaient au Petit Salon. Harry se tenait assis à côté de Lucius dans le canapé, le bras de son amant autour de ses épaules, un catalogue sur les genoux, et ils finalisaient leurs choix sur le réaménagement de leur salle de bains.

Avant même d'entendre la porte d'entrée du Manoir s'ouvrir, il sut que Severus était de retour. La sensation familière de sa présence, un soulagement et une irritation immédiate devant ses propres sentiments.

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Rapidement, Severus fut dans le Petit Salon, les salua d'un Bonsoir, puis s'assit dans un fauteuil.

– Alors, cette première journée à la Librairie ? gloussa Lucius devant la gêne évidente de son mari à l'embrasser devant Harry. Tu as eu du monde ? Tu veux un thé ?

– Oui, avec plaisir. Merci.

Severus attendit que l'elfe de maison ait fini de faire le service avant de prendre sa tasse de thé brûlante entre les mains.

– Un peu de monde. Quelques habitués du Chemin de Traverse, surtout... plutôt surpris et mal à l'aise de me trouver là. Ils devaient penser que j'avais vendu, ou bien que j'avais pris quelqu'un pour tenir le magasin... Nul doute que demain, avec le bouche à oreille, les curieux seront plus nombreux à vouloir voir un vampire en chair et en os !

Le ton était amer, grinçant, mais Severus poursuivit tout de même.

– J'ai pu expédier mes commandes en retard, malgré tout, et répondre aux messages qui m'attendaient depuis un petit moment... Et fort heureusement, ils ne sont pas tous désagréables.

– Bien sûr que non, fit Lucius. Je suis persuadé que ta condition ne changera rien du tout pour tes clients habituels. Pour les autres, la curiosité se tassera avec le temps, d'autant plus si tu ne te caches pas et que tu te montres en public aussi souvent qu'avant. D'ailleurs, on avait songé avec Harry à se faire un théâtre ou un concert mercredi soir... Si ça te dit, bien évidemment.

Harry serra les dents et évita scrupuleusement le regard de Severus. Et avant que la conversation ne dérape plus avant, il se leva et salua les deux hommes d'un signe de tête.

– Je vais me coucher. Bonsoir...

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oooooo

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– Je crois que sa réponse est éloquente, soupira Severus dès que son calice fut hors de portée de leurs paroles.

– Détrompe-toi, fit Lucius avec un sourire espiègle. Il est d'accord pour ne sortir que le soir pour que ce soit plus simple pour toi, et même pour t'emmener tant qu'il fait encore jour. Il fait des efforts, même si tu ne les vois pas...

Severus grogna d'un air peu convaincu. Il était fatigué, vaguement contrarié et la présence toute proche de son calice avait réveillé sa faim. Et pourtant, Merlin savait combien il avait bu hier soir !...

Et cette espèce de conviction stupide de Lucius que tout allait bien se passer le mettait sur les nerfs. Prévoir une sortie à trois alors que la situation était si tendue avec Harry ne lui plaisait pas le moins du monde. Il allait être sur le qui-vive en permanence, à l'affût du moindre étranger qui s'approcherait trop près de son calice, la menace à fleur de peau, et il ne voulait pas risquer un esclandre en public. Et encore moins risquer de contrarier Harry par sa réaction instinctive et se faire désavouer devant des inconnus.

Il ne pouvait pas. C'était trop de tensions d'un coup. Il préférait encore que Harry sorte seul avec Lucius et ne rien savoir de ce qui allait se passer.

– Je vais y réfléchir mais je ne sais pas si c'est une bonne idée... Tu devrais monter rejoindre Harry, je ne suis pas de bonne compagnie ce soir.

– Tu es fatigué, voilà tout, sourit Lucius. Et contrarié parce qu'il est monté si vite... Mais tu ne me chasseras pas si facilement ! Je ne t'ai pas vu de la journée et j'apprécie toujours ta compagnie, aussi bougon sois-tu !

Severus leva les yeux au ciel tandis que Lucius s'approchait pour l'embrasser délicieusement.

– Et je connais un excellent remède pour faire passer toute mauvaise humeur !

Severus gronda devant l'attitude séductrice de son mari. Il n'aimait pas beaucoup qu'il le surplombe ainsi, son visage au-dessus du sien et ses dents trop indisciplinées. Pour reprendre le contrôle, ou au moins le statu quo, il attrapa la lavallière de l'aristocrate et la tira lentement vers le bas pour l'embrasser à son tour.

– Arrête. Ça ne sert à rien, finit-il par grogner. Ça ne nous satisfait ni l'un ni l'autre.

– Passer du temps avec toi me satisfait toujours, répliqua Lucius. Et de préférence, nus dans un lit. Si cette petite curieuse de Minerva n'avait pas joué les trouble-fêtes, c'est ce que j'aurais fait hier après-midi !

– Mais tu ne me donneras pas ce dont j'ai envie.

– Je te donnerai autant que tu me donneras. Du plaisir... Si tu sais encore le prendre là où il se trouve.

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Severus avait fini par se laisser convaincre. Il avait même accepté de monter dans sa chambre... Parce que bon, les canapés, les fauteuils et les tapis, c'était bien beau, mais à la longue, Lucius trouvait cela un peu inconfortable. Au moins, ici, ils pouvaient prendre leurs aises.

Allongé sur le dos, une main sur la cuisse de son mari, Lucius savourait de se retrouver avec lui dans un lit pour la première fois depuis... des semaines. Severus ne dormait plus avec eux, il n'était jamais nu à côté d'eux, Lucius n'avait plus accès à son corps, il ne pouvait plus toucher sa peau, caresser son dos, ses reins, ces épaules qui fascinaient tant Harry, ou se perdre vers la douceur de son sexe. La proximité physique lui manquait terriblement.

Alors certes c'était frustrant, parce qu'ils avaient l'habitude de plus de gestes, parce que Severus rêvait de le pénétrer et lui, il rêvait de pénétrer son mari, mais malgré tout, c'était mieux que rien. Et puis le plaisir était là. Severus l'avait fait jouir, en les masturbant tous les deux d'une seule main entre leurs deux corps qui cherchaient frénétiquement l'orgasme. Mais cela n'avait pas suffi pour qu'il vienne à son tour, et Lucius s'était penché entre les cuisses de son mari pour lui donner le plaisir qui lui faisait défaut.

Cela faisait plusieurs fois, mais il restait toujours surpris de ces changements dans leur vie intime, alors qu'ils avaient eu l'occasion de l'explorer de fond en comble depuis des dizaines d'années. L'absence d'une quelconque pénétration les contrariait l'un et l'autre mais ils ne pouvaient faire autrement. Lucius avait bien tenté, en suçant son mari, quelques doigts qui s'égaraient vers son périnée ou entre ses fesses, mais la réaction menaçante et la lueur rouge dans les yeux du vampire l'avaient dissuadé d'y revenir. Et puis ces orgasmes sans éjaculation... Pendant quelques secondes, il doutait même que Severus soit parvenu à la jouissance, il avait du mal à situer le moment de son paroxysme, et puis, rapidement, sa sensibilité trop grande, son relâchement, son sexe qui perdait sa rigidité, et surtout son sourire de contentement...

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Un sourire qui n'avait pas beaucoup diminué depuis qu'ils avaient fini et qu'ils restaient là, à savourer la présence de l'autre... Lucius se tourna sur le côté et glissa une jambe entre les cuisses de son mari tandis que sa main caressait son sexe puis refaisait lentement le chemin de son ventre plat vers son torse. La peau de Severus était moins glacée que les fois précédentes, sans doute parce qu'il buvait plus régulièrement, mais Lucius frissonna malgré tout et tira la couette sur eux.

– Ne t'installe pas trop, murmura Severus. Tu dois aller rejoindre Harry...

Lucius soupira sans répondre. Il ne servait à rien de dire qu'il était bien, là, qu'il y aurait bien passé la nuit, et qu'il voulait au moins profiter de ces quelques instants... Severus avait raison. Il n'allait pas s'endormir avec lui, ils n'allaient pas passer la nuit ensemble à se toucher dans un demi-sommeil, il devait se relever, traverser le couloir et rejoindre Harry.

– Et toi, qu'est-ce que tu vas faire ?

– Descendre à la Bibliothèque, sans doute. J'ai une traduction à finir. Et puis dans trois ou quatre heures, j'irai nager...

Lucius posa ses doigts sur la mâchoire de Severus pour lui faire tourner la tête et l'embrasser. Dans son dos, la main de son mari dans ses cheveux lui donnait des frissons. Il aurait pu rester là toute la nuit. Toute sa vie...

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Avec un air déconfit, Lucius finit par se lever et se rhabiller. La lenteur de ses gestes traduisait bien son dépit à quitter son mari, mais c'était le plus raisonnable. Tout comme il était raisonnable de ne pas arriver nu dans la chambre, ses vêtements sur le bras et avouer ainsi à Harry ce qu'il venait de faire. Il n'avait rien à se reprocher, en tout état de cause, mais ce n'était pas très diplomate.

Un baiser, quelques pas dans la fraîcheur du couloir et une autre porte. Un autre lit, et un autre amant qui exprima rapidement ses intentions dès qu'il se coucha.

– Pas ce soir, chéri, murmura Lucius. Je suis fatigué...

Harry retira immédiatement sa main comme s'il s'était brûlé.

– Dis plutôt que tu n'as pas envie parce que tu viens de t'envoyer en l'air avec Severus, mais ne me prends pas pour un con.

Lucius se mordit la lèvre et ferma les yeux sur l'obscurité de la chambre.

– Excuse-moi, murmura-t-il en se tournant sur le côté.

Harry était sur le ventre, la tête tournée vers la place vide de Severus. D'une caresse sur son dos, Lucius tenta d'atténuer la contrariété de son amant.

– Vous n'avez jamais cessé de vous aimer, vous avez envie l'un de l'autre, vous faites l'amour... je ne vous reproche rien. Mais ne me mens pas.

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Une fin en demi-teinte mais Harry va rapidement s'adoucir... ;)

Merci de votre lecture et de votre présence. N'hésitez pas à laisser un commentaire avec vos impressions et vos sentiments à ce chapitre...

La semaine prochaine, leur relation s'apaise doucement et Harry et Severus vont parvenir à partager des moments calmes et de qualité.

Au plaisir

La vieille aux chats