Résumé: Après le mariage et leur petit séjour en Provence, la relation entre Harry et Severus va pour le mieux, et pour la première fois, ils parviennent à poser des mots sur les événements du pavillon chinois

Pas le meilleur chapitre, mais il met en place quelques bricoles pour ceux à venir... Bonne lecture!

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Pour au moins la quinzième fois en cinq minutes, Harry leva les yeux vers l'horloge au-dessus de la cheminée et maugréa dans sa barbe inexistante. Severus était en retard. Il était attendu pour dix-neuf heures chez Draco, il était dix-neuf dix et Severus n'était toujours pas rentré de la Librairie. Et Harry avait horreur d'être en retard – surtout quand ce n'était pas de son fait.

En soi, ce n'était pas bien grave, il pouvait très bien y aller sans attendre son vampire, puisque de toute façon il y allait sans lui, il était prêt, habillé plutôt très convenablement pour une soirée entre amis où il allait se faire baver dessus par sa fille, il n'avait rien de particulier à lui dire avant de partir... sauf que.

Sauf qu'ils avaient convenu que Severus boive avant qu'il n'y aille. Parce que Harry ne savait pas quand il allait revenir, à la fin de la soirée ou au petit matin, parce qu'il était bien possible qu'il aille ensuite danser avec Alicia une bonne partie de la nuit, parce qu'il ne voulait pas partir avec la pensée coupable de ne pas avoir nourri son vampire et cette sensation de faim traînante qu'il allait supporter toute la nuit et qui l'empêcherait de profiter aussi bien de sa soirée que s'il savait Severus repu. Et Severus était en retard.

Et bon sang, c'était ridicule, mais ça le contrariait.

Et pourtant, Severus avait été adorable toute la semaine. Agréable, souriant, complice avec Lucius, prenant le temps des morsures avec lui et d'une patience à toute épreuve avec Aria qui avait pourtant passé ses journées à ronchonner à cause d'un mauvais rhume et d'une dent qui sortait... À vrai dire, depuis la discussion sur leur relation l'autre nuit et depuis qu'il les avait laissés seuls tous les deux le dimanche matin, récupérant sa fille pour aller prendre son petit déjeuner avec elle, Harry avait l'impression de flotter sur un petit nuage avec son vampire.

Un petit nuage bien particulier, bien à eux, mais après cette mise à plat salutaire et la place un peu plus grande qu'il leur laissait pour être tous les deux, tout était fluide et simple. Ils étaient même sortis deux fois dans la semaine, une fois pour dîner au restaurant où Severus avait fait bonne figure malgré les regards curieux ou interloqués sur son assiette désespérément vide, et une autre fois pour aller à un récital de piano, et tout s'était merveilleusement bien passé. Et ce soir, alors que Harry était attendu ailleurs, Severus était en retard.

– Vas-y..., soupira Lucius, agacé de le voir s'impatienter en silence. Il ne va pas mourir de faim simplement parce qu'il boira à trois heures du matin au lieu de dix-neuf heures ! Il savait que tu devais sortir, il n'avait qu'à être là à temps. Il est même fort probable que vu l'heure, il te croie déjà parti et qu'il prenne son temps pour rentrer...

Le dernier argument de son mari acheva de convaincre Harry et après une grimace de désappointement, il prit appui sur les accoudoirs pour se lever. Et c'est bien évidemment à ce moment-là qu'ils entendirent les pas précipités de Severus résonner dans le couloir.

– Désolé... Pas vu l'heure... Bureau...

Harry leva les yeux au ciel devant son vampire qui n'avait même pas pris le temps d'entrer dans le Petit Salon, ni de venir embrasser son mari.

– Bon sang, t'étais où ? grogna-t-il en suivant Severus dans son bureau.

Il paraissait essoufflé, bien que ce soit matériellement impossible, agité, les cheveux légèrement en bataille et les lèvres un peu pâles.

– Désolé, murmura Severus en le poussant doucement contre la porte fermée. Je m'occuperai d'Aria tous les matins la semaine prochaine pour que tu puisses dormir. Et je m'occuperai de tes potions pour que tu n'aies pas à te lever la nuit...

– Mmhh, grogna Harry en redressant les revers de la veste de son vampire. Ça, tu le fais déjà...

– J'irai te chercher une tarte à la mélasse chez Hummingbird Bakery...

Le visage de Severus était déjà niché dans son cou et le reste de ses paroles fut étouffé sur sa peau tandis que Harry gémissait sous la morsure. Le plaisir fut fulgurant alors que des images de tartes et le souvenir d'un goût sucré dansaient dans son esprit et sur sa langue. Severus avala goulûment quelques gorgées tandis qu'il se retenait aux revers de sa veste puis il se retira tout aussi rapidement.

– Bon sang ! C'est même plus un quickie, c'est à peine se jeter un verre derrière la cravate, marmonna Harry, encore vaguement contrarié.

Deux tartes à la mélasse, sourit Severus avant d'embrasser les marques sur la peau de son calice qu'il n'avait même pas effacées.

– Et avec ça, je serai bon pour te nourrir encore à trois heures du matin !

Severus souriait toujours en s'écartant légèrement pour lui jeter un sortilège de nettoyage et Harry grognait encore en transplanant brusquement devant chez Draco.

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Il sonna à la porte et quelques instants plus tard, ce fut Blaise qui lui ouvrit, accompagné par Iris qui le suivait à la trace.

– Eh bien ?! Tu es en retard ! souligna-t-il d'une voix doucereuse qui semblait presque menaçante. Et tu as l'air à peine sorti d'une partie de jambes en l'air !

– Ouais. Salut à toi aussi. Bonjour, Princesse, fit Harry en se penchant pour embrasser la fillette sur la joue.

En se redressant, il s'inspecta vaguement dans le miroir de l'entrée et grimaça en notant ses yeux brillants et ses joues colorées. Il grimaça un peu plus en apercevant les marques de morsure que Severus n'avait pas effacées et se recoiffa d'une main pour se donner une contenance. À peine passable. Et intérieurement, il maugréa encore contre les vampires incapables de se tenir à une heure donnée parce que, dans leur vie infinie, le temps n'avait plus aucun sens.

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Il ne lui fallut que quelques instants, le temps d'embrasser et de saluer chacun, pour que son agacement ne disparaisse dans la bonne humeur. Évidemment, Harry était le dernier et tout le monde avait déjà trouvé sa place et son verre. Il refusa de les déranger et de les faire se serrer sur les canapés pour lui et trouva à s'asseoir par terre, sur un coussin, au milieu des enfants et pas trop loin de la table basse où étaient stratégiquement entreposées toutes les cochonneries à grignoter.

Aussitôt assis, il vit grimper sur ses cuisses Scorpius d'un côté et Aria de l'autre, ravis tous les deux de pouvoir jouer ensemble et en particulier sur lui.

– Attention à tes précieux bijoux de famille ! ricana Draco en souvenir de leur soirée du week-end précédent. Les tiens peuvent encore servir !

Harry mit les mains sur les côtés de sa bouche pour se cacher des petits et lui tira joyeusement la langue, ce qui fit glousser Minerva et ouvrir des yeux ronds à Iris, assise sur les genoux de son parrain. Et après s'être servi un verre de jus de fruits en ricanant, il rejoignit les conversations en cours.

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– Tu es sûr que tu as assez mangé ? demanda pour la centième fois Daphnée avec un air préoccupé. Je dois avoir des restes de poulet d'hier midi dans le frigo... Et au moins deux parts de gratin de pommes de terre.

Harry la prit par le bras en riant dans l'intention de la ramener en douceur vers le salon. Depuis qu'elle avait vraiment compris à quel point il avait besoin de manger, elle était sans cesse inquiète de ce qu'il avalait chez eux. Mais cette fois, il avait déjà mangé plus que sa part et fini tous les plats abandonnés par les invités.

– J'ai assez mangé, Daphnée, assura-t-il sincèrement. Mais j'avoue que s'il te reste un peu de ce gâteau à la rhubarbe...

Ils venaient de remettre un peu d'ordre dans la cuisine et sur la table, de ranger les bouteilles et de laver la vaisselle sale, mais Daphnée s'empressa de sortir à nouveau des placards une assiette et des couverts avant de le servir. Elle hésita un instant devant le gâteau, jugeant qu'il était ridicule de couper le restant en deux, puis le fit glisser sans plus d'atermoiements dans l'assiette qu'elle porta directement au salon.

Harry arriva derrière elle, avec à la main les tasses de thé et la boîte de sucre, et s'assit lourdement sur un des fauteuils libres.

– Tu sais que je n'ai vraiment plus faim, en réalité... C'est juste de la gourmandise.

– Peu importe, ricana-t-elle. Mais si Severus se retrouve avec un diabète, on saura de qui ça vient !

Harry leva les yeux au ciel en souriant puis attrapa sa part de gâteau et sa cuillère tandis que Draco les rejoignait avec une théière fumante qui sentait bon la bergamote. Il était tard, le repas avait été joyeux et un peu déluré, les enfants étaient à présent couchés et Luna et Padma étaient rentrées pour coucher Aria. Ils n'étaient plus que tous les trois, avec Blaise et Alicia, et curieusement, Marcus Flint qui les avait rejoints pour le thé.

Harry avait été surpris de sa présence, un peu déstabilisé au départ de se montrer devant lui aussi libre qu'il l'était d'habitude, avec ses marques de morsure et ses plaisanteries au sujet de son vampire, et ensuite le naturel avait repris le dessus. Tout le monde savait qu'il était le calice de Severus, les journaux en avaient bien assez parlé, et il se souciait peu de l'opinion des gens qu'il ne connaissait pas. Et puis, si Marcus était ami avec Draco, c'était sans doute qu'il était une personne de confiance.

Pour l'heure, les deux hommes discutaient de la saison de quidditch avec Alicia, commentant le classement, les derniers matchs et chacun y allait de son pronostic. En finissant sa part de gâteau qui avait malgré tout un goût de trop peu, Harry songea que le quidditch lui manquait. Il avait adoré toute la période – avant sa captivité et avant d'avoir du mal à remonter sur un balai – où il s'entraînait avec l'équipe de Draco. Voler avec des joueuses de très bon niveau, avec intensité, avec acharnement, mais juste pour le plaisir. Cette impression de faire partie d'un clan, l'euphorie de la victoire, se donner à fond jusqu'à l'épuisement physique, et ensuite se sentir vidé et tellement satisfait... Aujourd'hui, ça n'aurait plus été pareil, puisque Katie et Alicia avaient pris leurs retraites et que sans elles, l'équipe était bien différente, mais il regrettait ces heures à voler malgré la pluie, malgré le froid, malgré les douches piégées par les enfants de Georges et Angie...

En souriant de ses souvenirs, Harry se cala confortablement contre le dossier du canapé, le ventre bien tendu et délicieusement repu par le repas. Il hésitait presque à défaire discrètement le bouton de son pantalon, et il aurait été seul, il l'aurait sans doute fait. Dans une heure ou deux, il aurait déjà en partie assimilé son plantureux dîner et ainsi retrouvé son volume sanguin habituel, mais pour l'instant, il se sentait un peu à l'étroit.

Blaise, assis à côté de lui, avait dû percevoir quelque chose de sa satiété satisfaite car il tapota son propre ventre en ricanant.

– Continue à manger comme ça et bientôt, tu vas me ressembler !

Il était vrai que depuis quelques mois, Blaise avait légèrement gagné en embonpoint. Il n'avait jamais été mince mais à présent, son ventre affichait une rondeur confortable qui tendait gentiment les boutons de ses chemises ou de ses vestes de costume.

– Félicitations, d'ailleurs ! C'est prévu pour quand ? ricana Harry à son tour.

Alicia, tournée vers Draco et Marcus Flint, ne participait pas à leur conversation mais du coin de l'oreille, les mots la firent suffisamment réagir pour qu'elle sursaute avec un regard affolé.

Blaise ne s'offusqua pas de sa réflexion, bien au contraire; malgré son alcoolémie ce jour-là, il se souvenait parfaitement de leur conversation la nuit du mariage et il décida visiblement d'entrer dans son jeu avec un sourire entendu.

– Pour la fin du printemps, a priori. On comptait l'annoncer pour Noël, avant que ça ne se voit trop mais je crois que je suis déjà grillé.

– Et ça va, pas trop de nausées ? s'amusa Daphnée en rejoignant leur comédie.

– Infernales, soupira Blaise en s'essuyant le front d'un revers de main. Mais même en ne mangeant rien, je n'arrête pas de grossir. Je vais finir avec des vergetures de tous les diables et des jambes comme des poteaux.

– Alicia se fera un plaisir de te masser les jambes tous les soirs, ricana Harry tandis que la jeune femme tournait un visage grimaçant vers eux. Et elle t'aidera à enfiler tes chaussettes quand ton ventre te gênera trop...

– … Et à te lever quand tu auras l'impression d'être une baleine échouée sur le canapé, fit Daphnée en riant. Sans oublier que tu auras besoin d'aide pour faire tes lacets !

– Merlin merci, je suis un sorcier, soupira Blaise avec un soulagement convaincant. Tu crois que je pourrais m'auto-jeter un sortilège de lévitation ?

– Il vaut mieux éviter, répondit rapidement Daphnée. Je crois que chez les sorciers, la grossesse rend la magie particulièrement instable.

– Oui, renchérit Harry en évitant soigneusement de regarder Alicia. Il me semble que Padma avait quelques soucis pendant sa grossesse, ce qui l'a bien embêtée pour assurer ses cours...

Ils se sourirent un instant tous les trois, ricanant intérieurement de leur effet tandis qu'Alicia grimaçait un peu plus avant de leur jeter :

– C'est fou ce que vous donnez envie !

– Mais si, tu verras, gloussa Daphnée. Une fois que le bébé est né, on oublie tous ces petits désagréments... Et vous voudriez quoi, un garçon ou une fille ?

Harry se mordit discrètement la lèvre pour ne pas sourire comme un idiot. Daphnée avait merveilleusement compris où ils voulaient en venir et elle était rentrée dans leur petit jeu avec ravissement.

– Oh moi, peu importe, fit Blaise avec le plus grand naturel. Du moment qu'il est entier et qu'il va bien. Mais Ali préférerait un petit garçon...

– Mais j'ai jamais dit ça ! protesta Alicia avec véhémence.

– Tu trouves tous les prénoms féminins que je t'ai proposés absolument hideux ! fit Blaise en roulant des yeux.

– Ah oui ? intervint Harry en maîtrisant avec peine son amusement. Et c'était quoi ?

– J'aime bien Isadora. Ou Altea, répondit Blaise avec un air faussement renfrogné.

– C'est mignon Altea, fit Daphnée tandis qu'Alicia levait les yeux au ciel devant ce complot manifeste. Moins classique que les prénoms sang-purs traditionnels, mais c'est tout aussi bien ! Moi, j'avais dû me battre avec Draco pour Iris, ajouta-t-elle en riant. Il voulait l'appeler Erin, je crois... Mais il a eu gain de cause pour Minerva et Scorpius ! Et toi, tu avais des préférences ?

Elle s'était tournée vers Alicia en disant cela, avec un air de pure innocence tout à fait convaincant. Et sous les sourires délicieusement moqueurs de son compagnon et de Harry, Alicia commença par grogner une réponse inaudible avant de se laisser entraîner à reculons dans une conversation qu'elle aurait de toute évidence préféré fuir.

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Mais Alicia était aussi suffisamment maline pour ne pas se laisser manipuler trop longtemps, et elle eut vite fait d'apostropher Draco :

– Et toi, au lieu de t'extasier sur un hypothétique descendant Zabini, y avait pas un truc dont tu devais parler à Harry ?!

Harry tourna un regard surpris vers Draco et à son air embarrassé, il sut tout de suite qu'Alicia avait raison et que ce n'était sans doute pas le moment qu'il aurait choisi pour aborder le sujet, avec toutes les conversations interrompues et tout le monde qui les observait.

– De quoi s'agit-il ?

Draco lança un regard sombre à Alicia avant de se tourner vers lui.

– Tu te souviens de ce jour où on avait fait un match de quidditch au Manoir, tous ensemble, avec Katie, Angie, les frères Weasley... ?

Harry hocha simplement la tête. Il s'en souvenait parfaitement : une chouette et belle journée, où tout le monde avait été là, où il avait pu remonter sur un balai sans craintes et sans réminiscences, où il avait pu profiter de quelques moments de liberté alors que sa relation avec Severus demeurait tendue et compliquée.

Ce n'était pas si vieux, à peine quelques mois, mais il avait l'impression que c'était une éternité auparavant. Avant que Severus ne devienne un vampire, avant que Harry ne devienne son calice, avant qu'il n'épouse Lucius... Avant que leur vie ne devienne aussi merveilleuse et apaisée qu'elle l'était aujourd'hui, et cette certitude tranquille le fit sourire.

– … J'avais émis l'idée, reprit Draco, de faire un match caritatif, entre vétérans, ou entre personnalités...

– Je m'en souviens très bien.

– Eh bien, avec Marcus, on organise ça pour les fêtes de fin d'année, poursuivit-il avec un signe de tête vers le journaliste sportif. Katie jouera, Angie aussi...

Harry tourna la tête vers Alicia en l'interrogeant du regard et elle acquiesça sèchement.

– Je sais qu'à l'époque, c'était un peu délicat pour toi... Est-ce qu'aujourd'hui, tu en serais ?

Draco n'osait pas le mentionner à voix haute, mais ce qui l'avait particulièrement freiné à accepter cette proposition au printemps dernier, n'avait été que la réaction probable de Severus à son éloignement, quand leur union lui imposait une proximité qui tenait presque de l'enfermement. Mais aujourd'hui, tout cela avait disparu, le lien entre lui et son vampire n'avait plus rien à voir et Harry sourit largement.

– J'adorerais ! Tu joueras aussi ?

– Oui. Et Marcus... Il y aura aussi Olivier Dubois qui est devenu l'entraîneur du Club de Flaquemare et Meaghan McCormack, la capitaine de l'équipe de Portree, mais tu ne dois pas connaître...

Harry secoua doucement la tête mais le regard alléché d'Alicia et sa moue appréciative en disaient long sur la valeur de la joueuse.

– On va encore se retrouver avec cinq attrapeurs pour deux équipes ?! gloussa-t-il.

– Suivant le nombre de joueurs qu'on recrute, on fera deux ou trois équipes, précisa Draco. Et du coup, on jouera un ou deux matchs chacun. J'attends les réponses de tous ceux qu'on a contactés pour finaliser ça. On répartira les équipes équitablement et on fera quelques entraînements, histoire d'arriver à un minimum de cohésion...

Blaise et Daphnée avaient repris leur conversation de leur côté, d'où surnageaient parfois les mots bébé, enfant ou enceinte, mais Harry et Alicia étaient à présent complètement concentrés sur Draco, et visiblement aussi enchantés l'un que l'autre.

– Tu es sûr d'en être, Harry ? insista-t-il, un peu gêné. Severus ne va rien dire ? Je ne peux pas t'annoncer parmi les joueurs et ensuite faire machine arrière...

Harry esquissa un large sourire malgré le regard circonspect de Marcus. Et brusquement, il fut bien content que son vampire ne soit pas là pour entendre pareille méfiance dans les paroles de Draco.

– Aucune inquiétude, assura-t-il. Il va juste jouer les mères poules pour être sûr que je mange assez et que je ne tombe pas malade en jouant sous la pluie ou dans le froid !

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La nuit était déjà bien entamée quand Harry rentra au Manoir, repu, fatigué, mais aussi avec une envie de voler et de batailler pour un vif d'or bien ancrée au fond du ventre. La perspective de reprendre les entraînements le faisait sourire malgré lui dans la pénombre du Hall. Il ôta son manteau et ses chaussures et se dirigea sans tarder vers le couloir du rez-de-chaussée, pressé de retrouver son vampire. Lucius, lui, devait dormir depuis un moment mais Severus n'avait pas assez bu ce soir pour qu'ils se sentent tranquilles tous les deux jusqu'au lendemain.

En poussant la porte, il songea à la pression médiatique qui aurait forcément lieu autour de ces matchs caritatifs et qui l'exposerait, lui parmi d'autres, à la curiosité des journalistes... Mais après tout, le but était aussi de faire parler d'eux et de récolter de l'argent pour des œuvres de charité. Et rien ne serait jamais pire que l'annonce qu'il était devenu le calice de Severus puis celle de son mariage avec Lucius !

Assis dans le canapé de la Bibliothèque, avec son petit feu et sa musique rituels, son vampire le regardait approcher, un sourire délicieux sur les lèvres et les yeux rougeoyants de convoitise. Sans même que Harry n'ait dit un mot, il se tourna pour allonger ses jambes sur le canapé tout en lui laissant la place de s'installer entre ses cuisses et contre lui.

– Faut-il que tu aimes te faire mordre pour préférer venir me voir au lieu d'aller dormir !...

– Silence, ou je te laisse jeûner jusqu'à demain ! répondit Harry en souriant.

– Je peux jeûner jusqu'à demain si tu veux aller te coucher...

– Et tu sais que je dormirai mal si je sens que tu as faim...

C'était sans doute ridicule parce qu'ils savaient tous les deux ce qu'il en était mais ces quelques mots, de temps en temps, cette façon de s'assurer que chacun était pleinement consentant, les rassurait.

– D'ailleurs..., fit Harry en s'installant contre son vampire, attrapant de lui-même ses bras pour en ceinturer son ventre. Est-ce que ma façon de manger a une incidence sur la façon dont mon sang te nourrit ?

Il perçut l'étonnement de Severus et le haussement de ses sourcils le long de sa tempe.

– Pourquoi cette question ?

– Oh rien... Une bêtise de Daphnée qui disait que je mangeais trop de sucre et que tu allais finir avec un diabète, gloussa Harry. Mais je me demandais s'il n'y avait pas un fond de vérité... Si je devais faire attention à manger plus de légumes ou plus de viande, ou faire attention à ne pas abuser de certains aliments...

– Tu te poses trop de questions, soupira Severus en fourrageant de son visage dans son cou. Ton sang est parfait ! Ce que tu manges en change parfois un peu le goût, comme quand tu es revenu du Sarawak : tu avais un goût plus salé que d'habitude... Mais dans tous les cas, cela reste ton sang et ta magie. Et rien ne me nourrira jamais mieux que ça...

Harry frissonna sous la caresse mais insista malgré tout :

– Mais si je buvais de l'alcool, tu le ressentirais, n'est-ce pas ? Tu m'as dit que c'était douloureux pour un vampire... Est-ce qu'il y a d'autres aliments qui peuvent te poser problème ?

– Tu cherches à savoir ce qui pourrait m'empoisonner pour te débarrasser de moi ? ricana Severus en égratignant la peau tendre de son cou avec ses canines.

– Imbécile ! gloussa Harry avec une tape sur la main de son vampire. Je veux juste être sûr...

– Eh bien, sois sûr... Tu peux manger ce que tu veux, dans les quantités que tu veux... ce sera toujours parfait pour moi. Fais juste en sorte de ne pas, toi, te rendre malade !

Harry gloussa à nouveau puis s'étrangla sur un halètement alors que Severus avait posé ses lèvres sur sa carotide et se mettait à aspirer et sucer sa peau comme un adolescent qui cherche à laisser sa marque. En réalité, il savait bien qu'à cet endroit, sa peau et son artère étaient si fines que son sang pouvait perler sur une simple succion. Mais la sensation n'en était pas moins vertigineuse.

– Je peux continuer à me gaver de tarte à la mélasse, alors ? geignit-il.

– Mmhmhh..., grogna Severus avant de relever légèrement la tête. Je t'en dois deux, je n'ai pas oublié... Même si je préfère ton goût quand tu manges ces fruits exotiques qui ressemblent à des petites bananes...

– Les curubas ? fit Harry, surpris, avant de déglutir difficilement sous la succion dans son cou.

– Mmhhh, approuva Severus. Et les fruits de la passion... Et ceux que tu appelles les fruits du serpent...

Harry gémit son acquiescement; il voyait très bien de quoi parlait Severus et il se promit d'en manger plus souvent. Si son vampire raffolait des fruits sucrés et acides à la fois, il ne voyait aucune objection à le satisfaire... si cela se terminait par cette sensation délicieuse dans son cou et dans son ventre...

– Et en parlant de ce que je t'ai promis, reprit Severus avec un coup de langue pour lécher les gouttes de sang, ta potion est devenue bleue et j'ai arrêté le feu dessous, comme tu me l'as dit...

Harry sursauta, brusquement plus sérieux et à mille lieues de se soucier du grognement contrarié de son vampire.

– Bleu comment ?!

Cinq jours qu'il travaillait sur ce fichu mélange pour réussir à associer deux ingrédients très particuliers; cinq jours qu'il avait contacté James, le petit protégé de Matthieu, pour l'interroger sur la recette qu'il avait commencé à élaborer, un été pendant une MasterClass, dans l'optique de soigner les brûlures de sa mère, et qu'il avait trouvée très intéressante à l'époque; une semaine depuis sa conversation avec Mark au sujet de la brûlure de Håkon...

– Bleu comme bleu, gronda Severus en resserrant ses bras autour de son ventre pour le ramener contre lui.

– Bleu turquoise, bleu cobalt, bleu roi... ? Sev, c'est important... Tu sais bien que la couleur montre à quel point les ingrédients agissent en synergie !

Severus grogna à nouveau, impatient et frustré, tandis que Harry tentait de se redresser et de se retourner pour lui faire face. Puis le vampire poussa un soupir résigné et relâcha l'étreinte de ses bras.

– Quelque chose entre bleu cobalt et bleu roi... Va donc voir puisque tu trouves cela plus important que de prendre soin et de nourrir ton vampire !

Harry éclata de rire devant cette façon de se poser en victime et cette tentative de manipulation honteuse, puis il s'assit au bord du canapé avant de se lever rapidement.

– J'en ai pour deux minutes et je reviens ! Promis ! Tu ne bouges pas ? Je vais juste jeter un œil...

– … Toute une éternité à t'attendre, marmonna Severus.

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L'éternité ne dura que quelques minutes, le temps de descendre au laboratoire, d'être ravi de la couleur de sa préparation et de remonter aussitôt, mais cela dut paraître trop long au vampire qui ne chercha même pas à le faire languir avant de le mordre. Et si Severus y trouva un plaisir certain au vu de sa crispation soudaine et de son grognement rauque, Harry était trop occupé à réfléchir aux suites de ses recherches pour prêter une réelle attention à ses propres sensations.

Au final, le vampire l'envoya se coucher, vaguement mécontent du peu de cas qu'il avait fait de cette morsure. Il marmonnait un monologue de protestations désabusées entre deux coups de dents pour égratigner la peau de son cou dans le simple but de le faire réagir et frissonner, et Harry finit par éclater de rire devant la réaction offusquée de son vampire, ce qui acheva de le renfrogner.

En réalité, il la trouvait plutôt touchante mais il ne pouvait pas le dire ainsi à Severus... Cela souleva malgré tout dans son cœur un grand vent de tendresse qu'il ne savait comment exprimer et il se contenta, une fois debout, de regarder longuement son vampire, sa main encore dans la sienne et de caresser ses doigts de son pouce.

– Bonne nuit, Sev...

– Et tu montes te coucher ! grogna Severus. Si je t'entends descendre au labo pour t'occuper de cette maudite potion avant huit heures du matin, je viens t'en déloger moi-même !

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ooOOoo

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– Tu t'es perdu ? gloussa Harry en voyant son mari s'encadrer dans la lumière qui entrait par la porte grande ouverte du laboratoire.

Lucius s'approcha lentement, restant à distance respectable des tables de travail, comme il le faisait toujours dans cette pièce. En passant, il jeta un œil circonspect et presque méfiant aux différents chaudrons sous stase ou qui bouillonnaient tranquillement sur les paillasses. Il venait rarement ici, les potions n'étaient pas son domaine de prédilection et il gardait toujours une réserve prudente face à tous ces mélanges potentiellement explosifs.

– Tu avais dit que tu en avais pour cinq minutes, reprocha doucement Lucius.

Harry laissa échapper une grimace gênée. Il était descendu après le dîner pour venir se chercher son champurrado aux cuisines et jeter un œil sur ses potions, et puis il avait baissé une température par ici, donné quelques tours de louche par là, rajouté un peu de sauge dans une autre version de sa préparation et puis de réflexions en ajustements délicats, le temps avait dû filer sans qu'il ne s'en rende compte.

– Tu remontes avec nous ? l'interrogea Lucius. Sev voulait mettre un film dans la salle de cinéma...

– Encore une histoire de vampire ? ricana Harry. Qu'il va passer son temps à critiquer parce que ça n'a rien à voir avec la réalité ?!

Lucius eut un sourire amusé avant d'avouer un peu plus sérieusement :

– Je crois qu'il a envie qu'on passe un peu de temps ensemble tous les trois...

– Oh, fit Harry en perdant également son sourire. Je vais venir... Installez-vous et laissez-moi cinq minutes et je suis là. Promis.

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En rangeant sommairement les quelques ustensiles qu'il avait abandonnés sur la paillasse, il songea à ce que Lucius venait de supposer, et qui rejoignait son propre sentiment. Depuis quelques jours, voire même semaines, Severus semblait plus demandeur de moments passés ensemble tous les trois, et de moments qui aient un peu plus de sens que d'être simplement là à les regarder dîner le soir ou chacun plongé dans un livre dans le Petit Salon... Au point qu'il acceptait systématiquement de sortir avec eux alors même qu'il allait rencontrer du monde, qu'il ne faisait pas tout à fait nuit ou bien qu'il allait forcément essuyer quelques critiques méfiantes sur sa condition de vampire. Il avait même évoqué parfois son envie de partir en voyage tout en sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas en profiter autant qu'eux...

Harry se doutait que quelque part au fond de lui, Severus aurait bien voulu qu'ils retrouvent une relation plus tendre, plus profonde tous les trois, mais il n'y avait pas que cela. La qualité du temps qu'il passait avec eux semblait devenue plus importante, presque essentielle, comme s'il cherchait à se rassasier avant qu'ils ne disparaissent... En tant que vampire, Severus avait toute l'éternité devant lui, mais eux restaient mortels et la conscience de cette réalité-là transparaissait parfois dans ses paroles comme une crainte fondamentale.

Au quotidien, Severus passait un peu de temps avec chacun d'eux, avec lui chaque jour pour la morsure, parfois même deux fois par jour; il passait aussi plus de moments seul à seul avec Lucius, mais les moments complices ou tendres passés à trois lui manquaient indéniablement. Discrètement, bien qu'avec la même conviction, Lucius abondait dans son sens, et Harry, lui, n'y trouvait rien à redire... Il ne voulait pas leur donner de faux espoirs, il ne voulait pas que cela franchisse certaines limites, mais il appréciait également ces moments apaisés avec les deux hommes de sa vie.

Aussi, dès qu'il eut mis toutes ses potions sous sortilège de stase, il remonta rapidement vers la salle de cinéma sans même passer par les cuisines.

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Là-haut, dans la pièce plongée dans la pénombre, ils s'étaient déjà installés dans le grand canapé qui faisait face à l'écran, Lucius dans un coin, les jambes croisées et légèrement tourné vers Severus qui occupait, lui, le centre du canapé. Ses jambes allongées loin devant lui, croisées au niveau des chevilles, royalement appuyé contre le dossier, le menton haut, il émanait de lui comme une supériorité confortable et satisfaite. Pourtant, il n'usait jamais de son charme ou de ses pouvoirs de vampire sur eux, mais cette attitude instinctive et si évidente faillit le faire rire et Harry se retint à grand peine. En réalité, ils étaient plus attendrissants qu'autre chose et ce fut avec un sourire amusé qu'il s'installa à la place qui lui était dévolue.

Un petit coup de coude lui échappa malgré tout, ainsi qu'un murmure moqueur :

– Ne prends pas tes grands airs, ça ne marche pas avec nous !

Severus se contenta de grogner et Lucius de ricaner.

– C'est bon, tu es prêt ? On peut lancer le film ?

– Qu'est-ce qu'on regarde ? fit Harry en avisant avec reconnaissance la tasse de champurrado posée sur la table basse.

– Breakfast at Tiffany's, répondit Lucius, et devant sa moue dubitative, il ironisa : Une vieillerie comme tu les aimes !

Rien qu'à voir les premières images du générique, le film avait au moins l'âge de Severus et Harry gloussa après coup au terme de « vieillerie ». Le reste de l'histoire était du même acabit : des images anciennes, un peu surannées, une histoire d'amour d'une autre époque mais agréable et douce.

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Peu à peu pendant le film, Harry vit Severus se détendre, quitter sa position austère, les bras croisés et l'air supérieur, pour une attitude plus simple. De temps à autre, le vampire échangeait quelques mots avec Lucius, le nom d'un autre film que les images leur évoquaient, un souvenir... Ils se souriaient, partageaient un regard, quelque chose d'une intensité particulière. La main de Severus se posa quelques instants sur la cuisse de son mari, tout en se penchant légèrement pour lui glisser un mot à l'oreille, ou peut-être était-ce un baiser, et puis cela devint un baiser, sous ses yeux, lourd de désir, « Je peux vous laisser si vous voulez ! », puis léger d'une complicité renouvelée, et puis tout un ensemble de petits gestes, d'effleurements, de façons de se toucher, fugaces, irréelles, aériennes...

Et puis quand Harry se pencha pour reposer sa tasse vide depuis longtemps, il trouva derrière ses épaules, sur le dossier du canapé, un bras. Le bras de son vampire, bientôt replié, dont les doigts venaient jouer dans ses cheveux, puis sur sa nuque, comme il le faisait avant. Un geste presque machinal, spontané, irréfléchi, une survivance du passé qui lui fit descendre un long frisson le long de la colonne vertébrale... Une certaine douceur qui lui donna presque l'envie de se lover contre son vampire mais leur proximité était réservée aux morsures et il ne pouvait pas y avoir de morsure en présence de Lucius...

Et pourtant... Il sentait la faim de son vampire devenir un élancement désagréable, et les doigts qui erraient sur sa peau dérivèrent doucement vers l'endroit de la morsure et Harry frissonna à nouveau.

– Tu attendras la fin du film, ricana-t-il dans un murmure.

– Je peux vous laisser, si vous voulez ! gloussa Lucius.

Et puis Severus se pencha brusquement, lui vola un baiser dans le cou et ses lèvres s'arrondirent sur sa carotide, aspirèrent violemment sa peau et la léchèrent pour récolter une ou deux gouttes de sang.

Son mouvement avait duré moins d'une seconde, un geste presque irréel, un simple courant d'air mais Harry plaqua brusquement la main sur son cou, réprimant mal un gémissement devant le plaisir fugace. Il ferma les yeux devant le vertige qui le prit et s'agrippa à la cuisse de son vampire avant de lui mettre une tape bien méritée lorsqu'il reprit ses esprits.

– Pardon, murmura Severus en se penchant, plus lentement cette fois, pour venir l'embrasser dans les cheveux, sur la tempe.

Harry grogna, partagé entre cette ivresse éphémère et le reproche latent, avant de se laisser aller un peu plus près de son vampire. La morsure lui tardait, cette espèce d'intimité envoûtante, et puis satisfaire sa faim lancinante... C'était parfois douloureux et désagréable de ne pas pouvoir laisser boire Severus en présence de Lucius, mais le tabou était encore trop présent dans son âme de calice. Sur la plage, Lucius s'était éloigné, et le moment s'y prêtait trop pour qu'il puisse résister bien longtemps, mais ici... Un jour, peut-être, il se sentirait plus libre...

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Le film s'acheva sur une scène digne de l'âge d'or du cinéma hollywoodien, des retrouvailles et un baiser sous la pluie, un happy end à l'américaine, tendre, sirupeux et peut-être un peu ridicule...

Blondie était d'humeur romantique, ce soir ? ironisa Harry en se penchant en avant pour apercevoir son mari.

– Tiens ta langue, chéri ! Ce n'est pas moi qui ai choisi le film ! gloussa Lucius en se levant dignement.

– Espèce de Poufsouffle ! murmura-t-il à l'adresse de son vampire.

– Je vous laisse régler vos comptes et faire votre petite affaire, reprit l'aristocrate avec un sourire amusé tout en éteignant les différents appareils d'un geste de baguette. Je serai dans le Petit Salon si vous voulez me rejoindre quand vous aurez fini...

– Tu ne montes pas te coucher ? fit Harry, surpris.

– Merci de me chasser comme un malpropre ! grinça Lucius d'une voix traînante. Ne t'en déplaise, j'ai envie d'un cognac...

Harry se leva d'un bond, attrapant le bras de son mari pour le retenir et glisser un baiser sur ses lèvres pour se faire pardonner. Quand Lucius l'attendait ainsi avant d'aller dormir, c'était souvent qu'il avait envie de profiter un peu de lui, et non pas de se coucher seul dans un grand lit froid comme cela lui arrivait trop souvent. Et vu qu'ils n'avaient rien fait ce matin hormis échanger quelques caresses chastes, il se doutait que son mari avait envie de lui d'une autre manière...

De toute façon, cela rejoignait ses propres désirs... Ce soir, il n'avait pas envie de s'attarder avec son vampire. L'humeur un peu trop en manque de romantisme de Severus le mettait mal-à-l'aise. Il n'était pas celui qui pouvait résoudre ces envies-là; il espérait juste que les deux hommes avaient pu profiter l'un de l'autre la veille au soir, pendant qu'il dînait chez Draco... Il ne pouvait pas leur offrir grand chose de plus.

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Lucius parti dans le couloir, Harry se rassit à côté de son vampire, presque soupirant de gêne et de résignation.

– Il n'est pas fâché, voulut le rassurer Severus. Il prend juste un malin plaisir à asticoter ta culpabilité.

– Je sais bien...

En réalité, il était plus ennuyé de se trouver là avec Severus que de la réaction de Lucius, et cela aussi l'agaçait profondément. Il ne voulait aucune gêne entre lui et son vampire; ils avaient éclairci leur situation et leurs attentes respectives, ils avaient posé des mots sur leur relation, il ne voulait pas retomber dans le doute et l'incertitude. Et pourtant, le choix du film de Severus lui faisait trop bien entrevoir tout ce qui n'existait plus entre eux.

– Tu veux aller dans la Bibliothèque ? proposa-t-il pour se sortir de ses pensées et couper court au silence.

– Non. Ici, ça ira très bien. Je n'en ai pas pour longtemps; Luce nous attend...

Harry se tourna à demi pour coller son dos contre l'épaule de son vampire tout en restant pensif et soucieux. Ça lui allait très bien que Severus ne veuille pas prolonger le moment de la morsure ce soir, mais c'était moche. La morsure était censée être un moment précieux et presque sacré et déjà, en rentrant de chez Draco hier soir, il avait eu l'esprit ailleurs, plus préoccupé de ses chaudrons que de cet instant privilégié avec son vampire. Et ce soir, après ce film trop romantique et mièvre, il avait juste envie de fuir les espoirs de Severus.

– Harry. Tout va bien, assura brusquement celui-ci. Ne me prête pas des intentions qui ne sont pas les miennes... J'avais juste envie d'un film qui ne soit pas mélodramatique et qui se termine bien et je ne me souvenais plus à quel point il pouvait être mièvre. N'y vois rien de personnel, ni aucun reflet de mon état d'esprit.

Harry se contenta de grogner tout en s'appuyant un peu plus franchement contre son vampire. Il n'était pas tout à fait convaincu par les belles paroles de Severus mais quelque part, il avait envie d'y croire... Et puis Severus détestait les étalages de bons sentiments et le manque de pudeur, il n'aurait pas fait ça sciemment.

D'un geste doux, le vampire l'avait pris contre lui et dégageait lentement son cou en écartant ses cheveux. Sans fioritures et sans chercher à jouer avec lui, Severus pencha la tête et posa ses lèvres sur sa peau, tranquillement. Et quand les canines du vampire percèrent son artère, Harry ne ressentit qu'un infime ressaut tout en délicatesse et une sensation moelleuse de satisfaction qui l'envahit.

Ce soir, il n'y avait pas d'orgasme, qu'il aurait trouvé presque sale, pas de sensualité exacerbée, pas de tension et de jeu entre eux... juste quelque chose de chaud et de douillet, comme boire un champurrado au coin du feu, s'emmitoufler dans un plaid sur un canapé et peut-être s'endormir confortablement... Il ne savait pas dans quelle mesure Severus pouvait modifier ce qu'il ressentait lors de la morsure, ou s'il ne s'agissait que d'un reflet de son propre état d'esprit, mais il lui sut gré de n'avoir pas cherché à l'exciter ou à le rendre fébrile.

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Quelques instants plus tard, ils rejoignirent Lucius dans le Petit Salon, qui faisait lentement tourner son cognac dans son verre, le regard absorbé par les flammes dansant dans la cheminée. À leur entrée, il leva vers eux des yeux gris presque inexpressifs qui se concentrèrent brusquement en apercevant le visage si particulier de Severus après la morsure.

Le vampire s'approcha d'ailleurs de lui, tandis que Harry s'asseyait dans un fauteuil, puis il se pencha pour l'embrasser de ses lèvres grenats, carmins, presque brunes, et qui fascinaient tellement l'aristocrate. Le baiser dura quelques secondes, et il ressemblait tellement à un échange du sang que Severus venait de boire que Harry trouva cela furieusement érotique. Puis le vampire se redressa avant d'aller s'asseoir à son tour.

Détournant son regard trop impudique, Harry remarqua enfin sur la table basse une assiette remplie de cochonneries à manger, et il remercia en silence la délicatesse de son mari et des elfes de maison. En plus d'avoir sommeil, il avait souvent faim après les morsures et ces petites choses sucrées avaient l'air délicieuses.

– Qu'est-ce que c'est ? fit-il intrigué en attrapant un petit chou recouvert de sucre glace.

– Les excuses de D'Alagnac pour mon retard d'hier soir, marmonna Severus.

Harry fronça les sourcils sans comprendre tout en enfournant le petit chou dans sa bouche avant d'écarquiller les yeux de plaisir.

– Mmmhh, c'est bon ! Mais qu'est-ce que tu foutais avec D'Alagnac ?! C'est pour ça que tu es rentré si tard ?

– Oui, concéda Severus du bout des lèvres. Je savais que tu m'attendais et que tu devais partir chez Draco, mais avec le décalage horaire, on n'a pas fait attention à l'heure. Du coup, il a fait envoyer quelques pâtisseries de sa région : des merveilles, des dunes blanches et des cannelés...

Piqué par la curiosité, Lucius attrapa à son tour un chou fourré de crème et le goûta bien plus dignement qu'il ne venait de le faire.

– Ça ne me dit pas ce que tu fichais avec D'Alagnac, fit remarquer Harry en picorant une autre pâtisserie.

– Peu importe. Entre vampires, nous avons toujours des choses à nous dire. Et puis il me doit un petit service...

– Pour m'avoir dragué le soir où on l'a rencontré à l'opéra ? gloussa-t-il.

– Entre autres, éluda Severus d'un geste de la main. Et cette dette-là n'est pas prête d'être réglée !

Lucius se permit un petit sourire ironique avant d'intervenir :

– La vengeance est un plat qui se mange froid, mais tout de même Severus... Il l'a fait sans arrière-pensées et il a été d'une correction irréprochable par la suite...

– Tu es de son côté uniquement parce qu'il t'a soudoyé à coup de caisses de champagne !

– Ce qui est, ma foi, une excellente raison, sourit Lucius avant de considérer la couleur ambrée de son verre. Il faudrait que je lui demande s'il n'a pas des terres viticoles dans la région de Cognac...

Severus leva les yeux au ciel tandis que Harry se laissait aller à rire doucement dans son coin. Les chamailleries de ses... « conjoints » l'amusaient toujours, même si lui était définitivement privé de ce plaisir particulier qu'était l'alcool. Cela ne lui manquait pas vraiment; à peine un peu quand il passait du temps avec ses amis... La veille au soir, il aurait bien porté un toast avec Draco, Alicia et Marcus à ces futurs matchs de quidditch, mais il savait que Severus l'attendait au Manoir...

– Au fait, se souvint-il en léchant ses doigts pleins de sucre glace. J'avais un truc à vous dire à propos du dîner d'hier...

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Appuyé de l'épaule contre le mur, Harry regardait pensivement par la fenêtre de la salle de bains. Sans même prêter attention à ses gestes machinaux, il se brossait les dents, fixé sur les jardins immobiles et la noirceur de la nuit. Un instant, il crut apercevoir une ombre bouger le long des massifs et il se demanda si Severus était sorti se promener à la faveur de l'obscurité... Mais il faisait un tel froid dehors ! Il en frissonnait déjà en étant simplement devant la fenêtre.

Baissant le regard, il aperçut sur le marbre de la terrasse l'auréole de lumière qui venait du Petit Salon. Dès qu'il en avait l'occasion, Severus appréciait les rideaux ouverts et la vue sur le jardin, savourant les rares moments où il pouvait en profiter. On était presque en hiver et la nuit tombait très tôt, mais Harry appréhendait déjà le printemps et l'été à venir où son vampire serait obligé de rester cloîtré la majeure partie du temps. Il supportait progressivement de plus en plus de lumière, mais ce n'était clairement pas une partie de plaisir.

Et plus il pensait à son vampire, plus il était incertain de la conversation qu'ils venaient d'avoir tous les trois dans le Petit Salon...

– Tu dors debout ? ricana Lucius en pénétrant dans la pièce.

Ils n'aimaient pas trop, d'habitude, partager cette intimité de la salle de bains, mais il avait dû traîner trop longtemps...

Harry grogna pour toute protestation et partit se rincer la bouche au-dessus de la vasque. Après avoir vérifié qu'il n'avait plus de traces disgracieuses de dentifrice sur le visage, il observa dans le reflet du miroir son mari se déshabiller avec la même préciosité qu'il mettait dans chacun de ses gestes.

Une fois sa veste de costume suspendue sur un cintre, Lucius retira son pantalon et ses chaussettes d'un même mouvement et les jeta négligemment dans le panier à disparaître dont l'autre « moitié » se trouvait chez les elfes de maison. Puis il entreprit de défaire un à un les boutons de sa chemise avant de s'apercevoir de son regard dans le miroir qui ne l'avait pas quitté.

– Qu'est-ce qu'il y a ? Tu as l'air plus soucieux qu'émerveillé par ce que tu vois !

Harry gloussa devant la réflexion vaniteuse de son amant; Lucius n'avait cherché qu'à le faire réagir et il y avait parfaitement bien réussi, mais c'était aussi une perche tendue pour parler de ce qui le chiffonnait.

– Pourquoi j'ai eu l'impression qu'il était presque contrarié de cette histoire ?

– Pour le match de quidditch et les entraînements ?

– Oui.

– Parce qu'il a peur que son précieux petit calice se fasse mal ? suggéra Lucius avec un sourire narquois. Ou bien que tu aies moins de temps à lui consacrer...

Harry fit une grimace, guère convaincu par les hypothèses de son mari. Severus n'avait pas protesté, ni émis de réserves sur le fond, mais il avait paru inquiet des modalités : qui serait présent, où et quand auraient lieu les entraînements et les matchs caritatifs, avec quelles mesures de sécurité, quelle couverture médiatique, quelles précautions... Autant de questions pour lesquelles Harry n'avait aucune réponse et qui ne l'intéressaient pas le moins du monde. Il laissait l'organisation de tout cela à Draco et Marcus; lui, tout ce qu'il voulait, c'était jouer et s'amuser. Et éventuellement récolter un peu d'argent pour une bonne œuvre.

– Pourtant il n'a rien dit quand je suis retourné travailler à Sainte-Mangouste...

Ce n'était que de temps en temps, tout au plus un ou deux jours par semaine, mais cela lui avait fait un bien fou de se sentir à nouveau utile. Cela faisait plus d'un an qu'il n'y était pas retourné, depuis sa captivité, les attentats et la transformation de Severus... il était temps qu'il remette le pied à l'étrier, et ça lui avait vraiment donné l'impression de tourner une page sur cette année de noirceur.

– C'est peut-être l'accumulation, supposa Lucius en venant se coller contre lui et l'enlacer.

Il était torse nu à présent et Harry sentait la chaleur de sa peau dans son dos, les bras glissés autour de sa taille. Le menton de Lucius reposait sur son épaule et dans le miroir, leurs deux visages côte à côte formaient un contraste saisissant de cheveux noirs et or, de peau blanche et dorée... Puis Lucius déposa un baiser sur son épaule, son regard rivé dans le sien, avant de se redresser et d'attraper une brosse à cheveux pour se coiffer.

– Allez, va au lit. Je me chargerai de le rassurer !

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oooooo

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Le lendemain était un dimanche, et comme chaque dimanche, ils traînèrent au lit, assouvissant dans les brumes du réveil le désir qu'ils n'avaient pas épuisé la veille au soir... Et comme chaque dimanche ou presque, Draco allait venir déjeuner avec Daphnée et les enfants, et avec un peu de chance, Blaise et Alicia viendraient prendre le thé de l'après-midi... Et peut-être même Charlie et Matthieu, qui n'étaient pas venus depuis un moment...

Un dimanche tranquille, avec un pâle soleil d'hiver qui faisait scintiller le givre dans les buissons et les parterres du jardin. Harry resta un moment près de la fenêtre à admirer cette atmosphère féerique, cette nature revêtue d'un voile blanc, figée par le froid et les gelées. C'était beau et calme. Apaisant. Et puis la fraîcheur le prit, un frisson et il s'empressa d'aller rejoindre son mari sous une douche brûlante.

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En bas, Severus était déjà dans le Petit Salon, les rideaux vaguement tirés et le sortilège de pénombre en place. Il semblait si concentré sur le journal qu'il lisait qu'il lui fallut quelques secondes pour réagir à leur présence dans l'escalier en colimaçon et relever la tête à leur approche. Il les accueillit avec le sourire et un rien d'ironie quand Harry vint se coller près du feu. Si longtemps qu'il avait abandonné son sortilège de chaleur permanent... si l'hiver s'annonçait rude, il devrait songer à l'utiliser à nouveau.

Dans son dos, Lucius s'était penché sur le vampire pour réclamer un baiser, l'imposer, si déterminé et exigeant que Harry entendit Severus protester d'un grognement. Et quand il se retourna, les yeux de son vampire rougeoyaient et sa main était venue saisir la nuque de l'aristocrate, glissant furtivement dans ses cheveux pour les enrouler autour de son poignet et l'obliger à incliner un peu plus la tête. Harry ne put s'empêcher de sourire, vaguement émoustillé malgré tout. La puissance de Severus et son aura de domination avaient toujours un côté exquis pour lui, presque... excitant.

– La nuit a été bonne ? grogna Severus en relâchant les cheveux d'or qui ruisselèrent dans sa main.

– Délicieuse, acquiesça Lucius avec un sourire à croquer.

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À demi allongé dans un des nombreux fauteuils de la pièce, Harry piquait du nez, assommé par le plantureux déjeuner qu'il venait d'avaler. Malgré le sortilège de pénombre sur les baies vitrées, la chaleur dans la véranda était agréable et le berçait délicieusement.

– Harry ?

– Oui, ma puce ? fit-il en levant la tête vers Minerva.

– Tu veux bien qu'on aille dans la forêt ?

De surprise, il haussa les sourcils et jeta un regard autour de lui pour s'assurer que personne n'avait à lui parler dans l'immédiat, puis il posa les mains sur les accoudoirs pour se lever.

Une fois franchie la porte de son « bureau », Minerva ne l'attendit même pas pour contourner les arbres et les lianes et se diriger vers la clairière. Quand il la rejoignit, elle était déjà assise en tailleur sur un tapis de coussins et un large sourire ornait son visage.

– Alors ? fit-il en s'asseyant à son tour. Tu voulais faire un peu de magie ou tu voulais encore me coincer dans une de ces conversations dont tu as le secret ?

Minerva prit l'air le plus innocent qu'elle put mais elle finit par glousser devant la taquinerie.

– Non. Promis ! Je voulais juste venir, j'aime bien être ici...

– Pourquoi ça ?

– Parce que... j'aime bien, répondit-elle sans parvenir à préciser sa pensée. J'aime bien sentir la magie de la forêt, ça me fait du bien.

Elle ferma les yeux et respira profondément, concentrée sur ses sensations comme si elle ressentait vraiment la magie. Harry en était plus qu'étonné. Était-il possible qu'il l'ait à ce point lié à sa propre magie qu'elle percevait celle de la forêt et de cet univers particulier qui les entourait ?... Minerva allait avoir onze ans dans quelques mois, l'âge de sa première majorité dans le monde magique et ses pouvoirs semblaient se développer encore un peu à l'approche de cet âge charnière, tout en étant assez instables. Peut-être que venir ici de temps en temps lui faisait effectivement du bien...

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– Sévie ne t'a pas mordu hier soir ? fit Minerva en levant la main.

Harry réussit sans trop de mal à éviter le sursaut réflexe pour s'éloigner des doigts qui approchaient de son cou. Avec le temps, il avait fini par s'y habituer; sans qu'il sache pourquoi, Scorpius et Aria étaient toujours très curieux de toucher cette partie de son corps. Mais s'il le tolérait des enfants – et de Lucius –, il ne laissait personne d'autre que Severus s'en approcher vraiment.

– Bien sûr que si, comme tous les soirs. Pourquoi cette question ?

– Tu n'as pas les marques, se justifia Minerva en retirant sa main. Vendredi soir, tu les avais, pourtant...

– Severus ne les laisse pas toujours, tu sais bien, gloussa-t-il. Seulement quand il a envie que les gens voient les traces de son passage...

– Il veut que tout le monde sache que tu es à lui, résuma-t-elle en ricanant. Il t'aime encore plus qu'avant...

Harry la considéra un instant, surpris de ces mots-là dans sa bouche à elle. Tant qu'ils donnaient cette image d'être unis et non pas de se fuir comme lors de son retour de Colibita, cela lui allait bien. Il ne voulait surtout pas que les enfants aient l'impression d'un conflit latent entre eux. Mais il était prêt à parier que ce que ressentait Minerva allait plus loin que ça.

– Je crois... je crois que Severus m'a toujours aimé, fit-il songeur. Mais aujourd'hui, ce qu'il y a entre lui et moi, comme il est un vampire et moi son calice, est plus profond que ça. C'est un lien magique, d'une créature à une autre, quelque chose d'indestructible et ça efface toutes les petites disputes qu'on pouvait avoir avant...

– Mais tu n'es pas une créature ! s'exclama Minerva.

– Quelque part, si, répondit-il en souriant. Mais ça n'a rien de honteux ou de méprisable... et ça n'a même pas beaucoup d'importance.

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La fillette se tut quelques instants, semblant digérer ses paroles, puis sortit sa baguette pour faire danser les lianes qui pendaient des arbres devant eux. Harry en profita pour retirer son pull; il était trop habillé pour la chaleur humide qui régnait ici.

– Draco te la laisse maintenant ? s'étonna-t-il.

– Oui. Il vérifie juste tous les soirs les sorts que j'ai lancés.

Harry sourit discrètement; la méthode était particulière mais efficace, et en contrepartie, Minerva devait apprécier cette liberté. Après tout, dans quelques mois, elle aurait sa baguette avec elle en permanence...

– Apprends-moi un nouveau sortilège ! fit-elle brusquement.

– C'est que tu en connais déjà beaucoup, Minerva ! gloussa-t-il. Laisse-toi quelque chose à découvrir pour la rentrée à Poudlard !

– Mais c'est dans longtemps ! protesta-t-elle.

– À peine dix mois... Tu vas voir que ça va passer très vite !

– Comment on fait un patronus ? insista-t-elle.

Harry ricana, à peu près certain qu'elle avait eu cette idée en tête depuis qu'elle l'avait traîné dans la forêt.

– Tu es curieuse de connaître sa forme ?

– … Oui, finit-elle par avouer après avoir rougi jusqu'aux oreilles.

– Très bien... Alors la formule, c'est Spero Patronum; le mouvement, c'est à peu près ça, montra-t-il, la main sur la sienne. Et surtout, surtout... tu dois puiser toute ta magie, toute ta conviction dans le souvenir le plus heureux qui soit. Un moment qui t'a rendu tellement heureuse que rien qu'en y pensant, tu ressens encore plein d'émotions...

Minerva hocha la tête, s'exerça quelques instants sur le mouvement de poignet puis ferma les yeux pour se focaliser sur un souvenir. Le sort était difficile, il demandait une grande concentration et une grande volonté, mais quelque chose lui disait qu'elle en était capable... et puis le fait d'être ici, dans la forêt, allait sûrement l'aider.

Elle se bagarra quelques minutes avec le sort et sa baguette sans rien obtenir, et Harry la sentit s'agacer rapidement.

– Doucement, fit-il en posant à nouveau sa main sur la sienne. Si tu t'énerves, c'est que tu ne ressens pas assez le bonheur de ton souvenir. Il faut vraiment que tu te coules dedans, que tu ressentes la joie, la satisfaction, l'émerveillement de ce moment, la fierté et l'amour, la tendresse et l'émotion qui fait pleurer de bonheur... Il faut que tu revives à nouveau toute cette chaleur qui enfle dans ton cœur...

Un sourire émergea lentement sur le visage de Minerva, son poignet s'assouplit et une forme argentée et ondoyante s'échappa de sa baguette. Elle était encore imprécise, trop brumeuse pour que Harry soit formel, mais il pinça les lèvres pour s'empêcher de sourire à ce qu'il devinait.

– Tu as compris ce qu'il fallait faire, murmura-t-il. Recommence. Aide-toi de la magie de la forêt autour de toi...

Un mince filet argenté se faufila à nouveau hors de la baguette de Minerva et elle ouvrit les yeux avec un regard rayonnant de fierté avant de les écarquiller de surprise.

– C'est...

– Oui. Et je crois que ça va faire immensément plaisir à ton père et tes deux grands-pères ! Sans oublier ton parrain ! gloussa Harry.

Le mince serpent gris et lumineux ondula quelques secondes dans les airs avant de se dissiper.

– Ça te convient ? fit doucement Harry. Tu t'attendais à quelque chose en particulier ?

– Non, je voulais juste savoir. Mais il est très mignon, non ? fit-elle avec un grand sourire.

– Oui, il est très mignon, confirma-t-il amusé. Mais tu sais, ce n'est pas forcément un signe de la maison à laquelle tu appartiendras à Poudlard... Draco, Sévie et Lucius te diront peut-être que c'est le cas, mais en réalité ils n'en savent rien !

– Je sais, gloussa Minerva. Je sais même pas si je vais leur dire. Je ne veux pas qu'ils soient déçus si je vais dans une autre maison après... Mais Papa va forcément le savoir, s'il regarde ma baguette ce soir !

– Il saura que tu as lancé le sort, la rassura Harry. Mais pas si tu y as réussi et encore moins quelle forme a pris ton Patronus... Et tu sais, ils ne seront jamais déçus de ce que la magie fait pour toi... Elle choisit toujours le meilleur et ils en seront toujours heureux. Tu n'as pas à t'inquiéter de les décevoir.

Minerva rangea brusquement sa baguette dans sa manche et le regarda droit dans les yeux.

– Mais tous les Malfoy ont toujours été à Serpentard...

– Et tous les Malfoy ont toujours épousé une sorcière issue de l'aristocratie dans un mariage d'intérêt... jusqu'à ton père, qui a épousé une femme qui n'était pas sorcière, juste parce qu'il l'aimait; jusqu'à ton grand-père qui s'est remarié avec Severus, alors qu'il est un homme, et qui m'a épousé ensuite... Tous les Malfoy ont toujours travaillé dans les affaires et dans la politique... jusqu'à ton père qui a préféré vivre de sa passion, et entraîner une équipe de quidditch; jusqu'à ton grand-père qui, même s'il a été deux fois Ministre, préfère aujourd'hui s'occuper de ses œuvres de charité et acheter des œuvres d'art pour ouvrir des musées et partager sa passion... Ils ont été les premiers à briser les traditions qui les enfermaient, Minerva... ils te laisseront tout aussi libre de choisir et d'être différente...

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Merci à tous de votre lecture et de votre fidélité!

On n'avait pas vu Minerva depuis longtemps, c'était juste un petit clin d'oeil! La semaine prochaine, Severus fera un aveu à son mari, puis ils partiront tous les trois faire un petit tour à Paris! ;)

Au plaisir

La vieille aux chats