Résumé: Sous les étoiles et au milieu des parterres de roses, Harry et Lucius se sont mariés aux côtés de leurs proches. Après avoir permis à Severus de le mordre dans le cou pour la première fois depuis le pavillon chinois, Harry s'est montré soucieux de lui jusque dans l'organisation de son mariage, à la nuit tombée, en lui confiant sa fille pour apporter les alliances jusqu'à l'autel, ou en invitant Sebastiaan pour lui tenir compagnie...
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Aujourd'hui, dernière partie du mariage avec la fin de la soirée et la nuit de noces ;) (J'espère que vous arrivez mieux que moi à vous connecter sur l'appli et que vous aurez accès au chapitre :/ )Bonne lecture!
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À présent, les tables étaient pour la plupart désertées, la musique s'était faite plus entraînante, plus virulente, et ceux qui étaient encore là, suivant leur âge, dansaient ou bien discutaient sur la terrasse éclairée de flambeaux. Harry traversa quelques petits groupes de personnes et aperçut les longs cheveux blonds de Lucius qui se tenait un peu plus loin avec Daphnée.
Comme à chaque instant ce soir, hormis pendant la cérémonie, son désormais mari avait un verre à la main et il se demanda comment il faisait pour ne pas encore être ivre mort. Et pourtant... Ses yeux brillaient à la lueur des flambeaux, son visage paraissait profondément relâché et pétillant de joie, Harry entendit même son rire grave qui le fit frissonner, mais Lucius conservait un maintien parfait, altier et tout en noblesse. Une espèce de rigueur mêlée de luxure qu'il trouvait particulièrement attrayante. Il mourrait d'envie de le rejoindre et de se glisser dans son dos pour embrasser sa nuque, son oreille, l'angle de sa mâchoire et bien d'autres choses, mais pour l'instant il cherchait quelqu'un d'autre.
À l'intérieur de la salle de bal, il repéra immédiatement Alicia, dans sa robe fourreau vert émeraude si bien assortie au costume de Blaise. Elle dansait presque les yeux fermés, emportée par les battements de la musique, comme elle le faisait souvent quand Harry sortait danser avec elle. Ses bras fins levés vers le ciel comme pour scander un rythme, ses hanches ondulaient en suivant le déplacement de ses pieds et il se demanda en souriant comment elle faisait pour ne serait-ce que tenir sur ses escarpins. Elle faisait bien dix centimètres de plus que d'habitude, parfaite et sensuelle, et s'il avait aimé les femmes, il aurait sans doute été un peu jaloux de Blaise...
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Parvenu dans les parties privées du Manoir, Harry ferma les yeux, se laissa guider par ses sensations et s'arrêta bien vite devant la porte de la Bibliothèque.
La lumière rase d'une lampe, au fond de la pièce, dissipait la pénombre et faisait scintiller le sortilège d'argent sur la fenêtre la plus à gauche. Les autres fenêtres étaient largement ouvertes sur la nuit et l'air embaumait le parfum de l'herbe, de la terre humide et des roses. Harry parvenait même à distinguer l'odeur de fumée des flambeaux, plus loin sur la terrasse. Le bruit de la fête et la musique, en revanche, ne parvenait pas jusqu'ici; ou bien Severus avait jeté un sortilège de silence...
– C'est ici que tu te caches ?
Severus était bien là, à demi allongé sur le canapé, adossé contre un accoudoir et les jambes étendues sur les coussins. Un livre ouvert reposait sur ses cuisses mais il paraissait l'avoir posé depuis un moment et son regard vague était resté perdu dans ses pensées même à son entrée dans la Bibliothèque. Il avait fallu ces quelques mots à mi-voix, ourlés d'un sourire, pour le reconnecter à la réalité.
– Je ne me cache pas, fit Severus en tournant la tête pour croiser son regard. Il me semble que tu m'as trouvé facilement...
Sa voix était lourde et lente, un peu rauque, comme s'il venait de se réveiller et cela le fit frissonner.
– Ce n'était pas très difficile. Notre lien me donne une sorte de sixième sens pour ça. Je crois que je pourrais te retrouver même à l'autre bout de la Terre !
Il se tenait debout au bord du canapé tandis que le regard insondable de Severus dansait sur son visage, détaillant ses yeux verts, sa bouche qui s'étirait sur un sourire, remonta vers son nez puis vers ses cheveux presque disciplinés par leur longueur.
– Est-ce que tout va bien ? murmura Harry.
– Pourquoi ça n'irait pas ?
Harry laissa filer un silence, pensant que Severus allait expliquer quelque chose, ce qu'il faisait ici, pourquoi il avait l'air si perdu, si troublé, mais le vampire resta simplement là, à le regarder comme s'il le découvrait pour la première fois.
– On ne te voyait plus depuis un moment, avec Lucius... On se demandait où tu étais.
Une lueur d'amusement s'alluma dans les yeux de Severus, le rendant d'un seul coup plus vivant, et le coin de sa bouche se releva avec ironie.
– Il se trouve que mon ouïe sensible est quelque peu... agressée par votre musique moderne, déclara-t-il d'un ton lent tandis que Harry gloussait. Je suis resté jusqu'au départ de Sebastiaan mais après, j'ai préféré me mettre à l'abri.
– Alors ? Est-ce que j'ai bien fait de l'inviter ?
– Oui, tu as bien fait et je t'en remercie. Nous avons apprécié de nous revoir.
Harry secoua la tête, à la fois ravi d'avoir eu raison et désespéré par l'attitude toute en retenue de Severus. Est-ce qu'il lui était tout simplement impossible de dire qu'il était heureux, ou même content ?! Est-ce que devenir un vampire l'avait à ce point détaché de ses émotions, ou bien les avait comme anesthésiées ? Pourtant, lors de la morsure de cette après-midi, Severus lui avait semblé bien plus animé, bien plus vibrant, submergé par moments par le plaisir et la volupté du sang. Presque une extase... Avec un soupçon de sournoiserie, Harry résolut pour lui-même de faire réagir son vampire un peu plus souvent et de s'assurer qu'il ne sombre pas dans l'apathie et l'indifférence.
Pour l'heure, Severus semblait de nouveau songeur et son regard dérivait lentement de son visage au col de sa chemise puis à la veste de son costume.
– C'était une belle cérémonie.
Le compliment ne faisait aucun doute et Harry l'apprécia d'un hochement de tête et d'un sourire.
– Et c'est une très belle alliance...
Sans qu'il n'ait vu venir le moindre mouvement, la main de Severus était à présent à hauteur de la sienne, ouverte, offerte comme un don, comme un signe de paix. Et en même temps, elle signifiait tout autant l'invitation, la demande, la prière...
Lentement, Harry tendit la main droite et la posa sur celle de son vampire, se glissant sur sa paume, épousant sa fraîcheur. Ses doigts étaient relâchés, détendus, en toute confiance. À son annulaire, deux anneaux d'argent brillaient l'un à côté de l'autre : la véritable alliance de son mariage d'aujourd'hui, étincelante et sertie d'un liseré de tout petits diamants, et l'alliance symbolique que Lucius lui avait offerte le jour de son union avec Severus, avec son fin liseré d'or rose.
– Je n'ai pas pu me résoudre à l'enlever, murmura Harry.
Cette première alliance représentait trop de choses, trop de souvenirs; une promesse librement consentie : rester, malgré les difficultés à se reconstruire après sa captivité; elle était le pendant, l'alter ego de l'alliance de son union avec Severus; elle était une image précieuse : ses deux mains encadrant la main de Mark, appuyées sur un oreiller, quelques mots dans sa chambre à Paris... « On est mariés tous les deux, maintenant», et son sourire émerveillé.
Le pouce de Severus joua un instant avec les deux alliances, les faisant doucement tourner autour de son doigt, puis, dans un mouvement presque hypnotique, il vint caresser le dos de sa main, léger comme une plume, doux et soyeux, tendre... Un geste d'une intimité foudroyante, dont la délicatesse le bouleversait. Sans savoir pourquoi, Harry sentit ses yeux piquer dangereusement, et pourtant, ce n'était que sa main dans la main de Severus; un contact bien plus fugace, bien plus simple que d'être allongé contre son torse pour une morsure, avec son sexe tendu qui se pressait contre ses reins.
En luttant contre son émotion, il s'aperçut que le regard de son vampire avait dérivé vers sa main gauche, vers son doigt toujours légèrement tordu qui arborait leur alliance, celle avec le liséré d'obsidienne noire, celle que Severus avait portée pendant quelques jours dans le pavillon chinois après que Harry l'ait jetée à ses pieds, celle dont l'argent avait brûlé son auriculaire et laissé une marque en creux toujours visible. Celle que Harry portait toujours parce qu'il n'avait jamais pu se résoudre à l'enlever.
La main de Severus avait bougé, entraînant la sienne, et bientôt, Harry sentit des lèvres sur ses alliances, puis sur sa peau, fraîches mais qui lui laissaient une sensation de brûlure et de feu intérieur. C'était un baisemain, une caresse pleine de révérence, un effleurement incongru et symbolique qui vidait son esprit de toute pensée et de toute réaction. Il contemplait ce visage penché vers sa main, ces cheveux de jais qui cachaient toute expression et tout regard, ce corps qui s'était déplacé, assis, sans même qu'il ne s'en rende compte... Et sa position, debout au bord du canapé avec son vampire devant lui qui baisait sa main, le dérangea profondément.
Puis Severus fit pivoter son poignet, ses doigts, et embrassa doucement le creux de sa paume. Harry se mordit la lèvre, le ventre brusquement noué d'une douleur et d'une émotion sourdes. D'un seul coup, Severus paraissait fragile, complètement désarmé, à la merci de son bon vouloir et il détesta cette sensation de toute puissance.
Sa main s'ouvrit un peu plus pour couvrir ces lèvres, pour accueillir son menton, pour glisser sur sa joue, et resta là, posée comme une corolle sur la peau froide, la main de son vampire par-dessus la sienne pour retenir sa tendresse. Les yeux de Harry papillonnèrent pour en chasser l'humidité. La vulnérabilité de Severus l'effrayait et l'émouvait en même temps, il mourrait d'envie de l'attirer pour serrer son visage contre son ventre, de glisser ses mains dans ses cheveux pour le tenir toujours plus près, de s'enrouler autour de lui pour le protéger, y compris de lui-même... mais il n'osa pas. Quelque chose le retenait, de la pudeur, une certaine réserve, le désir de ne pas lui donner de faux espoirs.
C'était le monde à l'envers. Severus était un vampire, une créature farouche, sauvage, à la puissance démesurée, craint et adulé, et pourtant, devant lui, il n'était que faiblesse et fragilité, mendiant un geste d'attention, une caresse, une proximité dont il avait autant besoin que de sang pour se nourrir. La gorge nouée, Harry se sentit profondément désolé de ne pas pouvoir lui donner tout ce qu'il voulait.
Mais il pouvait lui donner autre chose.
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Il avait dû bouger sans s'en rendre compte, l'instant était passé, et Severus embrassa une dernière fois le creux de sa main avant de se redresser et de le relâcher. Il gardait un regard bas, presque fuyant, comme s'il avait honte de ce moment d'égarement. Puis il finit par soupirer et s'adossa à nouveau contre l'accoudoir du canapé.
Harry se sentit à son tour un peu perdu, incapable de réaliser ce qui venait de se passer et à quel point ce geste si intime avait pu le bouleverser. Et bizarrement, il avait davantage froid à l'absence de la main de Severus qu'au contact de sa peau pourtant glacée.
– Est-ce que... tu as envie de boire ?
Il avait dit envie et pas besoin, et le choix était volontaire mais Severus s'était recomposé rapidement et il secoua doucement la tête.
– Tu as bu toute la soirée...
– Oui. De l'eau et des jus de fruits. Je dois avoir un goût particulièrement sucré maintenant !
Il ne savait pas si Severus le croyait ou non – alors que c'était pourtant la vérité –, il ne voulait pas se demander s'il avait précisé cela pour l'appâter, mais le vampire se contenta d'un sourire en coin avant de décliner à nouveau.
– Non. Merci... Je n'ai pas vraiment faim et c'est quelque chose que je préfère savourer avec parcimonie.
Harry ne savait pas s'il était déçu ou non de ce refus poli, mais il comprenait – et partageait – le point de vue de Severus. Les sensations lors de la morsure de l'après-midi avaient été si puissantes, si incroyables, qu'il avait envie de les garder intactes dans son esprit un peu plus longtemps et de laisser naître, lentement, le désir de recommencer. Savourer le manque et un peu plus tard, l'excitation à l'idée de la morsure suivante.
Il se doutait, également, que Severus allait refuser : la dernière morsure était trop proche et il semblait avoir surmonté son besoin immédiat de tendresse. Mais Harry avait proposé cela aussi pour lui montrer qu'il n'était pas fâché, qu'il ne lui tenait pas rigueur d'un geste qui aurait pu être mal interprété. Ils étaient de plus en plus proches, certes, mais l'intimité légitime d'une morsure n'était pas celle, plus discutable, de cette caresse volée et de ce baiser dans le creux de sa main, comme des amants ou comme un couple. Harry avait si longtemps refusé le moindre contact physique entre eux qui ne soit pas absolument nécessaire, qu'il ne voulait pas que Severus se sente coupable d'un geste déplacé.
Ceci dit, il se sentait gauche, à présent, indécis et forcément maladroit dans la façon dont il allait conclure ce moment. Severus, lui, avait dépassé sa gêne et ce fut lui qui le poussa gentiment vers la sortie.
– Tu devrais y retourner... Tes invités t'attendent et ils sont venus pour toi.
Harry lui adressa un sourire chaleureux. Ils auraient tout le temps pour eux dans quelques heures, dans quelques jours.
Il recula d'un pas, soudain pressé d'aller s'amuser, d'aller rejoindre Alicia et les autres, d'aller danser jusqu'au bout de la nuit.
– Tu ne bouges pas d'ici ? Je t'envoie Lucius...
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Il était sur le seuil de la Bibliothèque, la main encore sur la poignée de la porte qu'il venait de tirer vers lui quand la voix de Severus s'éleva à nouveau.
– Harry ?
Il se retourna à demi avec un regard interrogateur.
– ... Merci.
– Pour quoi ?
– Tout.
Le mot le fit vibrer tout au fond de son ventre, au moins autant que la lueur rougeoyante et furtive dans les yeux de Severus.
– … Pour la morsure de cette après-midi, pour la place que tu m'as laissée aujourd'hui, pour Aria, pour Sebastiaan, pour le sortilège d'obscurité sur les fenêtres et pour avoir attendu la tombée de la nuit pour la cérémonie... Et pour toutes les autres choses dont je ne me suis peut-être pas rendu compte.
Harry espéra que son visage paraisse plus assuré qu'il ne l'était lui-même. Moins ému.
Il sourit doucement.
– Quelle que soit la manière, nous serons toujours trois.
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oooooo
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Severus regarda la porte se refermer doucement et rester à peine entrebâillée.
Les yeux fixés sur le bois immobile, il repensait à son tête à tête avec Harry quelques instants auparavant. Il n'avait pas eu soif, il n'avait pas eu besoin de boire, mais l'envie d'un contact physique avec son calice s'était exprimée d'elle-même, sans qu'il ne puisse lutter contre elle. Sans qu'il ne cherche réellement à le faire, non plus...
Ce moment avait été doux. Presque... bouleversant, et Harry ne l'avait pas fui comme il l'avait craint. Pourtant, maintenant, Severus avait presque honte de s'être laissé aller. Honte de sa faiblesse, de ses besoins, mais même lui devait admettre la place et l'importance de son calice dans leur relation. Harry n'était pas seulement celui qui lui permettait de vivre par son sang; puisque leur lien était aujourd'hui entier et sans aucune restriction, Severus était également dépendant de l'aspect affectif et de l'aspect physique de leur relation.
Mihai avait tenté de lui faire comprendre cela, plusieurs semaines auparavant, mais Severus était alors si loin de cet état d'esprit qu'il n'avait pas saisi ce que cela impliquait réellement. Le calice était attiré par son vampire, soucieux de sa faim et de son bien-être, mais l'inverse était également vrai, si ce n'était plus. Severus se devait de protéger son calice et de le tenir en sécurité, mais la qualité de leur relation influait sur son humeur et son propre bien-être. Plus Harry lui faisait confiance, plus ils se rapprochaient, et plus il se sentait apaisé et équilibré. Pouvoir le mordre dans le cou avait été une révélation mais toutes les petites choses : l'embrasser dans les cheveux, le tenir contre lui, embrasser sa main, ressentir que son calice avait organisé son mariage en fonction de lui... tout lui était aussi vital qu'une gorgée de sang. Au final, Harry était bien moins dépendant de lui qu'il ne l'était de son calice. Il était devenu un prince à ses yeux de vampire.
Et ses paroles à Molly, presque véhémentes, pour dire qu'il ne reviendrait sur leur lien pour rien au monde ! Les marques qu'il avait laissées apparentes pour toute la durée du mariage, leur alliance qu'il portait toujours, leurs doigts entrelacés pendant la morsure... Cette façon de toujours s'assurer qu'il était à l'aise, confortable, que la lumière ne le dérangeait pas, que tout allait bien pour lui... Il ne méritait pas tout ce que Harry faisait pour lui. Et pourtant... quel doux bonheur.
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Songeur, presque mélancolique, Severus resta perdu dans ses pensées jusqu'à ce que Lucius ne pousse la porte entrebâillée pour entrer dans la Bibliothèque.
– Sev ! fit-il d'un ton joyeux et surprenant. Bon sang, avec ce fichu mariage, je n'ai pas eu une minute à te consacrer de toute la semaine. Allez, viens ! Harry nous octroie une heure ou deux, on ferait bien d'en profiter !
Severus sursauta à l'enthousiasme de son mari, si loin de son propre état d'esprit et si incongru. Il regarda la main qui agrippait la sienne et qui cherchait à le faire se lever et à l'entraîner.
– Aller ? Mais aller où ?!
– Eh bien ! Ta chambre ou la mienne ! Toi, moi, un lit... Il te faut un dessin ?
– Mais enfin, Luce ! C'est ton mariage ! C'est ta nuit de noces avec Harry !
Curieusement, Lucius éclata d'un rire franc et sincère qui balaya ses paroles comme un vent frais de printemps. Avant même d'avoir réalisé ce qui se passait, Severus se retrouva debout, sur le seuil de la Bibliothèque, dans l'escalier en colimaçon puis dans le couloir de l'étage, et bientôt devant la porte de leur ancienne chambre. Une porte que Lucius ouvrit sans aucune hésitation avant de le pousser à l'intérieur.
– Luce ! protesta-t-il. Mais enfin !
Il ne put s'exprimer davantage que son mari avait déjà recouvert sa bouche de ses lèvres, étouffant ses paroles en plongeant sa langue à la rencontre de la sienne. Cela eut au moins le mérite de réveiller dans son esprit des flamboiements rougeâtres et grondants, et l'impérieuse domination du vampire.
Sans ménagement, Severus se retourna avec Lucius entre ses bras et le plaqua contre la porte close avec un bruit sourd. Son corps comme son aura l'écrasaient, il grogna en dévorant ses lèvres, sa bouche qui s'étirait en souriant sous ses baisers virulents, puis son cou. Il lutta contre l'envie déchirante de le mordre pour le faire sien. Il pressa violemment ses hanches contre celles de son mari, faisant frotter son érection contre la saillie osseuse de son bassin. Il faillit se laisser aller à ses envies les plus sauvages puis il se retint. Il respira profondément afin de se calmer et le parfum si suave et si familier de Lucius l'apaisa brusquement. Harry avait raison : Lucius sentait le santal, une odeur qui lui mettait presque l'eau à la bouche, une odeur dont il aurait pu s'enivrer à en perdre la raison.
Severus secoua doucement la tête puis posa son front contre le front de son mari. Il se rendit compte qu'il maintenait ses poignets contre la porte si fort qu'il en aurait peut-être des marques demain et il relâcha sa pression avant de caresser du pouce sa peau meurtrie.
– Luce... C'est votre nuit de noces.
– Et je couche avec Harry presque tous les jours que Merlin fait ! fit Lucius en riant. Pour l'instant, il préfère aller danser et s'amuser avec ses amis. Et avec tous les préparatifs de dernière minute pour ce mariage, toi et moi on n'a pas eu un seul moment à nous de toute la semaine !... Tu sais que je m'étais presque habitué à dormir à nouveau avec toi, pendant son absence...
C'était dit sur le ton de la plaisanterie, mais derrière l'humour et l'ironie, Severus sentait une pointe de mélancolie et de regrets qui soulignaient bien le fond de vérité. Même lui, pendant que Harry était parti à l'autre bout du monde, avait apprécié ces moments en tête-à-tête avec son mari, les nuits passées à ses côtés, à le regarder dormir, à l'entendre respirer, le contact agréable de sa chaleur et ses envies toujours renouvelées... Ils ne s'étaient pas touchés depuis, ils n'avaient pas confronté leurs corps nus, ni assouvi leur désir l'un pour l'autre, ils ne s'étaient même pas pris dans les bras pour une simple étreinte, et encore une fois, Severus maudit sa nature de vampire qui l'avait tant éloigné des gens qu'il aimait.
Mais tout de même. Cette nuit était la nuit de Lucius et de Harry, et il n'avait rien à faire au milieu de tout ça.
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Lucius dut percevoir la puissance de ses réticences car il changea d'attitude et se radoucit brusquement. Avec délicatesse, peut-être par crainte de sa réaction, il libéra ses poignets un par un avant de l'enlacer.
– Harry nous offre un moment, dit-il doucement. Il le sait. Il est d'accord avec ça... C'est son idée et son initiative.
Dans les yeux gris de son mari, comme dans ses paroles, Severus ne percevait que de la sincérité. Mais il avait beau chercher dans son regard, dans le dessin de ses lèvres, sur son front dégagé ou dans les rides infimes autour de ses yeux, rien ne venait expliquer pourquoi Harry aurait pu faire une chose pareille. Et pourtant, en même temps, il savait que c'était la vérité et la générosité de son calice lui parut à nouveau extraordinaire et désarmante.
– J'ai besoin de passer du temps avec toi aussi, murmura Lucius. Harry pense que les relations doivent rester équilibrées entre nous, et je pense qu'il a raison.
Mollement, l'esprit effervescent de réflexions, Severus se laissa entraîner vers le lit, le même lit où il avait mordu Harry plus tôt dans la journée, dans une morsure qui confinait à l'extase, le même lit où son calice dormait chaque nuit avec Lucius, le même lit où ils avaient si souvent fait l'amour tous les trois avant qu'il ne devienne un vampire.
Harry lui offrait son lit et sa nuit de noces avec Lucius.
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– Il t'a dit pourquoi il avait voulu le mariage le vingt-et-un septembre ? l'interrogea son mari.
Severus s'aperçut à retardement qu'ils étaient à présent assis côte à côte au bord du lit, sur la courtepointe qui portait peut-être encore son odeur et celle de Harry, et la forme de leurs corps.
– Une histoire d'équinoxe et d'équilibre entre le jour et la nuit, marmonna-t-il.
– Exactement. Je suis le jour, tu es la nuit, il est la balance entre nous deux... Aujourd'hui, il t'a donné son sang d'une manière plus... intime, et il m'a épousé. L'équilibre entre deux événements d'importance... Mais en réalité, il n'est pas le centre. Nous sommes trois, trois sommets d'un triangle parfait, et l'équilibre signifie aussi qu'en ce jour particulier, nous devons réaffirmer notre lien. Toi et moi.
Severus se laissa tomber à la renverse sur le lit, se passa une main dans les cheveux et soupira.
– Tu crois vraiment à toutes ces fariboles ?
– Tu y crois encore plus que moi ! fit Lucius en riant. Le symbolisme est le fondement-même des runes et de la magie ancienne.
Severus tourna le regard vers son mari qui venait de s'allonger sur le côté, une main sous la tête et dont les yeux pétillaient de malice.
– Mais si la perspective de faire l'amour avec moi te fait soupirer à ce point, je peux aussi bien aller me trouver un mignon qui soit disponible et consentant !
Amusé, Severus se permit de sourire. Lucius essayait de raviver en lui la jalousie, tout comme il avait cherché à réveiller son côté vampire quelques minutes plus tôt. Cela fonctionnait presque bien : tout, en lui, se hérissait à l'idée que Lucius ne s'approche de qui que ce soit, hormis Harry. Et le simple fait d'imaginer son mari posant ses pattes sur le corps de Mark ou d'un autre de ses anciens mignons faisait rougeoyer son esprit avec la puissance d'un incendie ravageur.
Aussi, quand Lucius reprit nonchalamment ses attentions à son égard, Severus se laissa faire sans bouger. Il gardait les yeux clos et un léger sourire sur les lèvres tandis que son mari défaisait lentement et d'une seule main, les boutons de sa chemise. La veste de son costume avait été abandonnée sur le dossier d'une chaise, plusieurs heures auparavant, et Severus ne portait plus à présent qu'une chemise blanche et son pantalon trop près du corps pour être honnête. Ses chaussures étaient restées au pied du canapé de la Bibliothèque et ses bonnes résolutions pour résister à son mari s'étaient envolées en fumée à mesure que son désir augmentait.
Une fois défaits les deux tiers des minuscules boutons, Lucius écarta les pans de sa chemise jusqu'à son nombril et glissa sa main sous le tissu, sur sa peau plus blanche encore que de la craie. Severus frissonna sous la caresse, sous la chaleur de sa paume, sous le désir qui parcourait ses reins. Les longs doigts de Lucius effleuraient son ventre, ses côtes bloquées sur un souffle retenu, découvraient innocemment un mamelon et jouaient sans pitié avec le bourgeon de chair pâle qui émergeait en son centre. Ils tiraient, pinçaient, griffaient et Severus soupira sous la douleur délectable qui lui rappelait d'autres douleurs et d'autres moments de plaisir...
L'antichambre n'existerait plus jamais de la même manière entre eux, parce que le vampire en lui ne supporterait jamais d'être attaché ou de subir le fouet sans vouloir se rebeller et reprendre le dessus, mais il aimait toujours la douleur. Et même s'il n'avait pas besoin de ça pour l'être en ce moment-même, elle l'excitait toujours.
Severus grogna et remua vaguement les hanches, inconfortable et trop à l'étroit dans son pantalon, mais Lucius ne semblait pas pressé de passer à des choses plus sérieuses. Il se tenait toujours allongé sur le côté, la tête posée sur sa main et le sourire aux lèvres. Il se contentait de savourer longuement et lentement la possibilité qui lui était offerte de jouer avec son corps.
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Après les doigts, ce furent les lèvres qui vinrent explorer tranquillement le territoire découvert de son ventre et de son torse. Embrasser les cicatrices. Lécher son sternum. Mordiller son cou comme s'il rêvait de lui laisser des marques. Sucer un téton érigé...
Lucius était à cheval au-dessus de lui, à présent, les mains posées sur le drap de part et d'autre de ses épaules, et ses longs cheveux blonds venaient de glisser en cascade sur son torse tandis que ses dents martyrisaient un quelconque morceau de sa chair. Severus frissonna à nouveau, résistant à l'envie de saisir cette masse ondoyante pour diriger le visage de son mari vers sa bouche. Ou vers son sexe.
Mais pour l'instant, il voulait savourer. Profiter encore de ces caresses révérencieuses. Apprécier la douleur de ces petites dents pointues et les griffures de ces ongles sur sa peau pâle. Se sentir puissant d'être aimé, même s'il aurait rêvé quelqu'un d'autre à la place de Lucius. Ou mieux encore, avec Lucius. Il ne pouvait pas s'en empêcher, l'odeur de Harry était partout autour de lui. Son parfum, l'odeur de son shampoing, mais aussi l'odeur de son corps, de sa sueur, de son sperme... Un bain de senteurs, toutes plus affolantes les unes que les autres, et qui lui faisaient perdre la tête. Et quand Lucius pressa leurs bassins l'un contre l'autre, comprimant leurs érections entre eux, Severus crut jouir sur-le-champ.
Cette fois, il n'hésita pas une seconde et posa une main puissante sur la masse de cheveux blonds pour obliger Lucius à glisser vers son entrejambe. Avec une impatience croissante, il sentit les longs doigts fins défaire sa ceinture, puis les boutons de son pantalon pour enfin effleurer trop doucement la grosseur de son sexe comprimé dans son sous-vêtement. Il grogna encore, avide de sensations plus fortes et fit disparaître leurs vêtements d'un sortilège. Lucius accueillit son geste d'un gloussement amusé avant de prendre son érection en main et de glisser ses lèvres sur son gland rouge et suintant. Enfin ! Severus grogna et joua des hanches pour inciter son mari à le prendre dans sa bouche sans tarder. Il ne voulait plus de caresses et d'effleurements, il voulait des sensations, de la poigne et du plaisir ! Et Lucius dut le comprendre, car il ouvrit les lèvres, les dents et descendit lentement sur sa verge dressée.
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À la chaleur presque brûlante qui l'enveloppa soudain, Severus se crispa en se soulevant du lit, étouffant un gémissement qu'il aurait voulu plus rauque et plus sauvage. Il se sentait nécessiteux, presque prêt à supplier pour un orgasme, mais il était hors de question de s'abaisser à pareil comportement. Le seul auprès de qui il admettait de paraître un peu faible ou fragile était Harry et personne d'autre.
Tandis que Lucius le suçait comme il savait si bien le faire, Severus soulevait ses hanches en rythme, désireux de s'enfoncer toujours plus loin dans l'étroitesse de sa gorge. Et s'il devinait parfois un gloussement ou un sourire amusé devant son impatience, Lucius le laissait faire sans chercher à l'en empêcher.
La bouche de son mari enveloppait son sexe, chaude, humide et si fabuleuse, sa langue pressait, dansait sur ses muqueuses en feu, se glissait dans sa fente, l'aspirait toujours plus loin, ses mains ferventes caressaient ses testicules, ravageaient son périnée, remontaient le long des plis de l'aine, enserrant, comprimant la base de sa verge tendue et rendaient le besoin toujours plus impérieux. Tout son bas-ventre palpitait de désir, de plaisir imminent, de nécessité de jouir et d'exigence, mais dans un sursaut qui le fit s'arc-bouter sur le lit, Severus chassa la tête de son mari avec la même main qui avait servi à le maintenir jusque là.
– Tourne-toi, grogna-t-il avec une voix rauque et basse qu'il ne reconnut même pas.
Son ordre dut être mal compris car Lucius se déplaça lentement et s'allongea sur le ventre, les bras croisés sous sa tête.
À genoux sur le lit, Severus gronda son mécontentement et saisit le bras de son mari d'un geste brusque pour le tirer vers lui. Un geste trop brusque qui arracha à Lucius une grimace involontaire et silencieuse.
– Pour ce que je m'apprête à te laisser faire, j'aurais aimé un peu plus de douceur !
Avec une perspicacité due à des années de relation, Severus prit le ton sarcastique de son mari pour ce qu'il était : un moyen de défense face à quelque chose qui le mettait mal à l'aise. Il fronça les sourcils et seulement alors, le contenu implicite de ses paroles lui parvint.
– Qu'est-ce que tu veux dire par là ?! exigea-t-il, figé par une sueur froide.
– Tu le sais très bien, répondit Lucius en le fixant d'un regard acéré.
Brusquement, Severus se sentit décontenancé et presque effrayé. Ce don de soi que suggérait Lucius, la perspective qu'il s'offre à lui comme jamais auparavant s'accordait mal avec la violence et l'urgence de ses envies. Il ne voulait pas risquer le moindre faux pas, ni le moindre dérapage.
– Il n'en est pas question ! grogna-t-il. Mais il n'est pas question non plus que je sois le seul à profiter !
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D'une main sur son épaule, Severus incita son mari à se retourner sur le dos et il plongea directement entre ses cuisses. L'érection de Lucius était longue et dure, et elle n'avait pas faibli à l'idée de se donner à lui, ce qui était bon signe pour une autre fois. Et surtout, Severus était ravi de retrouver ce goût intime de son mari, qui lui avait tant manqué, et la douceur si particulière de cette peau-là. Il ferma les yeux de contentement, puis posa les mains sur les cuisses de Lucius avant de se mettre à caresser, presque à pétrir les muscles élancés recouverts de fins poils blonds. Pendant quelques instants, le fait que son propre sexe soit revenu dans la bouche de son mari le laissa presque indifférent.
Puis, rapidement, l'habileté de Lucius avec sa bouche et le désir incandescent qui flambait dans ses reins eurent raison de Severus. Derrière ses paupières fermées, le monde devint flamboyant, enivré par un parfum de sexe, de sueur et par l'odeur de son calice, quelque part dans les draps. Avec une énergie enfiévrée, il abattait ses coups de reins véhéments et s'enfonçait dans la gorge de son mari, cherchant toujours plus loin le plaisir, la délivrance, la jouissance.
Lucius se libéra dans un cri étranglé que Severus remarqua à peine. En revanche, le goût qui remplit brusquement sa bouche le fit saliver autant que lorsqu'il mordait son calice et l'orgasme le prit, ténébreux, lourd et profond.
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Dès qu'il retrouva ses esprits, il roula sur le dos, laissant Lucius reprendre son souffle. Severus sentit également un léger sortilège de nettoyage et de coiffure flotter près de lui et il sourit à cette prétention de son mari de ne jamais paraître moins que ce qu'il était. Ceci dit, après ce qu'il venait de lui faire, Lucius en avait certainement besoin et un vague sentiment de culpabilité remua dans son ventre.
– Ça va ? s'inquiéta-t-il.
Lucius gloussa puis bougea légèrement.
– Pas tous les jours, mais ça va.
D'une main, Severus tâtonna dans les draps, trouva le bras de son mari et l'incita en douceur à venir s'allonger près de lui. Lorsqu'ils furent correctement installés sur les oreillers, son bras reposant sur le ventre de Lucius, il grogna de satisfaction et ferma les yeux pour savourer sa lente redescente.
– Pourquoi tu n'as pas voulu ?...
– Voulu quoi ? marmonna Severus.
– Me baiser.
Ce qu'ils avaient fait s'y apparentait presque mais il savait bien ce que sous-entendait son mari. À elle seule, la provocation du mot, de l'intonation, était destinée à le faire réagir, exigeant une quelconque réponse que pour d'obscures raisons, Severus avait du mal à avouer. Mais il ne voulait pas laisser Lucius sur l'impression d'un désaveu ou d'un rejet, alors il finit par soupirer :
– Parce que mes envies étaient trop impatientes pour prendre le temps et faire les choses correctement... Et parce que c'est le jour de ton mariage, ajouta-t-il dans un souffle. Si ça se passe mal, si ça te rappelle trop de mauvais souvenirs, je ne voulais pas que ce soit associé à ce jour particulier.
– Tenter de m'étouffer était plus décent ? gloussa Lucius. J'ai eu plus de trente ans pour me faire à ces mauvais souvenirs, Severus, ajouta-t-il en tournant la tête vers lui. Je pense que je suis largement passé au-dessus.
– Et pourtant tu n'as jamais voulu jusqu'à récemment. Jusqu'à ce que je devienne un vampire. Je ne veux pas... créer d'autres mauvais souvenirs.
Ce qui s'était passé dans le pavillon chinois avec Harry lui avait largement suffi. Prendre cette espèce de deuxième virginité de Lucius aurait sans doute contenté beaucoup de choses en lui, mais pas comme ça. Pas n'importe comment, sans douceur, sans patience, sans égards pour cette confiance renouvelée...
– Tant pis ! Je demanderai à Harry puisque tu ne sembles pas intéressé.
Lucius se mit à ricaner devant le rougeoiement brusque de ses yeux et Severus gronda de dépit face à son stupide réflexe. Il était intéressé. Il réclamait même la primeur de cette possession-là, mais pas à n'importe quel prix.
– Tu es si facile à provoquer, chéri, ironisa Lucius. C'en est un plaisir !
Severus grogna et attira son mari plus près de lui, fourrageant dans ses cheveux pour lui ravir un baiser possessif. Puis Lucius posa sa tête sur son torse, ferma les yeux et sourit tranquillement.
– Je t'aime. N'oublie jamais ça.
Une crispation douloureuse traversa le cœur éteint de Severus et il ferma les yeux à son tour.
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– Je devrais me rhabiller et redescendre, tu ne crois pas ? marmonna Lucius d'une voix ensommeillée. Je ne peux pas disparaître avant le départ de mes propres invités...
– Mmmhh. Les elfes les raccompagneront vers la sortie. Au pire, on les trouvera endormis sur un canapé demain matin.
– Dans quelques heures !
– Dans quelques heures...
Lucius glissa une jambe entre les siennes et frotta son visage sur son torse pour se réinstaller.
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Par réflexe, Severus plissa les yeux en entrant dans la rotonde mais il les ouvrit bien vite. Sur les jardins, le ciel sombre devenait à peine bleu marine et l'aube n'était pas encore tout à fait là. De toute façon, il devait s'y habituer et maintenant que Harry lui avait donné les clefs du sortilège, il pouvait moduler l'opacité des baies vitrées à sa guise. Pour l'heure, seules les deux lumières rases et tamisées aux extrémités de la salle permettaient de discerner les contours de la piscine et les reflets sombres de l'eau. Et en parcourant l'ensemble du regard, Severus devina le contraste encore plus sombre d'une silhouette familière.
Souriant d'une scène autrefois coutumière et qui lui manquait de plus en plus, Severus dénoua la ceinture de son kimono et le laissa glisser au sol. La caresse de la soie sur sa peau avant d'apprécier la caresse de l'eau et sa chaleur presque accablante.
En quelques mouvements de bras, il traversa la largeur de la piscine et rejoignit son calice. Les deux bras de Harry étaient croisées sur le rebord de la piscine, sa tête reposant sur eux, tournée vers le côté où Severus s'approchait et ses cheveux éparpillés de l'autre. Ses yeux étaient clos et son corps semblait flotter mollement dans l'eau, à demi allongé, et sans efforts visibles de sa part pour se maintenir ainsi. Et puis la magie courait faiblement sur la peau de ses bras et de son dos, légère, pétillante et Severus ne put s'empêcher de l'effleurer du bout des doigts.
Aussitôt, les arabesques se firent plus apparentes, plus colorées et les entrelacs se mirent à danser sous ses yeux admiratifs. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas été en contact avec la magie de son calice que Severus laissa échapper un soupir ravi. Sa satisfaction devait être telle qu'elle avait légèrement modifié son aura, car Harry ouvrit un instant les yeux et sourit doucement.
Severus s'appuya à son tour contre le rebord et murmura :
– Pourquoi est-ce que ta magie est... « active » ? Tu as froid ?
– Elle m'empêche de glisser dans l'eau et de me noyer, fit Harry d'une voix somnolente. Je m'étais presque endormi.
– Pourquoi tu n'es pas monté dans la chambre plus tôt ? le pressa Severus avec un sentiment coupable. Je suis désolé d'être resté si tard. Lucius s'est endormi et je n'ai pas vu le temps passer. Je ne voulais pas t'empêcher de rejoindre ton lit.
La satiété de sang et de sexe, le confort de sa position et de la présence de son mari l'avaient lui-même fait tomber dans une sorte de torpeur satisfaite et l'heure avait filé jusqu'à l'aube sans son consentement, oubliant jusqu'à l'idée même du mariage de son calice et de sa nuit de noces avortée.
– … je serais parti si tu étais arrivé.
Ses excuses empressées n'eurent pour effet que de faire sourire Harry un peu plus mais il garda les yeux fermés et la même indolence ensommeillée.
– Non. C'est bien... Les derniers invités sont partis ou montés se coucher il n'y a pas si longtemps. J'avais tellement mal aux pieds que l'idée d'un bain m'a fait envie... Et puis j'y suis tellement bien que je n'ai pas réussi à en sortir...
– Tu devrais aller te coucher, murmura Severus plus doucement. Il est presque sept heures du matin... Tu dois être épuisé.
– Tu t'inquiètes pour ta future ration de sang ? le taquina Harry.
– Certainement pas. Mais tu as besoin de sommeil comme n'importe qui d'autre... Et les cernes sous tes yeux me disent à quel point tu devrais aller dormir.
Avec difficulté, Severus résista à l'envie de remettre en place une mèche de cheveux aventureuse qui traversait le front de son calice. Harry avait les yeux fermés, il ne vit pas sa main se lever par réflexe puis hésiter à mi-chemin avant de revenir se poser sur le rebord de la piscine.
– Tu as soif ? demanda brusquement son calice d'une voix plus concernée.
De sang ? Non. De contact, certainement...
– Pas encore. De toute façon, tu as bu, ce soir.
– Pas une goutte d'alcool, sourit Harry sans même ouvrir les yeux.
– Pourquoi ? fit Severus en fronçant les sourcils. Tu m'as nourri avant la cérémonie exprès. C'était l'occasion ou jamais de pouvoir profiter d'une coupe de champagne. De pouvoir trinquer à ton mariage.
La réprobation devait transparaître dans sa voix, mais son calice se contenta de hausser les épaules, soulevant le bruit d'un léger clapot de l'eau contre son corps.
– J'ai trinqué à mon mariage, mais je n'ai pas besoin d'alcool dans mon verre pour le faire. Ni à aucun autre moment. Je préfère ça... On ne sait jamais. Si tu avais besoin de boire n'importe quand... Ça me tranquillise.
Severus tourna la tête vers la baie vitrée et posa son menton sur ses mains. Dans le ciel, bas sur l'horizon, quelques écharpes roses et orangées serpentaient gracieusement, permettant à peine de distinguer les nappes de brume dans le lointain. C'était beau et pourtant quelque chose le dérangeait. Quelque chose comme la disponibilité inconditionnelle de son calice, cette abnégation qui lui donnait l'impression de profiter honteusement de sa trop grande générosité.
Et en même temps, il savait qu'il n'obtiendrait rien à protester. L'aveu même de Harry que ne pas boire d'alcool le tranquillisait voulait tout dire. Il le faisait pour Severus, pour pouvoir le nourrir n'importe quand, mais il le faisait aussi pour lui-même, parce que le calice en lui avait besoin de cette certitude pour être rassuré, pour ne pas s'angoisser inutilement sur sa faim, sur son besoin de sang... Pour être serein.
Et s'il devait aller chercher au fond de ses émotions les plus enfouies et les plus obscures, Severus en était également rassuré. La disponibilité permanente de son calice rendait sa dépendance plus confortable, plus sereine. Presque un sentiment de sécurité incroyable.
En contemplant la beauté irréelle de l'aube, Severus se rendait compte qu'il effleurait tout juste de l'esprit la profondeur de la relation entre Mihai et son calice. Cette préoccupation de l'autre avant soi-même, cette confiance absolue, fondamentale, ce sentiment de sécurité procuré par sa simple existence... L'ampleur de ce que devait être la mort de Tobias le saisit de plein fouet avec la sensation d'une chute vertigineuse. Il ne pouvait même pas s'imaginer vivre sans Harry, dans un monde où son calice n'existerait plus, où la symbiose qui les unissait ne serait qu'un abyme infini, sombre et douloureux où il ne pourrait que plonger sans jamais remonter vers la lumière. La certitude de choisir de disparaître à la mort de son calice devint plus évidente que jamais.
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Mais pour l'instant, Harry était là et bien vivant, flottant dans l'eau sans efforts, la joue posée sur ses bras croisés et le visage aussi apaisé que celui d'un enfant qui sommeille. Il avait les mêmes yeux fermés, la même ébauche de sourire tranquille, les mêmes cheveux flous qui cascadaient sur son front et sur sa pommette. Le regard de Severus flotta quelques instants sur les lèvres pleines de son calice puis glissa sur son bras musclé où la magie serpentait à fleur de peau. Même sans le toucher, il en ressentait le contact familier, piquant et suave à la fois. C'était bon. C'était infiniment bon, et même s'il en désirait plus, c'était déjà extraordinaire.
Le comble aurait été de pouvoir mordre son calice dans le cou comme il l'avait fait cette après-midi, mais cette fois en déployant librement son aura tandis que Harry répandrait sa magie à travers eux, comme une caresse, comme une ivresse. Severus les imaginait très bien tous les deux sur le lit, son calice allongé contre lui, entre ses bras, leurs sexes impatients comprimés sous des couches de tissu, et puis mordre, effleurer sa peau baignée de magie de ses lèvres, et puis planter ses crocs le long d'une arabesque qui remontait dans son cou, verte et lumineuse, et sentir ce sang sucré, rouge vif, couler dans sa gorge... et basculer dans un monde d'extase et d'absolu.
L'insolence de sa rêverie fit glousser Severus, et en l'entendant, le sourire de son calice s'élargit brusquement.
– À quoi tu penses ? fit Harry.
– À rien. Rendors-toi ! ricana Severus.
– J'y étais presque...
– Tu devrais monter te coucher. Je suis sûr que maintenant qu'il a dormi un peu, Lucius serait prêt à honorer votre nuit de noces.
– Si tu ne l'as pas épuisé ! fit Harry en ouvrant les yeux sur un regard très espiègle. C'était bien ?
Severus roula des yeux devant la question indiscrète, mais il ne pouvait pas nier ce qu'ils avaient fait un peu plus tôt. Ce qu'ils avaient fait avec l'approbation de Harry, et même avec son concours.
– C'est toujours bien, mais certaines fois sont mieux que d'autres... Celle-là était particulière.
– Pourquoi ?
Severus esquissa un sourire grimaçant puis haussa légèrement les épaules. Il ne savait pas vraiment pourquoi – ou plutôt il y avait tellement de raisons différentes. Parce que c'était la seconde fois que Lucius envisageait de se donner à lui, et la première fois qu'il le lui proposait réellement. Parce que c'était la nuit de leur mariage. Parce que cela venait comme un couronnement physique, comme un summum délicieux dans leur couple à trois, après deux moments particulièrement intimes et intenses avec son calice. Parce que Lucius s'était endormi dans ses bras. Parce qu'il avait dit ces trois mots qu'il ne disait presque jamais, et Severus ne pouvait pas le lui reprocher parce qu'il ne les disait jamais non plus. Parce que cette aube magnifique et ce moment partagé avec son calice était une petite douceur supplémentaire qu'il savourait avec délectation.
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– Monte te coucher, insista-t-il à nouveau. Avant qu'il ne soit trop tard pour le faire, ou que l'envie d'un petit-déjeuner ne surpasse ton envie de sommeil.
Harry sourit puis grimaça brusquement.
– Et Aria qui va se réveiller dans une heure ou deux ! gémit-il pitoyablement.
– Je m'en occuperai.
– Merci, souffla-t-il, soulagé.
Bien entendu qu'il s'occuperait d'Aria pour que son calice puisse dormir un peu. C'était une telle évidence...
La caresse de la magie parcourut son dos en guise de remerciement et Severus frissonna violemment, bloquant son souffle après une inspiration profonde. Pour réussir à se contenir, il dut pincer, puis se mordre les lèvres, et même fermer les yeux avant de soupirer tout doucement. La magie de Harry résonnait toujours aussi puissamment en lui et avec nostalgie, il se souvint des fois où son calice l'avait fait jouir de cette façon... Aujourd'hui, il ne lui faudrait pas grand-chose pour réagir de la même manière.
Inconscient de ses tourments, Harry réfléchissait à voix haute :
– Il faudrait que je transplane dans la chambre, mais j'ai tellement mal aux pieds que je n'arriverai même pas à tenir debout... Et je suis trempé. En fait, il faudrait que je transplane au-dessus du lit et que j'arrive à me sécher à l'aide de la magie avant de retomber sur les draps...
– Et j'en connais un qui va faire un bond si tu tombes d'un coup dans le lit ! ricana Severus. Au moins, il sera réveillé pour que vous puissiez enfin profiter de votre nuit de noces.
– Notre matin de noces, corrigea Harry avec un sourire malicieux.
– Votre matin de noces, accepta Severus de bonne grâce. Il faudra juste nettoyer un peu les draps avant que vous ne les salissiez à nouveau, le nargua-t-il. Et peut-être aérer la chambre...
Harry éclata de rire devant sa provocation bon enfant, puis il reposa son visage tourné vers lui sur ses bras croisés. Ses yeux verts, rehaussés par les reflets irisés de la magie qui parcourait sa peau, l'observèrent quelques instants. Puis il se redressa, brusquement plus proche de lui, il posa un baiser sur son épaule et disparut tandis que bruissait le léger clapotis de l'eau.
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Harry ferma les yeux pour se concentrer sur ses sensations, sur ce sexe qui le remplissait si bien, sur le plaisir qui montait, sur le picotement électrique qui parcourait sa peau...
Ils étaient à genoux sur le lit, au milieu des draps en bataille qui portaient encore l'odeur de Severus. Lucius était derrière lui, enfoncé entre ses fesses jusqu'à la garde, et ses coups de reins secs et saccadés le secouaient et le faisaient haleter comme un chien. Contre son dos couvert de sueur, il sentait parfois le torse tout aussi humide de son amant ou son souffle erratique qui venait rafraîchir cette impression de feu, partout en lui. Son propre sexe tressautait contre son ventre, pulsatile, presque douloureux de manque et de besoin.
Le bras gauche de Lucius, en travers de son torse, le maintenait redressé et Harry cambrait le dos autant qu'il le pouvait pour offrir ses fesses à son amant, arqué à s'en faire mal, la tête rejetée en arrière sur son épaule moite. L'autre main de Lucius, qui avait pris possession de sa gorge depuis un moment, glissa le long de son torse et de son ventre pour finir par s'approcher de son sexe.
– Non... Ne me touche pas, haleta-t-il. Je veux... Je veux jouir sans rien.
La main de Lucius s'éloigna et vint s'agripper à son épaule tandis que ses coups de reins se faisaient plus véhéments et plus profonds. Harry poussa un long gémissement presque douloureux, le souffle haché de son amant juste dans son oreille. Il leva un bras en arrière, fourrageant dans les cheveux blonds pour attirer sa tête, son visage, toujours plus près, dans sa nuque, dans son cou, et ses reins toujours plus cambrés pour le recevoir.
Le plaisir montait, imminent et nécessaire, le besoin d'être délivré, libéré... Les bras de Lucius étaient cramponnés autour de son torse, son sexe ravageait ses reins, mais ce fut quand il posa ses lèvres dans son cou, juste sur les marques de son vampire, que Harry éclata dans un orgasme redoutable qui lui coupa le souffle de longues secondes durant.
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Lucius prit quelques instants pour se ressaisir puis se retira délicatement, entraînant à sa suite une traînée de sperme que Harry sentit couler le long de sa cuisse. À contrecœur, il résista à l'envie de l'essuyer de ses doigts puis de les porter à sa bouche, mais il n'était pas certain de la réaction de Lucius.
L'un après l'autre, les mains en avant sur les draps pour se retenir, ils se laissèrent tomber sur le lit, encore essoufflés et collants de sperme et de sueur. Le nez dans un oreiller, là-même où Severus avait dû s'allonger un peu plus tôt, Harry percevait encore l'odeur de son vampire et cela le fit sourire. Il n'était pas naïf au point d'ignorer sa réaction quelques instants auparavant. Que Lucius vienne poser ses lèvres, ses dents, le mordiller là où Severus l'avait mordu avant le mariage, l'avait fait basculer dans une jouissance insensée. Bien sûr, il adorait cette position; bien sûr, Lucius savait comment le prendre, comment le baiser pour lui faire perdre la tête, mais ce petit geste, cette espèce de revendication possessive, avait été le point d'orgue de son orgasme. Et vu le petit sourire moqueur sur ses lèvres, Lucius n'était sans doute pas dupe.
Harry grogna, autant devant l'ironie de son amant que devant la sensation de vide en lui qui le rendait inconfortable.
– Reste en moi encore un peu...
Lucius sourit un peu plus et sa main qui parcourait délicieusement les fesses de son jeune mari s'arrêta brusquement. Harry avait toujours aimé prolonger les étreintes après l'orgasme et il était encore assez dur pour le pénétrer à nouveau. Et en ce matin particulier, il avait lui aussi envie de faire durer le plaisir.
Il se redressa sur un coude, prit son sexe dans sa main pour le diriger entre les fesses de son amant, et s'allongea sur lui tout en s'enfonçant dans ce fourreau chaud, humide et tendre.
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Ils s'étaient rendormis deux petites heures, et à présent Harry descendait l'escalier en colimaçon à la suite de Lucius, les cheveux encore trempés de sa douche et légèrement groggy de fatigue. Dans le miroir de la salle de bains, il s'était trouvé une tête à faire peur, des cernes violacés sous des yeux un peu trop rouges, et des traits plus marqués qu'à l'ordinaire, mais il se devait d'être présent pour les invités qui avaient dormi au Manoir et puis il avait envie de profiter de sa fille.
Avant de descendre, il avait été vérifier mais Aria n'était plus dans son lit, et cela depuis un bon moment, à en croire ses draps vides et froids. Severus avait dû monter la chercher quand elle s'était réveillée, comme il l'avait promis, et à cette idée, Harry sentit son cœur se serrer de gratitude et de tendresse. Lui, en tout état de cause, n'avait strictement rien entendu : ni pleurs, ni babillage, ni même les pas de son vampire dans le couloir. Mais il la savait entre de bonnes mains et sans doute en train de rire aux éclats.
Quelques têtes se tournèrent à leur entrée dans la Salle à Manger, mais ni Aria, ni Severus n'étaient présents. Harry s'empressa d'aller saluer chacun d'une poignée de mains, d'une étreinte ou d'un baiser sur la joue, en faisant le tour de la grande table. Les sourires étaient unanimes, excepté Blaise qui semblait se débattre avec une migraine infernale, mais les visages étaient tous aussi fatigués que le sien, ce qui lui remonta légèrement le moral.
Lucius était déjà assis en bout de table, à sa place habituelle, et en arrivant à la sienne, Harry constata avec plaisir qu'Alicia s'était installée juste à côté de lui. Il glissa un bras sur ses épaules et un baiser sur sa joue. Elle semblait détendue, peu impressionnée de se retrouver au Manoir pour le petit-déjeuner, et il s'en réjouit en son for intérieur. Si elle supportait le décorum et le présence parfois imposante de Lucius, Harry espérait avec force qu'elle puisse plus souvent venir dîner ou passer des soirées avec Blaise et lui. À vrai dire, elle semblait même si à l'aise et si rayonnante qu'il en fronça le nez de dépit en attrapant une pile de toasts et un pot de confiture.
– Comment tu fais pour être toujours aussi fraîche et pimpante alors que tu as dormi aussi peu que moi ?!
Alicia avait jeté l'éponge en même temps que lui, vers six heures du matin, les derniers à se démener sur une musique enflammée. Cela faisait déjà un moment qu'elle avait abandonné les escarpins pour danser pieds nus, mais une fatigue raisonnable avait fini par les renvoyer tous les deux, elle au lit pour rejoindre Blaise qui avait dû ronfler toute la nuit, et lui dans la piscine de la rotonde pour délasser son corps et ses pieds endoloris.
Elle n'avait peut-être qu'une heure de sommeil de plus que lui mais elle était aussi belle et reposée qu'à l'ordinaire.
– J'ai l'habitude de travailler de nuit, moi, Monsieur, souffla-t-elle à mi-voix avec une ironie palpable. Et je sais encore paraître civilisée même en ayant peu dormi.
Harry renonça à lui tirer puérilement la langue et se contenta de grimacer à son encontre. Puis il entendit le gloussement presque imperceptible de Lucius et il fit mine de se redresser pour attraper un pichet de jus de fruits alors qu'il venait juste de se rendre compte de sa position particulièrement avachie et négligée.
– Il fallait rester au lit si tu avais besoin de sommeil !
– Je dormirais encore si certains ne m'avaient pas réveillé ! grogna Harry en jetant un regard peu amène à son mari.
Lucius lui adressa un sourire narquois avant de tourner la tête pour poursuivre sa conversation avec Håkon. Étant donné qu'il s'était endormi avec Severus bien avant le départ de ses derniers invités, et malgré son interruption au petit matin, il avait dormi bien plus que lui, et son réveil, vers neuf heures, avait entraîné le sien. Et une petite gâterie bienvenue.
– Et puis j'avais faim, ajouta Harry en se servant généreusement d'œufs et de bacon. C'est que j'ai un vampire à nourrir, moi, Madame.
– Tu dis ça comme si ça ne te gênait plus, ricana Alicia suffisamment bas pour que personne, sauf peut-être Lucius, ne l'entende.
Harry hésita puis se fendit d'un large sourire qu'il camoufla en enfournant dans sa bouche un morceau de bacon.
– Ça ne me gêne plus, confirma-t-il tandis que le même sourire naissait sur les lèvres de son mari.
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Le petit déjeuner s'éternisa un moment, au gré des arrivées des derniers lève-tard, puis, une fois rassasié, Harry finit par laisser Matthieu et Charlie en tête-à-tête avec Håkon pour se mettre en quête de sa fille.
Dans le Petit Salon, il trouva Lucius en compagnie de Daphnée, Mandy et Francis Dorléans, ainsi que d'un vaste plateau de thé et de café. Sur le tapis devant la cheminée, Iris s'était installée à plat ventre pour caresser Orion, et Scorpius, presque dans les pieds de sa mère, tournait les pages d'un livre d'images en se racontant à lui-même une histoire sans fin. Dans la Salle de Cinéma, Minerva était allongée de tout son long dans la pénombre pour regarder un dessin animé, et il dut poursuivre son chemin jusqu'à la véranda pour retrouver sa fille en compagnie de son vampire.
Draco était là aussi, tous les trois installés dans les canapés de velours blottis au milieu des plantes vertes. Harry fronça les sourcils en entrant, brusquement soucieux de la trop grande luminosité de la pièce, mais il s'aperçut bien vite que Severus avait utilisé son sortilège pour obscurcir légèrement les baies vitrées.
Malgré tout, il était surpris de voir la quantité de lumière que son vampire était capable de – ou s'obligeait à – supporter. En y réfléchissant à deux fois, il se rendit compte que le soleil n'avait pas encore suffisamment tourné pour donner sur les baies vitrées de cette véranda orientée plein ouest, et que Severus tournait sciemment le dos à la lumière, niché dans l'ombre jetée par d'immenses feuilles de plantes tropicales. Ainsi installé, il n'avait pas l'air trop gêné. Un bras négligemment jeté sur le dossier du canapé derrière le dos d'Aria, les jambes croisées, il paraissait relativement confortable, serein et détendu, même si Harry percevait l'émergence lente de sa faim. Ou de sa gourmandise.
Aria fut la première à s'apercevoir de sa présence et elle se jeta en avant les bras tendus vers lui, un immense sourire aux lèvres. Harry sentit son cœur faire un saut périlleux dans sa poitrine et sa magie se déployer en réflexe. Mais la rapidité inhumaine de Severus avait agi avant lui : sa main immense en travers du ventre de sa fille avait empêché le moindre risque de chute et il continuait tranquillement sa conversation avec Draco.
Harry mit quelques secondes à se remettre de sa frayeur sous le regard sombre et lumineux de son vampire. Severus avait dû ressentir sa peur instinctive et lui assurait en silence qu'il serait toujours là pour veiller sur Aria. Et sur lui.
Enfin, il put s'approcher davantage et attraper sa fille dans ses bras pour la couvrir de baisers. Après trois chatouilles et deux rires aux éclats, il posa sa main sur l'épaule de Draco et la pressa légèrement.
– Salut... Tu vas bien ? Pas trop fatigué ?
– C'est à toi qu'il faudrait poser la question, ricana Draco. D'après Alicia, je suis monté me coucher bien avant toi !
– Et à voir tes cernes, ajouta Severus d'un ton sarcastique, on peut douter que tu aies assez dormi.
Harry grimaça pour toute réponse et se contenta d'aller s'asseoir à la place qu'occupait précédemment sa fille, juste à côté de son vampire. Il installa Aria entre eux, un bras malgré tout lové autour d'elle pour s'assurer qu'elle ne tombe pas. Sa main effleurait la hanche de Severus mais ni l'un ni l'autre ne chercha à s'écarter.
– C'est la faute de ton cher mari, grogna Harry. Il m'a réveillé ce matin.
Severus se tourna légèrement pour l'observer avec attention, indifférent au sourire en coin de Draco. Il finit par lever la main et appuyer son index sur son menton jusqu'à lui faire pivoter doucement la tête.
– Mmhh... Et je constate que le mariage a été consommé...
Le regard de Severus était rivé sur son cou, là où les mordillements de Lucius avaient laissé une trace vermeille par-dessus les marques de la morsure.
En d'autres temps, Harry aurait peut-être rougi, mais cette fois, la sensation de ce doigt impérieux sur son menton – presque une griffe, lui semblait-il –, le fit frissonner. Et il n'était pas sûr de ne pas avoir aperçu les canines de son vampire pointer quelque peu à travers son sourire.
– Oh, tu sais, la mariée n'était plus tout à fait vierge...
Le gloussement de Draco leur rappela sa présence et ils ne durent peut-être qu'à cela de savoir se maîtriser. La jalousie possessive de Severus se lisait dans ses yeux rougeoyants et s'ils avaient été seuls, Harry lui aurait bien proposé de boire... Mais ils se contentèrent d'un échange de regards brûlants, plein de jeu, de complicité et d'envie.
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La journée s'étira, lente et indolente, étonnamment chaude pour une fin septembre. Un petit goût d'été indien avant le retour des frimas de l'automne, une douce résurgence des belles journées de vacances dont ils avaient si peu profité cette année. Entre la transformation de Severus, leur enfermement dans le pavillon chinois, son départ pour Colibita et leurs lentes et prudentes retrouvailles, ils n'avaient eu le temps de rien. Lucius n'était plus Ministre depuis près de deux mois, et pourtant, cet été avait filé sans eux, sans en profiter, sans même partir en Provence ou plus loin encore, et cette journée chaude, presque étouffante, donnait envie de rattraper ce temps perdu.
Au petit-déjeuner tardif des derniers levés – et en particulier Mark, que Harry dut aller réveiller lui-même – succéda un déjeuner léger, puis Francis et Mandy quittèrent le Manoir. Bien qu'il essayât par tous les moyens de les retenir, Blaise et Alicia suivirent peu de temps après, désireux de passer quelques heures tous les deux avant que la jeune femme n'aille travailler le soir-même. Luna et Padma vinrent chercher Aria et s'en retournèrent à Poudlard avec Charlie et Matthieu, et bientôt, il ne resta plus dans la maison que Draco et sa petite famille, et l'ambassadeur de Norvège.
Harry paressa un long moment dans la piscine avec Mark, mollement porté par la tiédeur de l'eau, les épaules et la nuque délicieusement réchauffées par le soleil. De sourires en confidences, en passant par des plaisanteries échangées à mi-voix, ils profitèrent de ces instants de douceur qui n'appartenaient qu'à eux, jusqu'à ce que Håkon suggère de rentrer à l'ambassade. Quelque chose dans ses paroles ou dans sa façon de le dire durent alerter Mark, car il fut brusquement debout, hors de la piscine, tout sourire, se séchant rapidement et se rhabillant à moitié mouillé, prêt à aller s'isoler en tête à tête avec son Chaton... Il était vrai que pour eux, le dimanche après-midi avait toujours ce petit côté sacré, paresseux et intime volé au reste de la semaine, et Harry les regarda partir avec un sourire amusé. Et un brin jaloux.
La fin de journée approchant, Draco et sa famille rentrèrent à leur tour et le Manoir se retrouva brusquement vide. Une respiration bienvenue après ce mariage et tous les préparatifs qui avaient absorbé ces dernières semaines, mais aussi un moment étrange, le retour à l'intimité de leur vie habituelle, tous les trois, un goût de normalité et pourtant, tout était subtilement différent.
Harry avait enfin l'impression que leur situation était calme et posée, comme un parchemin qu'on a tant et si bien déroulé qu'il reste grand ouvert et lisible aux yeux de tous. Il avait épousé Lucius à la face du monde, appuyant le fait qu'il n'était plus un amant dans le placard dans un vaudeville à rebondissements, même si pour eux, tout cela signifiait bien davantage : la consécration de leur relation, de leur amour, la possibilité d'avoir enfin un vrai lien qui les unisse et pas seulement de vagues promesses... Et puis Severus était son vampire, et Merlin savait l'ampleur de ce que cela pouvait représenter pour lui, et sa place centrale dans leur vie avait été dite et redite et montrée aux yeux de tous. Ils étaient là, autour de lui, – d'une manière ou d'une autre – les deux hommes de sa vie, posés sur son échiquier personnel; deux rois de couleur différente, l'un blanc, l'autre noir, mais qui servaient la même reine, et Harry avait enfin le sentiment que les choses étaient à leur place.
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Lucius s'assit dans l'alcôve du vestibule pour défaire ses lacets et changer de chaussures. Près de lui, Severus retirait ses gants et sa longue cape qui savait si bien dissimuler son visage les rares fois où il s'aventurait à l'extérieur, puis il dénoua les boucles sur ses mollets qui fermaient ses hautes bottes en cuir avant de les ôter. Depuis qu'il était un vampire, Severus avait vraiment cette manie de couvrir le plus possible la moindre parcelle de sa peau alors même qu'ils n'avaient transplané qu'une fois la nuit tombée ! Lucius ne pouvait pas lui en vouloir mais il se prenait parfois à regretter ce manque de « liberté » de son mari.
Il prit ses chaussures d'intérieur que lui tendait Clay et les enfila rapidement en voyant Harry qui les attendait depuis un moment. Évidemment, lui il était déjà prêt à monter, en chaussettes sur le marbre glacial et aussi peu vêtu qu'il l'avait été pour aller dîner au restaurant. Lucius secoua la tête sans pouvoir s'empêcher de sourire avant de reporter son regard sur l'elfe de maison.
– Des messages ?
– Rien d'urgent mais deux appels de cheminette : les Nott et James Lincoln... Et un certain nombre de parchemins.
Du coin de l'œil, Lucius surprit le regard empressé que s'échangeaient ses deux maris et songea qu'il était certainement l'heure pour Severus d'aller se rassasier à son tour. Eux avaient déjà mangé – et copieusement ! – dans un minuscule restaurant indien sur un coup de tête de Harry. Une envie d'épices, de curry, de goûts d'ailleurs qui lui manquaient, et il les avait traînés, Severus compris, dans le Londres moldu pour un dîner haut en parfums. Surprenant mais délicieux, et Lucius n'en avait rien regretté. Comment pouvait-il même regretter une sortie en toute liberté et en toute détente avec les deux hommes de sa vie ?! Harry avait été enjoué, espiègle – et affamé – et Severus, malgré sa méfiance compulsive pour la lumière, avait fini par se détendre et être très agréable. Et maintenant la connivence entre ces deux-là à l'approche de la morsure le faisait frémir malgré lui.
– Mmhh, grogna-t-il. Allez faire votre petite affaire, tous les deux. Je vais jeter un œil au courrier.
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Le couloir était sombre et silencieux mais Lucius n'avait pas vraiment besoin de lumière pour se diriger. D'une main, il commença à déboutonner sa chemise tout en ouvrant la porte de sa chambre, songeant à tous ces messages de félicitations auxquels il lui faudrait répondre dès le lendemain... Brusquement, il se figea sur le seuil, surpris par la présence de deux silhouettes enchevêtrées sur le lit.
L'espace d'une seconde, il se demanda s'il ne s'était pas trompé de chambre... Mais la vague lueur qui éclairait la pénombre depuis la salle de bains ne lui laissa rapidement plus aucun doute. Il recula d'un pas, déconcerté de les trouver là.
– Désolé. Je pensais que vous auriez fini...
– Luce ! murmura aussitôt Severus. Viens ! On a fini mais il s'est endormi...
Levant un sourcil encore plus étonné, Lucius fit quelques pas en silence pour découvrir Harry allongé sur le côté, tourné vers la fenêtre, une main glissée sous son oreiller et profondément endormi. Contre lui, son corps épousant parfaitement celui de son calice, Severus tournait la tête pour le regarder approcher avec un sourire en coin particulièrement satisfait. Son bras enlaçait la taille de Harry, niché jusque sur son ventre, et Lucius eut l'impression fugace que leurs mains étaient jointes, presque entremêlées.
– Comment ça se fait qu'il s'est endormi si vite ? murmura-t-il à son tour. Tu lui as pris trop de sang ?
Les yeux de Severus rougeoyèrent un instant devant son accusation maladroite, puis il les leva au ciel en retrouvant son apparence habituelle.
– Il était épuisé... Il n'a dormi que deux ou trois heures la nuit dernière. Et il a passé à peu près autant de temps dans la piscine cette après-midi. La morsure a toujours tendance à lui donner sommeil et là, il n'a pas résisté.
Lucius s'approcha encore un peu, juste assez pour contempler les deux hommes enlacés comme des amants, si ce n'était qu'ils étaient allongés par-dessus les draps et qu'ils étaient encore habillés.
– Et vous n'avez même pas fait l'amour ?! ricana-t-il.
Avant d'avoir sommeil, Harry avait souvent d'autres envies bien plus lubriques !
Severus grogna son agacement sans bouger pour autant.
– Avec lui, ça n'arrivera plus.
– Par conséquent, tu profites d'une fois où il s'endort dans tes bras pour rassasier ton besoin de contacts physiques et de tendresse ?
– Laisse-moi savourer le peu que j'ai.
Un sourire moqueur sur les lèvres, Lucius s'éloigna d'un pas et continua à défaire les boutons de sa chemise un à un.
– Il serait temps d'ouvrir les yeux, Severus ! gloussa-t-il.
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Severus grogna et tourna la tête pour enfouir son nez dans les cheveux de son calice. S'il arrivait même à se glisser dessous pour atteindre sa nuque... et glisser ses lèvres sur sa peau, si près de l'endroit où il venait de le mordre. Maintenant que Lucius était monté et qu'il allait se coucher, il savait que les minutes étaient comptées. Il allait bientôt devoir partir et les laisser dormir, il pouvait bien grappiller encore un peu de cette étreinte délicieuse ! Lucius pouvait ironiser et se moquer autant qu'il le voulait, rien ne comptait plus que Harry entre ses bras.
Même faire l'amour avec son calice, comme le suggérait si bien son mari, ne lui semblait plus si essentiel. Severus n'en éprouvait même pas le besoin. Tant que Harry le laissait le mordre dans le cou comme il venait encore de le faire, tant qu'ils avaient ce genre d'étreinte pour la morsure, aussi tactile, aussi fusionnelle, même s'il ne s'agissait ni de baisers, ni de caresses, ça lui allait bien. Le désir de chair était un sentiment trop humain par rapport à ce qui le liait à son calice.
Avec Lucius, c'était différent; ce qui existait entre eux, c'était des sentiments, de l'amour, et puis quarante ans de désir sexuel et de relations charnelles dans toutes les positions... Le sexe, l'aspect physique de leur relation était une évidence. Tandis qu'avec Harry, leur relation allait bien au-delà, même sans sexe, même sans amour à proprement parler... C'était un mélange de symbiose et de dépendance, de don de soi et de confiance, de sécurité et d'apaisement procurés par la simple présence de l'autre. L'équilibre harmonieux entre un vampire et son calice.
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Lucius laissa tomber sa chemise sur un fauteuil et s'approcha à nouveau, un sourire narquois sur les lèvres.
– Ceci dit, boire son sang, c'est presque comme un acte sexuel, entre vous...
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Merci de votre lecture et de votre fidélité, et bienvenue à ceux qui rejoignent l'histoire en cours de route! N'hésitez pas à laisser un commentaire... ;)
Pour le prochain chapitre, on partira s'aérer hors d'Angleterre... (ce ne sera pas encore Colibita !) ^^
Au plaisir
La vieille aux chats
