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SUITE DU CHAPITRE 1
Le garçon est malade pendant des jours, et frissonne et pleure dans la fourrure du loup. Le loup s'enroule autour de lui pour le garder au chaud, et lèche ses larmes.
La Mort desserre son emprise sur eux deux.
Deux nuits s'écoulent avant que le garçon ne se remette sur ses pieds, les jambes tremblantes comme celles d'un bébé cerf. Il s'appuie longuement contre le mur de la ruelle, son souffle expirant de la brume dans l'air froid du matin.
Puis, quand il a enfin repris son souffle, il tourne la tête, regarde le loup et s'exclame : « Holy shit. »
Le loup penche la tête et fixe le garçon, les oreilles dressées.
C'est peut-être la seule chose que son garçon peut dire ?
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Le garçon du loup est intelligent. Ses yeux ont la couleur de la sève des arbres qui s'est durcie en résine. Ils clignotent presque en or Bêta, si les lumières des voitures passantes les frappent juste au bon endroit.
Le garçon fait de courts trajets de la ruelle au restaurant. Il paie parfois un dollar pour une tasse de café bon marché, juste pour utiliser leurs toilettes et s'imprégner de quelques minutes de chaleur à l'intérieur, avant que le personnel ne le chasse à nouveau. Puis il s'assied à nouveau avec le loup, et ils surveillent tous les deux les poubelles, pour voir quand les petites mains de la cuisine videront le sac le plus récent.
Parfois, c'est une course entre le garçon et le loup contre les rats. Le garçon grimace quand le loup capture les rats et les mange, et il ne prend pas les rats que le loup lui laisse.
Dans les bois, il devra apprendre à manger des proies fraîches. Les écureuils, pense le loup, pourraient être plus agréables au goût pour lui, bien qu'ils aient sensiblement le même goût.
Le garçon n'aime pas quitter la ruelle pendant la journée. Son rythme cardiaque s'accélère alors, et il tire anxieusement les ficelles de son sweat à capuche rouge élimé.
« Reste. » dit-il au loup. « Reste. »
Le loup regarde depuis l'entrée de la ruelle.
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Le garçon a un sourire nerveux quand il demande de l'argent aux gens. Il a perdu son portefeuille... Il a besoin d'un ticket de bus pour rentrer à la maison, ou d'un quarter(*) pour appeler ses parents, et oh, wahou, merci, merci, tu me sauves la vie, vraiment !
[(*) NDT : Un quarter est une pièce de monnaie de 25 cents, un quart de dollar.]
Il a un charme bizarre et maladroit, qui disparaît au moment où il se détourne des gens à nouveau.
Le garçon fait des cauchemars la nuit. Il sursaute et se convulse, et il enfonce ses doigts fins dans la peau du loup. Le loup lèche ses larmes, et gémit quand le garçon crie. Parfois, le cœur du garçon bat si vite que le loup pense qu'il pourrait exploser dans sa poitrine. Ce sont les nuits où le garçon se réveille en haletant, les yeux roulant dans son crâne, en criant un nom.
Dad. [Papa]
Et parfois : Daddy. [Papa, mais appelé par un petit enfant]
Dans ses rêves, pense le loup, il est un garçon beaucoup plus jeune.
Et le loup gémit et pose sa lourde tête sur l'épaule du garçon, et il essaie de lui dire sans mots qu'ils sont "Meutes", maintenant. Ils sont "Meutes".
Ils sont "Meutes", et ils ont maintenant une longueur d'avance sur la Mort.
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Le garçon du loup ne semble pas voir la Mort, mais la Mort voit le garçon. La Mort, pense le loup, l'a déjà marqué. Il doit faire sortir son garçon de la ville, de la ruelle, et l'emmener dans les bois.
Mais quelque chose lie le garçon à ici. Il y a un regard dans ses yeux ambrés, une façon obstinée de serrer la mâchoire. Le garçon a un couteau-papillon(*). Il le garde dans la poche arrière de son jean trop fin. Il le sort et l'ouvre parfois, ses doigts adroits le manipulant avec une grande habitude.
[(*) NDT : Le couteau-papillon, ou Balisong en dialecte tagalog (signifiant "couteau pliable"), ou Butterfly Knife en anglais, est l'un des noms du couteau-papillon inventé par un soldat-armurier philippin, pendant la colonisation espagnole. (Wikipedia)]
Le garçon porte quelque chose de sombre dans son cœur, et le loup peut le voir clairement quand le regard du garçon est fixé sur la lame du couteau. Son regard est un regard de prédateur dans ces moments-là, et le loup retrousse sa lèvre pour montrer ses crocs, et il gratte ses griffes sur le béton.
Le loup est aussi un prédateur.
Il ne peut pas être sûr de la proie que cherche son garçon, mais le loup l'aidera à la chasser. Ensuite ils iront dans les bois, et ne reviendront plus jamais ici.
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Le restaurant est ouvert tout au long du jour et de la nuit. La nuit, il y a des ivrognes autour. Ils viennent du club à quelques pâtés de maisons de là, pour manger des hamburgers gras et ensuite être malades dans la rue.
Parfois, le garçon s'approche de certains clients lorsqu'ils entrent ou sortent du restaurant, avant que le personnel ne le chasse. La nuit, il n'a pas besoin d'histoire de couverture.
« Sans-abri. » dit-il en tendant la main. « Vous pouvez m'aider ? »
Soit les ivrognes lui disent d'aller se faire foutre, soit ils sont généreux avec leur petite monnaie.
La nuit, les flics viennent aussi au restaurant. Les Adjoints du Shérif mangent à des heures indues, leurs voitures garées sur le parking à l'avant.
Le garçon ne s'approche pas d'eux. Il reste dans l'ombre, et regarde avec des yeux rétrécis l'entrée du restaurant.
Un soir, il prend son couteau-papillon et se glisse dans le parking. Le loup l'observe pendant qu'il enfonce la lame du couteau à travers la peinture sur le côté du Cruiser, à travers le bouclier ornemental et les mots DÉPARTEMENT DU SHÉRIF DE BEACON COUNTY.
Le crissement de la lame sur le métal fait que le loup aplatit ses oreilles contre son crâne.
« Salopards. » dit le garçon en crachant par terre. Le loup peut goûter sa colère, sa haine. « Salopards. »
Le loup et son garçon regardent dans l'ombre, quand l'Adjoint abasourdi sort de son repas et découvre les dégâts. Il est jeune, avec un visage de jeune garçon. Il appelle le dispatcheur [répartiteur des équipes d'Adjoints], sa radio crépite.
« Parrish à dispatcheur. » appelle-t-il. Puis, en attendant la réponse, il secoue la tête et soupire. « Oh, bordel... »
Cette nuit-là, le garçon du loup a encore plus de cauchemars.
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Le loup n'aime pas la ville. Il n'aime pas la façon dont la Mort les regarde.
Il veut emmener le garçon. Il veut leur faire une tanière dans les bois. Il veut montrer à son garçon comment chasser des proies fraîches, et à quel point l'eau froide a un goût sucré quand elle provient directement des ruisseaux qu'il connaît. Il veut dormir sans le hurlement des sirènes ou le crissement des freins. Il veut lever le nez et sentir le printemps, quand il arrive.
Mais surtout, il n'aime pas la ville parce qu'il sait que, quoi que le garçon veuille de cet endroit, cela lui fera du mal. Cela laissera la Mort l'aspirer.
Quoi que soit ce qu'il veut, le garçon en est tellement obsédé qu'il est insensible aux autres dangers.
« Nous avons besoin d'argent. » dit le garçon en ouvrant et en refermant son couteau-papillon. « J'ai besoin d'acheter un flingue. »
Le loup recule ses oreilles en signe de désapprobation.
La Mort s'approche un peu plus.
Le loup referme ses mâchoires autour du poignet fin du garçon, et le garçon se libère à nouveau.
« Nous avons besoin d'argent. » dit-il, et il rampe hors de leur abri en carton et se lève.
La nuit est froide et sombre.
Il n'y a pas de lune.
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L'homme a les yeux rétrécis lorsque le garçon l'attire dans la ruelle.
« Cinquante dollars, c'est ça ? » demande-t-il. « Tu me suces pour cinquante dollars ? »
« Ouais. » dit le garçon, et sa main glisse vers la poche arrière de son jean où il garde son couteau.
Le loup regarde depuis l'abri en carton, un grognement silencieux vibre à travers lui. Son garçon n'est pas intelligent ce soir. Pas intelligent du tout.
Non, il est désespéré.
Et il est faible et maladroit aussi. Lorsque l'homme essaie de pousser le garçon à genoux, le garçon sort le couteau. L'homme capture ses poignets, et fait tourner le garçon tête la première contre le mur de la ruelle. Le garçon a le souffle coupé, et le couteau claque dans la ruelle. L'homme le tient contre le mur.
« T'essayais de me voler, petit con ? »
Le garçon secoue la tête et sanglote.
Le loup s'avance alors, son grognement audible cette fois. Il montre ses crocs à l'homme.
« Merde, c'est quoi ça ? » s'exclame l'homme. Il libère le garçon et le pousse au sol devant le loup, comme s'il s'attendait à ce que le loup déchire le garçon en lambeaux, pour lui faire gagner du temps.
Jeté aux loups, rit la Mort.
Le loup enjambe son garçon.
L'homme court.
Le loup le poursuit.
Oui.
Il est un prédateur.
Oui.
Il tuera l'homme qui a essayé de blesser son garçon.
Oui.
Il est vivant.
Les pneus crissent sur l'asphalte, et le loup est aveuglé par les phares un instant avant l'impact.
Il est projeté dans les airs, puis il est dans le caniveau, et le garçon est accroupi sur lui, et il pleure, et le loup lèche ses doigts froids et minces, et il gémit.
« Non. » murmure son garçon. « Je suis désolé. Je suis vraiment désolé. S'il te plaît, ne meurs pas. »
Il y a une couronne de lumière derrière la tête de son garçon. Un halo sale venant d'un réverbère. Ça jette une douce lueur dorée sur le visage de la Mort, quand elle s'avance à son tour.
Le loup grogne, parce que la Mort se tient trop près de son garçon. Son grognement s'estompe lorsqu'il réalise que la Mort se rapproche de lui, et non pas de son garçon.
« Oh, Derek. » dit la Mort.
Le loup ferme les yeux.
C'est toujours tellement douloureux que la Mort ait le visage de Laura...
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Note de la traductrice :
Ainsi se conclut le premier chapitre complet de cette histoire. Avouez que c'est maintenant devenu beaucoup plus étendu que le petit one-shot de départ !
Et vous allez voir : au fur et à mesure des "27+1" chapitres de cette histoire, DiscontentedWinter va nous emmener encore plus loin !
Tellement loin, que cela nous paraîtra hallucinant...
À très bientôt, pour le prochain chapitre !
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