Est-ce que j'ai craqué pour poster la suite avant le mois de juin ? Oui
Est-ce que je regrette ? On verra ça plus tard...

Passez une très belle lecture !

Réponse review :

katymyny: Merci beaucoup ton review ! J'espère que la suite de l'histoire continuera à t'intéresser ;) (Et oui, mon histoire n'est pas centrée sur la romance, par contre il y en aura bien à un moment donné.)


« Ils n'ont toujours pas livré ma cargaison de pimentine ! Rodrigue va m'entendre ! » râla Pomfresh de son bureau. « La rentrée se rapproche et je n'ai rien pour les rhumes. Ils ont intérêt à venir rapidement. »

À quelques jours de la rentrée scolaire, Madame Pomfresh s'occupait une dernière fois des fonds de son infirmerie. Le maintien de son lieu de travail était bien là chose qui importait autant que la santé de ses patients. Un parchemin qui regroupait tous les onguents et potions dont elle avait en main, elle vérifia toutes ses étagères avec une minutie militaire.

Non loin de là, Ophélia reposait dans un lit aux draps immaculés.

Elle venait de reprendre connaissance, se sentant incapable de bouger son corps. Ses membres étaient lourds et engourdis. Le drap qui la recouvrait paraissait faire le quintuple de son poids, lui donnant l'impression qu'elle ne pourrait plus jamais bouger.

Qu'est-ce qui m'arrive ? pensa-t-elle.

Son affolement enfla dans sa poitrine, montant comme d'immenses vagues prêtent à la submerger.

Un son roque s'éleva de sa gorge. Elle poussa sur ses cordes vocales pour qu'il s'amplifie, qu'il finisse par dépasser la commissure de ses lèvres.

Pompom sursauta en l'entendant si soudainement crier.

« Vous êtes réveillée ! » s'exclama l'infirmière.

Elle s'approcha vivement de son lit pour l'examiner. De fines larmes coulaient sur ses joues, Ophélia n'arrivait pas encore à ouvrir les yeux. Elle ne reconnaissait pas cette voix.

« Attendez, vous allez bientôt pouvoir bouger, soyez patiente. »

L'infirmière porta une fiole aux lèvres de la blessée, relevant sa tête pour l'aider à boire le contenu.

« Buvez, cela va vous aider. »

Un liquide âpre coula dans sa gorge. Ophélia eût envie de tout recracher, mais l'infirmière la maintenait en place avec une poigne de fer. La fiole fut totalement avalée jusqu'à la dernière goutte. Le goût infame de la potion lui donna un terrible haut le cœur.

Elle sentit qu'on lui plaça une bassine entre ses mains. Sans en demander son reste elle vomit dans la bassine. Pompom vint la soutenir en tenant bien les longs cheveux d'Ophélia en arrière et par des mots d'encouragement.

« Voilà ne vous retenez pas, je sais que ce n'est pas agréable, mais c'est une étape obligatoire. Cela va vite passer. »

Comme promis, sa nausée se calma rapidement. Le corps parsemé de tremblements, Ophélia observa étrangement l'infirmière. Ses souvenirs redevenaient enfin plus clair. Cette fois-ci elles n'étaient seulement que toutes les deux dans l'infirmerie.

« Comment vous sentez-vous ? Avez-vous des douleurs quelconques ? »

« Ma poitrine » dit-elle avec peine. « Elle me brûle. »

La peau de son torse était devenue un brasier dont le contact du tissu attisait les flammes. Ophélia voulu s'arracher la robe qu'on lui avait enfilé durant son sommeil et laisser respirer sa peau de cette entrave.

« Miss, calmez-vous, je vais appliquer un cataplasme. » l'intima l'infirmière en attrapant ses poignets. « Si vous vous agitez ainsi, vous pourriez vous faire mal, restez tranquille. »

« Vite ! Enlevez-moi ça ! » implora Ophélia dont les larmes redoublaient.

Pompom se chargea de la dévêtir et d'appliquer le cataplasme. L'infirmière n'était pas étonnée par une telle réaction sur la peau de sa patiente, c'était un des nombreux effets secondaires qui se produisaient suite au réveil du coma magique. Pour l'heure, elle pouvait gérer seule son état.

La sensation de brûlure finit par s'atténuer sous le massage de l'infirmière. Ophélia en soupira de soulagement et sécha ses larmes. Madame Pomfresh lui servit un verre d'eau qu'elle accepta avec empressement. Elle but de grandes gorgées d'eau avec avidité, sentant la fraicheur de l'eau calmer légèrement l'irritation de sa gorge.

« Merci. » finit-elle par dire pour briser le silence.

« Je vous en prie, je ne fais que mon travail. »

« Est-ce normal que je me sente encore si faible ? »

« J'ai dû vous plonger dans le coma pour que votre corps puisse supporter la douleur. Au réveil du patient il arrive que quelques désagréments se produisent, fort heureusement j'avais déjà de quoi prévenir. »

« Dans le coma ? Depuis combien de temps ai-je dormi ? » s'affola Ophélia en voulant se relever.

Madame Pomfresh l'anticipa en appuyant sur ses épaules pour la rallonger.

« Ne bougez pas ! Je vous interdis de sortir du lit tant que je n'aurais pas jugé que votre « état le permet. » lui ordonna l'infirmière. « Vous avez dormi durant six jours, vous n'auriez jamais dû vous lever la dernière fois. Sachez que vous avez eu beaucoup de chance vous en sortir. »

« Vous ne pouvez pas me garder ici ! »

« Oh que si je le peux ! » dit-elle en pointant son doigt vers elle pour appuyer ses propos. « Si je vous vois sur vous deux jambes je vous attache à votre lit, est-ce clair ? »

La gratitude qu'Ophélia avait pu ressentir pour cette dame s'envolait à mesure que leur conversation avançait.

« Je dois absolument retourner chez moi. »

« Si je vous laisse partir maintenant vous risquez de réveiller vos douleurs ou même de ressentir un potentiel effet secondaire qui arriverait en retard. Je vous assure que dès que je serais assurée de votre rétablissement, vous pourrez quitter mon infirmerie. »

Ophélia se remémora comment elle n'arrivait pas à tenir sur ses jambes à son réveil, de la souffrance qui émanait de chaque pore de son corps. Elle doutait qu'elle pourrait retourner jusqu'à chez-elle dans de telles conditions.

« Apportez-moi au moins un téléphone pour que je puisse essayer de contacter ma mère. »

« Un téléphone ? ...Oh, vous devez sûrement parler de ce moyen de communication moldu. Nous ne possédons pas d'un tel engin dans notre école. »

« Vous n'avez pas de téléphone ? Sérieusement ? »

« Pourquoi devrait-on en avoir ? Nous pouvons bien nous en passer avec nos-. » elle s'arrêta en entendant la porte s'ouvrir. « Monsieur le directeur ! Je vous avais dit que nous devions attendre avant qu'elle puisse recevoir de la visite. »

Dumbledore venait d'arriver avec une démarche posée dans l'infirmerie avec dans les bras un paquet garni de friandises. Pendant qu'elle s'était occupée d'Ophélia, Pompom avait envoyé un patronus prévenir de son réveil au directeur. Il n'avait pas perdu une minute pour s'y rendre.

« Oh Pompom, Miss Giaccoli mérite quelques douceurs pour se remettre de toute ceci. » fit-il en s'approchant d'elles. « Et puis je pense qu'elle ne pourra pas attendre plus longtemps pour reprendre notre discussion de la dernière fois. »

« Je vous préviens, Albus, si vous la poussez dans ses retranchements, je lâcherai tous les Lutins de Cornouailles d'Hagrid dans votre bureau. » menaça l'infirmière en repartant vers son inventaire.

Le directeur prit place sur la chaise près du lit et déposa son cadeau sur la table de chevet. Ophélia le regardait faire son petit manège du gentil visiteur.

« Elle ne prend pas à la légère la santé de ses patients. » souffla Dumbledore à l'attention d'Ophélia.

« Je ne l'aurais jamais deviné… »

« Je suis heureux de vous voir réveillée Miss. Madame Pomfresh vous remettra sur pieds en un rien de temps. »

« Et moi je serais heureuse de pouvoir enfin avoir des nouvelles de ma mère. » rebondit-elle avec hargne.

Il lui dédia un sourire, n'étant pas affecté par sa mauvaise humeur.

« Si j'en recevais, vous seriez la première mise au courant. Je vous l'assure. »

« Je ne vous fais pas confiance. » dit-elle en plantant son regard dans le sien.

« La confiance n'est pas une chose que nous donnons au premier venu. Il est normal que vous ne puissiez me faire confiance tant que je ne l'aurais pas fait avec des actes. Néanmoins, pour que je puisse vous le prouver, il faut que vous me donniez une chance. »

« Pourquoi ferais-je ça ? » dit-elle les sourcils relevés.

« Si vous souhaitez vraiment retrouver votre mère, vous aurez besoin d'alliés. Laissez-moi être le vôtre. »

Ophélia se redressa un peu plus dans le lit, ayant la terrible envie de tirer un grand coup sur la longue barbe du sorcier pour qu'il l'écoute.

« Vous me parlez d'alliés comme si j'étais dans une position de guerre. Tout ce dont j'ai besoin, c'est d'un fichu téléphone pour prévenir la police de mon agression et qu'ils partent immédiatement vérifier notre maison pour retrouver ma mère. Si vous êtes vraiment quelqu'un qui veut ma confiance, commencez par m'en apporter un au lieu de me laisser croupir dans votre infirmerie. »

« Je crains que même en répondant à votre requête, vous ne puissiez toujours pas les contacter. » répondit Dumbledore avec patience.

« Et puis-je savoir pourquoi ? Vous allez me dire qu'aucun réseau ne passe ici, comme par le plus grand des hasards. » fit-elle avec sarcasme.

« La réponse à cette question ne vous plaira guère. »

« Essayez toujours. » elle croisa ses bras, levant autant qu'elle le pouvait son menton pour se donner de la prestance.

Cette attitude enfantine ne pouvait qu'amuser le directeur. Il passa sa main dans sa poche et en sortit sa baguette. À sa vue, Ophélia se crispa et planta ses ongles dans ses avant-bras pour ne pas hurler de terreur. Elle eût beau faire tous les efforts du monde pour le cacher, sa peur apparaissait par toutes les fibres de son corps.

« Vous connaissez cet objet. Vous avez découvert son existence de la pire des manières. » débuta-il avec une attitude plus sérieuse. « Cependant, une baguette n'est pas synonyme de torture Miss Giaccoli, elle n'est qu'un catalyseur. »

« N'approchez pas cette chose de moi ! »

Ophélia affichait désormais un visage troublé par la crainte. Elle ne quittait plus la baguette des yeux, s'attendant déjà à recevoir un de ces étranges rayons douloureux. Dumbledore l'observa, puis décida de la poser sur le bord du lit.

« Vous rappelez-vous ce dont nous avons parlé à notre première rencontre ? »

Au lieu de répondre à sa question, elle se contenta de fixer la baguette, ses ongles toujours plantés dans sa peau.

Dumbledore se sentit désarçonné par cette vision qu'il avait d'elle. Cette peur qui habitait Ophélia lui rappela celle de sa propre sœur, à la suite de son agression par ces trois moldus. Comment avait-il agi avec Arianna déjà ? Ses souvenirs s'embrouillèrent avec ses propres questionnements sur ces actes passés. Il revint rapidement à la réalité, préférant laisser le passer où il devait être.

« Une baguette n'agit jamais seule, Miss Giaccoli. Tant que personne ne la touche, rien ne vous arrivera. »

Il posa une main rassurante sur son bras et finit par ranger la baguette hors du chan de vision d'Ophélia. Immédiatement son corps se détendit même si l'anxiété persistait.

« Sans sorcier une baguette est impuissante. Vous n'avez rien à craindre. »

« Baguette. Sorcier. » répéta bêtement Ophélia, ne semblant pas assimiler véritablement la signification de ces mots. Le sens de leur conversation commençait à la perdre, elle qui ne demandait qu'un téléphone, se retrouvait à écouter un vieil homme parler de magie.

« C'est ainsi que l'on nomme les personnes ayant des pouvoirs magiques. Malgré votre méconnaissance de notre monde, vous devez connaître cette appellation. »

« Écoutez-moi, Monsieur … » fit-elle avec lenteur pour s'assurer qu'il suive ses paroles. « Je ne vois pas où vous voulez en venir. Tout ce que je veux c'est contacter la police et partir d'ici, est-ce que vous me comprenez ? »

Ophélia, dont la patience était mise à rude épreuve, remarqua que ce vieil homme ne portait pas une grande importance à sa requête. Il avait l'air tellement ailleurs qu'elle se mit à se dire qu'elle discutait avec un fou. Le vieillard sénile aux idées farfelues était pour elle.

Sa frustration déborda.

« Qu'attendez-vous de moi au juste ? Vous voulez de l'argent c'est ça ? » éructa-t-elle

Dumbledore resta impassible un bon moment. Il l'avait observé avec une bienveillance dans le regard qui la dérouta. Sans rien rajouter il se leva de sa chaise et appela l'infirmière.

« Je pense que les Lutins de Cornouailles vont apprécier tout particulièrement ma collection de chapeaux. »

L'infirmière, en apprenant la poussée de fièvre de sa patiente, l'incendia d'en être la cause et lui ordonna de quitter sur le champs son infirmerie. Ophélia avait à peine remarqué la fièvre qui montait et colorait désormais ses joues de rouge.

En le voyant partir, elle s'exclama avec toute la force qui lui restait.

« Vous ne m'avez pas répondu ! »

Il s'arrêta près de la porte et daigna se retourner.

« Je n'attends, en vérité, pas grand-chose de vous Miss Giaccoli. Seulement que vous finissiez par accepter la réalité qui vous entoure. » répondit-il avec calme.

Dumbledore quitta la pièce mais repassa bien vite sa tête dans l'entrebâillement de la porte.

« Je vous conseille de commencer par les plumes en sucre, les goûtes des dragées surprises pourraient vous dérouter. »

Sur ce conseil, il disparut pour de bon, laissant derrière lui une Ophélia sur les nerfs.


Plongé dans ses livres de runes, assis devant son bureau, Rogue s'exerçait à traduire les runes trouvées sur le sol de la forêt. Après sa dernière discussion avec le directeur, le professeur avait décidé que plus vite il déchiffrait ces runes, plus vite il pourrait se débarrasser de la fille en la laissant aux bons soins de Minerva.

La tâche dans laquelle il s'était lancé n'était pas l'une des plus simples. Des dizaines de livres ouverts et des parchemins raturés envahissaient son bureau dont il n'apercevait presque plus le bois. Malgré les heures de recherches qu'il avait effectuées, il n'avait pas avancé d'un iota dans la traduction.

Ces runes n'apparaissaient dans aucun des ouvrages provenant de sa collection personnelle et de ceux de la bibliothèque. Devait-il maintenant passer à ceux de la réserve ?

Il se pinça l'arête du nez en voyant l'heure tardive.

Non, la réserve n'allait sûrement pas suffire à son problème. S'il voulait élucider ce mystère, il allait avoir besoin d'aide. Sa main attrapa rageusement de quoi écrire et fit un mot bref à l'attention de sa collègue. Le mot s'envola, prenant la direction du bureau de sa destinataire.

Il ne restait qu'un peu plus d'une pauvre semaine avant que la rentrée ne s'annonce. Bientôt les couloirs allaient pulluler d'élèves aux conversations mièvres et de leurs cerveaux plus proches de ceux de mollusques. Lui, qui devait surveiller à tout prix Drago, ne pourrait jamais se concentrer essentiellement sur ces runes qui se moquaient ouvertement de son incompétence.

Ce fut trois pauvres coups hésitants à sa porte qui sortirent Severus de ses pensées. Il alla ouvrir, sachant déjà qui se trouvait derrière.

« Bathsheda. » accueilli froidement Rogue en s'écartant assez pour la laisser rentrer.

La professeure de runes était une jeune et petite femme aux cheveux longs et d'une frange si mal coupée qu'elle lui cachait la moitié des yeux. Dû à sa mauvaise vision, elle portait des lunettes qu'elle remettait toujours correctement quand elle se sentait en proie au stress.

Atteinte d'une timidité presque maladive, la pauvre sorcière s'était sentie défaillir en tombant sur le mot du professeur Rogue. Il lui demandait expressément de venir le rejoindre dans son bureau, sans lui expliquer la raison de cette demande quelque peu…inattendue ?

Bathsheda Babbling puisa dans tout le courage dont elle pouvait faire preuve pour se rendre au point de rendez-vous. Le courage qu'elle avait emmagasiné jusqu'alors s'évapora en sentant le terrible regard du directeur des Serpentard s'attarder sur sa personne. Elle n'était en aucun cas une élève et pourtant elle venait de comprendre ce qu'ils pouvaient ressentir en la présence de la chauve-souris des cachots.

Elle rentra, le visage baissé au maximum.

Il ne prit pas la peine de la mettre à l'aise ou de lui proposer la moindre boisson. Sa présence dans son antre était seulement tolérée, non appréciée. Dos à elle, il commença à lui parler.

« Avant de débuter, j'aimerais m'assurer que nous soyons tous les deux sur la même longueur d'onde. » dit-il en d'une voix assurée avant de se retourner vers sa collègue.

La sorcière hocha plusieurs fois de la tête, n'osant toujours pas le regarder.

« Ce que je m'apprête à vous faire part est loin d'être quelque chose que vous pourrez partager durant vos séances de potins et autres frivolités exaspérantes dans le salon de thé de Pré-au-lard. » il s'était avancé près d'elle, le regard menaçant. « Il serait donc préférable que vous soyez au courant que je saurais me montrer, très, contrarié, s'il m'arrivait d'apprendre que vous avez, délibérément, choisi d'être bavarde sur un sujet qui se doit de rester dans ce bureau. »

La menace était claire. Si claire même que la professeure tremblait de tout son corps. Elle ne savait pas comment il pouvait être au courant de ses thé party chez Madame Pieddodu, mais le message était passé et bien gravé dans son esprit.

« Et cessez de trembler comme une première année, cela en devient pitoyable à voir. » se permit-il de rajouter avant d'aller chercher un bout de parchemin en particulier.

Il n'avait jamais vraiment porté grande attention à sa collègue qui se trouvait être son total opposé. En vérité, il exécrait les personnes comme elle. Timide, expressive, aucune confiance en elle, un bon mélange de pure faiblesse. Il se doutait que la briser psychologiquement devait être un jeu d'enfant, jeu qu'il n'allait point commercer malgré la facilité.

« J'ai besoin de vos connaissances en runes. Regardez ces runes et traduisez-les. » ordonna Rogue en la faisant s'assoir sur le canapé se trouvant non loin de son bureau.

Ses petites mains attrapèrent le bout de parchemin qu'il lui tendait. Sans un bruit, elle s'assit sur le canapé et porta son regard sur les runes. Tout d'abord, elle haussa un sourcil, puis le deuxième. Severus qui pensait que ça allait lui prendre un peu de temps, s'était détourné d'elle pour terminer les derniers préparatifs de ces futurs cours.

Bathsheda tenta plusieurs fois de parler mais sa voix restait coincée au fond de sa gorge. Quelque chose lui disait que ce qu'elle avait à lui dire allait rendre Rogue totalement hors de lui. Cependant, elle n'allait pas rester toute la nuit ici, à attendre qu'il veuille bien la laisser en paix, non ?

Elle remit plusieurs fois en place ses lunettes, prit de nombreuses et grandes respirations qui ne passaient pas inaperçues aux oreilles de la chauve-souris dont le mécontentement fut traduit par un reniflement dédaigneux.

Un minuscule toussotement finit par faire lever son regard onyx vers elle.

« Vous avez terminé ? »

Un bruit lui répondit à la place d'une vraie réponse. Terrorisée, la professeure de runes triturait ses cheveux et essayait tant bien que mal de lui répondre. Le piteux spectacle lui fit vite perdre patience. Le fait que cette sorcière puisse être professeure le dépassait.

« Répondez Bathsheda par Merlin ! » relança Rogue en haussant le ton.

« …N'existent…pas »

Les deux mots qu'elle venait péniblement de murmurer firent se lever en trombe Rogue de sa chaise. Il abattit ses longues mains sur les épaules de la sorcière qui paniqua immédiatement au contact.

« Répétez ce que vous venez de dire, répétez-le. »

« Vos runes…Elles n'existent pas. Enfin…Elles ne sont pas les runes qu'on utilise aujourd'hui…Peut-être qu'elles sont plus anciennes, si anciennes qu'elles ont été oubliées…Mais d'après ce que je vois elles ont certaines similitudes avec les nôtres…On pourrait presque penser qu'elles sont leurs ancêtres…Il me faudrait bien plus de temps…Sinon je ne peux rien faire pour vous, Severus. » déballa Bathsheda en lançant des regards entre le bout de parchemin et le beau rideau vert émeraude derrière Rogue.

Il la lâcha sans douceur, le visage stoïque à cette découverte. Des runes oubliées ? Il fallait que ça tombe encore sur lui. Dumbledore devait être au courant mais s'était abstenu de l'en informer, il en était persuadé.

« Vous seriez en mesure de les traduire ? » souffla Severus en revenant à son bureau.

Avant de lui répondre, elle remit en place une énième fois ses lunettes.

« C'est peut-être possible…Je ne peux pas vous l'assurer. »

« Combien de temps ? »

« Je ne sais pas… » avoua Bathsheda, totalement dépassée par sa demande.

« Faîtes ce que vous pouvez. Nous devons absolument savoir à quoi servent ces runes. » continua Severus en ne prenant pas la peine de la conduire jusqu'à la sortie. « Dès que vous aurez du nouveau, venez me le délivrer. »

Il ne releva pas son visage pour la congédier, son silence était assez éloquent. Elle ne se fit pas prier une seule seconde et s'enfuit le plus vite possible de ce bureau. La sorcière ne savait pas comment elle allait pouvoir répondre à ses attentes, mais pour le moment elle pensait tout d'abord à sa propre survie.

Quand elle fut loin de là, il s'autorisa un terrible grognement et froissa rageusement ses propres parchemins de traductions qui étaient tout bonnement inutiles. Des runes inconnues ou bien trop anciennes, l'inverse aurait été trop facile pour une histoire avec tant de parts d'ombres.

Assis dans son fauteuil, sa tête se laissa retomber en arrière, les yeux fermés. Plongé dans une brève noirceur, ses pensées divaguèrent jusqu'à une certaine réunion de mangemorts. L'air de la pièce pesant tel du plomb dans les poumons, les yeux fuyants des adeptes, les doloris de leur maître fusant à tout va.

Ces deux iris rouges le sondant.

Severus se redressa, fermant son esprit pour de nouveau se concentrer sur ses cours. Mais peine perdue, ses pensées proliféraient sans qu'il ne puisse les faire taire. Le parchemin, qui avait servi à recueillir les runes de la forêt, était resté sur le bord de son bureau, le narguant.

Son unique interaction avec Ophélia se rejouait inlassablement, le rendant d'autant plus aigre. Par sa simple présence, elle lui volait ce précieux temps.

D'un coup de baguette il se fit apparaître un verre et sa bouteille personnelle de Wiski Pur-Feu. Son verre se remplit et il prit une longue gorgée qui anesthésia sa gorge d'une coulée de chaleur. Un grognement de satisfaction s'échappa de ses lèvres.

Une nouvelle nuit blanche s'annonçait à l'horizon.


Ophélia avait le regard perdu sur le plafond de l'infirmerie, se demandant quand est-ce que l'infirmière comptait enfin baisser sa garde.

Trois jours étaient passés depuis son réveil. Trois jours qu'elle recevait des visites du vieil homme. Il n'avait plus abordé le sujet de la magie ou tout autre chose qui s'en approchait, se contentant de lui parler du beau temps et de poser des questions pour mieux la connaître. Ce soudain intérêt pour sa personne ne lui plaisait pas, au contraire, elle aurait préféré qu'il se contente de l'ignorer.

Le matin même elle s'était aperçue que ses douleurs avaient assez diminué pour qu'elle se sente capable de se lever. Au lieu d'en informer l'infirmière et de signer sa propre fin, elle garda son amélioration pour elle, se préparant déjà à fuir le moment venu.

Si la chance se décidait à lui sourire, elle se sera enfuie avant la tombée de la nuit.

« Vous avez meilleure mine Miss. »

Son visage se tourna vers Madame Pomfresh. Ophélia avait bien pris le temps d'observer la soigneuse et ses habitudes durant cette convalescence imposée. Elle n'avait pas l'impression que l'infirmière lui voudrait du mal, pas après tous les efforts et l'attention qu'elle avait porté à sa santé durant ces trois derniers jours.

« C'est grâce à vos soins. »

« Et aussi à votre calme. » la compléta Pompom. « Un corps agité ne peut se permettre de guérir sainement. »

Dans d'autres circonstances, Ophélia aurait apprécié ses légères remontrances d'infirmière et ressenti de la sympathie pour elle.

« Comment vous sentez-vous ? »

« Les douleurs commencent tout doucement à s'améliorer. » mentit-elle.

« Vous êtes sur la bonne voie, encore deux jours de lit et vous pourrez aller gambader comme un Veaudelune sous le clair de lune. »

Cela n'était pas la première fois qu'Ophélia entendait l'infirmière citer des animaux inconnus ou d'étranges mots, mais elle se contentait d'ignorer ces bizarreries dans l'espoir de gagner un minimum sa confiance. Il était fortement déconseillé de contredire un fou. Car oui, pour Ophélia, tous les habitants de ce château devaient être atteints de folie.

Tous, sans la moindre exception.

Madame Pomfresh s'approcha d'elle et inspecta le corps de sa patiente. Un sourire de satisfaction se forma sur ses lèvres, elle avait fait du bon travail.

« La fièvre est bien descendue. Les hématomes et la brûlure se sont résorbés sans la moindre complication » dicta-t-elle à voix haute. « Votre nez est comme neuf. Nous n'avons plus besoin d'essence de dictame pour vos plaies. »

Ce banal diagnostic aurait pu se dérouler comme tous les autres si l'infirmière n'avait pas oublié le conseil du directeur : N'utilisez pas votre baguette devant Miss Giaccoli. Madame Pomfresh s'était appliquée à écouter cette condition et gardait à distance sa baguette de sa patiente.

Seulement, sur un pauvre moment d'inattention, elle venait de la sortir, avec l'intention de faire venir une potion antidouleur.

En réalisant ce qu'elle tenait dans sa main, Ophélia perdit subitement son sang-froid, abandonnant sa comédie.

« Je vous interdis de pointer cette chose sur moi !» s'écria Ophélia bondissant du lit.

L'infirmière fut très étonnée par sa réaction et la facilité avec laquelle elle s'était levée. Elle n'avait jamais encore rencontré de sorcière terrorisée par la vision d'une baguette. Pomfresh se parât de son plus doux regard avant de relever sa baguette de manière plus douce.

« Vous n'avez pas à vous en faire Miss. J'avais juste besoin de ceci. » fit-elle en montrant la fiole qu'elle venait à peine de faire attirer. « Rallongez-vous et buvez. »

Ophélia resta debout, la foudroyant du regard.

« Miss Giaccoli. » soupira l'infirmière. « Remettez-vous au lit. »

L'ordre plana dans la pièce, mais Ophélia continua à l'ignorer. À la vue de la baguette, son corps avait pris les commandes, se préparant déjà au pire.

Ennuyée par ce comportement, l'infirmière approcha, avec l'idée de l'obliger à se reposer. Elle tendit la potion calmante, s'attendant à ce qu'elle la prenne sans rechigner comme toutes les autres fois. Elle ne fut pas prête à recevoir un violent coup sur le bras, qui la fit lâcher brusquement la fiole qui s'éclata sur le sol. Un laissa échapper un petit cri de surprise sous le choc et observa de manière incrédule le calmant se rependre sur le marbre blanc de son infirmerie.

« Mais enfin… » fit rageusement madame Pomfresh en ne voyant que le gâchis.

Madame Pomfresh voulut attraper son poignet alors qu'Ophélia se recula, les épaules tremblantes.

« Ne m'approchez pas ! Reculez ! »

« Vous rendez-vous compte que cette fiole était toute neuve ? » pesta-t-elle tout en faisant disparaitre la potion d'un Récurvite.

Le liquide venait de s'envoler sous les yeux d'Ophélia. Volatilisé.

Elle cligna plusieurs fois ses paupières pour être sûre de ne pas avoir rêvé. Elle pointa du doigt l'emplacement de l'ancien liquide et essaya tant bien que mal d'articuler des mots. Sa propre voix se bloqua dans sa gorge par l'effet de la surprise.

Pompom mit de côté son mécontentement pour se reconcentrer sur sa patiente. D'un coup d'œil, elle remarqua que la respiration d'Ophélia s'était accélérée, si elle continuait dans cette direction c'était la crise de panique assurée. Elle souffla brièvement pour se donner constance, mettant rapidement ce changement d'attitude sur le contre-coup de l'agression.

« Mon enfant, je me doute que ce que vous avez vécu n'est pas simple…Mais il ne faut pas vous laisser aller, vous n'avez plus rien à craindre en étant au sein de ce château. »

Le réconfort qu'elle recherchait ne se trouvait pas dans ces mots. C'en était même tout le contraire. Ce château n'était rien d'autre que sa prison, dont les geôliers l'empêchaient de prendre contact avec le monde extérieur. En aucun cas elle ne l'avait perçu comme un refuge.

Ophélia n'arrivait pas à décoller son regard de l'endroit où se trouvait la flaque quelques secondes auparavant. Maintenant qu'elle s'attardait dessus, elle ne trouva aucuns restes de flacons sur le sol, ils avaient tous disparus en même temps.

Qu'avait-elle ingéré depuis tout ce temps pour avoir de telles hallucinations ? Elle aurait pu avaler n'importe quelle drogue sans même s'en apercevoir, tout ça pour ne pas éveiller la colère de ceux qui la retenaient captive. L'idée qu'elle puisse sous l'emprise de diverses substances la terrifia, la faisant subitement pâlir.

La paranoïa n'avait plus qu'à admirer son travail.

« Miss ? Qu'avez-vous ? »

Ophélia n'écoutait plus ce que pouvait bien lui dire l'infirmière, son esprit était concentré sur sa propre bêtise, se maudissant pour ne pas avoir rejeté la moindre des mixtures qu'elle avait bues. Tout ça pour éviter de souffrir, tout ça dans l'espoir de leur faire baisser leur garde.

Elle sentait les battements de son cœur accélérer à mesure que la terreur montait.

Pourquoi voudraient-ils me droguer ? pensa-t-elle. Que va-t-il m'arriver ?

L'adrénaline se déversa dans ses veines, son instinct savait parfaitement ce qu'il fallait faire. Sans prévenir, elle se mit à courir vers la sortie.

« Enfin, mais où allez-vous ?! » héla Pompom du fond de l'infirmerie.

Son appel lui fit redoubler l'allure. Arrivée aux portes elle ne rencontra aucun problème à les ouvrir, la force qui l'habitait ne pouvait que la faire réussir dans l'instant présent. Madame Pomfresh avait à peine eu l'idée de la suivre, qu'Ophélia avait déjà disparu de son champ de vision. C'était bien la première fois qu'elle voyait un de ses patients détaler comme un lapin.

Dans sa fuite, Ophélia n'entendait plus que le son de ses pieds nus sur le sol, la plante des pieds claquant contre le marbre. La course affolée d'Ophélia la mena rapidement à un problème évident : Où était la sortie ? Après quelques instants, cachée derrière un recoin, elle attendit patiemment de voir si l'infirmière s'était mise à sa poursuite. Elle eût beau faire preuve de patience, elle ne vit personne passer dans les couloirs.

Ce fut avec tout le courage qu'elle possédait qu'elle sortit de sa cachette, reprenant sa quête de sortie.

Bien que l'impatience de quitter les lieux envahissait ses pensées, elle avait mis de côté la course pour conserver son énergie. Si elle continuait à courir ainsi, sans même savoir où aller, ses jambes finiraient par la lâcher.

Les nombreux couloirs qu'elle traversa se ressemblaient beaucoup trop pour qu'elle puisse tenter un quelconque repérage de l'école. Elle finit par trouver, au bout d'un temps interminable, une paire d'escaliers. À chaque marche qu'elle descendait, Ophélia se demandait si cette fuite inespérée allait porter ses fruits, ou au contraire, signer sa propre fin. Arrivée dans une autre partie du château, elle déambula dans des couloirs dont les murs étaient recouverts de divers tableaux.

Du coin de l'œil, elle percevait des mouvements au sein même des peintures. Au fil de son avancée, Ophélia entendit des murmures sur son passage. Elle tenta de son mieux de ne pas donner de l'importance à ses illusions, persuadée qu'elle ressentait encore les effets d'une supposée drogue. L'un des personnages venant des peintures, en l'apercevant, haussa vivement les sourcils puis se leva de son fauteuil pour disparaître derrière un rideau.

L'impression de mouvement avait laissé sa place à une vraie sensation d'être observée et les murmures se mirent à redoubler. Elle plaqua ses mains contre ses oreilles et baissa les yeux vers ses pieds pour pouvoir continuer à avancer.

« Tout est dans ma tête. » se répéta-t-elle de la voix la plus forte qu'elle avait en stock.

Ophélia, dont la fatigue commençait par se faire ressentir, finit par relever les yeux du sol. À ce même moment, son regard croisa une paire de chaussures, le cuir de celles-ci était usé et tâché.

Son cœur manqua un battement en prenant conscience de ce que ça voulait signifier : quelqu'un venait de la trouver.

L'heureux élu était un homme aux cheveux longs, abimés et brillants de sueur. Son visage ne dégageait aucune gentillesse, seulement une aigreur à faire pâlir les plus grincheux. Affublé d'un costume qui donnait l'air d'avoir été roulé dans la poussière, l'homme était doté d'une odeur assez acre qui fit retrousser le nez d'Ophélia.

L'étrange inconnu, qui portait un chat dans ses bras, l'apostropha.

« Qui êtes-vous pour vous promener ainsi dans le château ? » demanda le vieux concierge, dévoilant ses dents jaunâtres dans un sourire des plus affreux.

Elle se retourna vivement, déjà prête à fuir de nouveau.

« Pas si vite ! » ordonna le concierge en mettant sa main sur l'épaule d'Ophélia.

Rusard n'aurait pu soupçonner une seule seconde l'état de stress qui animait la pauvre jeune femme. En se sentant attrapée, elle poussa un terrible cri et son corps fit tout ce qu'il put pour repousser l'homme. Surpris par tant d'agitation, il desserra sa prise sur son épaule. Elle en profita pour se libérer et s'éloigna au plus vite.

Animée par l'urgence et le danger, Ophélia repéra une autre paire d'escaliers et s'y jeta dans un élan de désespoir. Elle sentit une nouvelle prise sur son bras, bien plus forte que la précédente. Prise de panique, elle ne se stoppa pas et continua à s'élancer vers les escaliers malgré la présence de Rusard dans son dos. Tous les deux finirent par être attirés dans les escaliers, perdant chacun l'équilibre.

Ils les dévalèrent sans aucun moyen de s'arrêter. Ce ne fut qu'à la fin des escaliers que leur chute prit fin.

Ophélia ressentit une vive douleur au niveau de sa tête. Elle toucha l'arrière de sa tête et vit un peu de sang sur ses doigts. La vue du sang l'affola mais le temps pressait, elle devait se relever. Derrière elle, le concierge tenait fermement son poignet contre lui, l'insultant d'être une dégénérée.

« C'est de votre faute. » fit-elle excédée.

Elle parvint à se mettre debout en s'aidant du mur. Sa tête l'élançait d'autant plus en étant sur ses jambes. Elle sentit une main s'accrocher à sa cheville, le concierge, même blessé, n'était pas prêt à la laisser partir tranquillement.

« Lâchez-moi ! »

« Vous n'irez nulle part. Je vais m'assurer que vous ayez de gros ennuis ! » dit Rusard en tenant fermement sa cheville de sa main valide.

Ophélia lui lança un dernier regard de dégoût avant d'écraser sans peine sa main avec son pied. Les doigts meurtris s'ouvrirent automatiquement, il poussa un cri de douleur en ramenant sa main contre lui.

Enfin libérée, elle repartit de plus belle pour instaurer davantage de distance entre eux tandis que Rusard hurlait à plein poumons que quelqu'un s'échappait du château. Ses minces espoirs de sortir de là s'amenuisaient à chaque beuglement du concierge.

L'élancement s'était transformé en un désagréable mal de crâne, se traduisant par un martèlement permanent contre ses tempes. Ses doigts, qui massaient les zones douloureuses quand elle ralentissait, tentaient désespérément de calmer la douleur. À cause de son état, son esprit n'arrivait plus à être totalement lucide. La vision d'Ophélia se brouillait à mesure qu'elle forçait.

Elle finit par s'arrêter contre un mur, le temps que l'effet s'atténue. Pendant qu'elle se reposait, elle constata qu'elle s'était appuyée non loin d'un miroir. En ayant repris assez de force, Ophélia se pencha vers ledit miroir et regarda son reflet.

Au début, elle ne vit qu'un amas légèrement flou. Elle se rapprocha autant qu'elle le put, plissant les yeux. Sa vision termina par s'éclaircir à mesure qu'elle se concentrait.

Son visage possédait de si légers stigmates qu'elle aurait pu douter de sa propre agression. La blancheur de sa peau faisait ressortir les rares coupures parsemant ses joues, faites durant sa course dans la forêt. Mise à part ça, il n'y avait rien d'alarmant dans ce qu'elle voyait. Mais au lieu de se détourner du miroir et reprendre sa fuite, une pensée soudaine lui revint. Elle plaça son attention sur son nez, le touchant en tous sens, recherchant une quelconque anomalie.

Il était parfait. Sans aucune rougeur ni bosse.

Cette constatation la dérouta.

Elle se souvenait de la brutalité avec laquelle son agresseur lui avait cassé, du son de l'os se brisant, du sang s'écoulant de ses narines, de la vive douleur irradiant son visage. Malgré tous ses souvenirs, rien ne laissait paraître qu'il avait pu être blessé.

As-tu rêvé ?

Non ! Elle n'avait pas rêvé cette agression, ses souvenirs la persuadaient du contraire. Pourtant, comment expliquer cette guérison si rapide ? Comment pourrait-elle même expliquer ce qu'elle venait de voir dans l'infirmerie ou encore dans la forêt…

« C'est ridicule. » murmura-t-elle en s'éloignant du miroir.

Rêves ou cauchemars, Ophélia ne savait quoi penser sur les derniers événements qu'elle vivait. Au lieu d'essayer de trouver des explications à toute cette histoire, elle préféra s'enfermer dans un déni dérisoire et s'éloigner de toutes ces choses incompréhensibles.

Ses douleurs avaient fini par s'atténuer quand elle s'approcha d'un énième passage, priant qu'il puisse l'emmener vers une quelconque sortie. Le passage qu'elle venait d'emprunter débouchait sur une sorte de gigantesque hall dont les murs regroupaient encore de nombreux tableaux. Elle posa une main sur la balustrade en pierre et s'y pencha.

La hauteur à laquelle elle était la fit reculer.

En-dessous d'elle, d'innombrables escaliers s'étalaient, certains se mouvant de plateforme en plateforme. Elle dut les fixer à plusieurs reprises pour qu'elle puisse cautionner ce qu'elle avait sous les yeux. Ignorant l'étrangeté de sa découverte, elle aperçut au plus bas le coin d'une grande porte en bois. Si ça ce n'était pas une porte d'entrée de château, elle ne savait pas où elle pouvait la trouver.

En plein milieu de sa descente, l'escalier sur lequel elle était se mit à bouger soudainement, choisissant une autre direction. Surprise par le mouvement de l'escalier, son pied glissa sur la marche et elle se sentit glisser. Ophélia cria et s'accrocha de toutes ses forces à l'un des poteaux de la rampe. L'un de ses pieds se perdit dans le vide. Affolée, elle tira sur ses bras jusqu'à ce qu'elle ressente la marche sous son talon.

En quelques secondes, elle se retrouva exténuée, allongée dans les escaliers, les fesses douloureuses et le front luisant de transpiration. Un soupir de dépit s'échappa de sa bouche.

« Il faut que je tombe combien de fois encore pour sortir d'ici ? » râla-t-elle.

De nouveau debout, elle fit bien attention là où elle mettait ses pieds et au changement de direction des escaliers. Après quelques bifurcations imposées, elle put enfin atteindre la porte tant convoitée. Elle plaçant sa main sur l'immense porte en bois, un sentiment de victoire gonfla dans sa poitrine.

Sans vraiment y croire, Ophélia se retrouva dehors. Le soleil d'été l'accueillit en lançant ses doux rayons contre sa peau. Aveuglée par tant de lumière, elle porta une main vers son front et abrita ses yeux. Devant-elle, une cour extérieure dans un mauvais état l'attendait. Les arcs du cloître étaient recouverts de plantes grimpantes et leurs piliers souvent détruits. Un édifice, dont la moitié manquait, se trouvait au centre de la cour et cachait en son sein une marre.

Bien plus loin, au-delà de la cour extérieure, elle aperçut le début d'un pont couvert. La liberté lui tendait les bras.

La plante de ses pieds, à même la pierre du sol, lui brûlait. Elle traversa la cour tout en sautillant d'un pied sur l'autre, atteignant rapidement un coin d'ombre. Face au pont, Ophélia se préparait déjà mentalement à marcher un long moment.

« Je devrais vous féliciter, vous avez pris moins de temps que je ne pensais pour trouver la sortie. »

Ophélia se figea. Cette voix, elle la connaissait.

Assis sur le rebord d'un arc en pierre, Dumbledore nourrissait des oiseaux avec un petit sachet de graines. Il portait une longue robe verte qui se confondait avec le vert de la forêt se tenant en arrière-plan. Des arabesques et des étoiles dorées parsemaient le tissu du vêtement.

Il la gratifia d'un doux sourire.

« Je suis heureux de vous voir debout, Miss Giaccoli. »

« Vous comptez m'arrêter ? Je n'hésiterais pas, même si vous êtes âgé. » dit-elle en reculant vers le pont.

« Vous arrêtez ? Si cela était mon intention, vous n'auriez pas passé les portes de l'infirmerie. » fit-il, un rire dans la voix. « Non, Miss Giaccoli, je suis là pour autre chose. Avant de vous laisser vous enfuir, j'aimerais que vous lisiez ceci. »

Le directeur sortit une lettre de sa poche et la tendit dans sa direction.

« Je n'en ai rien à faire de votre lettre. »

Ophélia s'était déjà avancée sur le pont, ne daignant pas accorder un peu plus de son temps à ce vieux fou.

« En êtes-vous sûre ? » fit Dumbledore derrière-elle. « Cette lettre vient d'Irina. »

Au nom de sa mère, Ophélia se stoppa.

Qu'est-ce qui pouvait bien la retenir dans cette déclaration ? Elle, qui venait de se démener pour sortir de ce château, s'arrêtait juste en face de la liberté. Ophélia ne comprenait pas la raison pour laquelle elle s'était arrêtée. Pourtant, au fond d'elle, un pressentiment l'intimait de ne pas prendre la fuite.

Elle l'entendit s'approcher d'une lente démarche. Quand il fut assez proche, Dumbledore se mit sagement sur le côté. Le regard de la jeune s'accrocha instinctivement à la lettre qu'il continuait à lui tendre.

« Pourquoi voudrais-je la lire ? » demanda-t-elle, déconcertée par son propre comportement.

« Tout d'abord, car elle parle principalement de vous. » il fit une pause dans sa réponse pour mieux planter son regard dans le sien. « Mais aussi d'une chose que votre vous a toujours cachée. »

Ophélia lorgnait la lettre, envahie par un terrible doute. Ce n'était qu'une lettre, une simple lettre. Elle l'attrapa soudainement, se laissant dévorer par la curiosité et le pressentiment qui l'avait poussé à attendre.