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CHAPITRE 2

Le chien respire encore, quand Stiles sort de l'arrière du SUV qui l'a heurté. Le conducteur est sous le choc, et il s'excuse abondamment depuis le début.
Et Stiles sait que ce n'est pas la faute du gars... Le chien se dirigeait vers l'homme qui avait blessé Stiles dans la ruelle, et il a couru devant le SUV. Donc c'est la faute de Stiles, pas vrai ?

La clinique vétérinaire n'est pas ouverte, mais il y a de la lumière à l'intérieur et quelqu'un qui se déplace, alors Stiles frappe à la porte. Elle est ouverte par un garçon aux cheveux noirs, qui n'a pas l'air plus vieux que lui.

« Mon chien... » C'est tout ce que Stiles parvient à sortir, avant de pleurer à nouveau.

Le garçon et le conducteur transportent le chien à l'intérieur, sur une couverture de pique-nique qui était à l'arrière du SUV du conducteur, et ils l'emmènent dans la salle d'examen. Stiles glisse ses doigts dans la collerette du chien et se penche près de son oreille, pour lui murmurer à nouveau combien il est désolé.

Le chauffeur se glisse vers la porte, et Stiles pense une seconde à lui courir après et à lui demander de payer la facture du vétérinaire, mais que se passerait-il si le gars refusait ? Alors, le garçon aux cheveux noirs saurait que Stiles n'a pas d'argent...

« C'est bon. » murmure-t-il au chien à la place. « Tu iras bien. »

Le garçon aux cheveux noirs vérifie le rythme cardiaque. « Son cœur bat bien. » dit-il.
Il passe ses mains dans la fourrure du chien. « Je pense que sa patte est cassée, et peut-être quelques côtes ? »

Son front se plisse et il fronce les sourcils, pendant qu'il manipule soigneusement la patte arrière du chien.
« En fait, ce n'est peut-être pas seulement une patte cassée. Je devrais vraiment appeler mon patron. Je ne fais ici qu'un boulot du soir, après l'école. »

« École vétérinaire ? » demande Stiles, en reniflant toujours.

« Non, lycée. » répond le garçon.

Il fronce le nez, en pressant doucement ses jointures contre la cage thoracique du chien. « J'aurais juré avoir ressenti une patte cassée, il y a une seconde. Il a vraiment besoin d'une radiographie. »

Stiles hoche la tête, malgré l'inquiétude qui le traverse. Il ne peut pas se le permettre. Il a trois dollars et soixante-dix cents dans la poche de son jean. Il n'a rien.
Et quand le garçon détourne son regard inquiet du chien vers Stiles, et le passe sur le corps de celui-ci, Stiles sait qu'il peut le deviner.

Peu importe à quel point Stiles essaie de rester propre. Peu importe s'il lave sa chemise de rechange, sous le robinet des toilettes du restaurant, tous les quelques jours. Il est toujours sale...
Il ne se souvient pas de la dernière fois qu'il s'est douché ou lavé les cheveux. Il ne se souvient pas de la dernière fois qu'il a mangé quelque chose qui n'était pas gras ou à moitié pourri. Il sait qu'il ressemble à de la merde. Il sait qu'il pue probablement comme de la merde aussi, et le chien avec lui.

Le garçon passe à nouveau ses doigts dans la fourrure du chien. « Est-ce que c'est un hybride de loup ? »

« Je ne... Je ne sais pas. »

Le garçon lui jette un regard inquiet. « On n'est pas censé en posséder, en Californie. »

Stiles ressent soudain un éclair de panique. Il s'avance, et pousse le garçon hors de son chemin.

« Nous partons. Nous allons simplement y aller. »

Le chien cligne des yeux, et fixe son regard sur Stiles.

« Mec, » dit le garçon, semblant à la fois plein de reproches et de regrets, « je ne vais pas te dénoncer. Juste, si quelqu'un le découvre, il pourrait être saisi et abattu. »

Le chien pousse un grognement.

« Il va bien. » répond Stiles, la voix inquiète. « Il va bien, n'est-ce pas ? »

« Euh... Je suppose ? » Le garçon a l'air perplexe. « Il avait l'air plutôt mal en point quand tu l'as amené ici. Je devrais vraiment appeler mon patron. »

« Non ! » Stiles tire sur la collerette du chien. « Allez. Viens, mon garçon. Lève-toi. Allez. »

Le chien gronde à nouveau.

Le garçon pose une main sur l'épaule de Stiles. « Mec, ne panique pas, d'accord ? Je n'appellerai pas mon patron, si tu ne le veux pas. Je ne vais pas... »

Il se mordille la lèvre inférieure pendant un moment. « Tu es sans-abri, n'est-ce pas ? »

Stiles se sent dépouillé, refroidi, et nu. Sa respiration s'accélère, et il hoche de la tête en baissant le menton.

« Écoute. » continue le garçon en redressant les épaules. « Je vais donner à ton chien des fluides, sans frais, parce que je peux vraiment utiliser cette pratique. Et ma mère m'a préparé un dîner que je n'ai pas encore mangé. Tu en veux un peu ? »

Stiles cligne des yeux vers lui pendant un moment. « Quoi ? »

« Des tamales maison [spécialité mexicaine]. » répète le garçon en fronçant le nez. « Je suis Scott, au fait. »

« St-Stiles. » répond Stiles, en sentant son cœur battre très fort.

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Le garçon du loup s'appelle Stiles.

Le loup s'en moque.

Stiles.

Qu'est-ce qu'un Stiles ?

Un Stiles est "Meute".

Un Stiles, ce sont des larmes salées et des sourires.
Un Stiles, ce sont de longs doigts qui ont le goût de la graisse des hamburgers, et des vêtements qui sentent la transpiration.
Un Stiles, ce sont des pieds qui emboîtent les pas du loup.
Un Stiles, ce sont des yeux ambrés, une peau pâle, et des grains de beauté.
Un Stiles, c'est une ancre sur les instincts du loup, sur son cœur douloureux.

Un Stiles est "Meute".

Stiles est assis sur le sol du bloc opératoire, pressé contre le côté du loup, et il partage ses tamales avec le loup, pendant que Scott nettoie.
Scott a rasé une petite touffe de fourrure sur la patte avant du loup. Il y a une canule collée sur la peau pâle en dessous, et un tube attaché à un sac de liquide, qui alimente lentement le loup. Ça sent étrange, mais ça ne rend pas le loup malade. Au contraire : ça semble accélérer sa guérison.

« Je travaille ici le lundi, le mercredi et le jeudi, après les cours. » explique Scott, pendant qu'il travaille. « La plupart du temps, je nettoie juste les cages et je nourris les animaux, une fois que mon patron a terminé la journée. Je l'appelle aussi en cas d'urgence.
Je suis habituellement ici jusqu'à neuf heures du soir, environ. Je suis également ici le dimanche après-midi, pour promener les chiens qui ont besoin de marcher, et pour nourrir ceux qui ont besoin de manger. »

Le loup pose son menton sur le sol, et regarde Scott à travers des yeux étroits.

« Alors, tu sais, » conclut Scott à Stiles, « si tu voulais passer, je pourrais vérifier comment va ton chien. Au fait, comment il s'appelle ? »

Le loup et son garçon échangent un regard.

« Il, heu, il n'a pas vraiment de nom. » répond enfin Stiles. « Je ne le possède pas, ou quoi que ce soit d'autre. Nous prenons soin l'un de l'autre. »

Scott fait une pause, une bouteille de spray antiseptique à la main. « Oh ? »

« Il m'a trouvé quand j'étais malade, » ajoute Stiles, « et il m'a apporté de quoi manger. »

La mâchoire de Scott tombe, et ses yeux s'écarquillent. « Sérieusement ? C'est incroyable. »

Le loup souffle.

Stiles lui sourit. « Oui, il est vraiment incroyable. »

Le loup grogne doucement, et Stiles partage un autre tamale avec lui.

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Le loup se méfie de Scott McCall, même s'il a un parfum de vérité. Le loup se méfie de tout le monde.

Une jalousie terrible brûle dans son ventre, quand il voit la façon dont son garçon se détend en présence de Scott, comment les lignes dures et les angles de son corps se relaxent en quelque chose de plus souple, de plus doux, comme lorsqu'il est allongé et endormi à côté du loup.
Le loup n'aime pas que Scott McCall puisse inspirer cette même confiance instinctive à son garçon.

Son garçon - son Stiles - est "Meute".

Scott n'est pas "Meute".

Le loup est une créature simple, qui fait des calculs simples.

Il n'aime pas Scott. Il ne veut pas que son garçon tisse des liens ici en ville.

Le garçon et lui doivent aller dans les bois, où c'est plus sûr. Ils doivent y construire une tanière, et chasser des proies, et ne plus jamais revenir dans l'odeur "d'huile-graisse-fumée" de la ville.

Rien ne pousse en ville. Rien ne prospère ici. La Mort les traque tous les deux dans la ville.

Dans les bois, il ne sera pas question d'argent ou de flingues.

Dans les bois, il n'y aura pas d'Adjoints scrutant l'obscurité après eux.

Dans les bois, il n'y aura pas d'hommes aux yeux étroits, qui essaieront de mettre Stiles à genoux.

Dans les bois, ils seront en sécurité.

Le loup grogne lorsque Scott retire la canule de sa patte avant, et montre ses dents lorsque le garçon passe ses mains sur lui, sans lui demander et sans être le bienvenu, cherchant des dommages qui ont guéri depuis longtemps.

« Je devrais l'appeler M. Ronchon(*). » dit Stiles, et Scott rit.

[(*) NDT : Le terme d'origine est "Mr. Cranky Pants", ou "M. Pantalon Grincheux".
J'ai trouvé cette définition : « Pantalon métaphorique qui imprègne le porteur de sensations de mauvaise humeur. Le niveau d'irritabilité dépend de l'étanchéité du pantalon. » (site anglophone Urbandictionary, traduction automatique de Google Traduction)]

Le loup détourne la tête.

« Hey. » Stiles s'agenouille sur le sol devant lui, et presse leurs fronts l'un contre l'autre. « Je ne faisais que taquiner. Seulement taquiner. »

Son souffle est chaud contre la fourrure du loup. Il pose une main tremblante sur l'épaule du loup.

« Tu m'as sauvé. Tu m'as sauvé, d'accord ? Ce soir, et tous les soirs, tu me sauves. »

Le loup ferme les yeux, et soupire de contentement.

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Il est tard quand ils retournent dans leur allée, et Stiles a un estomac plein de nourriture, un sweat à capuche, dont Scott a promis qu'il n'en avait pas besoin, et un paquet d'échantillons de friandises pour chiens, que le chien et lui vont totalement partager. C'est moins dégoûtant que de manger dans une poubelle. Un peu moins dégoûtant, en tout cas.

Le chien et lui se recroquevillent derrière leur abri en carton, et ils se penchent l'un vers l'autre. C'est une autre nuit froide. Stiles porte le sweat à capuche de Scott par-dessus le sien, et il tire les manches vers le bas pour couvrir ses mains.

Il est fatigué.

Cela fait trois mois, plus ou moins, qu'il s'est enfui de son dernier placement.

Il y a une étrange sorte de hiérarchie dans les placements en foyer d'accueil, avec laquelle Stiles est devenu intimement familier, au cours des quatre dernières années...
Obtenez une réputation de fauteur de troubles, de fugueur habituel, et les bonnes familles ne sont pas intéressées. Ou du moins, les assistantes sociales ne veulent pas les punir, ou les effrayer, en leur envoyant les pires enfants.

Ses dernières maisons, Stiles pense qu'il s'en serait enfui de toute façon, même s'il n'avait eu aucun endroit vers lequel s'enfuir. Leur ambiance suffisait pour au moins foutre le camp.

Il y a eu... des incidents.

Et donc, il s'est enfui.

Il avait fait tout le chemin du retour vers Beacon Hills, cette fois. Il n'avait pas d'argent, et pas vraiment de plan, mais c'était ça ou rester dans cette putain de maison, et tressaillir à chaque fois qu'il entendait le parquet grincer à l'extérieur de sa chambre, la nuit.

Ça n'avait pas été... ça n'avait pas été mauvais. Ça n'avait jamais abouti à rien, mais pas question de se leurrer : ça se dirigeait vers du chelou très foutu de merde !

Stiles s'était réveillé deux fois pour trouver le petit-ami de sa mère d'accueil debout, nu, dans l'embrasure de sa porte, la bite à la main...
Et après, quoi ? Il allait attendre pour voir comment cela se passerait ? Putain de non ! Il préférait tenter sa chance dans la rue, merci.

Il déglutit autour de la boule dans sa gorge.

Sauf que... Est-ce que ça se passe bien, pour lui ? Il a failli faire tuer le chien, ce soir. Et le chien lui a sauvé la vie quand il était malade, et il l'a encore sauvé ce soir. Le chien est son meilleur ami. Le chien est son unique ami.

Le chien est la seule créature qui a permis à Stiles de se sentir en sécurité, durant ces quatre longues années. Depuis qu'il a été traîné en hurlant hors des bras de son père, sur ordre du tribunal.

Ses yeux piquent au souvenir.

« Stiles. Stiles, gamin. Tout va bien aller. Tu vas bien aller. »

Un tel mensonge. Un si sale putain de mensonge.

La dernière chose que son père lui ait jamais dite, et c'était un mensonge...
Ce n'est pas le genre de mensonge pour lequel Stiles peut le détester. Pas quand il sait que ça a tué son père de le dire, autant que ça a tué Stiles de l'entendre.

Il ferme les yeux, et de chaudes larmes coulent sur ses joues.

Le chien les lèche.

« C'était censé être facile. » dit enfin Stiles, ouvrant les yeux.

Le chien dresse les oreilles, et le regarde attentivement.

« Revenir à Beacon Hills. » Stiles soupire. « Mais tout semble tellement différent de ce dont je me souviens. Ça fait tellement longtemps. Comment je suis censé trouver une solution ? »

Il frissonne, et se rapproche du chien. « Comment je suis censé bien le faire ? »

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